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[(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Mer 14 Avr 2021 - 12:35
Cela avait été une effusion dès la sortie de l’avion qu’elle avait pris pour traverser l’Atlantique. Une avalanche d’embrassade et d’amour qui avait moissonné la photographe à l’instant ou les portes automatiques l’avaient libérée sur le sol Irlandais. Il fallait rattraper le temps, effacer ces longs mois à discuter par écrans interposés, toucher un peu de cette peau pour venir se rappeler que la chaleur humaine ne pouvait par remplacer éternellement les mots. Elle s’était gorgée de cette affection familiale durant cette longue semaine de vacances, que les traditionnelles fêtes clôturant l’année avaient toujours le mérite de rendre particulièrement tendre. Ses parents ne le diraient pas, mais Aveleen, elle, savait : une partie d’eux - celle qui était un peu égoïste mais qu’ils taisaient merveilleusement bien pour lui laisser sa liberté - se trouvait ravie que leur fille cadette choisisse enfin de replier les ailes qui l’avaient sans cesse poussée vers d’autres vents. Ils avaient mis les petits plats dans les grands, comme s’il fallait fêter sans vraiment le dire cette réunion un peu particulière. Émue par ce qu’ils ne disaient pas, reconnaissante d’avoir été soutenue dans ces incessants départs qui ne les avaient habitués qu’à une présence en pointillé, Aveleen avait couvé du regard les siens. Elle pour qui parler trop longtemps était un effort, s’était montrée particulièrement loquace en guise de remerciements silencieux : elle les avait ensevelis d’histoires sur ses périples— qu’ils avaient déjà entendus au téléphone ou eut le plaisir de découvrir par lettre, mais quelle importance au final ? — avait accepté de sortir ses vieux clichés, s’était laissée dorloter comme l’enfant qu’elle n’était plus depuis bien longtemps. Et en prenant son café en cette matinée de saint-Sylvestre, à quelques heures de son départ pour Inverness les oreilles bercées par le souffle indolent de cette mer, elle avait contemplé la sienne, notant toute les constellations que le temps avait pris plaisir à dessiner sur son visage : des taches plus sombres ornaient ses paupières, une ridule plus marquée lui grignotait le front, et là, juste là, au moment ou elle arquait ses lèvres pour lui sourire, il y avait un nouveau plissement.
Cette vision lui avait nouée la gorge, bousculant maladroitement toutes ces années passées loin d’eux, les enchevêtrants les unes contre les autres pour les additionner et, d’un geste mal assuré, elle avait terminé sa tasse à café
Se promettant de venir plus souvent.
Le soleil s’était déjà couché depuis bien longtemps lorsque la photographe eut fini de déballer ses affaires. Poussée par un besoin irrépressible d’air frais, elle avait poliment décliné l’invitation à fêter la nouvelle année entre les murs clos universitaire et s’était habilement éclipsée. Dehors, un manteau givré avait emmitouflé toute la végétation, faisant frémir d’un même mouvement conifères et passants dès que le vent venait en agiter sa laine. L’habituelle brume Écossaise se prélassait le long des reliefs, comme une couverture cotonneuse. C’était une belle soirée, sur laquelle une Lune pleine veillait de son œil argenté, tant et si bien que le ciel en avait oublié d’en allumer ses étoiles. Durant tout le temps qu’il lui fallut pour gagner la ville, Aveleen avait laissé s’étaler sur ses lèvres un sourire apaisé : ce moment n’appartenait qu’à elle et rien qu’à elle.
Il n’y avait aucune nécessité à feindre d’être peinée de solitude, pas la moindre obligation à se mêler à une foule d’inconnues, pas d’excès de joie à simuler. Le froid mordant lui parut soudain embaumer la liberté et le calme, lui tirant un sourire heureux. Elle dépassa plusieurs cottages aux cheminées affairées à recracher de long panaches de fumées, une dizaine de maisons aux fenêtres tapissées de buée, croisa quelques chats qui l’évaluèrent avec curiosité. Pas de doute, elle empiétait sur leur territoire. Mais elle n’était que de passage : déjà, elle apercevait les lumières des guirlandes dont on avait pris soin d’entortiller indifféremment lampadaires et arbres centenaires. La ville était baignée de lumières dorées, que l’eau calme se faisait un plaisir de refléter. On aurait dit un grand miroir, ou une toile Monnet, dont le pinceau serait venu mélanger les couleurs, mouchetant la surface de pigments chamarrés. Conquise, l’Irlandaise s’immobilisa aux abords de la grande place, brusquement rattrapée par une marée humaine d’Ecossais.
Ce soir, Inverness s’était parée de ses plus beaux atouts pour la traditionnelle célébration écossaise d’Hogmanay. Cette fête mythique, volée aux Viking, rassemblait moldus et sorciers sous un même Folklore, et il fallait un œil rompu à la magie pour savoir en discerner les subtiles clins d’œils. Ça et là, on avait tiré entre les chalets du marché d’immense tentures aux tissus lourds et fanions colorés, et un jeu de lumière plongeant venait lécher les monuments historiques de lueurs tamisées. Un habile sortilège cerclait la grande place, floutant vaguement l’air, comme brusquement chargé d’un trop plein et, lorsqu’Aveleen franchit cette barrière invisible, un courant d’air chaud vint lui chatouiller les joues, s’immisçant entre sa peau froide et son écharpe pour venir la réchauffer doucement. Comme sensible à sa magie, l’air louvoya jusqu’à son oreille et carillonna doucement les premières notes d’une comptine de Noël sorcière qui lui tira un sourire en réveillant des souvenirs saveur madeleine de Proust. Réchauffée, l’Irlandaise joua des hanches pour traverser la foule compacte, louvoyant parmi les rires et haleines remplies d’houblon, jusqu’à être relâchée sur les quais un peu moins bondés de la Marina. Un peu en retrait, ayant accepté un verre de vin chaud saupoudré d’arômes épicés, elle assista à la traditionnelle marche des flambeaux, qu’on avait volontairement choisis de percher à plusieurs mètres de hauteur, pour qu’aucun badin ne puisse en louper la progression. Et cela aurait été bien difficile, de toute façon : les joueurs de cornemuse fermaient la marche, accompagnés par le bruit sourd des Tambours qui faisaient vibrer les corps et esprits d’un même grondement.
On dirait une rivière de feu, songea l’Irlandaise, captivée, alors que le cortège serpentait à présent vers le coeur Historique de la ville, là ou l’on entendait rugir depuis maintenant plusieurs longues minutes les basses du concert musicale gratuit le plus célèbre de l’Ecosse en cette soirée : le Red Hot Higland Fling.
— Regarde, Regarde ! Souffla-t-on soudain à sa droite une petite voix enfantine cherchant l’attention de sa mère.
Aveleen tourna elle aussi la tête mais, contrairement à la moldue qui ne trouva rien d’autre qu’un brève ondoiement de brume, ses yeux de sorcière saisirent les contours d’une silhouette sans visage, presque translucide, qui serpentait lentement entre les convives, s’arrêtant ça et là près des sorciers qui s’étaient glissés dans la foule. Sans surprise, il s’approcha d’elle dans un panache délicat de buée :
— Voulez-vous que je sonne à votre porte ce soir ? Chuchota le sortilège dans sa tête.
Aveleen étouffa un rire gracieux. Voici donc la tradition du « premier entrant » détournée par les sorciers. Il fallait probablement acquiescer pour participer, aussi la photographe oscilla docilement la tête, révérence silencieuse et amusée face au fantôme de fumée, qui la gratifia d’un looping dans le ciel, ravi que l’on suive sa plaisanterie. Qui sait, peut-être gagnerait-elle à cette loterie magique : peut-être aurait-elle la chance de revoir l’apparition ce soir à sa porte sous les traits d’un grand homme brun, promesse d’une année savoureuse. À sa surprise, la chimère ondula et paru fixer la personne à sa gauche, probablement en train d’essayer de charmer une autre magicienne, avant de s’étirer d’une nouvelle cabriole et de repartir de sa démarche aérienne chaloupée. Aveleen se fendit d’un soupire complice :
— On aura peut-être de la chance, glissa-t’elle à l’inconnue, sa bouche dégageant un nuage de vapeur dans l’air frigorifique de ce nouvel an. Elle tourna ses yeux vers la sorcière à ses cotées, à la coupe aussi mutine qu’espiègle. Quoi que je ne suis pas sure de ne pas frôler l’embolie cardiaque s’il vient frapper à ma porte tard dans la nuit.
@Lubia Savčenko (finalement, j’étais inspirée plus vite que prévu )
Cette vision lui avait nouée la gorge, bousculant maladroitement toutes ces années passées loin d’eux, les enchevêtrants les unes contre les autres pour les additionner et, d’un geste mal assuré, elle avait terminé sa tasse à café
Se promettant de venir plus souvent.
Le soleil s’était déjà couché depuis bien longtemps lorsque la photographe eut fini de déballer ses affaires. Poussée par un besoin irrépressible d’air frais, elle avait poliment décliné l’invitation à fêter la nouvelle année entre les murs clos universitaire et s’était habilement éclipsée. Dehors, un manteau givré avait emmitouflé toute la végétation, faisant frémir d’un même mouvement conifères et passants dès que le vent venait en agiter sa laine. L’habituelle brume Écossaise se prélassait le long des reliefs, comme une couverture cotonneuse. C’était une belle soirée, sur laquelle une Lune pleine veillait de son œil argenté, tant et si bien que le ciel en avait oublié d’en allumer ses étoiles. Durant tout le temps qu’il lui fallut pour gagner la ville, Aveleen avait laissé s’étaler sur ses lèvres un sourire apaisé : ce moment n’appartenait qu’à elle et rien qu’à elle.
Il n’y avait aucune nécessité à feindre d’être peinée de solitude, pas la moindre obligation à se mêler à une foule d’inconnues, pas d’excès de joie à simuler. Le froid mordant lui parut soudain embaumer la liberté et le calme, lui tirant un sourire heureux. Elle dépassa plusieurs cottages aux cheminées affairées à recracher de long panaches de fumées, une dizaine de maisons aux fenêtres tapissées de buée, croisa quelques chats qui l’évaluèrent avec curiosité. Pas de doute, elle empiétait sur leur territoire. Mais elle n’était que de passage : déjà, elle apercevait les lumières des guirlandes dont on avait pris soin d’entortiller indifféremment lampadaires et arbres centenaires. La ville était baignée de lumières dorées, que l’eau calme se faisait un plaisir de refléter. On aurait dit un grand miroir, ou une toile Monnet, dont le pinceau serait venu mélanger les couleurs, mouchetant la surface de pigments chamarrés. Conquise, l’Irlandaise s’immobilisa aux abords de la grande place, brusquement rattrapée par une marée humaine d’Ecossais.
Ce soir, Inverness s’était parée de ses plus beaux atouts pour la traditionnelle célébration écossaise d’Hogmanay. Cette fête mythique, volée aux Viking, rassemblait moldus et sorciers sous un même Folklore, et il fallait un œil rompu à la magie pour savoir en discerner les subtiles clins d’œils. Ça et là, on avait tiré entre les chalets du marché d’immense tentures aux tissus lourds et fanions colorés, et un jeu de lumière plongeant venait lécher les monuments historiques de lueurs tamisées. Un habile sortilège cerclait la grande place, floutant vaguement l’air, comme brusquement chargé d’un trop plein et, lorsqu’Aveleen franchit cette barrière invisible, un courant d’air chaud vint lui chatouiller les joues, s’immisçant entre sa peau froide et son écharpe pour venir la réchauffer doucement. Comme sensible à sa magie, l’air louvoya jusqu’à son oreille et carillonna doucement les premières notes d’une comptine de Noël sorcière qui lui tira un sourire en réveillant des souvenirs saveur madeleine de Proust. Réchauffée, l’Irlandaise joua des hanches pour traverser la foule compacte, louvoyant parmi les rires et haleines remplies d’houblon, jusqu’à être relâchée sur les quais un peu moins bondés de la Marina. Un peu en retrait, ayant accepté un verre de vin chaud saupoudré d’arômes épicés, elle assista à la traditionnelle marche des flambeaux, qu’on avait volontairement choisis de percher à plusieurs mètres de hauteur, pour qu’aucun badin ne puisse en louper la progression. Et cela aurait été bien difficile, de toute façon : les joueurs de cornemuse fermaient la marche, accompagnés par le bruit sourd des Tambours qui faisaient vibrer les corps et esprits d’un même grondement.
