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[Bal Halloween] Fantômes
Lun 20 Déc 2021 - 20:47
Après de longues minutes d'hésitations pensives, Aveleen avait fini par ensorceler le tissu de soie qui reposait sur son lit. La métamorphose était sans doute un des arts les plus poétiques de la magie : il reposait sur l'imagination. C'était sans doute la raison pour laquelle c'était la parcelle de l'enchantement qu'elle préférait. Alors, comme l'on abordait une feuille blanche avec un fusain, elle avait soigneusement dessiné les contours dans son esprit, ajustant ça et là les angles et courbures de ce qu'elle désirait, modulant jusqu'à la texture qu'elle se plaisait à imaginer aussi duveteuse que du coton. Les yeux clos, elle se voyait passer ses mains entre les plumes d'une chouette des neiges, jusqu'à ce que la sensation soit assez concrète pour la traduire en formes et couleurs. Elle prit son temps, comme la main glissant sur cette même feuille, insistant sur certains traits, se jouant de quelques ombres. Elle attendit que cela lui plaise suffisamment pour faire basculer l'image dans la réalité. Le morceau de soie s'éleva dans l'air et entreprit de s'entortiller gracieusement, avant qu'un léger nuage de vapeur ne vienne en faire frémir la surface. D'un mouvement gracile du poignet, Aveleen fit ensuite rejoindre la paire d'aile blanche qui venait de prendre forme pour venir la nouer derrière son dos.
Elle avait opté pour une longue robe qui chutait jusqu'au sol : un tissu vaporeux, entremêlé de fils d'argent au niveau de la poitrine qui, poursuivait sa chute dans une mousseline d'une blancheur immaculée.
Elle se regarda quelques instants dans le miroir : cela lui rappelait Poudlard et ses bals d'hiver.
Et l'impression ne faiblit pas à mesure qu'elle regagnait la salle de réception pour Halloween. Il y'avait cette effervescence de jeunes adultes qui nimbait l'air d'une subtile tension, comme si un bouillon d'émotions positives et légères s'était emparé de l'atmosphère. Un sourire aux lèvres, Aveleen entra dans la salle de bal sans retenir son émerveillement : les élèves en charge de l'organisation n'avaient pas pris leur travail à la légère. Les décorations couraient du sol au plafond en un brouillon faussement désorganisé : des toiles étendaient leurs fils d'un mur à l'autre comme le faisaient les voutes d'une église au dessus de leurs croyants. Les lustres, prouesses d'équilibres magiques voletant à plusieurs mètres au dessus de leurs têtes, répandaient leur étrange lumière mordorée sur les convives. Une lueur un brin surnaturelle tant elle tirait vers un orange citrouille, comme si l'on avait essayé de recréer toutes les teintes d'un coucher de soleil. C'était assez léger, cependant, pour laisser sa part d'ombre : certains recoins de la pièces paraissaient aussi obscures que la surface d'un lac en pleine nuit, ondulant subtilement là où certains étudiants y tenaient des conversations à l'abris des regards indiscrets.
Après avoir salué quelques-uns de ses collègues, Aveleen s'approcha du buffet sur lesquels s'éparpillaient des entremets dont l'apparence horrifiques étaient heureusement atténuée par les senteurs appétissantes qui s'en échappaient. Elle repéra des doigts ensanglantés en pâtes d'amandes non loin d'araignées miniatures aux corps velus meringués, mais ce fut un grand plat sphérique qui attira son attention. Dans un liquide d'un rouge soutenu, si épais qu'il ne laissait pas de doute quand à ce qu'il voulait représenter, de grands globes oculaires chaloupaient tranquillement. Charmant, songea Aveleen non sans finir par amarrer ses doigts à la grande louche qui trônait tout au milieu. Elle se servit un verre, qu'elle porta suspicieusement à ses lèvres : cela sentait la rouille, comme des pièces de monnaie. Ou comme le goût métallique du sang, celui que l'on ressentait lorsque l'on se mordait la langue. Avec une légère appréhension, elle finit par porter le cocktail à ses lèvres : heureusement, le trompe l'œil s'arrêtait à la frontière de l'apparence et de l'odorat. C'était un punch, dont les notes doucement sucrées vinrent titiller ses papilles. Mais le liquide colorait visiblement les lèvres, à en juger par les nombreux étudiants qui ressemblaient à quelques Dracula de ci et de là.
Elle n'allait sûrement pas rester un ange blanc très longtemps, à cette allure.
-- Tu danses ? chuchota-t-on alors à son oreille.
C'était une voix profonde et grave, dont les inflexions firent frissonner Aveleen presque tout autant que le fait que la bouche qui avait murmuré ait réussi à envahir son espace vital avec autant de facilité.
A moins que cela fut parce que cette voix s'était faite particulièrement avare en mots ces derniers mois, pour ne pas dire capricieusement absente ?
-- Ou peut-être que l’ange que tu es préfère garder un œil sur ses étudiants ? argument a-t-il alors qu'Aveleen tournait la tête vers lui.
