Juliet venait de souffler ses bougies. Sa famille était là, tout autour d’elle. Le manoir était plongé dans la semi-obscurité le temps que la cadette éteigne les 21 mèches enflammées qui tronaient fièrement sur un magnifique fraisier réalisé par Tertia. Pas de chanson chez les Blackthorn mais de beaux sourires et plusieurs cadeaux à déballer pour celle qui fetait une année de plus.

Juliet avait déballé une grande partie de ses cadeaux, si bien que les papiers d’emballages jonchaient désormais la table. La jeune Blackthorn avait embrassé ses proches, elle avait même été particulièrement touchée par un cadeau offert par son oncle, un ouvrage réputé sur le développement de la psychomagie ces dix dernières années.

Cette soirée aurait pu se terminer sur cette note douce, une jeune fille prenant une année, entourée de ses proches et gâtée, dégustant un gâteau formidable réalisé par une soeur aimante… Mais la mère de Juliet s’était levée avec la tête de quelqu’un qui avait une surprise à dévoiler. Elle avait doucement tapé sa cuillère contre son verre à vin.

- Encore un très joyeux anniversaire ma chérie. 21 ans, te voici devenue une très belle jeune femme dont je suis particulièrement fière.

La née Drummond fit une pose assorti d’un sourire auquel sa fille répondit sincèrement. Alicia n’était pas habituée de ce genre de grandes effusions mais des quatre parents Blackthorn, si ça devait être quelqu’un, ça ne pouvait être qu’elle. Elle continua :

- Je vais surement en surprendre plus d’un autour de cette table aujourd’hui mais sache que ton anniversaire n’est pas le seul heureux événement à fêter aujourd’hui.

Sans savoir pourquoi, Juliet senti un noeud se créer dans son ventre instantanément. Si certains autour de la table avaient continué leur discussion, Alicia avait désormais la pleine attention de chacun des membres de cette famille. Elle avait la pleine attention de tous, et tous apprirent la fameuse nouvelle à cette instant.

- Sixtine, j’ai eu la confirmation il y a quelques jours de tes fiançailles avec un très charmant français, Maximilien Leroy, que tu rencontreras dans quelques jours lors de notre voyage dans les Pyrénées Atlantiques.

Silence. Rideau. Si Juliet fut abasourdie par la nouvelle et si elle palit légèrement à l’annonce, elle garda un visage parfaitement neutre. Elle arriva même à sourire à sa mère qu’elle avait regardé pendant quelques seconde comme une inconnue :

- Je suis ravie de l’apprendre, mère.


Le dîner n’avait pas duré bien longtemps après l’annonce, le temps de chacun de digérer la nouvelle et d’entendre d’autres conversations être abordées. Comme tout à chacun, Juliet avait quitté la table et avait finit par retrouver le calme et la solitude de sa chambre.

Encore abasourdie, la blondinette s’était assise en silence sur son lit. Sous le choc, elle n’avait même pas pensé à allumer la lumière.

Juliet était sur pause. Son cerveau était sur pause, son corps était sur pause... Elle avait besoin de se déconnecter temporairement et c'est exactement ce qu'elle faisait là, assise dans le noir, les yeux grands ouverts fixant un mur nu d'un regard vide. Aucune émotion n'était visible sur son visage de poupée lisse. Elle n'avait même pas réalisé qu'elle était dans le noir et à quel point c'était bizarre, limite ridicule. Elle n'avait pas vraiment conscience de grand chose à l'instant. Elle était sur pause.

Juliet ne réagit pas à Kaiden tapant à la porte, elle ne réagit même pas à la soeur allumant la lumière d'un sort informulé et s'installant face à elle. Elle les regarda quelques second de son regard vide. Juliet était la cadette d'une grande famille mais son grand frère et sa grande soeur avait toujours tout fait pour qu'elle soit écartée des problèmes de famille. Des problèmes tout court d'ailleurs. Son regard alla se poser sur main main de Kaiden dans la sienne, passa dans les yeux bleus glacier de son aînée et remontèrent vers le visage de Kaiden avant de lui répondre d'une voix blanche :

- Ca va.

Ce n'était pas vraiment un mensonge. Elle était tellement sonnée qu'elle était incapable de se rendre compte à quel point elle venait de se prendre une gifle magistrale. Elle savait que son frère et sa soeur s'inquiétaient mais pour l'instant elle était vide et incapable de faire le tri dans ses émotions qu'elle avait enfouis sous une chape d'oubli le temps de finir ce dîner infernal. Elle ne relevant même pas la phrase de son frère selon lequel rien n'était gravé dans le marbre. Elle ne la comprit tout simplement pas. Elle était ailleurs.

