Avant ━ Tu ne sais même pas pourquoi t'as décidé de parler de cette époque. Tu t'en souviens plus. Si. D'une seule chose, c'est de l'odeur de la framboise. C'est peut-être rien, mais ton amour pour ce fruit vient sûrement de cette fragrance. Sans doute que c'est une manière de te rapprocher d'une vie que tu ne connaîtras finalement jamais. Quel ambiance ! Peu importe si tu ne te souviens pas que tes origines sont anglaises, toi qui es persuadé d'être un français pur souche. Tu ne sauras finalement jamais à quel point tes parents t'aimaient et étaient fous de chagrin suite à ta disparition. Tu étais déjà bien loin, de l'autre côté d'une mer. Qu'ils furent aisés et aient dépensé sans compter ne compte pas. Ça ne compte plus.

La morsure ━ Comme tu disais, tu ne te souviens pas de grand chose, hormis de l'odeur de la framboise. Mais il y a aussi la douleur. El famoso douleur. Celle-là même qui accompagne le venin qui se distille dans ton sang et qui t'a changé en ce que t'es aujourd'hui. Un loup-garou. Forcément, t'étais jeune et stupide. Et... ouais. Définitivement bien trop jeune – cinq ans – pour être laissé tout seul dans ta nouvelle condition. En plus de t'avoir volé à ta vie telle qu'elle aurait dû être, ton créateur t'a pris à ta véritable famille... Boarf !Est-ce qu'ils aurait toujours voulu de toi ? On n'en sait rien, hein ? Et puis, t'as jamais cherché à les retrouver. Tu te souviens même plus de l'identité donné par tes géniteurs, donc bon... autant lâcher prise. Et puis, tu te sens bien dans cette forêt du Périgord. Votre territoire est si vaste que vous ne rencontrez les moldus que rarement. Tant mieux, ces abrutis de chasseur ont déjà fait des blessés parmi les vôtres.

L'enfance ━ Tu l'as passé à gambader entre les arbres. T'étais un sacré grimpeur, 'faut dire. Surtant quand il s'agissait de fuir un aîné qui te voulait comme souffre-douleur. Les vieux, on les évite ou on les bute. Ton créateur ne t'a pas abandonné. Il t'a plutôt refilé une éducation à la hauteur de la sienne et une baguette. Tu penses même que t'as été un louveteau plutôt gâté comparé à tes frères et sœurs de sang. Il t'a offert un nécessaire à dessin pour tes douze ans. Ce sera la première fois que tu l'appelleras "papa". T'as appris beaucoup de choses en le côtoyant. Premièrement, ça n'avait jamais été prévu qu'il devienne votre alpha. Il appartenait à une autre meute dans le temps, mais il jalousait la place de chef et il a perdu le duel. Résultat des courses, il est parti créer sa propre meute. Il était encore jeune et con à cette époque et sa haine envers les moldus et les sorciers était encore bien vivace. En fait, t'es arrivé au mauvais moment au mauvais endroit, quoi. Et ça a été pareil pour d'autres gosses sous la complicité de lycan qui ont rejoint cette meute. Quand t'as appris ça... tu sais pas trop. T'étais juste fou de rage et c'est à ce moment-là que ta magie s'est manifesté et qu'un jet de pierre a foncé droit vers ton créateur. Un sain d'esprit aurait été choqué. Lui, il a explosé sa joie, tout heureux de pas être le seul loup-garou sorcier de la meute. Honnêtement, t'as rien compris. Juste qu'il était content. C'est comme ça que t'as hérité de ta première baguette et de ces cours. Maintenant que t'y repenses tu sais pas si c'est vraiment possible que des loups-garous ne puissent pas être des sorciers. Peut-être qu'il te dit pas. Ce serait pas étonnant.

L'adolescence ━ Okay, tu chahutes. Mais 'faut qu'on te pardonne. T'es entré dans l'âge bête et tu t'y amuses plutôt bien. T'es pas un fauteur de troubles, non plus. T'aimes bien aider la vieille de votre meute. Elle n'a plus tout sa tête, mais elle fait d'excellents gâteaux à la framboise et t'aimes bien dessiner l'intérieur de sa bicoque. Enfin, des fois, elle a l'esprit clair, hein. Y'a même qu'une fois, elle t'a avoué qu'elle était autrefois une sorcière, mais qu'elle a décidé d'arrêter de pratiquer la magie. Pas assez d'argent pour s'acheter une nouvelle baguette, la terreur de côtoyer des sorciers et l'appréciation de réaliser des tâches de ses propres mains l'ont convaincu de rester dans ce paisible train de vie. À dire vrai, maintenant que t'es plus grand, tu comprends plus de choses. La doyenne n'est pas la seule a ne plus avoir de baguette. Ton créateur t'a encore menti, en somme. Il n'était pas le seul sorcier. Il était juste le seul a avoir sa baguette. Tu ne t'entends plus trop bien avec toute ta fratrie, ils sont trop haineux avec les sorciers. Y'en a plus que trois que t'adores, dont ton petit frère. Il sort jamais, il est trop faible. Votre père vous le cache pas, il va mourir. Il ne tiendra pas l'hiver. Il n'a pas pu voir les premiers flocons. C'est dommage. T'aimais beaucoup quand il te demandais de dessiner sur sa peau des choses qu'ils aurait voulu avoir, voulu être. C'est décidé. Tu feras ça, maintenant. T'en feras ton métier.