Il y avait quelque chose de tragique dans ses yeux d'obsidienne. Ou peut-être était-ce son imagination : celle qui avait spéculé tout au long de son absence, ponctuée de rares entrevues ou leurs conversations étaient restées à la surface. La surface, cet endroit sécuritaire où il restait de l'oxygène et où le politicien avait semblé parfois remonter en battant péniblement des pieds. Avant de sombrer. Et sombrer, en langue Oscarienne, c'était disparaître. Et si Aveleen comprenait parfaitement ce dialecte pour le parler lorsqu'elle souffrait, elle en connaissait suffisamment la grammaire pour savoir l'importance à accorder aux parenthèses. A ces moments où l'on revenait vers les autres. Vers ceux qui avait injustement continué à vivre alors que notre monde s'était arrêté de tourner.
-- Mes étudiants n'ont rien d'angéliques, sourit-t-elle tragiquement en portant une ultime fois le liquide rougeoyant à sa bouche - et définitivement particulièrement alcoolisé - avant de le déposer sur le buffet et de se tourner entièrement vers Oscar. Je n'ai donc rien à surveiller.
Sauf toi, peut-être, pensa-t-elle furtivement en se rappelant les émotions successives qui l'avaient envahie lorsqu'elle l'avait aperçu dans sa salle de cours quelques jours auparavant. De la surprise, d'abord. De l'inquiétude, juste après. Et de la déception, tout du reste, qu'il ait profité du laps de temps nécessaire à rassembler ses affaires à la fin de la conférence pour s'éclipser à la manière d'un foutu chat sauvage.
Même perchée sur sept bon centimètres de talons, elle dû relever son menton pour correctement observer son mécène alors qu'ils prenaient place sur la piste de danse.
-- Alors, fit-elle tout prêt de son oreille alors qu'elle glissait sa main dans la sienne pour accepter ce qui ressemblait à une valse, mon cher... fantôme, abdiqua-t-elle puisqu'il n'avait pas vraiment de déguisement, mais qu'il s'était pourtant montré particulièrement convainquant dans ce rôle, dois-je en conclure que tu as enfin revêtu un costume plus tangible que celui des derniers mois ?
Sa voix était douce et calme.
Sans reproche, mais pleine d'une constatation un brin douloureuse.
Inquiète, avant tout.
-- Ou vas-tu disparaitre dès que la chanson se terminera ? questionna-t-elle simplement, ses doigts serrant imperceptiblement la main d'Oscar à cette supposition.
Geste qui voulait imperceptiblement dire : n'y compte même pas.
Imbécile de chat sauvage fantomatique.
@Oscar Hangbé
Elle avait opté pour une longue robe qui chutait jusqu'au sol : un tissu vaporeux, entremêlé de fils d'argent au niveau de la poitrine qui, poursuivait sa chute dans une mousseline d'une blancheur immaculée.
Elle se regarda quelques instants dans le miroir : cela lui rappelait Poudlard et ses bals d'hiver.
Et l'impression ne faiblit pas à mesure qu'elle regagnait la salle de réception pour Halloween. Il y'avait cette effervescence de jeunes adultes qui nimbait l'air d'une subtile tension, comme si un bouillon d'émotions positives et légères s'était emparé de l'atmosphère. Un sourire aux lèvres, Aveleen entra dans la salle de bal sans retenir son émerveillement : les élèves en charge de l'organisation n'avaient pas pris leur travail à la légère. Les décorations couraient du sol au plafond en un brouillon faussement désorganisé : des toiles étendaient leurs fils d'un mur à l'autre comme le faisaient les voutes d'une église au dessus de leurs croyants. Les lustres, prouesses d'équilibres magiques voletant à plusieurs mètres au dessus de leurs têtes, répandaient leur étrange lumière mordorée sur les convives. Une lueur un brin surnaturelle tant elle tirait vers un orange citrouille, comme si l'on avait essayé de recréer toutes les teintes d'un coucher de soleil. C'était assez léger, cependant, pour laisser sa part d'ombre : certains recoins de la pièces paraissaient aussi obscures que la surface d'un lac en pleine nuit, ondulant subtilement là où certains étudiants y tenaient des conversations à l'abris des regards indiscrets.
Après avoir salué quelques-uns de ses collègues, Aveleen s'approcha du buffet sur lesquels s'éparpillaient des entremets dont l'apparence horrifiques étaient heureusement atténuée par les senteurs appétissantes qui s'en échappaient. Elle repéra des doigts ensanglantés en pâtes d'amandes non loin d'araignées miniatures aux corps velus meringués, mais ce fut un grand plat sphérique qui attira son attention. Dans un liquide d'un rouge soutenu, si épais qu'il ne laissait pas de doute quand à ce qu'il voulait représenter, de grands globes oculaires chaloupaient tranquillement. Charmant, songea Aveleen non sans finir par amarrer ses doigts à la grande louche qui trônait tout au milieu. Elle se servit un verre, qu'elle porta suspicieusement à ses lèvres : cela sentait la rouille, comme des pièces de monnaie. Ou comme le goût métallique du sang, celui que l'on ressentait lorsque l'on se mordait la langue. Avec une légère appréhension, elle finit par porter le cocktail à ses lèvres : heureusement, le trompe l'œil s'arrêtait à la frontière de l'apparence et de l'odorat. C'était un punch, dont les notes doucement sucrées vinrent titiller ses papilles. Mais le liquide colorait visiblement les lèvres, à en juger par les nombreux étudiants qui ressemblaient à quelques Dracula de ci et de là.