On dirait une rivière de feu, songea l’Irlandaise, captivée, alors que le cortège serpentait à présent vers le coeur Historique de la ville, là ou l’on entendait rugir depuis maintenant plusieurs longues minutes les basses du concert musicale gratuit le plus célèbre de l’Ecosse en cette soirée : le Red Hot Higland Fling.
— Regarde, Regarde ! Souffla-t-on soudain à sa droite une petite voix enfantine cherchant l’attention de sa mère.
Aveleen tourna elle aussi la tête mais, contrairement à la moldue qui ne trouva rien d’autre qu’un brève ondoiement de brume, ses yeux de sorcière saisirent les contours d’une silhouette sans visage, presque translucide, qui serpentait lentement entre les convives, s’arrêtant ça et là près des sorciers qui s’étaient glissés dans la foule. Sans surprise, il s’approcha d’elle dans un panache délicat de buée :
— Voulez-vous que je sonne à votre porte ce soir ? Chuchota le sortilège dans sa tête.
Aveleen étouffa un rire gracieux. Voici donc la tradition du « premier entrant » détournée par les sorciers. Il fallait probablement acquiescer pour participer, aussi la photographe oscilla docilement la tête, révérence silencieuse et amusée face au fantôme de fumée, qui la gratifia d’un looping dans le ciel, ravi que l’on suive sa plaisanterie. Qui sait, peut-être gagnerait-elle à cette loterie magique : peut-être aurait-elle la chance de revoir l’apparition ce soir à sa porte sous les traits d’un grand homme brun, promesse d’une année savoureuse. À sa surprise, la chimère ondula et paru fixer la personne à sa gauche, probablement en train d’essayer de charmer une autre magicienne, avant de s’étirer d’une nouvelle cabriole et de repartir de sa démarche aérienne chaloupée. Aveleen se fendit d’un soupire complice :
— On aura peut-être de la chance, glissa-t’elle à l’inconnue, sa bouche dégageant un nuage de vapeur dans l’air frigorifique de ce nouvel an. Elle tourna ses yeux vers la sorcière à ses cotées, à la coupe aussi mutine qu’espiègle. Quoi que je ne suis pas sure de ne pas frôler l’embolie cardiaque s’il vient frapper à ma porte tard dans la nuit.
@Lubia Savčenko (finalement, j’étais inspirée plus vite que prévu )
- Notes:
- Tradition du premier entrant : pour assurer la chance à la maison, il faut que le premier à entrer dans votre maison le jour du Nouvel An soit un homme aux cheveux noirs (croyance remontant aux temps des vikings où un étranger blond à votre porte signifiait des ennuis) apportant des cadeaux symboliques tels que des chardons, du shortbread, du sel, des black buns et du whisky.
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Re: [(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Jeu 15 Avr 2021 - 0:47
(mood)T'as encore le gout du sang sur la langue, de t’être mordu l’intérieur de la joue pour ne pas hurler. (C’est elle, bien sûr que c’est elle!) C’était pas toi. Bien sûr que c’était pas toi – impensable, impossible, qu’il ait tenté de te suivre là où tu la laisses marteler le sol de tout son saoul, les pattes qui s’abîment de liberté autant que les flancs, d’écume. Grisée des rayons sélènes, le cœur encore gorgé de froid, t’es affalée sur le pont de l’Insubmersible, la nuque appuyée contre la toison courte de Rufus. Le doux canidé exhale en l’air sans se préoccuper du capharnaüm qui règne dans ton crâne, impassible être sensible. Doucement, tes doigts s’étirent pour se frayer un chemin entre ses poils courts, sentier rugueux à contre-sens qui te gratte les phalanges. T’observes les étoiles en te taisant, tentant d’ignorer les sons de la marina, plus loin – peine perdue. Tes sens aiguisés par la présence lycane se saisissent de tout, mais tu as l’habitude. Le cœur chagrin, l’âme égarée des mots (c’était elle, bien sûr que c’était elle.), tu comptes, comme ton père te l’a appris. La chappe de nuit était bien différente, à Odessa, mais les directions sont les mêmes, et qui sait retrouver l’étoile polaire finit toujours par retrouver son chemin, te disait-il lorsque tu apprenais à filer entre les vagues sur des bicoques bien moins rutilantes que celle qui te sert de logis depuis des années.
Quand tu t’égares, trouve la grande ourse. Trouve les traces de tes ancêtres. Le regard qui file vers le Nord, tu comptes les astres. Dubhé. L’Alpha. Compte, Lubia. Trouve-les. Tes prunelles d’acier découpent les silhouettes mythologiques dans une trouée de ciel, dédaignant la lumineuse polaris pour mieux fixer l’Insolente – et les sacrifices que doivent porter les descendantes des mères inconscientes. (elle m’a mordu!) et tu souffles, la buée épaisse de ta gorge chaude se dissipant sous la brise légère qui caresse ton épiderme. Recommence, Lubia.
Quand t’es perdue, trouve la grande ourse. Cherche le fil étoilé qui te ramène à la maison, trouve le nord, ne te perds pas, rassure-toi – le ciel t’aidera toujours, si tu en saisis les codes. Cassiopée. et tu te redresses, la tête à l’envers, ton compagnon soupirant à peine de sentir ton poids davantage contre ses flancs musclés. Réconforte-toi de nébuleuses, berce-toi d’amas stellaires qui n’attendent rien de toi, indifférents à la nuit comme tu ne l’es plus. Atlas. et ton regard se perd, l’imagine, le géant, l’échine courbée sous le poids du monde, et t’en viens à te demander s’il se sent bien seul, là haut, s’il ne vaudrait pas mieux qu’il laisse tomber la terre et toutes ces conneries, et qu’ils aillent bien tous se faire foutre, les autres.
Quand t’es percluse ((de doutes, de te dire tu, de refuser le vous, parce que ça fait mal, le vous, parce que tu sais pas comment on fait, mais qu’est-ce que t’essaies, Lubia, y’a pas la médaille, à côté, pour ceux qui essaient mais qui y arrivent pas tellement? Non, pas pour toi, Lubia, toi t’acceptes que les trophées arrachés à coups de dents, mais comment on accepte de se faire aimer, alors, Lubia, sans les crocs, et avec la bouche?)), cherche Orion. Oublie que c’est un chasseur, concentre ton regard sur sa ceinture, sur les trois petites étoiles qui en pendent comme un rang de perles qu’une dame n’a pas encore accrochées à son cou, souviens-toi, Lubia, que c’est le monstre qui a vaincu le traqueur.
Rigel. tes iris clairs finissent leur errance vers le sud, et se posent sur la marina, où les festivités du soir se déroulent. Tu les entends, au loin, la foule qui absorbe les individus pour mieux recracher une communauté dépareillée, prose et magie se tendant la main sans le réaliser. Le monde à l’envers, c’est le feu qui menace d’engloutir l’eau, et les pieds des passants qui chatouillent le ciel.
Tes errances chimériques s’échouent sur la berge, et ton cœur se serre. Tu penses à @Oswald Burgess, à @Murphy Fraser, à la violence de l’éveil, toi qui tambourines à leur porte avec le Russe à la peau trouée de morsures qui te crachait ses insultes endolories contre toi, à ses mots cruels, et tu serres les lèvres. Tu songes à @Dimitri Majewski, tu te demandes ce qu’il fait, lui, mais ton cousin n’a rien de l’âme contre laquelle t’épancher, sur laquelle te pencher pour mieux laisser ployer la charge, et tu te demandes si c’est pas toi qui te sens bien seule, ici, s’il ne vaudrait pas mieux que tu laisses tomber ces maudites racines qui t’ont creusé le cœur et que tu les arraches comme les mauvaises herbes dont on dépouillerait un jardin. Mais il n’y a pas de mauvaises herbes, Lubia, que des fleurs qu’on trouve moins belles que d’autres et celles qu’on met en salade, alors tu souffles, te dis que peut-être, t’enverras un texto à @Zahia Saouli, mais la pie doit être avec son cuistot, et y’a toi, toute seule, et tu glisses une seconde main contre Rufus, soupires comme on se débarrasse d’un vêtement étriqué.
Quand t’es perdue, cherche la louve. Et puis quoi encore, Lubia. T’es jamais seule, toi, alors tu te redresses, et tu appelles le canidé, qui trottine joyeusement à tes côtés. T’as besoin de personne, et s’il faut aller te noyer dans une foule d’inconnus pour te le prouver, tu peux bien te raconter toutes les histoires que tu voudras, Lubia. Tant pis, tu foules les quais de longues enjambées pour rejoindre les humains qui se pressent les uns contre les autres, et, sans but, tu avances, les mains fourrées dans les poches de ton blouson de cuir, un foulard d'ornement qui ne sert pas à grand chose mis là pour ne pas éveiller les soupçons - le froid, tu le sens à peine, tout au plus comme une réconfortante écharpe qu'on glisserait sur ta peau pour te rappeler ce que ça fait, d'être caressée.
L'odeur de vin et de cannelle. Les mélodies des cornemuses. L'odeur de chaleur humaine. Un esprit mutin décorant ton cou d’une guirlande de gui, comme s’il t’avait désignée comme kissing booth ambulant pour la soirée. « Ou un prétexte pour les couples malheureux », te susurre une voix, que tu cherches du regard. La figure diaphane se fond dans l’air, épousant un instant les traits d’une autre femme qui te sourit et, sans réfléchir, tu souris en retour (à son commentaire, à la courbe énigmatique de son sourire?). « Il aurait au moins la courtoisie de ne pas laisser ses chaussettes trainer sur la porte et réclamer de café le lendemain », rétorques-tu, la tête se penchant d’instinct sur le côté. Une distraction, peut-être. Mais on t’a souri avec complicité –
Alors tu la regardes, l'inconnue, l'absence de compagnons avec elle, et tu te demandes si, en fait, les mauvaises herbes qui ne prennent pas racine ne sont pas les meilleures. T'es pas une maladroite sociale, pourtant, plus habile que la moyenne lorsqu'il s'agit de déchiffrer les postures, car c'est là qu'on comprend où appuyer (frapper, pousser, briser), mais t'as un brin d'espoir au fond des yeux, parce qu'en fait, peut-être que quand t’es perdue, tu devrais chercher les autres, Lubia.
- InvitéInvité
Re: [(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Jeu 15 Avr 2021 - 19:08
Un jour, alors qu’elle n’avait qu’une dizaine d’années, Aveleen s’était trompée de chemin en rentrant de l’école. Cela n’avait pas duré très longtemps : tout au plus une demi-heure à arpenter les chemins rocailleux de la péninsule, sous une météo fort heureusement clémente. Lorsqu’elle avait enfin aperçu les volets bleus de sa maison, elle s’était alors mise à courir, courir, courir, aussi vite que ses jambes le lui permettaient, avant de se jeter dans les bras de sa mère, le visage trempée de larmes diluviennes. On avait à peine remarqué son retard - Aveleen était de ces enfants trop distraits et volages pour être controlés par une montre. Mais la petite fille avait été incommensurablement chamboulée, comme si quelqu’un avait savamment coupé toutes les attaches la raccordant à son refuge et que sa main avait lâché le fil d’Arianne lui permettant de se retrouver. De longues heures après, emmitouflée dans une couverture moelleuse sur le canapé familial, le sentiment toujours collé à la peau, comme un vêtement humide, elle avait fini par comprendre que toutes ces heures en solitaire ne l’avaient jamais préparée à cette rencontre là.
A défier la solitude.
Totale, envahissante. Celle-là même qui faisait ressentir en une seule inspiration toute l’immensité du monde et l’infinitésimalement ridicule place qu’on y occupait. Celle qui donnait l’impression que les cris ne porteraient jamais suffisament loin, que les yeux ne pourraient jamais tout intercepter, que les mains ne posséderaient jamais suffisament de doigts pour se saisir toutes ces aspérités auxquelles il serait possible de se raccrocher pour ne pas tomber. Cela l’avait oppressée. Comme le glissement d’une chape de plomb à l’intérieur de son ventre, la lestant sur la péninsule Irlandaise, écrasée par toute cette immensité. Au delà du sentiment de panique intense qu’un âge juvénile avait décuplé, il s’était agis d’une autre forme de réalisation. Plus profonde. Comme si un raz de marée avait dévasté la ville de carton qu’elle avait construit sur la plage, sapant à la base les fondations, gorgeant d’une eau implacable ses croyances jusqu’à les faire céder dans une gerbe d’écume savonneuse. Ne laissant rien d’autre que le sable, vide de toute présence. C’était toute la réassurance réconfortante d’un foyer disparaissant en un claquement de doigts, toute sa certitude d’avoir toujours un point de chute accessible remise en questions, toute la solitude dont elle croyait avoir besoin jetant à sa figure avec sévérité qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’être seule signifiait réellement. On ne pouvait pas aimer quelque chose que l’on craignait aussi viscéralement que ce qu’elle avait ressenti.
