Persona grata [libre]
Mer 2 Juin 2021 - 3:42
12 avril 2021. Inverness n'avait pas vu le soleil depuis cinq jours. La jauge du thermomètre ne décollait pas du 12 degrés. Même les oiseaux semblaient avoir interrompu leurs incessantes quêtes d'occasions de se reproduire. Rien pour déplaire au vieux bougon de l'avenue de travers qui, de bon matin ce jour-là, alignait soigneusement 12 petits cailloux rouges sur une feuille de grande bardane séchée et recouverte d'une poudre jaunâtre. Ç'aurait pu paraître étrange, mais on avait déjà vu plus étrange dans cette boutique. Et puis qu'est-ce qu'on pouvait vraiment qualifier d'étrange lorsqu'il s'agissait de sorcellerie?
Après tout, un monstre vivait possiblement dans les eaux du loch au bout de la route.
Mais pour l'heure, le vieil apothicaire alignait ses cailloux comme s'ils contenaient un trésor. C'était peut-être le cas. En tous les cas, l'homme les couva du regard un instant avant de s'en détourner pour attraper la bouilloire sifflotante et se verser une tasse de thé. Le meilleur petit-déjeuner qui soit, de l'avis d'Ambrosius dont le regard se fit lointain tandis qu'il soufflait sur le liquide brûlant. Il n'attendait pas qu'il tiédisse et en sirota une gorgée douloureusement délicieuse.
L'horaire de la journée débordait du calepin où Ambrosius gardait la trace de ses commandes du jour. Il n'allait pas s'en plaindre : l'argent rentrait de manière régulière depuis le début de l'année et aucun client ne s'était plaint d'un mauvais produit. Encore une année comme celle qui venait de se terminer et l'apothicaire pourrait songer à agrandir ses placards.
Dans la vitrine de la boutique, l'oie Sycorax se mit à insulter les rares passants, indiquant au passage au boutiquier qu'il serait bientôt l'heure d'ouvrir sa porte. En grognant, il se déplia pour se remettre debout, laissant les cailloux rouges sur la table de travail pour franchir le rideau qui séparait la boutique de son lieu de vie. La boutique sentait encore un peu le chou bouilli en raison des algues qu'il avait fait griller la veille, mais il n'y avait aucune fenêtre à ouvrir dans sa boutique pour aérer. Et Ambrosius aimait les choses ainsi. Il alla plutôt chercher trois brins de sauge dans un tiroir et les alluma d'un coup de baguette. Un mince filet de fumée s'échappa des herbes.
Un autre coup de baguette en direction de la porte et le loquet se souleva. Sans regarder si un client attendait de l'autre côté, Ambrosius reprit les commandes dont il avait interrompu la préparation la veille. Ms Solvius attendait ses remèdes contre la goutte et la teigne, le Dr McIntosh enverrait son elfe prendre son flacon de cyanure, Mr Finnigan aurait besoin de sa commande habituelle et, bien sûr, Mrs MacIntyre passerait comme tous les jours récupérer la potion qu'il préparait tous les matins pour son fils cracmol parce qu'elle était convaincue qu'elle déverrouillerait ses talents magiques. Sans l'encourager dans cette pensée farfelue, Ambrosius ne l'avait pas non plus découragée.
Signe certain que la journée commençait, l'homme enfila ses lunettes et se mit au travail. Hacher, tamiser, mesurer, soupeser, sentir, goûter, tresser, brûler, enduire, bouillir, écraser, déchirer, découper, tremper, calculer, enchanter, ensorceler, sécher... les tâches répétitives ne fatiguaient nullement l'apothicaire. Mais il n'avait que deux mains et vraiment beaucoup, beaucoup de commandes...
Après tout, un monstre vivait possiblement dans les eaux du loch au bout de la route.
Mais pour l'heure, le vieil apothicaire alignait ses cailloux comme s'ils contenaient un trésor. C'était peut-être le cas. En tous les cas, l'homme les couva du regard un instant avant de s'en détourner pour attraper la bouilloire sifflotante et se verser une tasse de thé. Le meilleur petit-déjeuner qui soit, de l'avis d'Ambrosius dont le regard se fit lointain tandis qu'il soufflait sur le liquide brûlant. Il n'attendait pas qu'il tiédisse et en sirota une gorgée douloureusement délicieuse.