Elle n'allait sûrement pas rester un ange blanc très longtemps, à cette allure.
-- Tu danses ? chuchota-t-on alors à son oreille.
C'était une voix profonde et grave, dont les inflexions firent frissonner Aveleen presque tout autant que le fait que la bouche qui avait murmuré ait réussi à envahir son espace vital avec autant de facilité.
A moins que cela fut parce que cette voix s'était faite particulièrement avare en mots ces derniers mois, pour ne pas dire capricieusement absente ?
-- Ou peut-être que l’ange que tu es préfère garder un œil sur ses étudiants ? argument a-t-il alors qu'Aveleen tournait la tête vers lui.
Il y avait quelque chose de tragique dans ses yeux d'obsidienne. Ou peut-être était-ce son imagination : celle qui avait spéculé tout au long de son absence, ponctuée de rares entrevues ou leurs conversations étaient restées à la surface. La surface, cet endroit sécuritaire où il restait de l'oxygène et où le politicien avait semblé parfois remonter en battant péniblement des pieds. Avant de sombrer. Et sombrer, en langue Oscarienne, c'était disparaître. Et si Aveleen comprenait parfaitement ce dialecte pour le parler lorsqu'elle souffrait, elle en connaissait suffisamment la grammaire pour savoir l'importance à accorder aux parenthèses. A ces moments où l'on revenait vers les autres. Vers ceux qui avait injustement continué à vivre alors que notre monde s'était arrêté de tourner.
-- Mes étudiants n'ont rien d'angéliques, sourit-t-elle tragiquement en portant une ultime fois le liquide rougeoyant à sa bouche - et définitivement particulièrement alcoolisé - avant de le déposer sur le buffet et de se tourner entièrement vers Oscar. Je n'ai donc rien à surveiller.
Sauf toi, peut-être, pensa-t-elle furtivement en se rappelant les émotions successives qui l'avaient envahie lorsqu'elle l'avait aperçu dans sa salle de cours quelques jours auparavant. De la surprise, d'abord. De l'inquiétude, juste après. Et de la déception, tout du reste, qu'il ait profité du laps de temps nécessaire à rassembler ses affaires à la fin de la conférence pour s'éclipser à la manière d'un foutu chat sauvage.
Même perchée sur sept bon centimètres de talons, elle dû relever son menton pour correctement observer son mécène alors qu'ils prenaient place sur la piste de danse.
-- Alors, fit-elle tout prêt de son oreille alors qu'elle glissait sa main dans la sienne pour accepter ce qui ressemblait à une valse, mon cher... fantôme, abdiqua-t-elle puisqu'il n'avait pas vraiment de déguisement, mais qu'il s'était pourtant montré particulièrement convainquant dans ce rôle, dois-je en conclure que tu as enfin revêtu un costume plus tangible que celui des derniers mois ?
Sa voix était douce et calme.
Sans reproche, mais pleine d'une constatation un brin douloureuse.
Inquiète, avant tout.
-- Ou vas-tu disparaitre dès que la chanson se terminera ? questionna-t-elle simplement, ses doigts serrant imperceptiblement la main d'Oscar à cette supposition.
Geste qui voulait imperceptiblement dire : n'y compte même pas.
Imbécile de chat sauvage fantomatique.
@Oscar Hangbé
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Re: [Bal Halloween] Fantômes
Mar 21 Déc 2021 - 11:32
Fantômes
Aveleen O’Donnell
Fingers of blue on the snow
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
Oscar ne s’en était jamais réellement rendu compte, mais à chaque fois qu’il remettait le pied sur les îles britanniques, celles qui l’accueillaient depuis de nombreuses années maintenant, il finissait toujours par croiser le chemin d’Aveleen. Il y revenait comme l’on revenait à la surface, pour respirer, s’assurer que le ciel et ses étoiles étaient toujours là, s’assurer que malgré la tempête, rien n’avait bougé à côté, que le vent choisissait ses cibles et le froid les joues qu’il venait lacérer. A chaque fois, il revenait, un peu penaud, incertain, mais bien là. Le sorcier n’était jamais resté aussi longtemps que ce soir d’Halloween, et jamais n’avait-il bousculé son destin de cette manière. Lui proposer de danser, après ses nombreuses absences, ces va et viens tourmentés, cette facilité à disparaître dans un souffle, c’était audacieux, un peu culoté, mais il l’avait fait, se reposant sur le fait que, avec la foule qui les entourait, elle n’oserait pas refuser. Ou bien que l’inquiétude qu’il avait lu dans ses prunelles bleues à son cours si particulier lui garantissait une réponse positive à son injonction veloutée. La même inquiétude qui l’avait poussé à s’éclipser rapidement, pour ne pas la subir de vive voix, pour ne pas se laisser entendre que quelque chose n’allait pas, qu’il n’était pas réellement lui-même. Il le savait déjà. Il en était en chasse, pris dans une traque intense et qui lui semblait sans fin. Il ne pouvait décemment pas être lui-même. Il devait se mettre à son niveau à Elle.
