Installé à son bureau du bullpen des stagiaires de l’unité de capture des loups-garous, le futur auror avait rédigé une énième note destinée à sa partenaire @Alice Hangbé avant de jeter un œil à l’heure. Les doigts noués à son cou (pas celui de sa fiancée, malheureusement), il se défit de sa glorieuse cravate d’un bleu vif pour en adopter une plus sobre et mieux adaptée à une rencontre avec celle qui supervisait son stage. Réintégré au Bureau des aurors depuis septembre, il se savait en probation – le doctorant avait pu poursuivre sans peine son parcours universitaire, mais l’élite des forces publiques demandait davantage de comptes. On voulait d’abord savoir si certaines aventures américaines et musicales étaient venues émousser les réflexes du duelliste, et s’il était toujours digne de sa future profession.
Se frayant un chemin vers le bureau des aurors, la différence le frappa dès qu’il pénétra dans l’antre des forces publiques – y voyait-il un contraste saisissant parce qu’il y surperposait sa propre situation en miroir (jamais, allons). À la testostérone grivoise des traqueurs de loups-garous trop heureux de faire le sale boulot et de brutaliser là où d’autres ne pouvaient se le permettre se suppléait l’atmosphère des cœurs de lion du Ministère – on ne rassemblait pas autant d’ex griffondor et wright ensemble sans qu’une teinte courageuse ne vienne vernir le portrait (et peut-être digne des meilleurs bros de ces fraternités universitaires qu’on voit dans les films moldus, mais ils le nieraient en bloc, un sourire en coin aux lèvres, avant de se fist bump lorsque les inquisiteurs auraient le dos tourné).
Evan cogna à la porte, attendant patiemment qu’on lui fasse signe d’entrer. Il ne doutait pas de l’horaire de ministre de la Galloise – les adjoints n’étaient-ils pas généralement condamnés à supporter la part du lion du travail, pour ne récolter qu’une fraction des lauriers? De surcroit, les têtes fraichement couronnées en supportaient le poids d’une façon toute particulière – sans vouloir en montrer la pression nouvelle sur la nuque, et l’échine bien relevée pour ne pas montrer l’étrangeté de ces nouvelles sensations, si souhaitées soient-elles. Les couronnes ne sont pas faites pour être confortables, lui avait dit @Nathaniel Wakefield plus d’une fois – ses conseils déguisés sous de sibyllines formulations généralement chassées d’un geste de la main par son cadet qui, s’il était capable d’en saisir les subtilités, refusait d’y laisser reposer son propre esprit.
« Ms Wynne », la salua-t-il, ponctuant ces mots d’une échine légèrement recourbée – Nerys n’avait pas été bon public pour ses élégantes (et extravagantes) révérences jadis, elle ne le serait certainement pas à présent qu’elle était installée là-haut, à plusieurs échelons au-dessus du musicien. « Merci de m’accorder votre temps ». L’Écossais s’installa face à la jeune femme à son invitation, haute stature repliée en posture assise – au repos, ainsi dans ce siège qui devait accueillir de nombreux aurors, la posture recourbée donnait l’impression d’un ressort prêt à bondir au besoin, se fondant pour l’heure dans une pose languide.
Plus jeune, à l’époque de son premier stage, il aurait occupé davantage l’espace entre eux, meublant le silence de suggestions sur le déroulement de la rencontre et ponctuant l’air de formulations spirituelles. On le qualifierait si aisément d’agaçant s’il n’était pas doué – heureusement pour lui, le Calédonien n’était pas aussi exubérant en cadre professionnel que dans sa façon amusée et curieuse de se mouvoir en société. Ce qu’on ne saurait blâmer sur l’âge pourrait à tout le moins être attribué à l’expérience en la matière : celle des supérieurs impatients et des collègues ne sachant que faire des bretteurs qui aiment autant jouter par les armes que la langue.
C’est donc un héritier préparé qui se tenait droit face à Nerys, ses dossiers de propositions éthiques nettement empilés dans un classeur aux armoiries universitaires (ne l’aurait-il pas subtilisé à un certain secrétaire, arguant haut et fort qu’une paperasserie de moins ne lui ferait pas de tort, et à lui, lui sauverait la mise?).
Une part de son habileté sociale résidant dans sa tendance à aborder autrui d’un air affable et tranquille, le futur auror ne trébucha pas sur les nombreux esquifs interrelationnels qui auraient pu lui faire perdre l’équilibre – ancienne collègue d’études, certes plus âgées, duelliste au bois croisé à de nombreuses reprises, devenue partenaire lors de son premier stage. Une constellation de points saillants, et pourtant, la galaxie qu’était devenue la Galloise paraissait presque trop ordonnée au fils des highlands, au parcours éminemment plus sinueux, qui l’avait fait atterrir … précisément là où il était lors de leur premier partenariat : comme stagiaire.
Une nouvelle carrière d’auror junior était inenvisageable – certaines conditions avaient été inscrites dans le marbre lors de sa réintégration familiale, et on s’attendait à la grandeur de la part des Wakefield. Un simple auror qui n’atterrirait pas dans sa position avec mention et un futur ambitieux au sein de son département était inacceptable, lorsque le père était à la tête du département voisin et que le frère s’illustrait depuis les débuts de sa carrière au Magenmagot.
« Je suis conscient que cette rencontre se voulait d’abord centrée sur l’évolution de mon stage de réintégration au sein du Département, mais j’aimerais également vous soumettre une proposition de recherche, si vous avez quelques instants supplémentaires à m’accorder ». L’ensemble était prononcé respectueusement, le you britannique ne connaissant pas les circonvolutions de politesse d’autres langues d’ascendant germanique. On disait you en anglais à son meilleur ami comme au Ministre de la Magie – et pourtant, en français, l’auror l’aurait bien vouvoyée, et imprimait à son ton un respect tranquille, mérité par deux fois, à celle qui avait été sa presque égale jadis : une fois, pour sa position, et une autre, pour sa psyché.
- InvitéInvité
temet nosce (nerys)
Jeu 6 Aoû 2020 - 15:39
In which we observe an intern in his natural habitat when facing a superior – cautious.
(c) SIAL ; icons rosesnstitches; @Nerys Wynne
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