A SEANCE DOWN BELOW
ft. the Blackthorn

Le manoir évoque toujours à Kiran des souvenirs lointains – des échos d'une enfance partagée entre la peur de deux parents adoptifs froids et exigeants, et le bonheur des jeux fraternels et des petits instants chaleureux qui parvenaient tant bien que mal à se faire une place entre les murs glacials de la demeure. Des échos d'une présence disparue trop tôt, aussi ; il la voit partout, courir à travers les couloirs, se balader dans les jardins, observer les oiseaux par la fenêtre. Il entend parfois encore résonner les mélodies qu'elle jouait au violon. Il se souvient de la façon dont elle exigeait un bisou avant d'aller dormir comme si c'était hier. Il y a un morceau d'elle qui résidera toujours dans ce manoir ; c'est la raison pour laquelle Kiran a choisi de donner rendez-vous à ses frères, sœurs et cousins ici-même, dans ce manoir qu'ils ont tous quitté les uns après les autres. Dans une vingtaine de minutes le crépuscule décorera le ciel de teintes orangées, et sa fratrie arrivera. On dit que la limite entre les mondes est floue au crépuscule ; en attendant cet instant, il sort de sa contemplation, et se met au travail.

Il choisit de s'installer dans un petit salon lumineux dans lequel, alors qu'elle n'était encore qu'une petite fille, Eleanor se plaisait à jouer de son violon. Il a hésité avec son ancienne chambre (celle qu'elle habitait avant d'être enfermée et oubliée dans la tour), mais n'en a pas trouvé le courage – la pièce est abandonnée, rien n'y a été touché, et la blessure semble aujourd'hui encore trop vive. D'un coup de baguette, il insonorise la pièce, voulant garder les événements de la soirée loin des oreilles curieuses de leurs parents ou des serviteurs ; une fois cela fait, il recouvre une petite table ronde d'une nappe brodée d'un large pentagramme. Il dépose au centre une bougie blanche, ainsi que plusieurs pierres gravées de runes combinées représentant Odin et Hel. Il suspend un pendule devant ce qui sera sa place autour de la table, sur un crochet placé au dessus d'une petite planche sur laquelle sont gravés « oui », « non », et « incertain ». Il l'immobilise ; l'objet ne bouge pas, neutre. Il éteint d'un coup de baguette le chandelier au dessus de sa tête, et la pièce se retrouve plongée dans la lumière pâle du soleil couchant. C'est bientôt l'heure de la Séance. Lorsque les participants arrivent, Kiran tire les rideaux, plongeant la pièce dans la pénombre, leurs visages uniquement illuminés par la bougie au centre de la table. Il leur offre un sourire un peu crispé : « Installez-vous à table, le crépuscule va bientôt tomber. C'est le moment. » Ce soir, ils essayent d'appeler Baby.

Nouveau réveil en sursaut, cauchemars qui ne cessaient jamais, pleurs de baby qui résonnaient encore dans son esprit fatigué. Toujours les mêmes, les attaques, les pleurs, l’impression de la toucher du doigt mais elle n’est jamais là. Même dans l’appartement qu’elle partage avec Joker il lui semble l’entendre rire au détours d’un couloir dans la journée, et pleurer la nuit, lorsque la lune est haute dans le ciel. Elle est partout, plus que jamais et l’idée que ce soir-là ils allaient tenter de l’appeler mettait Adalia dans un état d’angoisse rare. Pourtant, elle ne s’était pas défilée, parce que Kiran lui en aurait voulu, parce qu’elle s’en serait voulue de ne pas jouer sa chance pour retrouver sa petite soeur, son trésor, mais aussi parce que quelque chose d’inconscient la poussait à vouloir des réponses. La journée était passée comme dans un songe, état second, concentration dilettante elle n’avait même pas tenté de donner le change, enfermée dans sa chambre une grande partie du temps, occupée à se rendre présentable pour retourner au manoir le reste.

