Juliet était assise à table, Elwin fasse à elle. Elle discutait plus qu'elle ne mangeait en réalité, alors que le déjeuner était servit depuis un bon moment. Elle n'avait pas touché à son assiette ou presque, elle se contentait très simplement de remuer la purée de potimarron dans son assiette avec sa fourchette et parlait avec Elwin de cette rentrée particulièrement singulière.

Ils se retrouvaient plus que deux, elle et Elwin, à la table des Summerbee. Plusieurs années en arrière, à la table des Poufsouffle, ils étaient une petite demi douzaine de copains, des adolescents plus ou moins sans problèmes et passaient tant de temps ensemble qu'ils finissaient par devenir complètement co-dépendants les uns des autres. Entre les défections de ceux qui avaient changé de maison, de décès d'Autumn et du départ de Victor à l'étranger... Ils ne restaient plus qu'eux à cette table et même si Juliet aimait Elwin de tout son coeur... elle ne pouvait s'empêcher de trouver tout ça bien triste.

Quelques minutes plus tard, Elwin avait rejoint son prochain cours et Juliet avait une plage horaire de libre avant d'aller en cours de Potion en milieu d'après midi. N'ayant pas le coeur à étudier, elle décida d'aller se balader dans le parc, histoire de prendre l'air. La jeune Blackthorn avait elle même beaucoup de choses en tête en ce moment, il n'était pas rare qu'elle se pose pour réfléchir à ce qui lui arrivait et à ce qui arrivait à sa famille. Ses fiançailles, le retour de Baby, tout autant de questions auxquelles elle ne savait pas répondre...

Et en se baladant, Juliet vit au loin une autre personne qui avait des déboires autant qu'elle. Et visiblement, elles ne les geraient pas du tout de la même façon. Juliet ressassait tout ce qu'elle pouvait et la Wright... se battait contre un modèle enchanté. Juliet regarda la jeune femme terrasser le golem avec une force et une puissance qu'on ne lui devinerait pas. Juliet devinait la profonde tristesse cachée sous la rage du combat que menait la jeune hollandaise. Pleine d'empathie, et puisque Victor lui avait demandé de veiller sur Ymkje, la jeune Blackthorn s'approcha d'elle et parla d'une voix douce :

- Bonjour Ymkje. C'était intense comme exercice. Pas de blessure ?

Manière détournée de dire "Ca va ?" alors qu'elle savait pertinemment que ça n'allait pas. Victor manquait à Juliet mais même de loin, leur relation n'était pas changé. Pour la jeune femme face à elle, c'était une autre histoire. Même si Victor l'aimait, il avait suivit les directives parentales... tout comme Juliet le faisait avec ses fiançailles. Elle n'était pas à la place de Ym, mais elle pouvait comprendre le contexte mieux que personne.

Si Juliet avait pu voir le regard de la jeune femme, elle se serait certainement doutée de l'accueil qui suivrait. très certainement même. Mais alors que Juliet s'était adressée à la Wright, elle avait continué à regarder le sol un certain moment, la main dans l'herbe, récupérant encore des mouvements qu'elle avait réalisé contre le golem. N'ayant pas croisé le regard de Ymkje, elle s'attendait à ce qu'elle lui répondre de façon neutre, ou triste. Elle ne s'attendait absolument pas à ce Non sec et abrupt. Encore moins à ce que la jeune femme ne lui demande ce qu'elle veuille sur ce ton désagréable.

Juliet et Ymkje n'avaient jamais été très proches, il fallait l'avouer. Elle ne venaient pas du même monde, que ce soit géographiquement parlant ou socialement parlant. En pensant ça, la jeune Blackthorn mentionnait un état de fait et non pas un jugement de valeur. Ce qu'elle voulait dire en réalité c'est qu'avant Hungcalf absolument rien ne les destinait à se rencontrer et avant Victor rien ne les encourageait à devenir amies. A ce sujet, la jeune Blackthorn regrettait de ne pas avoir plus passé de temps avec la De Booij mais elle était dans une période de sa vie ou se faire des amies était une épreuve...

Quoi qu'il en soit, elles n'étaient pas amies mais Juliet n'avait jamais imaginé que l'hollandaise puisse avoir une quelconque inimitié à son égard et si c'était le cas elle ne comprenait absolument pas pourquoi. Juliet était donc surprise de ce ton, un peu choquée même, si bien qu'elle écarquilla légèrement les yeux montrant ainsi son étonnement. Elle fit également un pas en arrière, non pas qu'elle ait peur de la De Booij mais si elle avait réagit ainsi, c'était peut être parce qu'elle se sentait agressée ? Reculer d'un pas était un signe de paix plutôt qu'un signe d'inquiétude...