— J’ai eu peur de ne jamais retrouvé mon chemin, avait-elle expliqué à sa mère en reniflant son chagrin, bien des heures plus tard, toujours frigorifiée par l’émotion glaciale qui l’avait saisie jusque dans ses os.
Du haut de ses dix ans, presque onze, la petite fille s’était vaguement demandé comment ne plus jamais se retrouver dans une telle situation, convaincue qu’elle n’y survivrait pas une seconde fois. C’était toute la beauté et le pathétique des sentiments enfantins réunis en un même sirop dramatique : de la justesse mêlée à une absurde exagération de chaque émotion. Sa mère avait souri tendrement, amusée que son dernier bébé soit rattrapé par des réalisations plus adultes.
— Se perdre, c’est la meilleure façon de se trouver soi-même.
Aveleen n’avait pas compris. Néanmoins, en cherchant son sommeil sur le canapé qu’elle avait capricieusement refusé de quitter, elle s’était répété les palabres énigmatiques, comme une comptine, voguant dessus avec curiosité, cherchant à s’en approprier le sens, jouant avec les sonorités comme pour que le rythme ne s’imprime à défaut d’en saisir le sens ultime. Et ce jour là, bercée par la complainte de la mer en guise d’acoustique, ses doigts triturant les fils de sa couverture, cherchant du réconfort autour d’elle-même, elle s’était fait la promesse de faire preuve d’assez de folie pour retenter l’expérience.
Quelques jours plus tard, pour se donner le courage nécessaire à la première impulsion, elle avait demandé à sa mère ce qu’elle avait voulu dire.
— Que si tu as peur de te perdre, c’est que tu n’es pas à l’aise avec la solitude. Pourtant, elle devrait être ta meilleure amie : c’est avec toi-même que tu vas passer l’intégralité de ta vie. La moindre des choses, ça serait que tu t’entendes bien avec toi, non ?
Un peu agacée par cette réponse en demi-teinte, la petite Irlandaise s’était surprise à répéter cette maxime, comme une prophétie ironique qu’il lui faudrait comprendre pour grandir, mais dont sa mère refusait jalousement de lui en livrer les secrètes subtilités. Se perdre, c’est la meilleure façon de se trouver soi-même. Est-ce que cela signifiait qu’il fallait ré-itérer l’expérience jusqu’à connaitre tous les chemins ? Ou bien qu’il n’y avait qu’une seule route, dont elle ignorait encore les coordonnées ?
Comme une prophétie, Aveleen avait découvert la photographie quelques mois plus tard. La photographie et ses possibilités multiples d’exploration, la photographie et la nécessité de calme pour réussir à cadrer avec justesse, la photographie et toutes les heures durant lesquelles elle était capable de s’enfermer dans cette chambre noire pour en développer ses trouvailles, la photographie et ses routes secrètes et impénétrables. Se perdre, c’était la meilleure façon de se trouver soi -même. Et Aveleen s’était abandonnée dans sa passion jusqu’à réorganiser toute sa personnalité autour, s’était laissée coulée dans son argentique comme s’il était une partie d’elle-même, avait appris à se retrouver dans cette façon d’appréhender le monde et de le recracher en deux dimensions en format paysage. Se perdre, c’était se retrouver soi-même. Mais la photographie lui avait montré comment s’y prendre. Elle avait terrassé son besoin de contact humain, balisé ses chemins intérieurs, faisant miroiter de milles bougies la route qu’il lui fallait suivre, d’un feu brûlant qui n’avait jamais cessé de s’auto-alimenter.
La photographie, c’était sa boussole éternelle.
Et bien des années plus tard, Aveleen regretta de ne pas s’être examinée scrupuleusement dans un miroir le jour ou elle s’était perdue. Pour pouvoir immortaliser sur papier glacé la peur qui l’avait assiégée. Cette même essence qui, à chaque fois, l’attirait inexorablement, comme un secret jalousé qu’il lui fallait intercepter. C’était, elle en était sûre, un peu de cette éclat de perdition qui avait l’avait toujours fascinée dans ses clichés les plus intenses, ceux qu’elle n’assumait toujours pas.
Est-ce que cela ressemblait à cette lueur, fugace mais bien présente, qu’elle venait de saisir dans les prunelles de l’inconnue, là, sur les contrebas d’Inverness ? Deux orbes sombres qui avait faillis, un infime instant, avant de reprendre savamment le contrôle de ce qu’elles reflétaient ? Quelques micros secondes de doute, si brèves que la photographe n’était même pas certaine de ce qu’elle avait interceptée avant qu’un ouragan de contrôle ne vienne ériger de possibles barrière devant les prunelles sombres.
Perplexe, Aveleen récupéra une mèche blonde que le vent taquin venait une nouvelle fois de lui voler, l’entortillant entre ses doigts avant de la glisser derrière son oreille.
— Peut-être que son auteur l’a façonné à son image et qu’il se servira directement dans le réfrigérateur le lendemain, objecta-t-elle en surjouant un soupire de connivence féminine. Ses yeux d’un bleu polaire scrutaient toujours ceux de l’inconnue, un peu trop inquisiteurs peut-être. Enchantée, temporisa-t-elle, comme si un peu de politesse pourrait venir excuser cette cartographie exagérée.
Son interlocutrice avait l’air extrêmement confiante, tout d’un coup, avec son manteau de cuire et sa coupe à la garçonne qui lui prêtait des airs de fauve. Un peu intimidante, même : tout chez elle transpirait les certitudes. La voix posée, le maintien droit, la beauté sauvage et anguleuse de son visage, dépourvu des ornements futiles d’un maquillage et pourtant assurément féminin, la facilité avec laquelle elle lui avait répondu, sa voix grave qui s’était enroulée sur les mots dans une sonorité slave, un peu rugueuse mais néanmoins chantante. Le chien qui lui effleurait les jambes, gardien carnassier dont l’enseignante doutait que la fine laisse ne puisse réellement en retenir les excès s’il décidait de bondir. Émue et intriguée par ce contraste saisissant entre ce qu’elle avait cru voir, et ce qui s’imposait finalement sous ses yeux, elle fini par tendre sa main frigorifiée et pâle en guise de salut, avant de suspendre son geste à une distance respectable, lorgnant sur l’imposant canidé qui la fixait intensément :
— Aveleen, se présenta-t-elle. Qui a sincèrement peur de se faire croquer les doigts si elle approche plus, rajouta-t-elle en pinçant légèrement ses lèvres dans une moue amusée.
@Lubia Savčenko
A défier la solitude.
Totale, envahissante. Celle-là même qui faisait ressentir en une seule inspiration toute l’immensité du monde et l’infinitésimalement ridicule place qu’on y occupait. Celle qui donnait l’impression que les cris ne porteraient jamais suffisament loin, que les yeux ne pourraient jamais tout intercepter, que les mains ne posséderaient jamais suffisament de doigts pour se saisir toutes ces aspérités auxquelles il serait possible de se raccrocher pour ne pas tomber. Cela l’avait oppressée. Comme le glissement d’une chape de plomb à l’intérieur de son ventre, la lestant sur la péninsule Irlandaise, écrasée par toute cette immensité. Au delà du sentiment de panique intense qu’un âge juvénile avait décuplé, il s’était agis d’une autre forme de réalisation. Plus profonde. Comme si un raz de marée avait dévasté la ville de carton qu’elle avait construit sur la plage, sapant à la base les fondations, gorgeant d’une eau implacable ses croyances jusqu’à les faire céder dans une gerbe d’écume savonneuse. Ne laissant rien d’autre que le sable, vide de toute présence. C’était toute la réassurance réconfortante d’un foyer disparaissant en un claquement de doigts, toute sa certitude d’avoir toujours un point de chute accessible remise en questions, toute la solitude dont elle croyait avoir besoin jetant à sa figure avec sévérité qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’être seule signifiait réellement. On ne pouvait pas aimer quelque chose que l’on craignait aussi viscéralement que ce qu’elle avait ressenti.
— J’ai eu peur de ne jamais retrouvé mon chemin, avait-elle expliqué à sa mère en reniflant son chagrin, bien des heures plus tard, toujours frigorifiée par l’émotion glaciale qui l’avait saisie jusque dans ses os.
Du haut de ses dix ans, presque onze, la petite fille s’était vaguement demandé comment ne plus jamais se retrouver dans une telle situation, convaincue qu’elle n’y survivrait pas une seconde fois. C’était toute la beauté et le pathétique des sentiments enfantins réunis en un même sirop dramatique : de la justesse mêlée à une absurde exagération de chaque émotion. Sa mère avait souri tendrement, amusée que son dernier bébé soit rattrapé par des réalisations plus adultes.
— Se perdre, c’est la meilleure façon de se trouver soi-même.
Aveleen n’avait pas compris. Néanmoins, en cherchant son sommeil sur le canapé qu’elle avait capricieusement refusé de quitter, elle s’était répété les palabres énigmatiques, comme une comptine, voguant dessus avec curiosité, cherchant à s’en approprier le sens, jouant avec les sonorités comme pour que le rythme ne s’imprime à défaut d’en saisir le sens ultime. Et ce jour là, bercée par la complainte de la mer en guise d’acoustique, ses doigts triturant les fils de sa couverture, cherchant du réconfort autour d’elle-même, elle s’était fait la promesse de faire preuve d’assez de folie pour retenter l’expérience.
Quelques jours plus tard, pour se donner le courage nécessaire à la première impulsion, elle avait demandé à sa mère ce qu’elle avait voulu dire.
— Que si tu as peur de te perdre, c’est que tu n’es pas à l’aise avec la solitude. Pourtant, elle devrait être ta meilleure amie : c’est avec toi-même que tu vas passer l’intégralité de ta vie. La moindre des choses, ça serait que tu t’entendes bien avec toi, non ?
Un peu agacée par cette réponse en demi-teinte, la petite Irlandaise s’était surprise à répéter cette maxime, comme une prophétie ironique qu’il lui faudrait comprendre pour grandir, mais dont sa mère refusait jalousement de lui en livrer les secrètes subtilités. Se perdre, c’est la meilleure façon de se trouver soi-même. Est-ce que cela signifiait qu’il fallait ré-itérer l’expérience jusqu’à connaitre tous les chemins ? Ou bien qu’il n’y avait qu’une seule route, dont elle ignorait encore les coordonnées ?
Comme une prophétie, Aveleen avait découvert la photographie quelques mois plus tard. La photographie et ses possibilités multiples d’exploration, la photographie et la nécessité de calme pour réussir à cadrer avec justesse, la photographie et toutes les heures durant lesquelles elle était capable de s’enfermer dans cette chambre noire pour en développer ses trouvailles, la photographie et ses routes secrètes et impénétrables. Se perdre, c’était la meilleure façon de se trouver soi -même. Et Aveleen s’était abandonnée dans sa passion jusqu’à réorganiser toute sa personnalité autour, s’était laissée coulée dans son argentique comme s’il était une partie d’elle-même, avait appris à se retrouver dans cette façon d’appréhender le monde et de le recracher en deux dimensions en format paysage. Se perdre, c’était se retrouver soi-même. Mais la photographie lui avait montré comment s’y prendre. Elle avait terrassé son besoin de contact humain, balisé ses chemins intérieurs, faisant miroiter de milles bougies la route qu’il lui fallait suivre, d’un feu brûlant qui n’avait jamais cessé de s’auto-alimenter.
La photographie, c’était sa boussole éternelle.
Et bien des années plus tard, Aveleen regretta de ne pas s’être examinée scrupuleusement dans un miroir le jour ou elle s’était perdue. Pour pouvoir immortaliser sur papier glacé la peur qui l’avait assiégée. Cette même essence qui, à chaque fois, l’attirait inexorablement, comme un secret jalousé qu’il lui fallait intercepter. C’était, elle en était sûre, un peu de cette éclat de perdition qui avait l’avait toujours fascinée dans ses clichés les plus intenses, ceux qu’elle n’assumait toujours pas.
Est-ce que cela ressemblait à cette lueur, fugace mais bien présente, qu’elle venait de saisir dans les prunelles de l’inconnue, là, sur les contrebas d’Inverness ? Deux orbes sombres qui avait faillis, un infime instant, avant de reprendre savamment le contrôle de ce qu’elles reflétaient ? Quelques micros secondes de doute, si brèves que la photographe n’était même pas certaine de ce qu’elle avait interceptée avant qu’un ouragan de contrôle ne vienne ériger de possibles barrière devant les prunelles sombres.
