(mood board) (music) maybe i'm lost too. maybe i'm lost in myself since you've been gone. maybe there's no me without you.

La tête renversée sur un coussin, Peter écoutait ses camarades rire aux éclats dans la salle commune des Wright. Le feu de cheminée caressait ses joues rougies par la chaleur et l’odeur du bois qui crépitait dans l’antre lui rappelait ses années à Poudlard ; la salle commune des Serdaigle était bien différente de celle-ci, mais elle respirait autant la camaraderie et le confort que celle qu’il fréquentait depuis plusieurs années à Hungcalf. Le gobelet qu’il tenait du bout des doigts menaçait de se renverser sur le tapis juste en dessous, mais l’étudiant maladroit n’y prêtait aucune attention. Il tirait gentiment sur ses cheveux (comme s’il pensait que cela accélérait leur pousse) ; les mèches brunes s’étaient généreusement allongées depuis l’été et, petit à petit, Peter retrouvait sa crinière décoiffée. Depuis la reprise des cours, ses camarades avaient le plaisir de le retrouver plus souvent au troisième étage. Il hantait généralement la pièce entre chacun de ses cours pour travailler ou, plus sincèrement, se changer les idées en provoquant fêtes et festivités. La défaite encore trop récente de son équipe contre celle des Pokeby n’avait pas réussi à entamer sérieusement leur jovialité et ils semblaient au contraire avoir besoin de rire et de crier pour oublier leurs mésaventures sur le terrain de Quidditch. Peter les comprenait mieux que personne ; il leur faudrait du courage pour affronter les Summerbe le six novembre prochain. Le gobelet lui échappa de la main et répandit son contenu sur la carpette innocente. Le garçon grommela et se redressa aussitôt pour faire disparaître l’humidité du tressage d’un coup de baguette magique. La main dorénavant vide vint frotter son abdomen dénudé et il se pencha ensuite pour ramasser le gobelet qu’il jeta vite dans la corbeille la plus proche. Peter sourit aux quelques camarades qui lui tenaient compagnie et s’excusa avant de quitter les lieux. Il franchit la porte enchantée en tournant et retournant les bagues qui enserraient ses doigts longs et fragiles. Un mur de pierres remplaça vite l’entrée de la salle commune et Peter resta un instant immobile ; les yeux fermés, il apprécia le silence ponctué par le bruit des pas de quelques étudiants qui montaient les marches de l’escalier un peu plus loin. Seul dans le couloir, il n’avait plus besoin de sourire et de prétendre ne pas ressentir le vide vertigineux en lui. Le corbeau gonfla par trois fois son plumage, inspira profondément, et puis étira de nouveau le masque sur son visage parfait. La journée de cours terminée, il ne lui restait plus qu’à rentrer à la colocation qu’il partageait en plein cœur d’Inverness. Il n’en avait pas envie. Immobile, il contempla un autre instant les options qui s’offraient à lui pour combler ce vide.

Soudain, comme pour répondre à ses prières silencieuses, une voix rauque et enrouée l’interpella. Le garçon n’avait visiblement pas l’habitude de parler à de parfaits inconnus et son attitude sérieuse le fit sourire plus honnêtement.

« Eh! » répondit-il simplement, dans l'expectative.

Il repéra d’abord ses livres, serrés fortement contre sa poitrine, et puis ses gants. Ces derniers ne semblaient pas remplir leur mission et le préserver du froid ; ils semblaient avoir une tout autre fonction que Peter interrogea en silence. Gauche, l’étudiant réservé expliqua qu’il s’était perdu dans les méandres de l’université. Maybe he’s new. Plausible, l’idée lui vint lorsqu’il réalisa n’avoir jamais parlé à ce petit gars avant.

« Erh… Ça arrive par ici. » Peter croisa les bras, mais les décroisa aussitôt. « Tu voulais aller où ? » l’interrogea-t-il avant d’ajouter : « T’as l’air d’avoir besoin de te détendre un peu. »

La remarque aurait pu être mal prise, mais la voix posée et calme de Peter l’enrobait de sucre. Son sang d’hybride lui avait donné l’assurance nécessaire pour articuler ses observations sans remords.