Mais ce soir, il était là, perdu au milieu d’une salle de belle emplie de chaire étudiante, mélange de costumés horrifiants, parfois horrifiés et il était venu se perdre dans les yeux du seul ange de la salle comme s’il s’agissait là de sa seule rédemption possible. Il aurait pu rester chez lui, partager une soirée avec Junior, s’assurer qu’il se sentait bien malgré ses absences répétées, mais ces pas l’avaient amené ici et son fils était resté entre les mains de son oncle et du concierge des deux aînés Hangbé. Ou peut-être était-ce même Dayana et Elias qui s’occupaient de lui. Jacob ne manquait pas non plus de passer du temps avec lui et très certainement que si le diplomate n’était pas tant occupé ailleurs, il aurait pu s’inquiéter de ce que son benjamin pouvait bien apprendre au premier garçon de cette nouvelle génération. Il ne se questionnait pas plus que cela sur son fils. Il connaissait sa résilience, sa force d’esprit et si la période était compliquée, le diplomate en était certain, Junior Hangbé était assez bien entouré pour s’en sortir.
Ses lèvres s’étirèrent en un charmant sourire, alors que l’enseignante dépeignait un portait très intéressant de ses étudiants, rappelant à Oscar ses propres années estudiantines. Angélique n’était pas non plus un adjectif qui l’avait caractérisé, pas plus que maintenant, d’ailleurs, même s’il aimait à penser qu’il avait largement évolué.
Le diplomate, d’un regard silencieux, chercha à comprendre les mots qu’Aveleen le lui disait pas à voix haute. Ces choses qu’elle ressentait et qui brillait dans son regard clair. Ces lueurs qui vacillaient dans le feu de ses yeux. S’il avait bien ressenti l’inquiétude de la trentenaire la dernière fois qu’il l’avait vu, il y faisait face à présent de près, de très près. Etrangement, il n’en était pas troublé, plutôt flatté ? Leur relation avait énormément évolué entre eux, leurs deux présences au sein du Royaume les avaient largement poussés à se rapprocher et le drame qu’avait vécu Aveleen avant l’été n’avait pas manqué de souffler à Oscar à quel point elle comptait pour elle, en tant qu’amie, en tant que soutiens. Il avait été là pour la photographe, l’avait laissé pleurer sur son épaule et si jamais elle n’avait partagé le fond de sa pensé avec lui, le diplomate s’était tenu au courant des faits. Il ne lui en avait jamais reparlé, pour ne pas la blesser, tout d’abord et puis parce que les évènements qui avait bousculés sa propre vie ne lui en avait jamais laissé l’occasion. C’était pourtant vers elle qu’il revenait, s’assurant que tout allait bien de son côté, avant de disparaître, bien au fait qu’elle était certainement la mieux à même de comprendre ses propres démons.
Oscar s’était surement tendu son propre piège. Proposer une danse ici, c’était s’assurer d’avoir des regards posés sur eux, sur lui. C’était la certitude de ne pas pouvoir fuir une nouvelle fois, de rester dans les rails d’une mondanité qu’il connaissait depuis longtemps. Presque inconsciemment, il s’était assuré de rester là.
Et puisqu’Aveleen glissa enfin sa main dans la sienne, l’Américain ne pouvait décemment plus s’enfuir. Du moins ne pouvait-il pas le faire sans risquer de la blesser davantage et il n’en avait pas envie, il ne le pouvait plus. Tout comme il ne pouvait plus ignorer la détresse de ses cadets. D’un ton dénué de reproche, la photographe ne manqua pas de rappeler au diplomate ses absences du passé, celles qui n’étaient pas tout à fait terminée. Le sorcier réprima une grimace honteuse. Oui, il avait honte mais l’impression toutefois qu’il n’avait pas d’autres choix. Sa femme était une adversaire redoutable qui se tapissait dans l’ombre avec autant – voire plus d’adresse qu’un chat sauvage. Elle avait des contacts, des adresses et Oscar l’avait surement sous-estimée sous beaucoup d’angles. Il ne pouvait cependant pas la laisser en liberté, ne serait-ce que pour sa propre sécurité et celle des membres de sa famille. L’alliance qui avait été signé entre les Tagbo et les Hangbé à ce fameux mariage n’avait pas permis une entente durable entre les deux familles, et à présence que la première avait ouvertement attaqué la seconde, rien ne pourrait jamais les faire revenir en arrière. Il n’y avait plus de paix possible, plus de fuite possible.