L'horaire de la journée débordait du calepin où Ambrosius gardait la trace de ses commandes du jour. Il n'allait pas s'en plaindre : l'argent rentrait de manière régulière depuis le début de l'année et aucun client ne s'était plaint d'un mauvais produit. Encore une année comme celle qui venait de se terminer et l'apothicaire pourrait songer à agrandir ses placards.
Dans la vitrine de la boutique, l'oie Sycorax se mit à insulter les rares passants, indiquant au passage au boutiquier qu'il serait bientôt l'heure d'ouvrir sa porte. En grognant, il se déplia pour se remettre debout, laissant les cailloux rouges sur la table de travail pour franchir le rideau qui séparait la boutique de son lieu de vie. La boutique sentait encore un peu le chou bouilli en raison des algues qu'il avait fait griller la veille, mais il n'y avait aucune fenêtre à ouvrir dans sa boutique pour aérer. Et Ambrosius aimait les choses ainsi. Il alla plutôt chercher trois brins de sauge dans un tiroir et les alluma d'un coup de baguette. Un mince filet de fumée s'échappa des herbes.
Un autre coup de baguette en direction de la porte et le loquet se souleva. Sans regarder si un client attendait de l'autre côté, Ambrosius reprit les commandes dont il avait interrompu la préparation la veille. Ms Solvius attendait ses remèdes contre la goutte et la teigne, le Dr McIntosh enverrait son elfe prendre son flacon de cyanure, Mr Finnigan aurait besoin de sa commande habituelle et, bien sûr, Mrs MacIntyre passerait comme tous les jours récupérer la potion qu'il préparait tous les matins pour son fils cracmol parce qu'elle était convaincue qu'elle déverrouillerait ses talents magiques. Sans l'encourager dans cette pensée farfelue, Ambrosius ne l'avait pas non plus découragée.
Signe certain que la journée commençait, l'homme enfila ses lunettes et se mit au travail. Hacher, tamiser, mesurer, soupeser, sentir, goûter, tresser, brûler, enduire, bouillir, écraser, déchirer, découper, tremper, calculer, enchanter, ensorceler, sécher... les tâches répétitives ne fatiguaient nullement l'apothicaire. Mais il n'avait que deux mains et vraiment beaucoup, beaucoup de commandes...
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Re: Persona grata [libre]
Mar 6 Juil 2021 - 13:28
12 avril 2021 au matin L'humeur de Makéda s'accordait au temps gris de ces derniers jours. Le ciel maussade, le vent incessant et les pluies intermittentes assombrissaient un peu plus l'humeur morose de la sorcière. D'un geste dépité, elle froissa la missive qu'elle tenait entre ses mains. Son frère venait de l'informer que le colis qu'elle lui avait commandé voilà déjà deux semaines avait été perdu, quelque part entre le Maroc et l'Espagne. Il lui demandait humblement pardon, mais il sera dans l'incapacité de lui renvoyer sa commande avant encore une semaine. Qu'il soit à la tête d'une branche de l'une des plus grandes compagnies d'import-export d'objets magiques du continent ne servait donc strictement à rien. Merveilleux. Absolument splendide.
Makéda pesta, abattue. A ce train-là, elle ferait mieux de faire pousser les plantes directement chez elle. Peut-être pourrait-elle parler à quelqu'un à Hungcalf, réserver une partie des serres à la culture de plantes africaines ? Il n'était pas vraiment coutume de cultiver ces plantes que l'on trouvait normalement à l'état sauvage, mais aux grands maux les grands remèdes !
En attendant, Makéda devait mettre la main sur ces plantes. Son cycle allait débuter, bientôt, et si elle ne voulait pas passer sa journée au lit, contorsionnée de douleurs et vaincue par la migraine, il lui fallait ses potions. Elle aurait pu se tourner vers d'autres alternatives, mais elle ne faisait pas confiance aux Blancs dans leur approche de la magie de la fertilité. Trop de pudibonderie, probablement, la rendait quasiment inefficace.
Si elle avait encore été a Londres, elle aurait pu trouver ce dont elle avait besoin sur le Chemin de Traverse, mais elle avait déjà rejoint Inverness pour préparer son cours de l'après-midi. Elle aurait pu commissionner Gertrude, mais l'elfe de maison devenait de plus en plus difficile et semblait refuser de quitter la maison. Non, vraiment, il valait mieux que Makéda s'en occupa elle-même. C'est donc dans un soupir qu'elle transplana jusqu'à Myrddin Wyllt.