Sixtine serra dans ses mains les mains de son frère, comme pour se rassurer. Se dire qu'il était là. Elle regarda de nouveau le visage calme de sa soeur qui lui demandait confirmation du fait que sa mère ne lui en avait pas parlé. La blondinette secoua la tête doucement pour dire non. Non, elle n'en avait pas parlé. D'ailleurs elle n'en avait surement parlé à personne... Juliet revoyait parfaitement la tête de son père complètement effaré et elle entendait des éclats de voix en bas... Il semblerait qu'Alicia et Tiberius ne soient entrain de régler leurs comptes.

- Je suis fiancée...

Sa voix était neutre au début et dérailla sur la dernière syllabe. Le dire à haute voix c'était réaliser. C'était se rendre compte du tournant que venait de prendre sa vie. Un hoquet secoua le corps de la blondinette qui fondit en sanglot dans les bras de son frère, attrapant la main d'Ailla d'un mouvement de détresse. Elle était fiancée et elle avait envie de mourir rien qu'à l'entendre. Comment avaient ils pu lui faire ça ? Entre deux sanglots, elle répéta difficilement :

- Ils m'ont fiancée...

Elle avait réussit à faire bonne figure. Pokerface, Sunny. Elle avait réussit devant sa mère, devant le reste de la fratrie. Juliet n’avait jamais été là plus douée pour les faux semblants mais il faut croire que l’éducation avait payé. Ou alors, c’était le choc qui l’avait rendue temporairement imperméable, mais juste temporairement. Parce qu’à l’instant même, la cadette Blackthorn s’étranglait dans ses sanglots. D’énormes larmes s’écrasaient sur les mains de sa soeur, elle luttait pour respirer et son visage était déformé par le chagrin.

La blondinette se blottit dans les bras de son frère comme elle avait eut maintes occasions de le faire alors qu’elle était enfant. Voila des années qu’elle n’avait pas eut le besoin du support fraternel pour sécher ses larmes. Mais la présence de son frère et de sa soeur ne suffisaient pas à calmer son chagrin et son inquiétude… Elle savait déjà ce que Kaiden pensait mais il le dit à haute voix. Ce n’était pas sa promesse et elle n’était pas forcée de la tenir. Mais Juliet n’avait pas du tout l’esprit rebel de son frère et autant elle détestait la situation que lui imposait sa mère, autant elle n’imaginait pas aller contre cette décision.

- Je ne peux pas… Vous savez bien que je ne peux pas… Je n’oserais jamais.

Elle pleurait encore et sa voix était malmenée par les sanglots. Ailla lui suggéra de rencontre le français et de se décider ensuite sur la possibilité d’une union et la jeune Summerbee hocha du menton.

- Comment ont ils pu me faire ça sans même me prévenir de l’éventualité même de… je pensais pas…

La jeune Blackthorn n’arrivait plus à si retrouver dans ses propres pensées. Elle se pensait si loin de tout ça… si jeune… elle se pensait intouchable sur ce terrain mais ses certitudes volaient en éclats ce soir. Elle savait qu’Ailla avait raison, qu’elle pouvait toujours rencontrer son fiancé et voir par elle même qui il était…

Ca paraissait si simple dit ainsi… mais ce qu’Ailla ne savait pas, c’est qu’elle avait déjà quelqu’un dans sa vie et que l’idée de devoir rompre avec William était aussi déchirante que ces fiançailles imposées en elles mêmes. Comment allait elle pouvoir expliquer ça à William … ? Comment pouvait elle envisager de ne plus sortir avec lui alors qu’elle était si heureuse depuis qu’ils se fréquentaient… ? Elle n’avait jamais eut personne dans sa vie et c’était justement maintenant que ses parents se décidaient à…

Juliet comprit. Ou en tout cas, elle pensait avoir comprit. Et si l’hypothèse d’Ailla concernant la découverte de Baby par la fratrie pouvait s’entendre, elle n’était pas juste. La coïncidence était trop grosse pour que ça en soit une. Jamais au grand jamais ses parents n’avaient évoquer pour elle l’idée qu’elle soit fiancée. Evidemment, elle savait que ses parents souhaiterait qu’elle se marie avec un sang pur… si l’alliance biologique était importante, l’alliance de la famille ne l’était pas pour Juliet. Elle l’était pour ses frères et soeurs plus âgés qui seraient premiers héritiers de la famille et de l’entreprise … mais pas pour Juliet. C’était improbable qu’elle soit fiancée… D’autant plus que ça arrive avant Enora…

- Non. Il ne savent rien pour Baby.

Interdite, Juliet arrêta de pleurer. Elle venait de comprendre. Ses parents ne savaient rien pour Baby, mais ils savaient pour William.

Elle entendait son frère et sa soeur, elle les entendait dire que quoi qu’il arrive elle aurait le choix. Elle aurait le dernier mot. Elle savait que son frère et sa soeur avaient cette force de caractère incroyable qu’elle n’avait pour ainsi dire jamais eut et dont elle ne disposerait surement jamais. Si Kaiden et Ailla l’exprimaient dans leurs vies respectives de façon très différentes, il avaient un mental d’acier. A côté deux, Juliet était un petit coeur de chamallow.