Le regard d’Oscar, qui n’avait jusque-là pas quitté le visage de la photographe, se décala légèrement pour regarder derrière, dans un vide qui, il le savait, ne s’inquièterait ni ne le jugerait. Un léger soupir s’échappa de ses lèvres. « Je ne sais pas. » admit-il, alors que sa main venait se poser dans le creux des reins de la photographe et que leurs pieds se mettaient enfin à bouger au rythme d’une douce valse. La réponse était claire, limpide et si floue. Il ne savait pas. C’était la vérité, la simple vérité. Il savait qu’il partirait, c’était une évidence. Dès qu’un nouvel indice lui serait amené, il irait le vérifier. Dès qu’une nouvelle piste s’ouvrirait, il y irait. Il était la guerre, après tout et ne pouvait se soustraite à ses obligations, à cette vengeance qu’il souhaitait faire sienne depuis des semaines. « J’imagine que tout dépend de la prochaine chanson... » souffla-t-il alors, replongeant ses prunelles chocolatées dans celle de la jeune femme. Le trait d’humour se voulait léger mais la lueur qui brillait dans son regard sombre ne mentait pas, il ne plaisantait pas, pas réellement. Il aurait préféré pouvoir être léger, mais n’y parvenait pas, ou pas vraiment. Cela sonnait faux à ses oreilles. « Comment vas-tu ? » demanda-t-il, le ton plus grave alors qu’à son tour, ses doigts serrèrent un peu plus ceux d’Aveleen en un message silencieux. Promis.
Mais ce soir, il était là, perdu au milieu d’une salle de belle emplie de chaire étudiante, mélange de costumés horrifiants, parfois horrifiés et il était venu se perdre dans les yeux du seul ange de la salle comme s’il s’agissait là de sa seule rédemption possible. Il aurait pu rester chez lui, partager une soirée avec Junior, s’assurer qu’il se sentait bien malgré ses absences répétées, mais ces pas l’avaient amené ici et son fils était resté entre les mains de son oncle et du concierge des deux aînés Hangbé. Ou peut-être était-ce même Dayana et Elias qui s’occupaient de lui. Jacob ne manquait pas non plus de passer du temps avec lui et très certainement que si le diplomate n’était pas tant occupé ailleurs, il aurait pu s’inquiéter de ce que son benjamin pouvait bien apprendre au premier garçon de cette nouvelle génération. Il ne se questionnait pas plus que cela sur son fils. Il connaissait sa résilience, sa force d’esprit et si la période était compliquée, le diplomate en était certain, Junior Hangbé était assez bien entouré pour s’en sortir.
Ses lèvres s’étirèrent en un charmant sourire, alors que l’enseignante dépeignait un portait très intéressant de ses étudiants, rappelant à Oscar ses propres années estudiantines. Angélique n’était pas non plus un adjectif qui l’avait caractérisé, pas plus que maintenant, d’ailleurs, même s’il aimait à penser qu’il avait largement évolué.
Le diplomate, d’un regard silencieux, chercha à comprendre les mots qu’Aveleen le lui disait pas à voix haute. Ces choses qu’elle ressentait et qui brillait dans son regard clair. Ces lueurs qui vacillaient dans le feu de ses yeux. S’il avait bien ressenti l’inquiétude de la trentenaire la dernière fois qu’il l’avait vu, il y faisait face à présent de près, de très près. Etrangement, il n’en était pas troublé, plutôt flatté ? Leur relation avait énormément évolué entre eux, leurs deux présences au sein du Royaume les avaient largement poussés à se rapprocher et le drame qu’avait vécu Aveleen avant l’été n’avait pas manqué de souffler à Oscar à quel point elle comptait pour elle, en tant qu’amie, en tant que soutiens. Il avait été là pour la photographe, l’avait laissé pleurer sur son épaule et si jamais elle n’avait partagé le fond de sa pensé avec lui, le diplomate s’était tenu au courant des faits. Il ne lui en avait jamais reparlé, pour ne pas la blesser, tout d’abord et puis parce que les évènements qui avait bousculés sa propre vie ne lui en avait jamais laissé l’occasion. C’était pourtant vers elle qu’il revenait, s’assurant que tout allait bien de son côté, avant de disparaître, bien au fait qu’elle était certainement la mieux à même de comprendre ses propres démons.
Oscar s’était surement tendu son propre piège. Proposer une danse ici, c’était s’assurer d’avoir des regards posés sur eux, sur lui. C’était la certitude de ne pas pouvoir fuir une nouvelle fois, de rester dans les rails d’une mondanité qu’il connaissait depuis longtemps. Presque inconsciemment, il s’était assuré de rester là.