Si elle avait déjà entendu parler de la Lunar Apothecary Society, fréquentée aussi bien par ses élèves que par certains de ses collègues, elle n'y avait encore jamais mis les pieds. Elle se perdit une première fois - elle n'avait plus l'habitude de faire ses courses elle-même, et se décida a demander de l'aide lorsqu'elle repassa pour la troisième fois devant la griffe de l'hippo. Elle s'engouffra dans une rue adjacente, sa cape d'un orange flamboyant, brodée d'or, voletant derrière elle. Lorsqu'une voix perçante et absolument abominable commença a l'insulter, elle sut qu'elle était arrivée. Makéda lorgna l'oie empaillée - quelle idée de posséder un tel oiseau, et poussa la porte du bout des doigts.
La boutique était sombre, aussi ne vit-elle pas immédiatement le propriétaire des lieux. Peu importe la ville, et elle en avait visité beaucoup, les boutiques d'apothicaire se ressemblaient toutes. L'air sec, immobile, les bocaux de verre et les stores baissés, les vitres fumées, pour protéger les produits des rayons du soleil. Si telles protections étaient réellement nécessaires dans un pays pareil. Au moins ce magasin là n'était-il pas poussiéreux. Une drôle d'odeur flottait dans l'air, mais l'endroit était propre.
A mesure qu'elle avançait entre les rayonnages, elle tentait de déchiffrer les étiquettes, répétant à voix basse le nom des plantes jusqu'à ce que, peut-être, l'un lui semble familier. Mais elle n'avait pas vraiment le temps de se perdre en quêtes perdues, aussi releva-t-elle la tête, alourdie par le turban de soie qui protégeait ses cheveux de l'humidité, à la recherche d'une personne pour l'aider.
« bonjour ? il y a quelqu'un ? »
Makéda pesta, abattue. A ce train-là, elle ferait mieux de faire pousser les plantes directement chez elle. Peut-être pourrait-elle parler à quelqu'un à Hungcalf, réserver une partie des serres à la culture de plantes africaines ? Il n'était pas vraiment coutume de cultiver ces plantes que l'on trouvait normalement à l'état sauvage, mais aux grands maux les grands remèdes !
En attendant, Makéda devait mettre la main sur ces plantes. Son cycle allait débuter, bientôt, et si elle ne voulait pas passer sa journée au lit, contorsionnée de douleurs et vaincue par la migraine, il lui fallait ses potions. Elle aurait pu se tourner vers d'autres alternatives, mais elle ne faisait pas confiance aux Blancs dans leur approche de la magie de la fertilité. Trop de pudibonderie, probablement, la rendait quasiment inefficace.
Si elle avait encore été a Londres, elle aurait pu trouver ce dont elle avait besoin sur le Chemin de Traverse, mais elle avait déjà rejoint Inverness pour préparer son cours de l'après-midi. Elle aurait pu commissionner Gertrude, mais l'elfe de maison devenait de plus en plus difficile et semblait refuser de quitter la maison. Non, vraiment, il valait mieux que Makéda s'en occupa elle-même. C'est donc dans un soupir qu'elle transplana jusqu'à Myrddin Wyllt.
Si elle avait déjà entendu parler de la Lunar Apothecary Society, fréquentée aussi bien par ses élèves que par certains de ses collègues, elle n'y avait encore jamais mis les pieds. Elle se perdit une première fois - elle n'avait plus l'habitude de faire ses courses elle-même, et se décida a demander de l'aide lorsqu'elle repassa pour la troisième fois devant la griffe de l'hippo. Elle s'engouffra dans une rue adjacente, sa cape d'un orange flamboyant, brodée d'or, voletant derrière elle. Lorsqu'une voix perçante et absolument abominable commença a l'insulter, elle sut qu'elle était arrivée. Makéda lorgna l'oie empaillée - quelle idée de posséder un tel oiseau, et poussa la porte du bout des doigts.
La boutique était sombre, aussi ne vit-elle pas immédiatement le propriétaire des lieux. Peu importe la ville, et elle en avait visité beaucoup, les boutiques d'apothicaire se ressemblaient toutes. L'air sec, immobile, les bocaux de verre et les stores baissés, les vitres fumées, pour protéger les produits des rayons du soleil. Si telles protections étaient réellement nécessaires dans un pays pareil. Au moins ce magasin là n'était-il pas poussiéreux. Une drôle d'odeur flottait dans l'air, mais l'endroit était propre.