Elle n’aime pas se rendre au manoir, le mariage d’Eliott avait été une tendre passade à son aversion pour ces lieux, ce soir-là, lorsqu’elle franchit les grandes portes de la demeure des Blackthorn, son sourire est bien moins brillant que lors de la réception du mois de mai. Parents à peine salués, regard froid de Claudia qui lui donnait toujours l’impression de la surveiller où qu’elle aille, elle avait rejoint l’étage, là où Kiran était déjà présent.

Regard quelque peu voilé et moue fermée, elle entre dans la pièce qu’elle évite soigneusement depuis des années. Comme toutes les pièces qui lui rappellent sa soeur elle joue d’ignorance. Feint qu’elles n’existent pas, qu’elles ont disparu avec elle mais il n’en est rien. Et comme la tour qui jette son ombre sur sa chambre d’enfant, elle ressent l’âme de baby partout. Le petit salon n’avait que peu changé, elle imaginait encore la petite tête blonde concentrée sur son violon, long cheveux d’or qui lui donnaient l’air d'un ange. Son ange, disparu. Elle serre les dents, mains qui s’escriment sur le tissu de sa robe noire pour compenser l’inconfort dans lequel elle se trouvait elle s’accroche aux derniers rayons du soleil rapidement obscurcis par les rideaux. « Je ne suis pas sûre que ça soit une bonne idée Ghost… » Qu’elle murmure d’une voix un peu trop rauque, déjà enrouée par des émotions qu’elle peinait à contenir, en suivant néanmoins docilement la consigne de son frère. L’assurance habituelle d’Adalia était mise à mal ces derniers temps mais sa fratrie savait bien que le sujet de baby était encore plus difficile que les autres, blessure qui ne guérissait pas, manque constant de cette petite soeur dont elle n’avait jamais vraiment accepté la mort.

« Non. » avait été la seule réponse qu'elle avait donnée à son frère. Le nom d'Eleanor résonnait encore douloureusement dans son cœur, incapable de regarder la tour du manoir sans un frisson, incapable de jouer du violoncelle sans entendre l'harmonie délicieuse de baby dans son oreille, incapable de regarder Aloyisus et Claudia sans penser à ce qu'ils ont fait. « Non, c'est n'importe quoi. »

Parce qu'y croire voudrait dire que ce soit possible,
parce qu'y croire voudrait dire lui parler,
y penser, le revivre, encore et encore.

Depuis toujours sceptique à l'amour étrange de Ghost pour les sciences occultes qu'Awa plaçait au rang d'artefact et d'histoire à raconter tard le soir, elle n'avait pourtant pas eu le choix. Implicitement, quelque chose la poussait à ne pas manquer cette soirée, être présente, si ce n'est que physiquement, pour ses frères et sa sœur, pour baby, pour tout ce qu'ils ont vécus. Transplanant directement dans l'entrée du manoir, sa silhouette apparaissant en un flou de poussières, Awa ne prit pas la peine de tourner les yeux vers le grand salon où son père passait le plus clair de ses soirées. Les talons claquaient dans le couloir, lui faisant oublier les souvenirs d'enfances, les douleurs et les peines, les joies fébriles entre deux périls.

Entrer dans le petit salon lui demande un effort qu'elle se force à faire, mâchoire serrée et bras croisés. « ça n'en est pas une, voilà pourquoi, Moon. » Le regard perçant de l'aînée observait les deux autres avec colère, alors qu'elle dépassait la table pour aller se poster près de la fenêtre, « C'est n'importe quoi. » s'adossant contre celle-ci, impassible.
Mécanique de défense contre les vieux démons.