Perplexe, Aveleen récupéra une mèche blonde que le vent taquin venait une nouvelle fois de lui voler, l’entortillant entre ses doigts avant de la glisser derrière son oreille.
— Peut-être que son auteur l’a façonné à son image et qu’il se servira directement dans le réfrigérateur le lendemain, objecta-t-elle en surjouant un soupire de connivence féminine. Ses yeux d’un bleu polaire scrutaient toujours ceux de l’inconnue, un peu trop inquisiteurs peut-être. Enchantée, temporisa-t-elle, comme si un peu de politesse pourrait venir excuser cette cartographie exagérée.
Son interlocutrice avait l’air extrêmement confiante, tout d’un coup, avec son manteau de cuire et sa coupe à la garçonne qui lui prêtait des airs de fauve. Un peu intimidante, même : tout chez elle transpirait les certitudes. La voix posée, le maintien droit, la beauté sauvage et anguleuse de son visage, dépourvu des ornements futiles d’un maquillage et pourtant assurément féminin, la facilité avec laquelle elle lui avait répondu, sa voix grave qui s’était enroulée sur les mots dans une sonorité slave, un peu rugueuse mais néanmoins chantante. Le chien qui lui effleurait les jambes, gardien carnassier dont l’enseignante doutait que la fine laisse ne puisse réellement en retenir les excès s’il décidait de bondir. Émue et intriguée par ce contraste saisissant entre ce qu’elle avait cru voir, et ce qui s’imposait finalement sous ses yeux, elle fini par tendre sa main frigorifiée et pâle en guise de salut, avant de suspendre son geste à une distance respectable, lorgnant sur l’imposant canidé qui la fixait intensément :
— Aveleen, se présenta-t-elle. Qui a sincèrement peur de se faire croquer les doigts si elle approche plus, rajouta-t-elle en pinçant légèrement ses lèvres dans une moue amusée.
@Lubia Savčenko
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Re: [(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Ven 16 Avr 2021 - 18:02
(mood) Les gens que tu côtoies sont terriblement prévisibles – ambitieux, attirés par le pouvoir, uniquement intéressés par l’autre dans la mesure où elle peut leur apporter quelque chose. Des points, des contacts, des réseaux, toujours, des nœuds à serrer, et tu en as largement l’habitude, évoluant dans ces milieux de requins depuis trop longtemps pour être réellement impressionnée lorsqu’un autre squale croise ton chemin. Pour cela, que tu t’es attachée à des êtres qui n’avaient rien à voir avec ton milieu de costards, celui où un sourire carnassier qui n’a rien de mensonger s’étire sur tes lèvres lorsque les rotules de tes adversaires fracassent le sol – au sens figuré, mais le sens littéral ne te ferait pas pleurer.
Cadre discursif. Tu sais qu’il y a de ceux qui n’attendent que leur tour pour parler, ceux qui sont là pour être distraits, ceux qui ne sont pas réellement intéressés. Tu sais qu’il y a ceux qui cherchent à se lier à d’autres âmes, peu importe le medium. Les pudiques, qui se lient par l’observation – les commentaires qu’on fait sur la scène, le paysage, l’entourage immédiat. La conversation sensuelle, où l’on devine l’autre à travers ses prunelles, ses papilles, son nez – car là où l’attention s’arrête, elle trouve un intérêt ou un dégoût qui s’enracine dans son réel. Dis-moi ce que tu aimes, je te dirai qui tu es. Les volubiles, qui s’épanchent pour mieux inviter l’autre à faire de même, une main gracieuse ou malhabile tendue en un élan souvent plus fort qu’eux, avec pour arrière-pensée subséquente qu’ils auraient dû faire l’économie de quelques révélations, qu’à trop donner on perd de son intérêt. Les énigmatiques, qu’on pourrait croire désintéressés, ajourant leurs phrases d’allégories pour le plaisir de le faire ou pour rassurer leurs propres angoisses face à l’inconnu, ne parvenant pas tout à fait à traduire leur curiosité envers l’autre. Les solaires, dont l’esprit ne s’encombre pas du tracas des qu’en pensera l’autre, généreux de leur attention et de leurs humeurs. Les philosophes, qui se rapprochent par les idées, jaugeant sans en avoir l’air les valeurs de l’interlocuteur. Les artistes, qu’on ne saisit pas tout à fait, traversés de trop d’inconnus dans l’équation. Labiles.
« Peut-être que son auteur l’a façonné à son image et qu’il se servira directement dans le réfrigérateur le lendemain », et tu souris en retour, amusée par l’exhalaison quasi-comédique, mais ses yeux à elle ne mentent pas, et tu t’offres à son regard sans générosité. Avare de franchise, mais que dois-tu à une inconnue? « Enchantée. » Dépeçage par les prunelles. La courbe sourcilière trop arquée pour être désintéressée, pas assez pour lui donner un air de biche sur le point d’être traquée, non. Les yeux ne suivent pas, regard arctique et inquisiteur qui coule le long de la peau piquetée d’ambre typique des héritiers d’Albion … ou d’Eire? Tu as du mal à distinguer les subtilités des îles britanniques, lorsqu’il ne s’agit pas de celles des Gallois ou des fiers Highlanders. « Aveleen. Qui a sincèrement peur de se faire croquer les doigts si elle approche plus ». Un pli amusé se faufile le long de tes traits lorsque tu décernes un regard à ton compagnon canin, avant de retrouver celui de la sorcière.
« Lubia », réponds-tu, la voix qui ne roucoule pas encore, pas pour ton nom, qui ne se sertit pas d’assez d’aspérités pour qu’une langue s’y enroule. Il coule entre les lèvres, file entre les doigts – tellement court que les surnoms paraissent presque idiots, ou est-ce parce que tu n’inspires pas les raccourcis ? Lou. Née un 14 février, et tes parents se sont sentis terriblement vifs d’esprit de te nommer pour une déclinaison d’amour qui trouve un écho dans les langues slaves. L’Aimée. et tes phalanges quittent tes poches, dessins encrés tendus sous la fine pellicule de peau qui les protège, pour mieux serrer ceux que l’inconnue te tend. Ses doigts froids entre la chaleur lycane des tiens, et tu n’y mets pas la poigne dont tu es capable, te contentant d’une douce pression calorifère. « et Rufus », ajoutes-tu en désignant le canidé d’apparence plus féroce que ne l’est son tempérament, main libre lui accordant une caresse qu’il se dépêche de rencontrer du sommet du crâne comme un félin, « qui n’a de gardien que le titre. Il ne surveille pas grand-chose, heureusement », et tes lèvres pleines s’ourlent d’un sourire frisant l’ironie, mais il y a de la connivence qui danse dans ton regard acier, et si elle ne ment pas, elle ne dit certainement pas toute la vérité.
Ses contours sont flous, à elle – ça te donne envie de rester. Il y a son verbe irlandais, que tu distingues à peine des trémolos post-industriels d’Oz, l’accent du Mancunian plaisant d’ailleurs bien plus à ton oreille que le posh anglais londonien. Sa solitude, aussi – quoique, corriges-tu, les probabilités qu’elle rejoigne quelqu’un et décide de débuter une conversation par ennui sont tout à fait plausibles. N’as-tu pas toi-même pris la direction des quais pour cette raison? Non pas celui qui s’inscrit dans les banalités, mais l’ennui baudelairien qui plombe les entrailles. Sa curiosité, alors. Un éclat intrigué qui valse au fond de ses yeux terriblement clairs – mais ça, t’en as l’habitude, cultivant cet effet de surprise chez tes interlocuteurs depuis que tu as compris le pouvoir de déstabiliser un adversaire en négociations. La lueur est différente. Impudique dans son intérêt, mais loin de la malveillance. Il y a un appétit derrière – ça te donner envie de rester.
« Avez-vous prévu votre costume du Loony Dook? », demandes-tu, un sourire entendu aux lèvres d’imaginer la beauté nébuleuse les hanches ceintes du costume ridicule traditionnel des fêtes du lendemain du Nouvel an, moldus et sorciers s’élançant sans distinction dans les eaux froides du Moray Firth en guise de traitement choc contre la veillée teintée de houblon et de flammes de la procession païenne.
Cadre discursif. Tu sais qu’il y a de ceux qui n’attendent que leur tour pour parler, ceux qui sont là pour être distraits, ceux qui ne sont pas réellement intéressés. Tu sais qu’il y a ceux qui cherchent à se lier à d’autres âmes, peu importe le medium. Les pudiques, qui se lient par l’observation – les commentaires qu’on fait sur la scène, le paysage, l’entourage immédiat. La conversation sensuelle, où l’on devine l’autre à travers ses prunelles, ses papilles, son nez – car là où l’attention s’arrête, elle trouve un intérêt ou un dégoût qui s’enracine dans son réel. Dis-moi ce que tu aimes, je te dirai qui tu es. Les volubiles, qui s’épanchent pour mieux inviter l’autre à faire de même, une main gracieuse ou malhabile tendue en un élan souvent plus fort qu’eux, avec pour arrière-pensée subséquente qu’ils auraient dû faire l’économie de quelques révélations, qu’à trop donner on perd de son intérêt. Les énigmatiques, qu’on pourrait croire désintéressés, ajourant leurs phrases d’allégories pour le plaisir de le faire ou pour rassurer leurs propres angoisses face à l’inconnu, ne parvenant pas tout à fait à traduire leur curiosité envers l’autre. Les solaires, dont l’esprit ne s’encombre pas du tracas des qu’en pensera l’autre, généreux de leur attention et de leurs humeurs. Les philosophes, qui se rapprochent par les idées, jaugeant sans en avoir l’air les valeurs de l’interlocuteur. Les artistes, qu’on ne saisit pas tout à fait, traversés de trop d’inconnus dans l’équation. Labiles.
« Peut-être que son auteur l’a façonné à son image et qu’il se servira directement dans le réfrigérateur le lendemain », et tu souris en retour, amusée par l’exhalaison quasi-comédique, mais ses yeux à elle ne mentent pas, et tu t’offres à son regard sans générosité. Avare de franchise, mais que dois-tu à une inconnue? « Enchantée. » Dépeçage par les prunelles. La courbe sourcilière trop arquée pour être désintéressée, pas assez pour lui donner un air de biche sur le point d’être traquée, non. Les yeux ne suivent pas, regard arctique et inquisiteur qui coule le long de la peau piquetée d’ambre typique des héritiers d’Albion … ou d’Eire? Tu as du mal à distinguer les subtilités des îles britanniques, lorsqu’il ne s’agit pas de celles des Gallois ou des fiers Highlanders. « Aveleen. Qui a sincèrement peur de se faire croquer les doigts si elle approche plus ». Un pli amusé se faufile le long de tes traits lorsque tu décernes un regard à ton compagnon canin, avant de retrouver celui de la sorcière.
« Lubia », réponds-tu, la voix qui ne roucoule pas encore, pas pour ton nom, qui ne se sertit pas d’assez d’aspérités pour qu’une langue s’y enroule. Il coule entre les lèvres, file entre les doigts – tellement court que les surnoms paraissent presque idiots, ou est-ce parce que tu n’inspires pas les raccourcis ? Lou. Née un 14 février, et tes parents se sont sentis terriblement vifs d’esprit de te nommer pour une déclinaison d’amour qui trouve un écho dans les langues slaves. L’Aimée. et tes phalanges quittent tes poches, dessins encrés tendus sous la fine pellicule de peau qui les protège, pour mieux serrer ceux que l’inconnue te tend. Ses doigts froids entre la chaleur lycane des tiens, et tu n’y mets pas la poigne dont tu es capable, te contentant d’une douce pression calorifère. « et Rufus », ajoutes-tu en désignant le canidé d’apparence plus féroce que ne l’est son tempérament, main libre lui accordant une caresse qu’il se dépêche de rencontrer du sommet du crâne comme un félin, « qui n’a de gardien que le titre. Il ne surveille pas grand-chose, heureusement », et tes lèvres pleines s’ourlent d’un sourire frisant l’ironie, mais il y a de la connivence qui danse dans ton regard acier, et si elle ne ment pas, elle ne dit certainement pas toute la vérité.