A mesure qu'elle avançait entre les rayonnages, elle tentait de déchiffrer les étiquettes, répétant à voix basse le nom des plantes jusqu'à ce que, peut-être, l'un lui semble familier. Mais elle n'avait pas vraiment le temps de se perdre en quêtes perdues, aussi releva-t-elle la tête, alourdie par le turban de soie qui protégeait ses cheveux de l'humidité, à la recherche d'une personne pour l'aider.
« bonjour ? il y a quelqu'un ? »
Re: Persona grata [libre]
Mer 21 Juil 2021 - 3:23
Plus la lame de l'apothicaire tranchait dans les délicates fibres végétales, plus l'humeur de l'apothicaire s'améliorait. C'était peut-être aussi le thé qui faisait effet, ou le parfum de la sauge brûlée qui commençait à bien recouvrir celui du chou bouilli. Ou c'était peut-être simplement qu'une heure après avoir ouvert boutique, pas un seul client n'en avait franchi la porte, préservant sa divine concentration.
Mais cet état de grâce n'était pas destiné à durer. La clochette retentit en silence, comme toujours, ce qui ne n'empêcha toutefois pas le sorcier de noter l'arrivée d'un client au changement d'air qui s'engouffra soudain dans la pièce et aux insultes poussées par Sycorax, décidément en grande forme ce jour-là.
Pourtant, Ambrosius ne fit pas mine de décoller les yeux de son ouvrage minutieux. La lame continuait de monter et de descendre à un rythme régulier, tandis que la main gauche de l'apothicaire poussait l'herbe rouge vers la guillotine. Il entendait les pas de son client sur le parquet grinçant et distinguait des murmures sans décoder les paroles. Il ne releva la tête que lorsqu'enfin, on l'interpella. C'était le moment d'entrer en scène.
Sa main droite posa lentement le couteau sur la table de travail, puis alla récupérer les lunettes sur son nez et les glissa à côté de la planchette. Sa main gauche prit appui sur le comptoir tandis que l'homme se remettait sur ses pieds dans un grognement qui devait indiquer au client qu'on lui demandait un effort considérable. Les sourcils parfaitement froncés, Ambrosius s'approcha du comptoir et vit un peu mieux à qui il avait affaire. Port altier, cape à la couleur outrancière, regard franc... l'échange serait corsé.
« Comment puis-je vous aider? » L'apothicaire s'embarrassait rarement de formules de politesse. Puis le fait qu'il portait encore son tablier montrerait certainement qu'il avait beaucoup de clients à satisfaire et peu de temps pour le reste.
Mais cet état de grâce n'était pas destiné à durer. La clochette retentit en silence, comme toujours, ce qui ne n'empêcha toutefois pas le sorcier de noter l'arrivée d'un client au changement d'air qui s'engouffra soudain dans la pièce et aux insultes poussées par Sycorax, décidément en grande forme ce jour-là.
Pourtant, Ambrosius ne fit pas mine de décoller les yeux de son ouvrage minutieux. La lame continuait de monter et de descendre à un rythme régulier, tandis que la main gauche de l'apothicaire poussait l'herbe rouge vers la guillotine. Il entendait les pas de son client sur le parquet grinçant et distinguait des murmures sans décoder les paroles. Il ne releva la tête que lorsqu'enfin, on l'interpella. C'était le moment d'entrer en scène.
Sa main droite posa lentement le couteau sur la table de travail, puis alla récupérer les lunettes sur son nez et les glissa à côté de la planchette. Sa main gauche prit appui sur le comptoir tandis que l'homme se remettait sur ses pieds dans un grognement qui devait indiquer au client qu'on lui demandait un effort considérable. Les sourcils parfaitement froncés, Ambrosius s'approcha du comptoir et vit un peu mieux à qui il avait affaire. Port altier, cape à la couleur outrancière, regard franc... l'échange serait corsé.
« Comment puis-je vous aider? » L'apothicaire s'embarrassait rarement de formules de politesse. Puis le fait qu'il portait encore son tablier montrerait certainement qu'il avait beaucoup de clients à satisfaire et peu de temps pour le reste.