« Moi c’est Peter, au fait. »

Il avança sa main pour se présenter, ignorant les gants qui protégeaient celles de l’inconnu.

(mood board) (music) maybe i'm lost too. maybe i'm lost in myself since you've been gone. maybe there's no me without you.

Engourdie par la pression du coussin, l’épaule du garçon le dérangeait ; il s’efforça de la détendre en faisant des petits mouvements circulaires tandis qu’il entendait les craintes du jeune inconnu. Il n’aurait pas su lui donner d’âge ; trop vieux pour être un premier année, finalement, et trop jeune pour prétendre à la petite maison et à la barrière blanche. Son caractère indécis lui faisait bien perdre quelques années et trompait peut-être l’œil attentif de Peter, qui se demandait encore comment il était possible de « manquer un étage ». Le garçon devait avoir une concentration gargantuesque, ou justement tout l’opposé ; c’était peut-être cette dualité qui éveillait tant de compassion et d’intérêt chez le Wright qui le fixait tranquillement.

« La salle des Ethelred ? » il demanda d’abord. « J’suis pas sûr d’être le mieux placé pour t’y accompagner, » il commença. « Par contre, je peux carrément te dire où tu es. T’as atterri au troisième étage. Si j’me rappelle bien, votre salle commune se trouve plutôt au deuxième. Ou peut-être au premier ? »

Ils n’étaient pas sans savoir que les salles communes aimaient rester cachée. Cette vieille tradition avait perduré par l’artifice des sortilèges mis en place pour les dissimuler des autres maisons, et moins par la volonté de ses occupants de la garder pour eux. L’accès leur était impossible et Peter le savait pour avoir essayé à plusieurs reprises. Malins, les étudiants avaient investi d’autres lieux pour célébrer ensemble la joie de vivre ; et bien qu’ils n’eurent jamais le droit de consommer de l’alcool ou de faire la fête dans l’enceinte de l’édifice, ce fut une règle plus facile à contourner. Le garçon avança la main pour serrer la sienne, mais Peter vit son autre bras serrer plus fort les livres qu’il tenait contre lui ; son regard s'attarda volontiers sur la poitrine gonflée du garçon qui refusait de se désemplir tant il semblait stressé. Ce n’était pourtant qu’une poignée de mains et le bel Écossais décida de ne pas s’en formaliser.

« Alex » il répéta pour fixer le prénom dans sa mémoire. « Huit ans, hein ! » Il s’étonna d’une voix traînante. « J’suis ‘un Wright’, ouais » il confirma en faisant rouler le R écossais de sa langue natale. « Septième année. »

Il s’était senti obligé de décliner son identité pour aider l’inconnu à se détendre ; son air l’amusait et il retenait un gloussement dans les plis de ses lèvres étirées sur son visage illuminé d’intérêt.

« Besoin de prendre l’air. »

Les mains de Peter se réfugièrent dans les poches de son jean ; l’air frais du mois d’octobre s’engouffrait dans le couloir et faisait frissonner sa peau dénudée. Il fit un signe de tête à Alexander et se mit à marcher en direction de l’escalier le plus proche.

« J’sors de la salle commune des Wright. »

Il précisa pour faire la conversation. L’anxiété semblait confluer et tendre chacun de ses doigts crispés sur la pile de bouquins qu’il tenait comme un bouclier. Aussi, Peter avança la main sans crier gare et s’empara d’un livre sans crier gare. Il lut d’abord la couverture avant de placer l’ouvrage sous son bras pour qu’il repose entre celui-ci et sa hanche.

« Tu voulais peut-être aller bosser ? » Il demanda d’abord, s’amusant du ton qu’il venait de prendre ; la chose sonnait plus comme un chantage qu’autre chose. « Dans la salle commune des Ethelred, j’veux dire. »

Leurs pas résonnaient dans le couloir presque vide ; tous les Wright devaient être dans la salle commune qu’il venait de quitter.

« Elle est comment, au fait ? »

Il se rappelait bien d’une fille qui avait essayé de l’infiltrer à l’intérieur pendant un cours, mais ils avaient dû se donner à leurs quelques activités extravagantes dans une autre salle, celle-ci refusant catégoriquement de se dévoiler en la présence du jeune Wright.