Et puisqu’Aveleen glissa enfin sa main dans la sienne, l’Américain ne pouvait décemment plus s’enfuir. Du moins ne pouvait-il pas le faire sans risquer de la blesser davantage et il n’en avait pas envie, il ne le pouvait plus. Tout comme il ne pouvait plus ignorer la détresse de ses cadets. D’un ton dénué de reproche, la photographe ne manqua pas de rappeler au diplomate ses absences du passé, celles qui n’étaient pas tout à fait terminée. Le sorcier réprima une grimace honteuse. Oui, il avait honte mais l’impression toutefois qu’il n’avait pas d’autres choix. Sa femme était une adversaire redoutable qui se tapissait dans l’ombre avec autant – voire plus d’adresse qu’un chat sauvage. Elle avait des contacts, des adresses et Oscar l’avait surement sous-estimée sous beaucoup d’angles. Il ne pouvait cependant pas la laisser en liberté, ne serait-ce que pour sa propre sécurité et celle des membres de sa famille. L’alliance qui avait été signé entre les Tagbo et les Hangbé à ce fameux mariage n’avait pas permis une entente durable entre les deux familles, et à présence que la première avait ouvertement attaqué la seconde, rien ne pourrait jamais les faire revenir en arrière. Il n’y avait plus de paix possible, plus de fuite possible.
Le regard d’Oscar, qui n’avait jusque-là pas quitté le visage de la photographe, se décala légèrement pour regarder derrière, dans un vide qui, il le savait, ne s’inquièterait ni ne le jugerait. Un léger soupir s’échappa de ses lèvres. « Je ne sais pas. » admit-il, alors que sa main venait se poser dans le creux des reins de la photographe et que leurs pieds se mettaient enfin à bouger au rythme d’une douce valse. La réponse était claire, limpide et si floue. Il ne savait pas. C’était la vérité, la simple vérité. Il savait qu’il partirait, c’était une évidence. Dès qu’un nouvel indice lui serait amené, il irait le vérifier. Dès qu’une nouvelle piste s’ouvrirait, il y irait. Il était la guerre, après tout et ne pouvait se soustraite à ses obligations, à cette vengeance qu’il souhaitait faire sienne depuis des semaines. « J’imagine que tout dépend de la prochaine chanson... » souffla-t-il alors, replongeant ses prunelles chocolatées dans celle de la jeune femme. Le trait d’humour se voulait léger mais la lueur qui brillait dans son regard sombre ne mentait pas, il ne plaisantait pas, pas réellement. Il aurait préféré pouvoir être léger, mais n’y parvenait pas, ou pas vraiment. Cela sonnait faux à ses oreilles. « Comment vas-tu ? » demanda-t-il, le ton plus grave alors qu’à son tour, ses doigts serrèrent un peu plus ceux d’Aveleen en un message silencieux. Promis.
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- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Mer 22 Déc 2021 - 0:32
Lorsqu'Aveleen avait lu dans la presse que Pearl Hangbé était décédée, elle avait su qu'Oscar n'honorerait pas leurs prochains rendez-vous autour d'un café. Elle avait compris, même, parce qu'il s'agissait des mêmes mécanismes que les siens et qu'à force d'en user jusqu'à l'abus, on finissait fatalement par en reconnaître les formes et les couleurs. Certains réussissait à garder des sourires de façade en tranche de melon, poursuivant leurs habitudes pour en faire une routine réconfortante, s'armant des condoléances du monde tout en réussissant à exister. Mais Oscar avait la douleur sourde et laide, comme la sienne : celle qui suintait et qui gangrénait dans les silences, enflant jusqu'à déborder de partout. Il la nourrissait en disparaissait, comme elle l'avait fuit pour pleurer son amie. Alors, il s'était évaporé comme l'on claquait des doigts : sans laisser de mots, sans explications, sans même l'ombre d'un regret de planqué sous le lit. Il lui avait fallu comprendre, parce qu'elle avait eu besoin des mêmes haltes sur le bord d'une route sinueuse qu'il était difficile d'arpenter.
Sans oublier non plus que ce même Oscar avait jeté à la poubelle tous ces mêmes concepts en marchant sur les plates bandes de l'Irlandaise des mois plus tôt.
Alors, où se situait la limite entre respect du silence de l'autre et ignorance de la douleur ? Le besoin de respirer prenait-il fin à la frontière de l'affection et de l'intérêt que l'on portait à l'autre ? Après tout, on retenait bien les suicidaires sur les bords de leurs fenêtres, alors à quel moment devait-on exactement considérer que la bascule vers les abîmes méritait que l'on vienne y tendre la main ? Ou, autrement dit : jusqu'à quand Aveleen devait-elle le laisser partir sans finir par lui barrer toutes les issues de secours qui, de toute façon, ne menaient qu'à d'autres incendies plus vastes, dans d'autres forêts toujours plus vaste de perdition et de lamentation ?
-- J'imagine que tout dépend de la prochaine chanson, répondit-il tout prêt de sa joue.
-- Non, rétorqua-t-elle simplement. Cela dépend uniquement de toi.