Elle ne répondit même pas… Elle savait qu’elle se plierait aux desiderata de ses parents quoi qu’il en coûte. Au mieux son père irait à l’encontre de la décision de sa mère… Juliet avait bien vu que même Tiberius avait été surprit par l’annonce. Si Tiberius refusait, Alicia plierait. Ou alors, ça serait le fiancé qui ne voudrait pas d’elle… Si le renoncement aux fiançailles par son père serait une aubaine, Juliet n’osait même pas espérer celui par @Maximilien Leroy … Quelle honte, quelle humiliation ça serait pour elle et pour les Blackthorn. Non… Il allait falloir qu’elle plaise à cet homme coûte que coûte…

Juliet déglutit difficilement tandis que Ailla lui rappelait les circonstances de ces propres fiançailles. Elle aussi pensait que c’était tôt pour Juliet, mais l’aînée n’était pas surprise des manières de sa mère… Ailla avait eut droit au faire part directement devant son fiancé. Au moins, elle avait eut le public à la nouvelle d’épargné. Quoi que l’annonce n’était pas aussi spectaculaire pour Juliet que pour Lys.

Son frère et sa soeur évoquaient alors la suite des événements… Comment elle pouvait réagir au mieux pour appréhender ces fiançailles… Juliet n’écoutait presque plus. Elle avait cessé de pleurer quand elle avait fait le rapprochement avec William. Le timing était trop suspect. Le fait que ce soit elle et non Enora. Elle avait était prudente pourtant la Blackthorn… Son amour pour @William Lewis , elle l’avait bien caché… Il n’y avait qu’ @Adalia Blackthorn qui était…

Ailla la coupa dans ses pensées, tandis que Juliet imaginait la trahison de sa cousine, en lui demandant à quoi elle pensait. La blonde hésita un instant… Ailla ne cautionnerait surement pas sa relation avec le sang mêlé qu’était Lewis… Mais pour maintenant… Il n’y avait plus de secret à garder puisque cette relation allait devoir se terminer de la pire des manières que la jeune Blackthorn puisse imaginer…

- Je pense savoir pourquoi mère à décidé de me fiancer… Je pense qu’elle a découvert quelque chose qui ne lui a pas plu… du tout.

Elle hésita avant d’avouer, triste comme les pierres :

- Depuis quelques mois je sors avec un garçon. Il s’appelle William et… c’est un sang mêlé. Si elle l’a su, elle aura orchestré ces fiançailles pour écarter William et m’imposer un mari…

Juliet avait soigneusement caché sa relation avec William et ça depuis plusieurs semaines. Déjà parce que c’était son premier amoureux et qu’elle ne savait pas vraiment comment ça devait se passer et aussi parce qu’elle savait que William ne plairait pas à sa famille. Elle, elle l’adorait. Elle en était même tombée très amoureuse de son étudiant en littérature, un brin maladroit mais si romantique. Elle n’en avait parlé à personne. Même pas à Enora qui était pourtant sa confidente de tout les jours…

Maintenant, elle pouvait tout avouer. Enfin… elle pouvait avouer à Ailla et Kaiden. Elle savait bien que même si Ailla aurait préféré que Juliet s’amourache d’un sang pur, par principe, ni elle ni son frère ne la jugeraient pour avoir suivi son coeur. Pour une fois qu’elle s’écoutait, la voila bien punie par le destin…

Kaiden et Ailla proposèrent plusieurs plans et celui de Kaiden était celui qui animait le plus la blondinette. Croiser les doigts pour que le fiancé en question soit déjà engagé dans une autre relation et qu’il refuse ces fiançailles… Mais Ailla avait raison… jouer le jeu au moins le temps de voir venir. Juliet était déjà fatiguée d’avance de toute cette comédie. Si Ailla était douée pour ce genre de relationnel, ce n’était pas du tout le cas de sa cadette qui avait du mal à se dépêtrer de sa naïveté naturelle… Mais même l’idée de voir William en cachette chez Ailla ne séduisait pas la Summerbee qui était torturée par ces fiançailles, bien qu’elle soit touchée par le geste de sa soeur.

Forte de l’amour et de l’attention porté par son frère et sa soeur ainé, la jeune Juliet essuya ses yeux mouillé et inspira profondément. Ailla avait raison… Il allait falloir redescendre et faire bonne figure. Elle sourit tandis que sa soeur l’embrassait sur le front, elle fit un calin à son frère avant de dire.

- Oui, allons-y.

Elle se leva, essuya de nouveau ses yeux et ajouta avant de quitter la chambre.

- Merci d’être là.