« J’l’imagine très… Calme. Boisée. Ou peut-être métallique ? »

Il ne se moquait pas, mais sa voix trahissait la comparaison qu’il faisait avec la sienne.

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Les sourcils légèrement froncés, Peter tentait tant bien que mal de ne pas rire à ce qu’il avait d’abord pris pour une plaisanterie. L’arc moqueur se détendit sitôt qu’il vit l’inquiétude secouer les traits sévères du garçon ; perdu dans ses pensées retentissantes, il regardait droit devant lui, comme s’il attendait les réponses aux questions qu’il devait continuer de se poser plus bas. Une telle différence creusa la fossette sur le visage du Drummond ; il souriait pour lui-même, sa curiosité piquée au vif. Quel genre d’homme trouvait du plaisir à compter les marches des escaliers d’Hungcalf ? Ou était-ce pour se rassurer ? Sans grande surprise, cette fois, le prénommé Alexander s’intéressa à son cursus scolaire. Il l’interrogea tour à tour sur son entrée dans le DEFIS, sur le sujet qu’il avait choisi et enfin sur son cursus universitaire. Voyant l’engouement de l’Ethelred pour son cursus, il secoua la tête d’approbation et déclara à son tour qu’il suivait le même cursus.

« C’est pas vrai ? Moi aussi ! C’est cool ça, tu pourras peut-être me donner deux-trois astuces si j’me trouve en galère. »

Il lui fit un clin d’œil. Après tout, il l’avait aidé le premier à retrouver son chemin. Le garçon n’était pas du genre à se traîner en cours, mais de nouvelles difficultés lui avaient fait prendre conscience qu’il allait devoir se concentrer un peu plus sur ses études pour continuer de mener sa barque tranquillement. Les derniers matchs de Quidditch n’avaient pas spécialement redoré ses compétences d’athlète et plus que jamais, Peter ne pouvait plus compter que sur son intellect pour prouver à sa mère qu’il pouvait devenir Langue de Plomb et façonner la carrière dont il avait rêvé, lui tout seul. Pour s’occuper les mains et tester l’anxiété de son camarade, le sorcier lui vola son livre. La réaction d’Alexander ne se fit pas attendre et, cette fois-ci, Peter éclata de rire.

« C’est promis, je ne l’abîmerai pas. » Il pencha la tête en avant et la tourna vers lui pour le regarder en levant ses yeux joueurs. « Ceci est une prise d’otage. » Son sourire s’élargit et il l’embarqua sous son bras.

Sans doute motivé par la rançon, Alexander se mit à décrire leur salle commune ; elle était, à peu de choses près, tout ce que Peter avait imaginé d’elle. Il était sans doute mal placé pour juger, mais il la trouvait terriblement triste et solitaire, là où celle des Wright pulsait de vie et de chaleur. Bien sûr, cela ne l’avait pas empêché de fuir.

« Ça a l’air sympa… » Il déclara d’une voix blanche.

Ils arrivaient aux marches de l’escalier le plus proche quand l'homme ganté lui parla de Matéo, son coéquipier. Les prunelles de Peter s’éclaircirent aussitôt.

« Matou-Mati-Matéo ? Bien sûr que j’le connais ! C’est un bon pote ! On joue pour l’équipe de Quidditch ensemble. Il nettoie les balais mieux que personne ! »

Peter se perdit un instant dans le souvenir amusant du mauvais tour qu’ils avaient joué au garçon pour qu’il nettoie leurs balais à leurs places lorsque Zahia les avait cloués au sol pour un cours théorique. Naïf, il ignorait tout des reproches que lui faisaient encore Matéo à voix basse. Peter tendit subitement le bras sur le côté pour empêcher Alexander de trébucher et de tomber dans les escaliers.

« Wow ! Fais gaffe, elles sont capricieuses dans le coin. »

Il lui sourit et reprit la descente avec un nouvel enthousiasme.

« Tu veux pas m’payer une p’tite bière ? J’crois qu’une pause te ferait du bien. J’suis pas sûr que t’auras plus chaud dans ta salle commune, vu ce que tu me racontes. » Il jeta un œil à ses mains gantées.