Qu'est ce qu'elle voulait donc ? Bonne question à laquelle Juliet ne savait pas vraiment quoi répondre en réalité... Elle était surtout venue prendre la température... Voir comment ça allait. Elle n'avait pas voulu demande ça tel quel parce qu'elle se doutait que ça n'allait pas fort mais apparement la Wright n'avait pas envie d'y aller avec le dos de la cuillère. La Summerbee répondit donc :

- Je voulais juste savoir si tu allais bien. Si tu avais besoin de quelque-chose, d'une présence... enfin... Être là...

La voix de Juliet était douce, malgré l'agression subie. Elle ne voulait pas contrarier Ymkje, elle ne voulait pas la faire fuir, elle voulait juste lui faire comprendre que si elle avait besoin de quelqu'un ou de quelque chose, elle pouvait venir trouver Juliet pour se faire aider...

Juliet papillonna des yeux deux petites secondes suite à l’agression verbale de l’hollandaise. Si la question de Ymkje avait interrogé la jeune Blackthorn dans un premier temps, il n’était plus question de s’interroger maintenant sur les sentiments de la Rouge et Or à son égard… Le ton était clairement amer et les mots… Miss parfaite ? Juliet se sentit aussitôt très mal à l’aise. La De Booij lui en voulait mais Juliet ne savait absolument pas pourquoi… Sa question l’avait elle mise en colère ? Ou était ce quelque chose qu’elle aurait pu faire auparavant et dont elle ne se souviendrait pas ? Avait elle blessé ou fait du mal à la jeune femme sans le vouloir ?

La jeune femme se relève, dépassant presque d’une tête la petite Blackthorn. Son petit mètre presque soixante semble bien ridicule face à la taille haute de Ymkje… La blonde est intimidante et Juliet ne le cache pas. Elle lève les yeux vers la Wright, un regard interrogateur et désolée en même temps. Non, vraiment elle ne comprend pas. Tout ce qu’elle sait, c’est que la Hollandaise est sacrément en pétard, qu’elle commence même à lui faire peur et si elle commence à cogner, il est clair que Juliet ne fera pas le poids. Juliet qui avait déjà ses mains dans les poches de sa cape touche sa baguette comme pour se rassurer et recule d’un pas tandis que la De Booije l’accuse d’être ce pourquoi elle a tout perdu…

- Mais enfin qu’est ce que tu…

La cadette Blackthorn n’a pas le temps de se défendre ou de s’expliquer que Ymkje commence à décrire quelqu’un qu’elle n’était absolument pas. Alors non, tout le monde ne l’aimait pas…. D’ailleurs en général elle était plutôt ignorée qu’appréciée. Elle n’était pas parfaite, peut être mignonne mais certainement pas parfaite. Et encore moins une hypocrite. Et pour couronner le tout, elle était comparée à Meghan. Juliet en resta sans voix.

Juliet fronça le nez. Elle était gentille en général mais elle n’appréciait guère être insultée de la sorte. Poisson constipé, hypocrite… Alors oui, Juliet n’était peut être pas la fille la plus interessante du monde mais elle ne pensait pas mériter un tel traitement… D’autant plus qu’elle n’y était pour rien si Nicolas et Jennifer n’appréciaient pas la copine… enfin ex copine désormais… de leur fils.

- Ecoute Ymkje, je suis sûrement pas la personne que t’as le plus envie de voir mais j’imaginais pas que tu puisses haïr cette possibilité pour autant. Je viens juste pour prendre de tes nouvelles, sachant que tu traverses une période difficile, et je n’y suis vraiment pour rien si les De Launay ne t’ont pas apprécié à ta juste valeur.

La blondinette marqua une pose et ajouta :

- M’insulter d’hypocrite et me rendre responsable de tes malheurs ne fera pas revenir Victor. Tu es sûrement plus interessante que moi mais tu devrais surveiller tes humeurs, il semblerait que ça t’ai porté préjudice et que continue d'être le cas.

Il était temps, mais Juliet venait seulement de réaliser l'animosité de la Hollandaise. Enfin... elle l'avait constaté, mais elle ne l'avait pas compris. Elle ne comprenait pas du tout quel était le fondement, les raisons, pour que la De Booij la déteste autant. Elle avait fait un geste amical en venant la voir et lui apporter sa sympathie... Elle ne s'attendait pas à un tel accueil. Certes, les deux blondes n'avaient jamais été très proches mais depuis quelques mois, enfin... depuis qu'elle sortait avec son meilleur ami, elles s'étaient souvent croisées et Juliet appréciait beaucoup la jeune femme. Peut être avait elle eut tort de penser que c'était réciproque.