Ses contours sont flous, à elle – ça te donne envie de rester. Il y a son verbe irlandais, que tu distingues à peine des trémolos post-industriels d’Oz, l’accent du Mancunian plaisant d’ailleurs bien plus à ton oreille que le posh anglais londonien. Sa solitude, aussi – quoique, corriges-tu, les probabilités qu’elle rejoigne quelqu’un et décide de débuter une conversation par ennui sont tout à fait plausibles. N’as-tu pas toi-même pris la direction des quais pour cette raison? Non pas celui qui s’inscrit dans les banalités, mais l’ennui baudelairien qui plombe les entrailles. Sa curiosité, alors. Un éclat intrigué qui valse au fond de ses yeux terriblement clairs – mais ça, t’en as l’habitude, cultivant cet effet de surprise chez tes interlocuteurs depuis que tu as compris le pouvoir de déstabiliser un adversaire en négociations. La lueur est différente. Impudique dans son intérêt, mais loin de la malveillance. Il y a un appétit derrière – ça te donner envie de rester.
« Avez-vous prévu votre costume du Loony Dook? », demandes-tu, un sourire entendu aux lèvres d’imaginer la beauté nébuleuse les hanches ceintes du costume ridicule traditionnel des fêtes du lendemain du Nouvel an, moldus et sorciers s’élançant sans distinction dans les eaux froides du Moray Firth en guise de traitement choc contre la veillée teintée de houblon et de flammes de la procession païenne.
- InvitéInvité
Re: [(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Lun 19 Avr 2021 - 22:56
La lumière des guirlandes baignait les quais de la Marina dans un mélange de clair-obscur, faisant danser les ombres au sol et luire doucement les regards. C’était une ambiance feutrée et intimiste malgré la foule, avec l’odeur de braises incandescentes qui flottait encore dans l’air — vestige du passage des flambeaux — et les murmures ouatés de toutes ces discussions qui se superposaient les unes aux autres, dans une agréable juxtaposition de rires et d’exclamations à peine étouffées. La joie ambiante faisait couler sur eux son miel fleuri de bonne humeur et texturé de douceur, auquel Aveleen n’échappait pas : ses yeux souriaient, tout comme ses lèvres, alors qu’elle détaillait un peu plus l’inconnue avec qui elle venait de débuter une conversation aussi légère que ne l’était cette soirée festive.
— Lubia, lui offrit-elle son prénom en lui présentant une poignée de doigts, contre lesquels la photographe s’égara juste assez pour jalouser la chaleur qui avait rencontré le froid arctique de sa propre peau.
L’enseignante s’était trompée : une lanterne perchée au dessus d’une branche venait de faire miroiter deux orbes fascinantes, qui n’étaient définitivement pas aussi sombres qu’elle l’avait cru aux premiers abords. Les iris fichés dans les siens, comme deux petits joyaux cerclés de noirs, étaient faits d’un mélange mystérieux, comme si on avait distillé une pincée de poudre cobalt dans un océan liquide de chlorophylle. Ou peut-être était-ce l’inverse ? S’interrogeait-elle, tout en acquiesçant à la présentation canidé et à ses vertus pacifiques. Peut-être était-ce un sirop à la menthe dans un curaçao ? Quelque part, quelqu’un s’était amusé avec sa palette de couleur, et ça donnait à cette Lubia des airs toujours plus mutins, un peu farouches aussi. Un regard si clair dans un visage qui faisait tout pour déclarer sa force de caractère - la coupe garçonne assumée, le manteau de cuir, les arabesques qu’elle avait entraperçues en filigrane sur sa peau légèrement mordorée - tout ça renvoyait un contraste étrange, qui accaparait toute la curiosité artistique de la photographe. Elle avait l’air d’un croisement inattendu entre une nymphe aquatique et un de ces bikers qui sillonnait les routes Irlandaises avec son chien, son bandana et ses lunettes de soleil. Comme le mélange hasardeux des pigments de ses yeux, quelle partie était infusée dans l’autre pour camoufler la nature première ? Les yeux étaient-ils là pour adoucir l’ensemble, ou tout le reste de son apparence était-il une savante construction pour noyer le bref éclat qu’elle avait aperçu un peu plus tôt ?
— Avez-vous prévu votre costume du Loony Dook ? fut-elle tirée de sa rêverie pleine de conjectures aussi colorées qu’absurdes.
— Évidemment, mentit-t-elle en surjouant, se pinçant les lèvres tandis qu’elle réfléchissait.
Toute cette overdose de bleu tirant vers le vert la fit filer d’une idée à une autre, alors que ses racines Irlandaises cherchaient un folklore à associer à un bain costumé dans lequel on la forcerait à se plonger.
— Mélusine, finit-elle par proposer de son air rêveur, puisqu’après tout, la célèbre fée était également fille du roi d’Ecosse dans certaines versions du conte.
Elle porta son verre de vin chaud à ses lèvres : s’imaginer oser se laisser glisser dans les eaux mordantes de décembre, cinglée par des courants encore plus glacés que les gifles de vents, lui suffisait amplement pour frissonner par anticipation de la tête au pied. Pas étonnant que cette tradition prenne ses racines dans une idée soufflée par un trop plein d’alcool, qu’un peu de témérité avait suffit à rendre assez loufoque pour virer à la tradition. Et qui de mieux que la fée qui se transforme lorsqu’elle s’immerge dans sa prison aqueuse, comme elle finirait en glaçon dès qu’elle y plongerait le premier orteil, après tout ?
— Mais sans la queue de Serpent, précisa-t-elle en ourlant ses lèvres rougies par le vent avec un air entendu.
Et on pouvait presque croire qu’elle y mettait tout son coeur et son imagination, comme si le costume était savamment prévu depuis plusieurs jours et qu’il fallait temporiser les ardeurs. Aveleen s’était fondu dans l’invitation écossaise avec un soudain amusement, entretenu par les grondements sourds et mystiques des tambours — qui se répercutaient toujours au fond de la grande place, les bougies que l’on avait allumées ci-et là sur le ponton et l’ambiance celtique, qui se diffusait comme un parfum entêtant à chaque bourrasque.
— C’est que le calendrier de ses mutations est très précis, fit-elle d’un air presque navré, un peu rieur aussi.
Comme s’il ne fallait pas contrarier le folklore, pour excuser ses piètres talents de magie couturière s’il lui fallait bricoler une tenue pour le lendemain.
— Un seul jour par semaine, son corps se recouvre d’écailles juste en dessous du nombril. Mais demain, nous sommes vendredi et non samedi, alors nous serons saufs : pas de monstre à demi-lézard, souffla-t-elle d’un petit air contrit et théâtral. Et vous ? La taquina-t-elle .
Après tout, il n’y avait pas de raison à ne pas lui renvoyer ce qui ressemblait de plus en plus à un pari à demi-mot. Évidemment, la photographe était tout à fait consciente que si elle tombait sur plus joueuse qu’elle, toute cette conversation risquait d’aboutir à une baignade gelée sous l’aube naissance de la nouvelle année. De quoi laver les péchés, l’âme — et surtout le foie — en frissonnant jusqu’à en faire trembler les dents et les os, au nom de la sacro-sainte tradition. Et de beaucoup, beaucoup de bière, aussi : heureusement, elle était de ses natures que peu de bulles suffisaient à rendre pétillante.
— En quoi vous transformerez vous lorsque le soleil chassera la dernière lune de cette année ?
@Lubia Savčenko
— Lubia, lui offrit-elle son prénom en lui présentant une poignée de doigts, contre lesquels la photographe s’égara juste assez pour jalouser la chaleur qui avait rencontré le froid arctique de sa propre peau.
L’enseignante s’était trompée : une lanterne perchée au dessus d’une branche venait de faire miroiter deux orbes fascinantes, qui n’étaient définitivement pas aussi sombres qu’elle l’avait cru aux premiers abords. Les iris fichés dans les siens, comme deux petits joyaux cerclés de noirs, étaient faits d’un mélange mystérieux, comme si on avait distillé une pincée de poudre cobalt dans un océan liquide de chlorophylle. Ou peut-être était-ce l’inverse ? S’interrogeait-elle, tout en acquiesçant à la présentation canidé et à ses vertus pacifiques. Peut-être était-ce un sirop à la menthe dans un curaçao ? Quelque part, quelqu’un s’était amusé avec sa palette de couleur, et ça donnait à cette Lubia des airs toujours plus mutins, un peu farouches aussi. Un regard si clair dans un visage qui faisait tout pour déclarer sa force de caractère - la coupe garçonne assumée, le manteau de cuir, les arabesques qu’elle avait entraperçues en filigrane sur sa peau légèrement mordorée - tout ça renvoyait un contraste étrange, qui accaparait toute la curiosité artistique de la photographe. Elle avait l’air d’un croisement inattendu entre une nymphe aquatique et un de ces bikers qui sillonnait les routes Irlandaises avec son chien, son bandana et ses lunettes de soleil. Comme le mélange hasardeux des pigments de ses yeux, quelle partie était infusée dans l’autre pour camoufler la nature première ? Les yeux étaient-ils là pour adoucir l’ensemble, ou tout le reste de son apparence était-il une savante construction pour noyer le bref éclat qu’elle avait aperçu un peu plus tôt ?
— Avez-vous prévu votre costume du Loony Dook ? fut-elle tirée de sa rêverie pleine de conjectures aussi colorées qu’absurdes.
— Évidemment, mentit-t-elle en surjouant, se pinçant les lèvres tandis qu’elle réfléchissait.
Toute cette overdose de bleu tirant vers le vert la fit filer d’une idée à une autre, alors que ses racines Irlandaises cherchaient un folklore à associer à un bain costumé dans lequel on la forcerait à se plonger.
— Mélusine, finit-elle par proposer de son air rêveur, puisqu’après tout, la célèbre fée était également fille du roi d’Ecosse dans certaines versions du conte.
Elle porta son verre de vin chaud à ses lèvres : s’imaginer oser se laisser glisser dans les eaux mordantes de décembre, cinglée par des courants encore plus glacés que les gifles de vents, lui suffisait amplement pour frissonner par anticipation de la tête au pied. Pas étonnant que cette tradition prenne ses racines dans une idée soufflée par un trop plein d’alcool, qu’un peu de témérité avait suffit à rendre assez loufoque pour virer à la tradition. Et qui de mieux que la fée qui se transforme lorsqu’elle s’immerge dans sa prison aqueuse, comme elle finirait en glaçon dès qu’elle y plongerait le premier orteil, après tout ?
— Mais sans la queue de Serpent, précisa-t-elle en ourlant ses lèvres rougies par le vent avec un air entendu.
Et on pouvait presque croire qu’elle y mettait tout son coeur et son imagination, comme si le costume était savamment prévu depuis plusieurs jours et qu’il fallait temporiser les ardeurs. Aveleen s’était fondu dans l’invitation écossaise avec un soudain amusement, entretenu par les grondements sourds et mystiques des tambours — qui se répercutaient toujours au fond de la grande place, les bougies que l’on avait allumées ci-et là sur le ponton et l’ambiance celtique, qui se diffusait comme un parfum entêtant à chaque bourrasque.
— C’est que le calendrier de ses mutations est très précis, fit-elle d’un air presque navré, un peu rieur aussi.
Comme s’il ne fallait pas contrarier le folklore, pour excuser ses piètres talents de magie couturière s’il lui fallait bricoler une tenue pour le lendemain.
— Un seul jour par semaine, son corps se recouvre d’écailles juste en dessous du nombril. Mais demain, nous sommes vendredi et non samedi, alors nous serons saufs : pas de monstre à demi-lézard, souffla-t-elle d’un petit air contrit et théâtral. Et vous ? La taquina-t-elle .
Après tout, il n’y avait pas de raison à ne pas lui renvoyer ce qui ressemblait de plus en plus à un pari à demi-mot. Évidemment, la photographe était tout à fait consciente que si elle tombait sur plus joueuse qu’elle, toute cette conversation risquait d’aboutir à une baignade gelée sous l’aube naissance de la nouvelle année. De quoi laver les péchés, l’âme — et surtout le foie — en frissonnant jusqu’à en faire trembler les dents et les os, au nom de la sacro-sainte tradition. Et de beaucoup, beaucoup de bière, aussi : heureusement, elle était de ses natures que peu de bulles suffisaient à rendre pétillante.
— En quoi vous transformerez vous lorsque le soleil chassera la dernière lune de cette année ?