Londres ━ Finalement, tu sais pas si t'as bien fait de quitter ta meute depuis la mort de ton créateur. Tu connais pas ce pays et tu sens que t'as encore du boulot pour ce qui est d'apprendre la langue. Et comble de ta chance, t'as pas un rond. Boarf... t'aimes bien dormir à la belle étoile. Le Londres sorcier est animé. Constamment. Trop de bruit. On aura beau te dire que cette capitale vaut la peine d'être visité, ça pue la condescendance et l'hypocrisie à plein nez. Les sorciers ? Tolérants ? Ils vous marquent comme du bétail et chouinent quand ils font pas gaffe et se baladent à l'extérieur les nuits de pleine lune. Vous êtes le croque-mitaine des forêts. Ils l'ont toujours pas compris ? Nope. Cette capitale n'est que de passage. C'est clairement pas ici que tu vas t'installer. Tu ne t'y sens pas bien. Ta forêt te manque. Peut-être que t'es vraiment partie sur un coup de tête, finalement. Cependant, les révélations de ton père sur son lit de mort ont eu raison de ton amour pour lui. Tu ne le hais pas. Tu ne peux pas haïr une personne que tu as profondément aimé. Il n'est plus qu'un étranger. Pourtant... t'arrives pas à te séparer de son manteau, celui-là même qu'il portait tout le temps. Il lui appartenait et t'es partie avec malgré ta rancœur. Il t'a ravi à ta véritable famille, il t'a obligé à vivre dans le secret et la crainte. Malgré tout... loin des tiens, il te manque. Il reste feu ton père.

Inverness ━ C'est d'abord l'odeur de l'écume qui a tabassé tes narines. C'est violent. T'étais pas prêt. T'es plus vraiment sûr d'avoir bien fait d'écouté ton mentor en tatouage. Ce dernier t'avais sorti qu'ils cherchaient un tatoueur dans cette bourgade et comme il a reconnu que tu débrouillais pas trop mal, bah... te voilà là, quoi. T'as fait un sacré chemin pour y aller. C'est que c'est pas la porte à côté, et ça ta même valu pas mal de problèmes. M'enfin... Relativises, t'as réussi à faire un chouette patronus. Un loup. Tu ricanes. Par contre, t'as bousillé ta baguette. C'est triste. C'est celle que feu ton créateur t'a offert. Et maintenant, t'as droit à une odeur piquante dans le pif. T'avoues que tu sais pas trop si tu ferais pas mieux de rebrousser chemin. T'es un fils de la forêt. Pas de la mer. Tu réajustes ton baluchon sur ton épauler avant de continuer d'avancer. D'abord ce job et une solution pour ta période du mois plus tard. Peut-être que t'arriveras à te dégoter une nouvelle baguette et un balais en état de vol avant le mois prochain.

Styx ━  Grâce à ton nouvel emploi, t'as rapidement pu dégotter une nouvelle baguette, une flexible de 25cm en bois de séquoia au cœur de poil de loup-garou. Au poil de loup-garou... Le vendeur t'a regardé bizarrement quand tu t'es éclaté ton front sur sa table. D'abord le patronus, maintenant ça.  Tes employeurs sont étranges, mais ils sont pas chiants et pas mauvais... pour des sorciers. Tu sais pas trop pourquoi, mais ils ont voulu savoir quel était ton amortensia et ton patronus. T'étais comme deux ronds de flan. Ton créateur t'avait jamais dit ce que c'était. Du coup, t'as bien été mal à l'aise en découvrant qu'une odeur d'herbe coupée de musc et de parchemin pouvait te faire flancher. Et ça va t'apporté quoi de savoir, en plus ? Pour l'autre, okay, tu comprends l'utilité. Une bestiole qui révèle ta plus grande peur – celle d'être réduit à ton seul statut de loup-garou et d'être traité de « monstre » par les personnes que t'aimes – ça peut être trop révélateur et dangereux pour toi. Du coup, pour te protéger, 'faut que tu repenses à la doyenne qui a voulu te montrer quelques pas de french cancan. À l'époque, c'était gênant. Maintenant, ça te met un sacré baume au cœur et te fait rire à chaque fois. Vraiment, ils sont bizarres tes patrons. Ils savent que t'es un lycanthropes, mais ils s'en foutent. Tant que t'es discret, que tu fais bien ton boulot et que tu ramènes du fric, ils te laissent gérer le salon comme tu l'entends. C'est une bonne chose, ça ! T'es pas obligé de bosser les jours de pleines lunes et ils te prennent au sérieux. T'iras pas jusqu'à dire qu'ils sont gentils, ils restent des sorciers, après tout. D'ailleurs, t'avoues que t'étais pas prêt à connaître l'envers du décor et, surtout, à en être témoin et complice. T'as jamais descendu les escaliers pour voir ce qu'il s'y trouvait ou même en profiter. tu veux limiter la casse si tu fais un jour choper par « les agents de la paix ». Tu te fends la poire. Ils sont tout à fait capable de se montrer bien plus dangereux qu'un loup-garou et t'en sais quelque chose. Ça fait un an que t'as posé ton baluchon dans un grenier qui sert d'appartement – t'adores le mur sur lequel tu peux écrire à la craie sans problème – et huit mois que tu bosses en tatoueur au Styx. Tu t'y sens bien et les client·e·s sont pas chiant·e·s. Enfin, pas tou·te·s. Bref, tu roules ta bosse tranquillement. Et le surplus d'argent que tu sais pas quoi en faire, tu l'envois à ta meute. T'as parfois des nouvelles de tes frères, mais ils sont pas bien doués pour causer par écrit. À l'oral, non plus d'ailleurs. T'es devenu un expert dans le tatouage animalier. Ça t'empêche pas d'apprécier de relever quelques défis. Dernièrement, la mode est le tatouage dans l'oreille. Encore une passade comme la coccinelle, l'infini ou le tribal...