A SEANCE DOWN BELOW
ft. the Blackthorn

Le manoir caresse l’horizon, vient éveiller les sens. J’oublie, parfois, les souvenirs sombres qui le hante. Ma présence n’a rien d’inquiétante, n’est pas indispensable. Elle vient juste rappeler, que mon enfance est morte en haut d’une tour. Je ne devrais pas être là, je m’étais juré de ne pas sauter cette ligne invisible, cruelle. Les morts restent morts, parfois, mais ce soir, les questions doivent être posées, pour certains. Les pieds qui traînent, le cœur qui se serre, cogne, hurle. L’idée de revenir, encore, me met mal à l’aise. Je nous revois, courir, oublier que demain, nous serions grands. Ça en est presque risible, sachant que notre enfance n’a jamais été comme celle des autres. Adoptés ou non, promis l’un à l’autre. Le sang qui ne se mélange plus, les secrets qui implosent, qui prennent places. On ne vit que de ça. Mensonges, illusions, serments, traditions. Et pourtant, ce soir, on se retrouve tous dans le même bateau. Un bateau qui tangue, qui valse, qui risque dangereusement de s’écraser contre les rochers épineux de la vérité. Mais est-ce que je veux, de cette vérité ? Egoïstement, pas forcément. J’ai changé, trop. Ety j’évite, ceux qui ont grandis dans ma tête, auprès de moi.

Silencieusement, tel un fantôme de minuit, j’entre dans ce petit salon où elle aimait temps jouer du violon. Endroit parfait, lugubre, merveilleux. Je l’entends encore, jouer de ces notes mélodieuses, se laisser vaguer aux cadences des sons. Ils se parlent, semblent se demander quoi faire, où le faire. Je reste là, sur le pas de la porte, ombre obscure qui avait juré de ne pas se présenter. Sœur, frère, cousine, fiancée. Tableau presque trop familiale, familier. Mon épaule s’appuie contre un mur, mes mains glissent dans les poches de mon jeans. Cheveux bruns en batailles, jamais domptés, toujours en rébellion. Pas une bonne idée, ou si, ou non. Ils savent pas se mettre d’accord, comme indécis sur le fait d’éveiller les morts. Il fallait y songer avant… « Une phrase quelconque ? Tu veux quoi, lui demander si elle a dansé toute la nuit ? » Cynisme qui tombe, qui pique, alors que je hausse un sourcil. Le cadet vient de se montrer, le quatrième. Moi. Il est mort, le gosse, y’a bien des années. Mon caractère s’est cabossé, fermé, renforcé. Trop jeune pour affronter la réalité, j’ai préféré y échapper, me barricader. Enfantin, mais radicalement évident.

Et j’avance, enfin, pour glisser vers celle que je vais devoir épouser, plus tard, dans quelques années. Instinctif, habitude qui reste malgré la froideur de nos échanges à l’heure actuelle. Pas un regard pour elle, mes iris viennent se caler dans celles de Kiran. « Je reste certain que les morts devraient rester en paix, mais étant donné que vous semblez décidez, autant ne pas perdre de temps. »