- InvitéInvité
Re: Persona grata [libre]
Jeu 7 Oct 2021 - 19:12
Les étagères qui s’ouvraient devant elle recelaient mille trésors qui lui firent oublier pendant un instant l’objet de sa visite. Elle murmurait leurs noms à mesure qu’elle déchiffrait sur les petits parchemins l’écriture nette mais résolument masculine, aux lettres anguleuses et décidées. Elle avait sagement croisé ses mains sur son ventre pour s’empêcher de venir toucher et triturer ces petits trésors, ces racines, poudres et autres feuilles séchées qui s’offraient à elle. Si ça ne tenait qu’à la sorcière, elle aurait laissé glisser ses doigts dans les pots de graines et enfoui son nez dans un paquet de racines de réglisse. Mais elle savait que ce n’était pas là le comportement que l’on attendait d’elle, aussi se retint d’elle de se donner en spectacle dans la petite boutique. L’étrange odeur de cuisine avait laissé place à une odeur plus subtile de sauge, crût-elle deviner, aussi se détendit-elle un peu. Après tout, ce ne devait pas être si compliqué de trouver les plantes qu’elle cherchait, et si, vraiment, elle n’était pas capable de mettre la main dessus d’ici la prochaine lune, ce ne serait pas la fin du monde. Il fallait qu’elle arrête d’être aussi dramatique.
Un raclement de gorge au fonds de l’échoppe, un frottement de tissus et les pieds d’une chaise qui écorchent le parquet. Makéda vit émerger de l’ombre la figure sévère d’un homme entre deux âges. Le visage fermé, les sourcils froncés, le propriétaire de la boutique semblait peu enclin aux bavardages et autres petites conversations informelles, et sa mine trop sérieuse la décontenança. Elle n’aimait pas les petits commerçants qui donnaient l’impression d’être dérangé au milieu d’une tâche beaucoup trop importante. Elle les préférait prévenant, mielleux et aux petits soins. Soumis est le mot qu’elle cherchait, mais qu’elle n’aurait pas osé prononcer. Ne leur faisait-elle pas l’honneur de venir délier sa bourse chez eux ?
« humm … je suis à la recherche de plantes … de plantes d’afrique de l’ouest. » Elle fit une pause, regarda autour d’elle. « je doute que vous ayez ça ici, n’est-ce pas ? »
Elle aurait pu se retenir. Mais Makéda se sentait encore mal à l’aise de devoir faire cette course elle-même, et elle trouvait l’homme, si pas antipathique, du moins suffisamment froid pour ne pas vouloir partager ses problèmes intimes avec lui. La sorcière fronça son nez, signe d’intense réflexion chez elle, mais qu’un étranger aurait pu lire comme du dédain voire pire, du mépris.
« à vrai dire, je pense qu’une femme serait plus à même de m’aider. peut-être pourrais-je parler à madame votre femme ? »
Un raclement de gorge au fonds de l’échoppe, un frottement de tissus et les pieds d’une chaise qui écorchent le parquet. Makéda vit émerger de l’ombre la figure sévère d’un homme entre deux âges. Le visage fermé, les sourcils froncés, le propriétaire de la boutique semblait peu enclin aux bavardages et autres petites conversations informelles, et sa mine trop sérieuse la décontenança. Elle n’aimait pas les petits commerçants qui donnaient l’impression d’être dérangé au milieu d’une tâche beaucoup trop importante. Elle les préférait prévenant, mielleux et aux petits soins. Soumis est le mot qu’elle cherchait, mais qu’elle n’aurait pas osé prononcer. Ne leur faisait-elle pas l’honneur de venir délier sa bourse chez eux ?
« humm … je suis à la recherche de plantes … de plantes d’afrique de l’ouest. » Elle fit une pause, regarda autour d’elle. « je doute que vous ayez ça ici, n’est-ce pas ? »
Elle aurait pu se retenir. Mais Makéda se sentait encore mal à l’aise de devoir faire cette course elle-même, et elle trouvait l’homme, si pas antipathique, du moins suffisamment froid pour ne pas vouloir partager ses problèmes intimes avec lui. La sorcière fronça son nez, signe d’intense réflexion chez elle, mais qu’un étranger aurait pu lire comme du dédain voire pire, du mépris.
« à vrai dire, je pense qu’une femme serait plus à même de m’aider. peut-être pourrais-je parler à madame votre femme ? »
Re: Persona grata [libre]
Mer 10 Nov 2021 - 1:15
« Madame, j'ai de tout ici. »
Le ton laissait entendre qu'il valait mieux ne pas insulter l'inventaire de sa boutique ou que l'apothicaire en serait grandement, et peut-être irrémédiablement froissé, mais l'expression sur le visage du vieil homme n'avait pas changé. Sévère, mais pas agressif, concentré, attentif, le vendeur attendait la demande.