@Lubia Savčenko
- InvitéInvité
Re: [(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Dim 9 Mai 2021 - 13:08
(mood) L’infante d’Eire ressemble à tout le monde et à personne à la fois, avec son sourire amène de connivence féminine et ses cheveux blonds mi-longs. Un regard externe qui s’égarerait sur vous s’offrirait le plaisir (ou le choc) du contraste de vos façons respectives de vous présenter au monde, sur l’instant – car si l’une pourrait être n’importe qui, l’autre semble trop spécifique pour qu’on la catégorise. Caméléons second genre, de celle qui se cache à la vue de tous et celle qui choque trop l’œil pour qu’il ose. Le profane-t-il réellement? Son regard septentrional court sur toi, Lubia, et tu penches la tête sur le côté, avenante et roublarde à la fois, avec l’air de qui se laisse regarder. Sur toi, ses prunelles te paraissent presque affamées, inquisitrices – mais elles pourraient être utiles partout, n’est-ce pas? Éclipsent le reste de son anatomie, le nez pointu dans un visage troué par les pommettes saillantes – belle, certes, et le visage d’une femme t’émeut pour moins que ça, mais là où son apparence s’habille de l’ordinaire, ses yeux te laissent le loisir de lui imaginer une occupation. Hélas, un regard curieux ne suffit pas à deviner l’entièreté d’une personne, et Merlin sait que de nombreuses âmes sont forcées d’ignorer certaines prédispositions naturelles pour payer les factures à la fin du mois. Qui sait, alors, si la quasi-inconnue a tout de l’artiste ou de la prosaïque maîtresse de maison?
Surtout – est-elle un hérisson, ou un renard? Dans un essai célèbre, Isaiah Berlin a divisé le monde entre hérissons et renards. L’auteur se basait sur une ancienne parabole grecque : il sait bien des tours, le renard. Le hérisson n’en connait qu’un, mais il est fameux. Le goupil, traquant sa proie, multiplie les escroqueries, capable de reconnaître les formes que prennent les mouvements d’évasion de ses proies, sait dénicher leurs terriers, voir où se terrent les créatures qu’il chasse. Le rongeur, lui, ne sait que se rouler en boule et présenter ses épines à l’univers – et ressort vainqueur de leurs échanges. Hérisson, ou renard?
Sourire aux lèvres, tu l’interroges au sujet de son costume du Loony Dook – la voix qui se module au rythme des possibles : curiosité, conversation aimable, ou défi? Une douceur indolente, peut-être, de celle dont font preuve les félins lorsqu’ils approchent des proies de leurs affections ou de leur attention prédatrice – ils ne les donnent que lorsqu’eux le souhaitent, et jamais parce qu’on leur a réclamé quelques bribes ou promesses. « Évidemment ». Poliment, tu te tais, les sourcils légèrement haussés en guise d’attente de la suite – réalisant que tu devras toi-même improviser un costume, si parmi les offrandes, la sorcière choisit de saisir le gage. « Mélusine », répond la jeune femme, et tu vois dans ses yeux autant que tu perçois dans sa voix les accents familiers de qui songe à une anecdote chérie. Ignorant la majorité du folklore régnant en maître le long des collines verdoyantes des îles constellant Britannia, tu te contentes de lui présenter un air poliment intrigué savamment maquillé d’intérêt. Le secret est là : adapter les émotions qui sont déjà là pour les rendre convenables à la situation. « Mais sans la queue de Serpent » et tu hoches la tête, décidant de ne pas interrompre la lancée de l’infante d’Eire. Approche didactique malgré elle, envie de partage, ou est-ce que tes prunelles trahissent ton manque de culture en la matière? Les dieux font les choses en trois – mais peut-être pas la troisième, décides-tu. « C’est que le calendrier de ses mutations est très précis » et un sourire se fend sur ton visage, air de connivence de quelqu’un qui sait exactement de quelle figure la blonde parle, mais il n’en est rien – tes lippes se pressent surtout du sentiment d’amusement qui t’a étreint le cœur, de te dire et moi donc. Ton amusement discret se maquille tout juste en complicité polie d’inconnue sympathique mais pas désintéressée. « Un seul jour par semaine, son corps se recouvre d’écailles juste en dessous du nombril. Mais demain, nous sommes vendredi et non samedi, alors nous serons saufs : pas de monstre à demi-lézard »
Presque dommage, te dis-tu, que de ne pas côtoyer une chimère pour la nuit – n’est-ce pas ce que tu as fait la veille à pareille heure, pattes fumantes martelant le no man’s land sibérien? Mais ton épiderme se change en entier, toison de nuit et prunelles dorées honorant l’âme greffée à la tienne depuis plus de quinze ans, joie sauvage multipliée dans le froid polaire de la toundra de la terre de tes ancêtres. Avec les années, tu as obtenu des bribes de mémoire de ces nuits lunaires, cadeau de la louve à laquelle tu ne mets plus de bride depuis près d’une décennie. La sensation du lychen qui craquelle sous les pas puissants, le froid dont la créature a conscience mais dont elle ne s’embarrasse pas. L’agressivité latente, qui n’admet aucune présence humaine mais accepte les autres animaux autour d’elle, la félicité teintée de cruauté de se savoir au faîte de sa puissance, débarrassée d’une enveloppe charnelle que la lycane accepte tout juste, au profit de la carcasse vigoureuse couleur d’encre. « Et vous ? En quoi vous transformerez vous lorsque le soleil chassera la dernière lune de cette année ? »
La louve sourit – avec les dents. « Oh je termine à peine une transformation mensuelle, que j’aime appeler découvrir le concept de jours de repos », lances-tu, mentant à peine – Merlin sait que tu as souvent dormi au bureau depuis le début de ta carrière. « A.A. Milne pour ma part », souffles-tu, imaginant que la sorcière aura la référence d’un des rares auteurs britanniques que tu connaisses – et encore, il fallait que ce soit le créateur d’histoires pour enfants moldus. « Un t-shirt rouge et un pot de miel en guise de Winnie the Pooh. Les autres personnages n’ayant que leur toison pour vêtement, je craignais la noyade si je devais me glisser dans un habit de Tigrou ou Bourriquet », plaisantes-tu, mentant avec habileté alors que tu fais l’inventaire mental de tes possessions sur l’Insubmersible, parmi lesquelles comptent les deux éléments du costume. Appuyant tes dires d’une œillade, tu conclus : « En Winnie, je gagne la collation par-dessus le marché. »
Ton rire a à peine le temps d’effleurer la buée de ton exhalaison que tes prunelles d’acier se fixent sur un inconnu, derrière. Il a l’œil larmoyant de qui a trop bu ou se laisse submerger par des émotions – les deux, décides-tu, et ses propres yeux semblent accrochés à la silhouette gracile de ton interlocutrice. Son air te déplaît assez pour décider de ne pas le pointer. « Êtes-vous accompagnée? », demandes-tu, adressant un sourire aimable à Aveleen avec l’air de qui veut une partenaire de boissons pour la soirée. On semble vous fixer très intensément par derrière.
Surtout – est-elle un hérisson, ou un renard? Dans un essai célèbre, Isaiah Berlin a divisé le monde entre hérissons et renards. L’auteur se basait sur une ancienne parabole grecque : il sait bien des tours, le renard. Le hérisson n’en connait qu’un, mais il est fameux. Le goupil, traquant sa proie, multiplie les escroqueries, capable de reconnaître les formes que prennent les mouvements d’évasion de ses proies, sait dénicher leurs terriers, voir où se terrent les créatures qu’il chasse. Le rongeur, lui, ne sait que se rouler en boule et présenter ses épines à l’univers – et ressort vainqueur de leurs échanges. Hérisson, ou renard?
Sourire aux lèvres, tu l’interroges au sujet de son costume du Loony Dook – la voix qui se module au rythme des possibles : curiosité, conversation aimable, ou défi? Une douceur indolente, peut-être, de celle dont font preuve les félins lorsqu’ils approchent des proies de leurs affections ou de leur attention prédatrice – ils ne les donnent que lorsqu’eux le souhaitent, et jamais parce qu’on leur a réclamé quelques bribes ou promesses. « Évidemment ». Poliment, tu te tais, les sourcils légèrement haussés en guise d’attente de la suite – réalisant que tu devras toi-même improviser un costume, si parmi les offrandes, la sorcière choisit de saisir le gage. « Mélusine », répond la jeune femme, et tu vois dans ses yeux autant que tu perçois dans sa voix les accents familiers de qui songe à une anecdote chérie. Ignorant la majorité du folklore régnant en maître le long des collines verdoyantes des îles constellant Britannia, tu te contentes de lui présenter un air poliment intrigué savamment maquillé d’intérêt. Le secret est là : adapter les émotions qui sont déjà là pour les rendre convenables à la situation. « Mais sans la queue de Serpent » et tu hoches la tête, décidant de ne pas interrompre la lancée de l’infante d’Eire. Approche didactique malgré elle, envie de partage, ou est-ce que tes prunelles trahissent ton manque de culture en la matière? Les dieux font les choses en trois – mais peut-être pas la troisième, décides-tu. « C’est que le calendrier de ses mutations est très précis » et un sourire se fend sur ton visage, air de connivence de quelqu’un qui sait exactement de quelle figure la blonde parle, mais il n’en est rien – tes lippes se pressent surtout du sentiment d’amusement qui t’a étreint le cœur, de te dire et moi donc. Ton amusement discret se maquille tout juste en complicité polie d’inconnue sympathique mais pas désintéressée. « Un seul jour par semaine, son corps se recouvre d’écailles juste en dessous du nombril. Mais demain, nous sommes vendredi et non samedi, alors nous serons saufs : pas de monstre à demi-lézard »
Presque dommage, te dis-tu, que de ne pas côtoyer une chimère pour la nuit – n’est-ce pas ce que tu as fait la veille à pareille heure, pattes fumantes martelant le no man’s land sibérien? Mais ton épiderme se change en entier, toison de nuit et prunelles dorées honorant l’âme greffée à la tienne depuis plus de quinze ans, joie sauvage multipliée dans le froid polaire de la toundra de la terre de tes ancêtres. Avec les années, tu as obtenu des bribes de mémoire de ces nuits lunaires, cadeau de la louve à laquelle tu ne mets plus de bride depuis près d’une décennie. La sensation du lychen qui craquelle sous les pas puissants, le froid dont la créature a conscience mais dont elle ne s’embarrasse pas. L’agressivité latente, qui n’admet aucune présence humaine mais accepte les autres animaux autour d’elle, la félicité teintée de cruauté de se savoir au faîte de sa puissance, débarrassée d’une enveloppe charnelle que la lycane accepte tout juste, au profit de la carcasse vigoureuse couleur d’encre. « Et vous ? En quoi vous transformerez vous lorsque le soleil chassera la dernière lune de cette année ? »
La louve sourit – avec les dents. « Oh je termine à peine une transformation mensuelle, que j’aime appeler découvrir le concept de jours de repos », lances-tu, mentant à peine – Merlin sait que tu as souvent dormi au bureau depuis le début de ta carrière. « A.A. Milne pour ma part », souffles-tu, imaginant que la sorcière aura la référence d’un des rares auteurs britanniques que tu connaisses – et encore, il fallait que ce soit le créateur d’histoires pour enfants moldus. « Un t-shirt rouge et un pot de miel en guise de Winnie the Pooh. Les autres personnages n’ayant que leur toison pour vêtement, je craignais la noyade si je devais me glisser dans un habit de Tigrou ou Bourriquet », plaisantes-tu, mentant avec habileté alors que tu fais l’inventaire mental de tes possessions sur l’Insubmersible, parmi lesquelles comptent les deux éléments du costume. Appuyant tes dires d’une œillade, tu conclus : « En Winnie, je gagne la collation par-dessus le marché. »
Ton rire a à peine le temps d’effleurer la buée de ton exhalaison que tes prunelles d’acier se fixent sur un inconnu, derrière. Il a l’œil larmoyant de qui a trop bu ou se laisse submerger par des émotions – les deux, décides-tu, et ses propres yeux semblent accrochés à la silhouette gracile de ton interlocutrice. Son air te déplaît assez pour décider de ne pas le pointer. « Êtes-vous accompagnée? », demandes-tu, adressant un sourire aimable à Aveleen avec l’air de qui veut une partenaire de boissons pour la soirée. On semble vous fixer très intensément par derrière.
Proposition de dés a écrit:
1-2 – un ancien soupirant éconduit, avec envies d’en découdre
3-4 – un inconnu en état d’ébriété qui veut simplement faire son gros lourd
5-6 – une menace. Pourquoi?
- InvitéInvité
Re: [(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Lun 24 Mai 2021 - 18:34
(tw - ghb, drogues)
Le vin chaud avait une délicate saveur épicée. Il semblait à l’Irlandaise percevoir un peu de cannelle et de Bergamote, dissimulant peut-être un peu trop bien les prémices de quelques bouffées de chaleur. Doucement, l’éthanol qui ne s’était pas encore évaporé lors de l’ébullition semblait lui monter à la tête, colorant ses joues opalines d’une discrète couleur rosée et faisant miroiter légèrement ses yeux pâles. Elle s’esclaffa peut-être un peu trop fort lorsque l’inconnue - non, Lubia, elle lui avait donné son prénom - lui annonça le déguisement sur lequel son choix s’était arrêté. Il fallait dire que la silhouette élancée et tout en muscles de son interlocutrice était bien loin de lui inspirer les courbes toutes en rondeurs d’un ours orangé, les babines pleines de miel, la bedaine à peine recouverte d’un crop top rouge improvisé. La photographe lui offrit un sourire en tranche de melon, avant de venir replacer une mèche blonde derrière son oreille.