Le pas autoritaire, la démarche rigide, tu ne sais pourquoi mais tu es d’une humeur presque massacrante. Depuis que Ghost t’a murmuré cette idée au détour d’un couloir, t’as la mâchoire crispée et la mine grisée. Pas que l’idée de revoir ta jeune sœur te soit inconcevable, nul doute que tous tes murs s’écrouleront si sa silhouette se dessine sous tes yeux, mais tu n’apprécies pas que l’on joue avec le repos des morts. Si votre princesse a pris sa propre vie, ce n’est pas pour être arrachée à son repos. Et qui sait ce que les esprits vous réservent, au moindre faux pas de votre part. Tu ne crains que peu les Dieux, ni les Hommes, mais tu ne souhaites pas compromettre le salut de l’âme de ta sœur ou celui du reste de ta famille.
Mais tu as senti ce vent d’espoir, dans le regard d’Adalia, de Kiran. Tu as voulu les envoyer balader, faire le grand frère, gueuler un coup pour les remettre à leur place. Celles des vivants. Vers l’avenir. Aller fouiner dans le passé, c’est ton job et celui des rats. Pas à eux qui ont un avenir à préparer. C’est une autre raison pour s’opposer à cela. Qui pourrait prédire les secrets parfaitement cachés que l’on pourrait déterrer, enfermé soigneusement dans le cercueil de Baby ? Cela compromettrait bien des choses, et tu crains que ce soit la secousse de trop qui te poussera dans le gouffre de la folie. Et vu ton apparence du jour, tu en es très proche, du gouffre.
T’as les cheveux ébouriffés, tombant en partie sur ton œil absent. Ce dernier est caché par un bandeau aussi noir que le reste de ta tenue, de ton t-shirt trop large et au col dévoilant tes clavicules, à ton jean déchiré de toute part. Sous ton autre œil se creuse de profonds cernes, dont le violet fait écho aux hématomes présent sur tes bras et cou. Tu n’as cessé de t’entrainer ces derniers jours, ne sortant peu pour voir les monde -chose étrange venant de ton être pourtant si mondain. Tu voulais garder ton esprit occupé, pensé à autre chose que Baby. T’as menti à Adalia, lui disant que tout allait bien, mais la vérité c’est que tu l’entends aussi, ta petite chérie, qui t’appelle toute la nuit. Un de tes mensonges, c’est que tu as plusieurs rendez-vous privés et que c’est pour cela que tu découches, mais la vérité est autre. T’agonises, et comme les animaux se cachent parfois pour mourir, tu préfères aller arpenter la ville seul que tourner en rond dans ta chambre.

Enfin, tu fais ton entrée dans la salle, sans réelle cérémonie. « Bonsoir. » Ceux qui étaient au manoir aujourd’hui ont dû t’y voir tourner en rond, aboyant presque à la moindre question posée. T’es en retard, tu le sais, ce n’est pas ton habitude non plus. Ton œil scrute les installations, bien que tu ne sois pas expert, tu sais reconnaitre certains détails. « Acceptez l’idée que Baby ne voudra peut-être pas nous parler. Que son âme s’est peut-être déjà réincarnée, ou que simplement nous ne puissions l’atteindre. Et soyons prudents, il y a assez de squelettes dans les placards dans ce manoir pour en ajouter de nouveau en contactant le mauvais esprit. Mais Kiran sait ce qu’il fait, n’est-ce pas ? Suivons ses indications, nous verrons bien. » Tes mots, tu les débites en t’installant à la place qui t’est dédiée. Fermé et concentré ce qu’il va se dérouler, tu es l’ombre de toi-même.

(( hrp )):

Ce n'est pas qu'elle ne voulait pas y croire. Awa n'était pas dupe, et même si elle méprisait le choix d'études de son petit frère, elle avait déjà eu à faire à plusieurs fantômes pour ne pas réfuter leurs existences. Elle ne voulait simplement pas raviver les douleurs, réveiller Baby, lui infliger, même dans l'au-delà, la présence étouffante d'une famille brisée, une possible nouvelle prison à son âme, elle qui s'était libérée. Un à un, les membres de sa fratrie étaient entrés et s'étaient installés. Son regard sombre s'arrêta sur Quartus qu'elle trouvait particulièrement sombre. Elle étudia ses gestes, ses regards et retint à soupirer à ses paroles. Il ne semblait pas stable, et tout le monde autour de la table connaissait ses humeurs.

Awa chercha le regard de Mikhaïl quand celui-ci fit son entrée, d'une humeur toute aussi massacrante que la sienne et fut surprise d'y percevoir ces murs si haut placés, également à son égard. Elle méprisa instantanément sa tenue, et remarquait aisément les démons qui flottaient autour de lui. Elle l'observa s'installer, et se mis en mouvement avant que Quartus n'ait pu finir sa phrase pleine de cynisme. « Ce serait dommage qu'un autre démon vienne te hanter, jok, mh ? » L'aînée s'approcha et agrippa son épaule d'une griffe acérée, « Sois tu la fermes pour le reste de la séance, sois tu dégages, c'est clair ? Tout le monde doit être capable de se contrôler, on n'a pas vraiment le temps pour tes petits jeux. Si tu n'as pas les épaules pour, je me ferais un plaisir de t'accompagner dehors, cher cousin. »