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Fort habitué à ce qu’on sous-estime ses capacités, Peter tira sur ses joues pour répondre aux compliments maladroits avec le sourire. Ce n’était pas exactement la première fois qu’il entendait dire qu’il avait un physique suffisamment convaincant pour ne pas avoir à faire fonctionner ses neurones. Ils étaient nombreux à se heurter à la lumière grisante qui émanait de sa peau et à se laisser aveugler. L’esprit léger vagabonda jusqu’à une nuit de deux-mille dix-neuf ; les yeux bandés, il avait été vu pour la première fois pour ce qu’il était vraiment. Le souvenir tiède manqua de rougir ses joues.

« J’pense que j’aimerais bien devenir Langue-de-Plomb. »

Il s’était efforcé de répondre avec nonchalance pour camoufler le trop-plein d’assurance qui le mettait sans cesse en défaut. L’inconnu se serait peut-être moqué à son tour de ses ambitions et il préféra cacher l’émotion qui se serait alors emparée de lui.

« Bien sûr, ma mère aurait préféré que je suive le cursus judiciaire, comme mon père. »

L’aigreur dans sa voix ne laissait aucun doute sur ce qu’il pensait de cette idée : il avait pratiquement craché le mot hors de sa bouche. Peter entretenait une relation agréable avec Harold, mais il ne voulait pas tout à fait lui ressembler. Mrs Drummond avait peut-être oublié qu’elle était en partie responsable de cette dénégation à se conformer. Le grand brun avait reçu tout d’une éducation qui incitait à faire ses propres choix et à se distinguer tant par son intellect que par sa plastique charmante. L’humour pince-sans-rire d’Alexander fit mouche et laissa quelques instants son interlocuteur pantois ; il imagina les Aurors accourir et le traîner de force à Azkaban pour rétention illégale de manuel. Le rire franc secoua tout son être et il agita la tête de gauche à droite pour chasser l’idée saugrenue de son esprit.

« Et toi, alors ? Une idée de future carrière ? »

Alexander choisirait sûrement d'œuvrer dans la recherche des différentes formes de magies anciennes ou bien dans l’étude des artefacts les plus dangereux. Le garçon se plia d’abord à ses désirs, comme tant d’autres, et décrivit la salle commune d’un air grave dont il ne devait même pas avoir conscience. L’éclat de rire sincère et enthousiaste contrasta presque autant que la carrure de l’Ethelred, que Peter était capable de discerner, même sous ses gants. Son rire était communicatif et le corbeau ne se fit pas prier pour l’accompagner plus bas.

« Pourquoi ‘dysfonctionnel’ ? »

Il avait bien remarqué les gants (qu’il jugeait mélodramatiques, face au froid habituel qui parcourait les couloirs de l’école), mais il n’était pas sûr que l’un était nécessairement lié à l’autre. Dysfonctionnel ou pas, Alexander venait de marquer deux points importants : il lui payait une bière et voulait se joindre à la taquinerie pour en reparler à Mathéo. Peter s’efforça de souffler au loin la remarque qu’il aurait considéré grivoise dans la bouche d’un autre étudiant.

« Deal! »

Peter entraîna le jeune homme au-dehors. Ils déambulèrent quelques minutes ; l’un connaissait le chemin tandis que l’autre se laissait porter. Peter songea plusieurs fois qu’il lui aurait sûrement fait faux-bond plus d’une fois s’il n’avait pas tenu le précieux livre sous son bras.

« On y est. Tu nous trouves une table ? Je vais commander à boire. »

Son petit doigt lui disait qu’Alexander n’était jamais venu et qu’il n’aurait peut-être même pas su quoi demander au bar. Peter demanda deux Bièraubeurres qu’il paya sans réfléchir en étalant les quatre Mornilles sur le comptoir. Il trouva bientôt le garçon timide assis à une table pour deux, un peu en retrait des fenêtres du Cochon à Plumes.

« La première tournée est pour moi ! À la tienne ! »

Il trinqua en faisant claquer leurs deux chopes et prit une gorgée de la boisson très légèrement alcoolisée. Peter regarda autour de lui : le plus ancien pub de la ville sentait fort le bois et l’alcool renversé.

« Tu n’étais jamais venu, pas vrai ? »