— Il va malheureusement vous manquer quelques graisses, remarqua-t-elle tout en pinçant ses lèvres alors que les mots traversaient sa bouche.
C’était peut-être un peu déplacé, mais son esprit s’embrumait à une vitesse folle, brouillant les limites des convenances, piétinant les filtres de l’inhibition. Elle porta une main à son cou, tirant légèrement sur son écharpe pour venir dégager un peu de sa peau, accueillant une brise glacée avec un étrange sentiment de félicité. Quelqu’un semblait s’être amusé avec le thermostat de son corps. Décidément. Elle n’était pas une buveuse émérite, capable de finir une ligne entière de shooter sans jamais rien éprouver, mais un verre de vin chaud lui faisant si vite perdre les sens, c’était presque risible.
— Enfin, je veux dire que vous n’êtes pas très éparse, essaya-t-elle de se reprendre, avant de froncer les sourcils. Épaisse, se corrigea-t-elle après un moment de réflexion. Ce n’est pas une critique ! Précisa-t-elle. Vous ferez une belle colle. Colla-tion, articula-t-elle plus lentement.
Mais qu’était-elle en train de dire ?
— Winnie, pardon. Je crois que ce vin me monte à la tête, souffla-t-elle, quelque peu nauséeuse.
Les joues avaient beau devenir cramoisies, le reste de son teint était de plus en plus blême. Une légère pellicule de transpiration collait ses cheveux derrière sa nuque, lui arrachant des frissons désagréables. Peut-être était-ce la fatigue ?
Derrière l’épaule de l’inconnue, une bourrasque agita une des guirlandes lumineuses que l’on avait entortillée à une branche. A la vue des petits lampions qui s’agitaient dans tous les sens, l’enseignante eu la vague impression qu’une houle venait injustement agiter le sol. Ses pieds lui semblaient peu à peu cotonneux, comme si elle s’enfonçait dans une herbe d’une particulière mollesse, menaçant de l’engloutir tout entière. Elle battit des paupières, portant sa main à son oreille - comme si elle pourrait venir corriger son oreille interne de lui faire ainsi faux bond. On aurait dit qu’elle percevait tous les sons comme à travers un tampon d’ouate : quelqu’un avait dû plonger les basses dans de l’eau, étouffant les notes de musique, amortissant le rythme. Et pourtant, il lui semblait que l’on tambourinait directement contre ses trempes, implantant à l’intérieur de son crâne le début d’une migraine. Aveleen ferma les yeux, roula des épaules pour dégager un peu plus sa peau, inspira à plusieurs reprises.
— Pardon, vous pouvez répéter ? Demanda-t-elle faiblement.
Comme dans un carrousel, tout tanguait. Les mots, les sons, les lumières, son esprit. C’était un tourbillon.
—Êtes-vous accompagnée ?Questionna une seconde fois Lubia.
Aveleen secoua lentement la tête de gauche à droite, alors que ses jambes lui donnaient l’impression d’avoir perdues de leur dernière once de solidité. Elle tangua dangereusement, une chape de fatigue lui parcourant les veines : soudainement, il lui sembla avoir des heures entières de sommeil à rattraper. Comme si son corps était un ballon que l’on venait de percer et que toute l’énergie s’écoulait, tel l’air s’échappant de sa prison plastifiée. Il faisait à la fois trop chaud et froid. Elle papillonna de des yeux, luttant contre la désagréable impression somnolente qui s’emparait de sa conscience.
— Ohla, entendit-elle une voix chaude juste derrière elle.
Une poigne ferme venait de se glisser tout contre sa taille, cimentant son emprise au sol. Groggy, Aveleen sentit qu’elle se laissait aller sans pouvoir résister contre la haute silhouette masculine qui venait de prendre place auprès d’elle.
— Elle ne tient vraiment pas l’alcool, fit une voix enjouée. Tyler, se présenta un homme d’une quarantaine d’année .
Ses cheveux étaient halés, son teint frais et de grands yeux clairs aussi profonds qu’un lac s’incrustaient dans son visage chaleureux. Il tendit le bras vers Lubia, envahissant le champ de vision de l’Irlandaise alors qu’il la ramenait tout contre lui dans une étreinte protectrice. Sa peau avait une couleur mielleuse - comme le pot de Winnie l’ourson, lui souffla la conscience de plus en plus brumeuse de la photographe. Il sentait bon, aussi. Elle pouvait le humer clairement, sa tête ayant roulée tout contre l’épaule de l’homme qu’elle ne connaissait pas mais qui l’enlaçait comme la poupée de chiffon qu’elle était en train de devenir. Une odeur musquée, comme celle d’un forêt de pin, s’échappait de son écharpe. Il ferait bon de s’y endormir. Aveleen s’enfonçait, luttant ne serait-ce que pour rester debout. Des doigts glissèrent le long de son bras, lui ôtant le verre de vin chaud, renversant au loin ce qu’il restait avant d’écraser le carton et de le glisser dans la poche intérieure de son manteau.
— C’est une amie à moi, crut-elle entendre. Je vais te raccompagner sweetheart.
Aveleen avait envie de dire non, mais ses lèvres refusèrent de lui obéir. Les yeux clos, avec l’impression que son corps pesait une tonne, que ses jambes étaient de métal, chaque inspiration lui semblait laborieuse. Elle sentie à peine que l’inconnu cherchait à l’entraîner au loin.
Winnie l’Ourson flottait à sa conscience, avec ses magnifiques yeux verts et lentement, elle se sentait glisser dans la forêt des rêves bleus...
Le vin chaud avait une délicate saveur épicée. Il semblait à l’Irlandaise percevoir un peu de cannelle et de Bergamote, dissimulant peut-être un peu trop bien les prémices de quelques bouffées de chaleur. Doucement, l’éthanol qui ne s’était pas encore évaporé lors de l’ébullition semblait lui monter à la tête, colorant ses joues opalines d’une discrète couleur rosée et faisant miroiter légèrement ses yeux pâles. Elle s’esclaffa peut-être un peu trop fort lorsque l’inconnue - non, Lubia, elle lui avait donné son prénom - lui annonça le déguisement sur lequel son choix s’était arrêté. Il fallait dire que la silhouette élancée et tout en muscles de son interlocutrice était bien loin de lui inspirer les courbes toutes en rondeurs d’un ours orangé, les babines pleines de miel, la bedaine à peine recouverte d’un crop top rouge improvisé. La photographe lui offrit un sourire en tranche de melon, avant de venir replacer une mèche blonde derrière son oreille.
— Il va malheureusement vous manquer quelques graisses, remarqua-t-elle tout en pinçant ses lèvres alors que les mots traversaient sa bouche.
C’était peut-être un peu déplacé, mais son esprit s’embrumait à une vitesse folle, brouillant les limites des convenances, piétinant les filtres de l’inhibition. Elle porta une main à son cou, tirant légèrement sur son écharpe pour venir dégager un peu de sa peau, accueillant une brise glacée avec un étrange sentiment de félicité. Quelqu’un semblait s’être amusé avec le thermostat de son corps. Décidément. Elle n’était pas une buveuse émérite, capable de finir une ligne entière de shooter sans jamais rien éprouver, mais un verre de vin chaud lui faisant si vite perdre les sens, c’était presque risible.
— Enfin, je veux dire que vous n’êtes pas très éparse, essaya-t-elle de se reprendre, avant de froncer les sourcils. Épaisse, se corrigea-t-elle après un moment de réflexion. Ce n’est pas une critique ! Précisa-t-elle. Vous ferez une belle colle. Colla-tion, articula-t-elle plus lentement.
Mais qu’était-elle en train de dire ?
— Winnie, pardon. Je crois que ce vin me monte à la tête, souffla-t-elle, quelque peu nauséeuse.
Les joues avaient beau devenir cramoisies, le reste de son teint était de plus en plus blême. Une légère pellicule de transpiration collait ses cheveux derrière sa nuque, lui arrachant des frissons désagréables. Peut-être était-ce la fatigue ?
Derrière l’épaule de l’inconnue, une bourrasque agita une des guirlandes lumineuses que l’on avait entortillée à une branche. A la vue des petits lampions qui s’agitaient dans tous les sens, l’enseignante eu la vague impression qu’une houle venait injustement agiter le sol. Ses pieds lui semblaient peu à peu cotonneux, comme si elle s’enfonçait dans une herbe d’une particulière mollesse, menaçant de l’engloutir tout entière. Elle battit des paupières, portant sa main à son oreille - comme si elle pourrait venir corriger son oreille interne de lui faire ainsi faux bond. On aurait dit qu’elle percevait tous les sons comme à travers un tampon d’ouate : quelqu’un avait dû plonger les basses dans de l’eau, étouffant les notes de musique, amortissant le rythme. Et pourtant, il lui semblait que l’on tambourinait directement contre ses trempes, implantant à l’intérieur de son crâne le début d’une migraine. Aveleen ferma les yeux, roula des épaules pour dégager un peu plus sa peau, inspira à plusieurs reprises.
— Pardon, vous pouvez répéter ? Demanda-t-elle faiblement.
Comme dans un carrousel, tout tanguait. Les mots, les sons, les lumières, son esprit. C’était un tourbillon.
—Êtes-vous accompagnée ?Questionna une seconde fois Lubia.
Aveleen secoua lentement la tête de gauche à droite, alors que ses jambes lui donnaient l’impression d’avoir perdues de leur dernière once de solidité. Elle tangua dangereusement, une chape de fatigue lui parcourant les veines : soudainement, il lui sembla avoir des heures entières de sommeil à rattraper. Comme si son corps était un ballon que l’on venait de percer et que toute l’énergie s’écoulait, tel l’air s’échappant de sa prison plastifiée. Il faisait à la fois trop chaud et froid. Elle papillonna de des yeux, luttant contre la désagréable impression somnolente qui s’emparait de sa conscience.
— Ohla, entendit-elle une voix chaude juste derrière elle.
Une poigne ferme venait de se glisser tout contre sa taille, cimentant son emprise au sol. Groggy, Aveleen sentit qu’elle se laissait aller sans pouvoir résister contre la haute silhouette masculine qui venait de prendre place auprès d’elle.
— Elle ne tient vraiment pas l’alcool, fit une voix enjouée. Tyler, se présenta un homme d’une quarantaine d’année .
Ses cheveux étaient halés, son teint frais et de grands yeux clairs aussi profonds qu’un lac s’incrustaient dans son visage chaleureux. Il tendit le bras vers Lubia, envahissant le champ de vision de l’Irlandaise alors qu’il la ramenait tout contre lui dans une étreinte protectrice. Sa peau avait une couleur mielleuse - comme le pot de Winnie l’ourson, lui souffla la conscience de plus en plus brumeuse de la photographe. Il sentait bon, aussi. Elle pouvait le humer clairement, sa tête ayant roulée tout contre l’épaule de l’homme qu’elle ne connaissait pas mais qui l’enlaçait comme la poupée de chiffon qu’elle était en train de devenir. Une odeur musquée, comme celle d’un forêt de pin, s’échappait de son écharpe. Il ferait bon de s’y endormir. Aveleen s’enfonçait, luttant ne serait-ce que pour rester debout. Des doigts glissèrent le long de son bras, lui ôtant le verre de vin chaud, renversant au loin ce qu’il restait avant d’écraser le carton et de le glisser dans la poche intérieure de son manteau.
— C’est une amie à moi, crut-elle entendre. Je vais te raccompagner sweetheart.
Aveleen avait envie de dire non, mais ses lèvres refusèrent de lui obéir. Les yeux clos, avec l’impression que son corps pesait une tonne, que ses jambes étaient de métal, chaque inspiration lui semblait laborieuse. Elle sentie à peine que l’inconnu cherchait à l’entraîner au loin.
Winnie l’Ourson flottait à sa conscience, avec ses magnifiques yeux verts et lentement, elle se sentait glisser dans la forêt des rêves bleus...
- Tyler:
Proposition de dés a écrit:1-2 : Ce charmant Tyler est un simple moldu faisant joujou avec du GHB . Il est accompagné de 2-3 amis moldus qui sont dispersés un peu autour de Lubia et Aveleen.