La Blackthorn releva son regard assassin vers Ailla, qu'elle savait la première à même de réagir pour protéger son frère, lui demandant implicitement de ne pas la pousser à bout, avant de lâcher lentement l'épaule du garçon et de contourner la table pour prendre part entre Mikhaïl et Adalia, posant sur la cuisse du garçon une main ferme, pour l'encrer dans le présent, nullement impressionnée par sa sombre attitude.

résumé : Awa observe toute la fratrie et particulièrement mikhaïl, et remet à sa place quartus après une remarque acerbe pour jok, puis prend place à la table. (nb: je me suis permise de jouer quartus afin de le faire taire pour qu'on puisse faire comme s'il était là sans trop s'embêter. )

Kiran les regarde, presque tous présents, dispersés dans cette pièce aux échos d'enfance détruite et de deuil infini ; les mines sombres, empruntes de doutes, d'inquiétudes – d'agacement pour Awa, qui ne manque pas de faire remarquer à quel point l'idée lui paraît sotte en réponse aux préoccupation d'Adalia. Kiran ne lui fait pas l'honneur d'une réponse, habitué aux désaccords avec sa grande sœur, et se contente de lever les yeux au ciel. Ailla, elle aussi perplexe, s'assoie néanmoins à table mais questionne le voyant sur les méthodes employées pour contacter l'outre-tombe. Une remarque acerbe de Quartus vient le couper alors qu'il s’apprêtait à répondre ; l'indien lui lance un regard agacé, avant de se tourner à nouveau vers l'aînée de ses cousines : « Aussi cliché que cela puisse paraître, se tenir les mains sera essentiel – partage d'énergie, tout ça. Pour le reste... » Kiran baisse les yeux, repense aux heures passées sur les vieux grimoires écrits exclusivement en caractères runiques qu'il a passé une éternité à traduire, à ses propres racines indiennes et l'héritage familial qu'il porte dans ses veines. Il pense à l'amour que la Mort semble lui porter, elle qui le suit dans ses visions et qui a tenté de le happer durant bon nombre d'overdoses. « … Je m'en occupe. J'ai besoin de vous pour m'ancrer – nous ancrer. Et pour sentir certaines choses que je serais peut-être trop préoccupé pour remarquer. » Il relève le nez, croise le regard de Juliette, venue se tenir à côté de lui, silencieuse mais semblant croire en lui malgré les doutes du reste de la famille. Il pose gentiment une main sur son épaule et lui offre un petit sourire reconnaissant. « Je suis sûr de moi, » assure-t-il à Kaiden – probablement son cousin préféré, avec la petite dernière.