Mais elle avait déjà décidé que de toute façon, que les notes suivantes lui plaisent ou qu'il les déteste, elle lui emboiterait le pas. Et tant pis, si d'éventuels accords trop rock'n'roll venaient soulever de quelconques souvenirs d'adolescence bien heureuse qu'il voulait fuir : ceux où l'on rentrait dans un foyer sans se soucier des chaises vides. Ou tant pis, encore une fois, s'il s'agissait d'une musique encore plus douce que celle-là, qui viendrait cette fois poser de la tendresse là où il n'en voulait pas. Il fallait composer avec la musique, on ne pouvait pas toujours tourner le bouton de la sono pour qu'il convienne à ce que l'on avait envie d'écouter. Pas plus que l'on ne pouvait sempiternellement écouter la rengaine de son propre mal-être sans finir par oublier tous les autres channels qui diffusaient de nouveaux titres : la vie, celle de ce foutu monde qui continuait sa rotation en se moquant bien de ceux qui étaient tombé du manège au dernier tour.
-- Comment vas-tu ?
Derrière la vraie question, Aveleen saisissait la toute aussi vraie diversion. Question simple, réponses multiples, de celles qui pourtant restreindraient les issues de la conversation vers des chemins précis. Oscar était un politicien habile dont la meilleure des défenses était et serait toujours l'attaque, mais il se trompait s'il pensait qu'en lui demandant de parler d'elle, Aveleen consentirait à lui offrir des perches suffisantes pour éviter qu'il n'ait pas à parler de lui.
-- Bien, répondit-elle succinctement en laissant un sourire sincère s'étaler sur ses lèvres.
Elle avait décidé d'être économe en mot, comme pour limiter les branches auxquelles il pourrait se raccrocher pour rebondir.
Et puis, "bien", c'était la vérité. Elle allait bien mieux, non, immensément mieux aurait été plus juste, que la dernière fois qu'ils s'étaient réellement parlé. Mais ce qui lui avait demandé encore plus de travail, c'était de réussir à le dire à voix haute. Les premiers sourires après une perte n'étaient pas les plus douloureux pour rien, après tout. C'était admettre que l'on pouvait vivre et même être heureux sans l'autre, et avec cela devait se conjuguer la culpabilité d'y parvenir. Les pleurs et la colère étaient, de bien des manières, plus simples. Parce qu'ils venaient souligner à quel point l'autre manquait. Mais aller bien sans se détester d'y parvenir, ça, c'était le genre de combat que l'on ne découvrait qu'une fois que l'on croyait avoir franchi le premier palier. Le monstre final d'un niveau caché.
Aveleen redressa le menton, laissant à Oscar tout le loisir de sonder son visage pour y chercher de quoi réfuter ses dires, sachant déjà qu'il n'y trouverait pas grand chose. Elle lui en laissa néanmoins le loisir , parce qu'elle savait déjà pertinemment qu'il préférait mille fois louvoyer près de ce qu'elle ressentait plutôt que vers ses propres démons.
-- Et toi ? tenta-t-elle quand même, innocemment.
Une question toute simple, de celles que l'on évitait à peu près aussi souvent de fois que l'on n'en écoutait vraiment la réponse. Elle était entrée dans les salutations de bases avec tant de facilité, qu'il était presque devenu la norme d'y répondre "bien, et toi ? " avec la morne habitude des mots qui finissaient par ne plus avoir de sens. Parfois, on supposait que la réponse était trop évidente et l'on s'abstenait de demander. D'autres, on se disait que de toute façon, l'autre allait mentir, parce que personne ne répondait sincèrement à ce genre de phrases toutes faites, et que lorsque cela était fait, c'était souvent pour y décliner d'autres semi-vérités sur lesquelles quatre-vingt dix-huit pourcents des personnes ne rebondiraient de toute façon pas plus. "Je suis fatigué". "Comme un lundi". "Vivement le week-end". Voir, ne même pas répondre et seulement y retourner un "et toi ?", comme une mécanique bien huilée dont l'on avait appris à ne plus vraiment s'étonner. On avait appris, c'était bien ça le mot, "appris" à dépouiller l'intérêt à l'autre, le reléguant à ces syllabes que l'on débitait sans en connaître la teneur, comme l'on articulait hasardeusement les paroles d'une chanson dans une langue étrangère.
Rien d'étonnant, à ce que l'on n'y réponde pas avec sincérité : à questionner les autres sans rien investir, on ne récoltait que ce qu'on était venu y chercher. Trois mots, tout au plus, et passons au sujet d'après. On brassait ainsi une multitude de potentielles failles intimes qui aurait demandé une multitude de tout ce temps que l'on ne prenait que rarement pour l'autre.
Et puis, il y avait les exceptions.
Ces gens qui finissait par avoir beaucoup à dire faisait foirer toute cette mécanique.
Comme ces femmes battues qui, lorsque l'on demandait simplement si on leur avait fait du mal un jour, finissaient par vous raconter d'une traite tout ce qu'on leur avait fait subir. D'un bloc, sans filtres, sans pudeur, se contentant de répondre à la demande sans s'embarrasser de ce que les convenances suggéraient. Et quand on s'étonnait de la raison de cet aveu, après autant d'années de silences, la réponse était débordante de simplicité : on ne m'avait jamais vraiment demandé avant. Et pourtant, il y avait dû en avoir, des "comment vas-tu ? ", à toutes les sauces, dans tous les lieux, sur toutes les bouches, encore et encore. Des "ça va?" pressés, des "ça va ?" mondains, des "ça va ?" intéressés, juste avant de demander des service. Des "ça va" qui n'allaient jamais, parce qu'ils ne voulaient rien dire.