3-4 : Tyler est un sorcier, pas forcément très doué. Mais il n’est pas seul. Un ami à lui est déjà derrière Lubia « au cas où ». La drogue utilisée est une drogue moldue, mais améliorée par la sorcellerie.
5-6 : Tyler est un sorcier. Il est seul, mais il est redoutable. La drogue utilisée est particulièrement forte et elle est de composition sorcière entièrement.
- InvitéInvité
Re: [(tw) 31 Décembre 2020] Hogmanay
Sam 26 Juin 2021 - 20:40
(mood) Ses doigts enlacent son écharpe, et tu souris sans y songer, bien que ses doigts contre les tiens étaient bien froids, lorsque vous avez serré vos pinces. À ses commentaires plaisantins, tu souris, avant que ton air ne se fige tranquillement sur ton visage. « Winnie, pardon. Je crois que ce vin me monte à la tête. » C’est dans ses mots – qui se découpaient avec un accent charmant, le roulis tout juste assez prononcé pour le deviner sur la langue, qui s’échoue désormais tel un féculent de seconde qualité le long de l’appendice rendu inutile par les palabres approximatives. Elle trébuche sur ses phrases, la sorcière – elle qui te paraissait si saine et vive, quelques instants auparavant.
Derrière elle, l’œil vitreux d’un importun est fixé sur la chevelure aux reflets de lune de la jeune femme, et son air te laisse une impression assez désagréable pour ne pas le désigner lorsque tu demandes « Êtes-vous accompagnée ? » Un sourire aimable s’accroche à ta bouche, tu as le ton de la conversation même si tu ne le regardes pas, lui – tes yeux sont fixés sur Aveleen, mais tu t’assures de le garder dans ton champ de vision. Ses prunelles arctiques se voilent un instant. À la regarder, on la croirait prisonnière d’un rêve ou d’une quelconque créature invisible – au jugé de la magie facétieuse flottant dans l’endroit, est-elle victime d’un enchantement malicieux? « Pardon, vous pouvez répéter ? » C’est dans sa voix, qui murmure plutôt que de parler, et tu répètes, les sourcils qui se froncent, « Êtes-vous accompagnée ? » Enfin, une réponse. Non.
Le malaise est palpable – tu as vu des gens ne pas tenir leur boisson et s’en surprendre, mais ils sont assis, généralement, et pas au grand air. Le choc de se lever, de passer du chaud au froid a de ces tendances à faire prendre conscience à l’organisme que quelque chose cloche, mais tu ne vois aucun déclencheur évident. Ses paupières vacillent, et tu décides de la raccompagner chez elle, si la sorcière est capable de t’indiquer une adresse. « Ohla, elle ne tient vraiment pas l’alcool » C’est dans sa démarche – tu l’as à peine vue marcher, mais tu la devines. Les pas qui devraient être graciles et effleurant à peine le sol, comme une patineuse d’eau aux membres effilés ne touchant la surface que parce que la gravité le requiert. Ça cloche, le pas est trop lourd, les contours, trop approximatifs. Non pas l’allure éthérée qu’on prend en boisson, mais le poids d’une ancre surprise autour du cou.
L’Irlandaise semble s’échouer le long de la digue improvisée du gaillard qui vous fait face, le même qui la fixait avec trop d’insistance quelques instants auparavant. Non pas un frisson le long de l’échine, mais les doigts qui se crispent, avec le besoin de trouver un point de chute contre lesquels s’accrocher – ou frapper. T’as un goût de danger dans la bouche. « Tyler », se présente-t-il, et tu l’observes, cherchant la fracture dans ses yeux alors que l’étranger cale la silhouette menue de la blonde contre lui. « Anja », mens-tu, les prunelles ne quittant pas ses gestes qui semblent disposer des traces d’un crime. Qui froisse un gobelet en carton pour mieux le mettre à l’intérieur de sa veste? « C’est une amie à moi ». Y’a une alarme dans ton esprit. « Je vais te raccompagner sweetheart. »
comme une prémonition, sans être voyante –
tu connais le scénario par cœur – un inconnu qui marche trop près,
un verre laissé sans surveillance,
une main hasardeuse sans hasard dans un espace bondé
pas cette fois, connard.
Ta main s’abat sur l’épaule de l’importun sans douceur alors qu’il tente de filer à l’anglaise avec Aveleen. Une fraction de secondes, tu vois une lueur mauvaise dans son regard et tu crois sentir quelqu’un derrière toi, mais tu ne te retournes pas. Il serait si aisé de transplaner avec sa proie s’il s’agit d’un sorcier, et t’as absolument pas l’intention de lui en laisser la chance si tu te détournais pour vérifier. Sous ta peau, tes jointures se serrent d’une rage qui ne franchit pas tes prunelles, la lupine immobile dans ton esprit, pour mieux le fixer de son regard doré. Me sers-tu une proie ce soir, Lubia? T’en as presque autant envie que moi, de fracasser tes phalanges contre ses os, de les entendre craquer. Tu pourras te dire que c’était simplement pour la sauver, et je te laisserai même y croire.
« Comment elle s’appelle? », demandes-tu. « Pardon? » Il y a de l’agacement dans son regard, un sourire qui ne suit pas les bonnes lignes, alors qu’il tente de garder une attitude à peu près affable. « Comment-elle-s’appelle? » Tu répètes, détachant lentement les syllabes. « Vous travaillez pour les au – la police, peut-être? » Tellement rapide, t’aurais pu ne pas remarquer l’erreur rattrapée in extremis, mais tu l’as entendu. Un sorcier? Mauvaises nouvelles, Lubia. Un moldu, tu le maîtriserais facilement – la puissance sélène qui gonfle encore tes muscles, l’envie, le désir presque, d’être provoquée pour mieux passer tes nerfs sur quelqu’un qui l’aurait bien cherché. Si vous étiez dans une ruelle, t’aurais peut-être déjà commencé. « Ouais. C’est mon jour de congé, mais pour vous je peux faire une exception. » Tes doigts se glissent dans une poche, espérant que l’homme en face de toi n’ait pas un excellent sens de l’observation alors que tu joues ton coup de poker. Ton cœur bat si fort que tu croirais entendre ton propre pouls dans tes oreilles. Ça te bloque les tympans, ça te fait vriller les tempes, ça a un goût acide sous la langue, t’as juste envie de l’attraper et de foutre le camp, mais le dénommé Tyler la tient trop étroitement pour que tu puisses lui subtiliser la poupée de son qu’est devenue Aveleen. Ton insigne du Ministère flashe et disparaît, une fraction de secondes à peine pour qu’il puisse voir le métal de quelque chose qui paraît très officiel mais qui n’est pas identifié du sceau des aurors. « Donc à moins que vous soyez capable de me l’identifier adéquatement et de me donner une adresse vérifiable, je vais vous laisser profiter des festivités et l’emmener cuver son vin. »
Derrière elle, l’œil vitreux d’un importun est fixé sur la chevelure aux reflets de lune de la jeune femme, et son air te laisse une impression assez désagréable pour ne pas le désigner lorsque tu demandes « Êtes-vous accompagnée ? » Un sourire aimable s’accroche à ta bouche, tu as le ton de la conversation même si tu ne le regardes pas, lui – tes yeux sont fixés sur Aveleen, mais tu t’assures de le garder dans ton champ de vision. Ses prunelles arctiques se voilent un instant. À la regarder, on la croirait prisonnière d’un rêve ou d’une quelconque créature invisible – au jugé de la magie facétieuse flottant dans l’endroit, est-elle victime d’un enchantement malicieux? « Pardon, vous pouvez répéter ? » C’est dans sa voix, qui murmure plutôt que de parler, et tu répètes, les sourcils qui se froncent, « Êtes-vous accompagnée ? » Enfin, une réponse. Non.
Le malaise est palpable – tu as vu des gens ne pas tenir leur boisson et s’en surprendre, mais ils sont assis, généralement, et pas au grand air. Le choc de se lever, de passer du chaud au froid a de ces tendances à faire prendre conscience à l’organisme que quelque chose cloche, mais tu ne vois aucun déclencheur évident. Ses paupières vacillent, et tu décides de la raccompagner chez elle, si la sorcière est capable de t’indiquer une adresse. « Ohla, elle ne tient vraiment pas l’alcool » C’est dans sa démarche – tu l’as à peine vue marcher, mais tu la devines. Les pas qui devraient être graciles et effleurant à peine le sol, comme une patineuse d’eau aux membres effilés ne touchant la surface que parce que la gravité le requiert. Ça cloche, le pas est trop lourd, les contours, trop approximatifs. Non pas l’allure éthérée qu’on prend en boisson, mais le poids d’une ancre surprise autour du cou.
L’Irlandaise semble s’échouer le long de la digue improvisée du gaillard qui vous fait face, le même qui la fixait avec trop d’insistance quelques instants auparavant. Non pas un frisson le long de l’échine, mais les doigts qui se crispent, avec le besoin de trouver un point de chute contre lesquels s’accrocher – ou frapper. T’as un goût de danger dans la bouche. « Tyler », se présente-t-il, et tu l’observes, cherchant la fracture dans ses yeux alors que l’étranger cale la silhouette menue de la blonde contre lui. « Anja », mens-tu, les prunelles ne quittant pas ses gestes qui semblent disposer des traces d’un crime. Qui froisse un gobelet en carton pour mieux le mettre à l’intérieur de sa veste? « C’est une amie à moi ». Y’a une alarme dans ton esprit. « Je vais te raccompagner sweetheart. »
comme une prémonition, sans être voyante –
tu connais le scénario par cœur – un inconnu qui marche trop près,
un verre laissé sans surveillance,
une main hasardeuse sans hasard dans un espace bondé
pas cette fois, connard.
Ta main s’abat sur l’épaule de l’importun sans douceur alors qu’il tente de filer à l’anglaise avec Aveleen. Une fraction de secondes, tu vois une lueur mauvaise dans son regard et tu crois sentir quelqu’un derrière toi, mais tu ne te retournes pas. Il serait si aisé de transplaner avec sa proie s’il s’agit d’un sorcier, et t’as absolument pas l’intention de lui en laisser la chance si tu te détournais pour vérifier. Sous ta peau, tes jointures se serrent d’une rage qui ne franchit pas tes prunelles, la lupine immobile dans ton esprit, pour mieux le fixer de son regard doré. Me sers-tu une proie ce soir, Lubia? T’en as presque autant envie que moi, de fracasser tes phalanges contre ses os, de les entendre craquer. Tu pourras te dire que c’était simplement pour la sauver, et je te laisserai même y croire.
« Comment elle s’appelle? », demandes-tu. « Pardon? » Il y a de l’agacement dans son regard, un sourire qui ne suit pas les bonnes lignes, alors qu’il tente de garder une attitude à peu près affable. « Comment-elle-s’appelle? » Tu répètes, détachant lentement les syllabes. « Vous travaillez pour les au – la police, peut-être? » Tellement rapide, t’aurais pu ne pas remarquer l’erreur rattrapée in extremis, mais tu l’as entendu. Un sorcier? Mauvaises nouvelles, Lubia. Un moldu, tu le maîtriserais facilement – la puissance sélène qui gonfle encore tes muscles, l’envie, le désir presque, d’être provoquée pour mieux passer tes nerfs sur quelqu’un qui l’aurait bien cherché. Si vous étiez dans une ruelle, t’aurais peut-être déjà commencé. « Ouais. C’est mon jour de congé, mais pour vous je peux faire une exception. » Tes doigts se glissent dans une poche, espérant que l’homme en face de toi n’ait pas un excellent sens de l’observation alors que tu joues ton coup de poker. Ton cœur bat si fort que tu croirais entendre ton propre pouls dans tes oreilles. Ça te bloque les tympans, ça te fait vriller les tempes, ça a un goût acide sous la langue, t’as juste envie de l’attraper et de foutre le camp, mais le dénommé Tyler la tient trop étroitement pour que tu puisses lui subtiliser la poupée de son qu’est devenue Aveleen. Ton insigne du Ministère flashe et disparaît, une fraction de secondes à peine pour qu’il puisse voir le métal de quelque chose qui paraît très officiel mais qui n’est pas identifié du sceau des aurors. « Donc à moins que vous soyez capable de me l’identifier adéquatement et de me donner une adresse vérifiable, je vais vous laisser profiter des festivités et l’emmener cuver son vin. »
Proposition de dés a écrit:Pair : Tyler reconnaît l'insigne du Ministère, et croit apercevoir le signe des aurors.
Impair : Tyler reconnait l'insigne du Ministère, mais voit bien qu'il s'agit d'un badge officiel qui ne sert probablement qu'à avoir accès à des bureaux.
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