Mikhail fait alors son entrée dans la pièce, d'une humeur massacrante ; Kiran fronce légèrement les sourcils en constatant son apparence, mais se garde bien de faire la moindre réflexion. Joker ramène l'attention des huit autres Blackthorn présents sur lui – il a toujours eu un charisme et un statut particulier au sein de cette famille – et prévient chacun des possibles issues et risques de cette séance, chose pour laquelle Kiran lui est reconnaissant. Lui que tout le monde ici connaît comme étant Ghost n'a pas l'habitude de se faire remarquer parmi sa fratrie et ses cousins, préférant habituellement se couler dans l'ombre et se faire oublier. Il adresse à son frère un hochement de tête confiant, promettant silencieusement de faire en sorte que rien ne dérape. Un Quartus cynique se fait rapidement taire par l'intervention de Velvet, qui prend place autour de la table. Kiran lance un dernier regard général, invitant chacun à s'installer, avant de se placer lui-même à côté de Joker. Le voyant pose ses mains sur la table et lie ses petits doigts à ceux de Mikhail et Kaiden. « Prenez-vous les mains ; on est tous liés à elle, cela renforcera notre connexion et ça me permettra de m'ancrer plus facilement. » cela fait, il prend une inspiration profonde, libère son esprit de toute pensée vagabonde pour se concentrer uniquement sur sa tâche. « Maintenant, pensez à elle – visualisez un souvenir heureux que vous avez d'Eleanor. Dans quelques instants je l'appellerais, et on verra si elle se manifeste ; si c'est le cas, n'hésitez pas à poser des questions formulées de façon à ce qu'elle réponde par oui ou non grâce au pendule. » Lui-même se plonge dans ses propres souvenirs, revoyant avec précision un après-midi d'été passé ici-même dans ce salon, des années plus tôt ; il essayait de la déconcentrer et de la faire rire alors qu'elle tentait de déchiffrer une partition de violon. You're so silly, Ghost, a-t-elle dit en éclatant de rire face aux bêtises qu'il déblatérait. Gardant ce souvenir vif en tête, il visualise les symboles runiques des Dieux de la divination et des Morts – Freyja, Odin, Hel – avec lesquels il travaille, puisant l'énergie des pierres gravées de ces runes posées sur la tables ; petit à petit, il sens à travers les mains liées de ses frère, sœurs et cousins la magie qui émerge de leur cercle. Un frisson hérisse soudainement les poils de ses bras, et ses yeux se brouillent, aveugles, tandis qu'il laisse cette part de lui qu'il a si longtemps rejeté (son don qu'il a si souvent maudit) prendre le pas sur sa conscience.

Plongé au plus profond de lui-même, il ne remarque pas la flamme de la bougie redoubler de vigueur, et ne sent pas la température ambiante se faire plus froide à l'extérieur du cercle. Sa respiration se fait plus lente ; le silence règne quelques instants de plus, puis il prend la parole : « Eleanor Quinta Blackthorn, Baby. Petite sœur, es-tu là ? » Sur la table, suspendu au crochet, le pendule, jusqu'à présent immobile se met alors à bouger. Oui.

hrp :

Spoiler:

Chacun leur tour, les membres de la famille font leur apparition dans la pièce, chacun leur tour, les Balckthorn font valoir leur inquiétude, leur humeur, leur perplexité : mais, Adalia, perdue dans un songe n’y prête que peu d’attention. Regard perdu dans le vague, observant sans vraiment les voir les runes sur la table : Will you be there ? Qu’elle demande silencieusement à la voix qui la poursuit sans répit des mois. Mais l’esprit est étrangement silencieux depuis qu’elle est dans le manoir, ou bien est-ce le traitement qui fait finalement effet, elle en doute cependant. Prostrée dans son silence, elle attend que tous arrivent, elle étouffe déjà à l’idée que Kiran puisse échouer, panique déjà à l’idée qu’il puisse réussir.

Ils sont finalement tous présents, et prennent place autour de la table dans une ambiance morbide. Certainement aussi affecté qu’elle pouvait l’être, mais ayant toujours réagi avec bien plus d’ardeur qu’elle aux affres de leur quotidien, Quartus se fend d’une remarque acerbe à l’intention de Joker dont l’état ferait même pâlir d’effroi les morts. Regard courroucé de l’espagnole, elle n’a le temps de rien dire avant qu’Awa ne calme d’un ton qui ne souffrait d’aucune constatation le jeune homme. Elle le sent qui se glace, qui se referme sur le lui même, se mure dans le silence. « Je t'en prie mi cuervo… Fais un effort… » Qu’elle souffle, presque plaintive à Quartus en lui lançant un regard implorant, grands yeux clairs qui tentent d’accrocher les siens, sans grand succès. « Pour elle, si ce n’est pas pour nous. » Pour moi aurait-elle voulu ajouter mais elle savait qu’elle n’aurait fait que se heurter au mur de froideur que son cousin avait érigé entre eux. Timidement presque, sa main vient s’accrocher à celle de sa moitié, l’autre rencontre celle d’Awa, serre déjà les doigts de sa grande soeur entre les siens, anxieuse de ce qu’il allait se passer.