Juliet était du genre douce et gentille, il lui arrivait même de se faire un peu marcher dessus... Mais là, on était au delà de ça. Y'avait paillasson et paillassons.  Les insultes, les jugements ne passaient pas et il était hors de question que la Blackthorn laisse passer. Elle venait pour soutenir celle qui souffrait d'une situation injuste et elle était injustement accusée d'être la source de tout ses problèmes. Alors oui, elle répondit d'un ton assez sec et en disant sans détour ce qu'elle pensait.

Juliet ne comprenait même pas pourquoi la Wright pouvait penser ça. Elle adorait Victor mais jamais le De Launay et la Blackthorn n'ont donné la moindre raison à Ymkje de douter de la sincérité de leur amitié. Certes, elle était proche des parents du jeune homme mais elle les connaissait depuis qu'elle savait à peine marcher... Jennifer et Nicolas s'approchaient plus de l'oncle et la tante que de potentiels beaux parents pour Juliet...

Autant elle se doutait que ça ne s'arrêterait pas là, autant elle ne vit pas arriver la gifle qui s'abattit sèchement sur sa joue. La douleur irradia jusqu'au cou de la Summerbee qui serra les dents pour contenir tout signe de douleur. Elle ne pu contenir son regard choqué qu'elle adressa à la jeune femme tandis que sa propre main venait apaiser sa joue brulante et qu'elle devinait sérieusement marquée. Elle recula d'un pas aussitôt, se mettant à distance raisonnable de la Hollandaise. Juliet eut pitié de la jeune femme autant qu'elle n'était en colère de ce geste. Pour en arriver là, la De Booij devait très sérieusement souffrir de la situation et Juliet en était navrée...  Elle n'eut même pas d'effort particulier à faire pour rester calme, tandis que la douleur refluait trop lentement à son goût. Elle glissa sa main dans sa poche pour toucher sa baguette, au cas où la gifle ne serait que la première agression physique de la Wright.

- Je suis sincèrement désolée pour ce qui t'es arrivée, Ymkje. Sincèrement. Et je suis encore plus désolée que tu puisses me considérer comme responsable du départ de Victor. Je ne comprends pas pourquoi t'as besoin de te comparer à moi là maintenant tout de suite... J'ai jamais pensé qu'il y ait un problème entre nous. Je venais juste t'apporter du soutient. Ni plus ni moins. Crois moi que si j'avais su qu'il n'était pas le bienvenue, je me serais abstenue.

Longue tirade, les yeux dans les yeux, tandis que sa main fraiche aidait à oublier la cuisante douleur qui remontait maintenant jusqu'à son oreille. Le ton était sec mais constant. Il était hors de question qu'elle ne cris ou qu'elle ne pleure, c'était donner trop de pouvoir à Ymkje. Dernière chance pour la De Booij de s'excuser ou tout de moins de s'expliquer. Juliet voulait bien se remettre en question mais ce n'était pas la peine de l'agresser pour que ça soit le cas... Si la jeune femme ne se décidait pas à changer de comportement, alors elle s'en irait, laissant la promesse faite à Victor aux bons soins d'autres personnes qui n'auraient pas à subir les foudres de la sorcière.

Si elle avait su qu’elle se ferait ainsi malmener… tant verbalement que physiquement… elle aurait sûrement laissé la Wright se battre avec le golem plutôt que de devenir le punching-ball officiel de la De Booij… Décidément, les Hollandaises semblaient en vouloir à la jeune Summerbee. Si Ymkje s’y mettait après Elsje… elle allait finir par éviter aussi la professeur de Divination. Juste au cas où. Juliet détestait cette matière de toute manière…

La joue encore lancinée par la douleur, elle regardait la jeune sportive avec un regard à la fois triste et en colère. Triste parce qu’elle appréciait vraiment Ymkje, qu’elle pensait même qu’elles pourraient être amies. Triste également parce qu’elle ne pourrait pas honorer la promesse faîte à son meilleur ami. Et en colère, parce que la situation était profondément injuste… Elle voulait vraiment et sincèrement aider…

La Wright l’envoya bouler, une énième fois, si c’était encore nécessaire. Mais Juliet avait bien comprit. Elle voulait juste mettre les points sur les i et les barres sur les t. Elle refusait que la situation ne soit pas claire, elle avait donc tenu à bien préciser son point de vue mais en réalité elle se doutait que Ymkje ne reviendrait ni sur son geste, ni sur ses paroles. Elle était très fière et trop têtue pour ça. Et puis… elle n’avait besoin de personne !

- Bien entendu.

La main de la jeune femme quitta sa joue qui essayait vainement de retrouver une couleur normale. Elle adressa un ultime sourire à la jeune femme et essaya de balayer la rancune dans sa voix en disant :

- Bonne journée.

Elle tourna les talons sans plus demander son reste. Elle laisserait le soin de Ym à Grace ou a n’importe qui d’autre d’assez masochiste pour s’en charger. Elle aurait au moins essayé.