Des étagères couvertes de bocaux bien remplis aux armoires fermées qui recelaient sans doute quelques précieuses marchandises, jusqu'aux réserves de l'apothicaire, tenues loin des yeux de sa clientèle : la Lunar Society réussissait à satisfaire tous les types de clients, même ceux aux demandes les plus saugrenus. Du moins, Ambrosius s'enorgueillait de pouvoir trouver le parfait ingrédient pour chaque personne qui osait entrer dans sa boutique.
Hautaine, la client devant lui demanda à parler à sa femme, ce qui éveilla un léger tic à la commissure des lèvres d'Ambrosius, tic qu'il contrôla si rapidement qu'on aurait cru l'avoir imaginé.
« Madame ma femme serait bien en peine de vous répondre de là où elle est, mais ne vous en faites pas, je connais bien ma science et maîtrise mon art. J'ai quelques spécimens d'Afrique, d'importation privée, mais expliquez-moi un peu mieux vos besoins et je peux certainement trouvé des équivalents si je ne tiens pas en boutique les plantes que vous cherchez. »
Plus l'apothicaire parlait, plus son ton se faisait conciliant, plus rond, plus vendeur. Il sentait que cette cliente-là avait les moyens de payer pour de la bonne qualité de marchandise, et puis, il devait l'admettre, il aimait bien les défis...
« J'ai reçu la semaine dernière de l'actée à grappes noires fraîchement sortie de terre. Et j'ai un sirop de saule blanc rudement efficace contre les douleurs lunaires, si vous êtes indisposée par celles-ci. Je recommande d'y diluer deux grammes de poudre de momie égyptienne. Il va sans dire que j'en ai également en stock. S'il s'agit plutôt d'éviter tout accident inopportun, j'ai un mélange à base d'armoise aux résultats garantis. »
Ambrosius ne voulait rien suggérer, mais il sentait que s'il n'ouvrait pas des portes, ils en seraient encore aux palabres dans une heure, et il espérait retourner rapidement à ses préparations.
Le ton laissait entendre qu'il valait mieux ne pas insulter l'inventaire de sa boutique ou que l'apothicaire en serait grandement, et peut-être irrémédiablement froissé, mais l'expression sur le visage du vieil homme n'avait pas changé. Sévère, mais pas agressif, concentré, attentif, le vendeur attendait la demande.
Des étagères couvertes de bocaux bien remplis aux armoires fermées qui recelaient sans doute quelques précieuses marchandises, jusqu'aux réserves de l'apothicaire, tenues loin des yeux de sa clientèle : la Lunar Society réussissait à satisfaire tous les types de clients, même ceux aux demandes les plus saugrenus. Du moins, Ambrosius s'enorgueillait de pouvoir trouver le parfait ingrédient pour chaque personne qui osait entrer dans sa boutique.
Hautaine, la client devant lui demanda à parler à sa femme, ce qui éveilla un léger tic à la commissure des lèvres d'Ambrosius, tic qu'il contrôla si rapidement qu'on aurait cru l'avoir imaginé.
« Madame ma femme serait bien en peine de vous répondre de là où elle est, mais ne vous en faites pas, je connais bien ma science et maîtrise mon art. J'ai quelques spécimens d'Afrique, d'importation privée, mais expliquez-moi un peu mieux vos besoins et je peux certainement trouvé des équivalents si je ne tiens pas en boutique les plantes que vous cherchez. »
Plus l'apothicaire parlait, plus son ton se faisait conciliant, plus rond, plus vendeur. Il sentait que cette cliente-là avait les moyens de payer pour de la bonne qualité de marchandise, et puis, il devait l'admettre, il aimait bien les défis...
« J'ai reçu la semaine dernière de l'actée à grappes noires fraîchement sortie de terre. Et j'ai un sirop de saule blanc rudement efficace contre les douleurs lunaires, si vous êtes indisposée par celles-ci. Je recommande d'y diluer deux grammes de poudre de momie égyptienne. Il va sans dire que j'en ai également en stock. S'il s'agit plutôt d'éviter tout accident inopportun, j'ai un mélange à base d'armoise aux résultats garantis. »
Ambrosius ne voulait rien suggérer, mais il sentait que s'il n'ouvrait pas des portes, ils en seraient encore aux palabres dans une heure, et il espérait retourner rapidement à ses préparations.
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