Au début, peu de choses, seulement les souvenirs qui tournent en boucle dans son esprit, les rires, les jeux, les confidences, du plus loin qu’elle s’en souvienne, son pendant lumineux. Elle était le soleil, elle la lune, inséparables, complices, âme soeur. Et soudain, une énergie étrange qui vient la prendre aux tripes, une souffle, le froid qui s’installe, se cheveux qui se hérissent sur sa nuque, comme si une présence venait susurrer à son oreille. Oui. Murmuré en silence. Interdite, elle relève les yeux vers le pendule, stupeur qui se lit sans mal sur ses traits fatigués, elle glapit, faible plainte qui se glisse entre ses lèvres gercées, les mains qui veulent s’échapper mais solidement tenues de part et d’autre elle sent l’angoisse monter dans sa poitrine, bile qui emplit sa gorge, sa respiration s’affole, elle veut partir avant que les larmes ne passent la barrière de ses yeux. You’re here.

Quartus évite toujours son regard, elle cherche une accroche dans celui de Kiran mais il semble bien loin de tout, dans un état second, Juliet elle, est émerveillée, elle détourne les yeux, cherche à croiser les yeux d’Awa tandis qu’elle serre avec force sa main dans la sienne, jusqu’à en avoir mal. Et si son esprit cartésien lui aurait habituellement hurlé de prendre garde, de ne pas retrouver l’espoir trop vite, si habituellement sa raison l’aurait poussée à vérifier, à poser une question qui aurait mis à mal la couverture d’un esprit malin, elle était persuadée que c’était bien Baby qui avait répondu à leur appel. Persuadée qu’elle était là parce que cela faisait des mois qu’elle la suivait, des mois qu’elle lui parlait. « Hi princess. » Qu’elle murmure, presque seulement pour elle tandis que son regard embué de larmes se fixe à nouveau sur le pendule, cesse de chercher la silhouette frêle et les cheveux blonds de sa soeur dans le salon sombre.

résumé:

Déraciné, tu n’as que peu de souvenirs des récits qui ont pu bercer ton enfance. Pourtant, il y a une chose que ta mère t’a toujours murmuré, c’est que le monde des âmes a des lois aussi instables qu’impitoyables. Alors tes paroles, tu les veux graves et solennelles sans pour autant t’attarder dans du lyrisme. Tu sais ta tenue en parfait contraste avec l’allure que tu revêtes habituellement, mais tu t’en moques -s’il suffisait d’un bout de tissu pour se faire entendre, le monde serait bien différent. Mais Quartus, bien sûr, ironise et tu choisis de l’ignorer purement et simplement, n’esquissant qu’un léger sourire ironique. Chacun a le droit de gérer le stress à sa manière après tout. Et puis, tu n’as pas à agir, déjà Velvet pose ses griffes sur l’impudent et sa fratrie tente de l’apaiser. Toi, tu croises les jambes et continues à regarder le maître de cérémonie, Ghost. Il capte ton regard et te rassure du sien. Cela n’enlève aucun de tes doutes mais te donne l’envie de prétendre, ne serait-ce que pour être un soutien.
Awa te rejoint quand le trouble est dissout. Une main impérieuse s’impose sur ta cuisse, bien que plus douce que celle qui a malmené Quartus quelques instants auparavant. Tu souffles du nez, vous êtes sur un pied d’égalité, vous deux. Jamais tu n’arriveras à dresser des murs si hauts qu’elle ne puisse les franchir. Un clin d’œil en sa direction, tu reportes ta concentration sur le présent. Tes paumes brûlantes dans celles de Kiran et Awa, l’œil mi-clos tu obéis aux instructions.
Un souvenir… Par lequel commencer ? Ils se bousculent, se mélangent presque. Bons et mauvais, poisons et remèdes… Tu te souviens de sa première nuit passée au manoir, où tu l’as trouvé sous les escaliers, à pleurer. Tu l’avais calmée avec un chocolat chaud et quelques gâteaux volés dans les cuisines. Avec quelques douces paroles, elle avait fini par prendre ta main et t’avait laissé aller la border. À sa demande, tu avais veillé sur elle et on t’avait retrouvé endormi sur le fauteuil proche de son lit.
Soudainement, un vent froid se glisse dans ton coup et la flamme devant toi danse avec plus d'intensité. Tu te demandes presque si ce n’est pas de ton fait, au vu de ton affinité avec cet élément dans ta magie. Mais la voix de Kiran résonne et ses yeux semblent perdus dans l’outre-tombe. Ne voulant pas le perdre, tu serres sa main avec un peu plus de force, attentif à ce que sa transe ne soit pas trop intense. Puis le pendule bouge et t’hypnotise, révélant bien la présence d’un esprit. La révélation est électrique, te tétanise. Ton œil court dans l’assemblée, capte le regard d’Adalia aux yeux embués. Les réactions se succèdent, Juliet qui s’émerveille, la prière de Kaiden, les excuses d’Ailla… À ces derniers, tu fais échos. Silencieux, presque impassible, ta voix est pourtant étrangement douce et chaleureuse : « Hi Baby. Tell me sweatheart, do we trouble you ? Did we scare you ? We are so sorry, but we missed you so much. Tu me manques, Eleanor. »

(( hrp )):

Mâchoire serrée, regard dur, Awa sonde sa fratrie avec le regard de celle qui n'a aucune envie d'être là. Elle accepte de lier ses mains à celles de sa petite sœur, sent tout de suite son besoin d'assistance. Elle l'observe alors un instant, inspire, longuement. Se calme, doucement, afin de pouvoir insuffler à Adalia le calme dont elle à besoin. Puis son regard se tourne vers l'aura sombre de joker, glisse sa main dans la sienne, hoche doucement la tête avant de se re concentrer sur ghost.

Un souvenir heureux. L'aînée inspira profondément alors qu'à peine ses pensées tournées vers baby, le doux son du violon, couplé du violoncelle et du piano, força son passage depuis ses souvenirs les plus enfuis. Fermant les yeux pour se concentrer, elle se laisse envahir par la douceur des cheveux de blés, le regard et le sourire innocent de leur petite sœur qui lutte à chaque seconde, éternelle, pour chasser les mauvais sentiments. Elle se souvient courir après elle dans les immenses jardins, la garder loin de l'oeil mauvais du paternel, pour un instant, pour un moment, qu'elle se dise I'm just like every other little girls. Le frisson froid longe l'échine d'Awa alors qu'elle rouvre les yeux, interdite, fixant le pendule mouvant sur la table. Relation conflictuelle entre le plaisir, fugace, de s'imaginer discuter avec Eleanor, encore une fois, et la rage mortelle de l'avoir réveillée, dérangée, rappelée à eux, à toute la noirceur du manoir et la douleur.

Elle entend à peine le murmure de sa petite sœur, mais sent les émotions au travers de ses doigts broyant sa main. Un instant, Awa la regarde, cherche au plus profond d'elle le courage dont moon à besoin, insuffle le calme alors que sa main gauche se raidit elle aussi sur les doigts de Mikhail. « Hi. Baby. Tell me sweetheart, do we trouble you ? Did we scare you ? We are so sorry, but we missed you so much. Tu me manques, Eleanor. »

L'envie de quitter la table fait pulser le sang dans ses veines, sur sa tempe, lui donne presque le tournis alors qu'elle fixe intensément le pendule en soufflant « Is that really her ? Why is she here ? » La deuxième question se fait plus pressante alors qu'elle fixe son regard lourd sur Kiran, pourtant loin dans sa transe, incapable de la voir.



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