Et puis, il y avait les autres exceptions.
Ces gens qui finissaient par avoir beaucoup à entendre et qui faisaient foirer toute cette mécanique, eux aussi.
Ces personnes rares, précieuses, ô, si précieusement rares, qui avaient cette intonation particulière dans leur question. Cette tendresse particulière dans les yeux. Cet intérêt. Et, sans raison, l'on fondait en larme à un " hé… ça va ?" qui ne ressemblaient pas à tous les autres. C'était les mêmes mots, pourtant. Mais ils s'étaient rhabillés de leur sens. Ils disaient: je vais t'écouter. Je vais t'entendre. Ce que tu dis m'intéresse.
Je vais prendre le temps de t'écouter.
Ava releva donc ses yeux vers lui, sincèrement attentive.
Parce qu'Oscar était de ces personnes précieuses qui avaient su donner du sens à ses inquiétudes, des mois auparavant, Aveleen ressentait le besoin - la nécessité - de lui retourner ce cadeau.
La possibilité de ne pas répondre que tout allait bien.
-- Comment vas-tu ?
@Oscar Hangbé
Sans oublier non plus que ce même Oscar avait jeté à la poubelle tous ces mêmes concepts en marchant sur les plates bandes de l'Irlandaise des mois plus tôt.
Alors, où se situait la limite entre respect du silence de l'autre et ignorance de la douleur ? Le besoin de respirer prenait-il fin à la frontière de l'affection et de l'intérêt que l'on portait à l'autre ? Après tout, on retenait bien les suicidaires sur les bords de leurs fenêtres, alors à quel moment devait-on exactement considérer que la bascule vers les abîmes méritait que l'on vienne y tendre la main ? Ou, autrement dit : jusqu'à quand Aveleen devait-elle le laisser partir sans finir par lui barrer toutes les issues de secours qui, de toute façon, ne menaient qu'à d'autres incendies plus vastes, dans d'autres forêts toujours plus vaste de perdition et de lamentation ?
-- J'imagine que tout dépend de la prochaine chanson, répondit-il tout prêt de sa joue.
-- Non, rétorqua-t-elle simplement. Cela dépend uniquement de toi.
Mais elle avait déjà décidé que de toute façon, que les notes suivantes lui plaisent ou qu'il les déteste, elle lui emboiterait le pas. Et tant pis, si d'éventuels accords trop rock'n'roll venaient soulever de quelconques souvenirs d'adolescence bien heureuse qu'il voulait fuir : ceux où l'on rentrait dans un foyer sans se soucier des chaises vides. Ou tant pis, encore une fois, s'il s'agissait d'une musique encore plus douce que celle-là, qui viendrait cette fois poser de la tendresse là où il n'en voulait pas. Il fallait composer avec la musique, on ne pouvait pas toujours tourner le bouton de la sono pour qu'il convienne à ce que l'on avait envie d'écouter. Pas plus que l'on ne pouvait sempiternellement écouter la rengaine de son propre mal-être sans finir par oublier tous les autres channels qui diffusaient de nouveaux titres : la vie, celle de ce foutu monde qui continuait sa rotation en se moquant bien de ceux qui étaient tombé du manège au dernier tour.
-- Comment vas-tu ?
Derrière la vraie question, Aveleen saisissait la toute aussi vraie diversion. Question simple, réponses multiples, de celles qui pourtant restreindraient les issues de la conversation vers des chemins précis. Oscar était un politicien habile dont la meilleure des défenses était et serait toujours l'attaque, mais il se trompait s'il pensait qu'en lui demandant de parler d'elle, Aveleen consentirait à lui offrir des perches suffisantes pour éviter qu'il n'ait pas à parler de lui.
-- Bien, répondit-elle succinctement en laissant un sourire sincère s'étaler sur ses lèvres.
Elle avait décidé d'être économe en mot, comme pour limiter les branches auxquelles il pourrait se raccrocher pour rebondir.
Et puis, "bien", c'était la vérité. Elle allait bien mieux, non, immensément mieux aurait été plus juste, que la dernière fois qu'ils s'étaient réellement parlé. Mais ce qui lui avait demandé encore plus de travail, c'était de réussir à le dire à voix haute. Les premiers sourires après une perte n'étaient pas les plus douloureux pour rien, après tout. C'était admettre que l'on pouvait vivre et même être heureux sans l'autre, et avec cela devait se conjuguer la culpabilité d'y parvenir. Les pleurs et la colère étaient, de bien des manières, plus simples. Parce qu'ils venaient souligner à quel point l'autre manquait. Mais aller bien sans se détester d'y parvenir, ça, c'était le genre de combat que l'on ne découvrait qu'une fois que l'on croyait avoir franchi le premier palier. Le monstre final d'un niveau caché.
Aveleen redressa le menton, laissant à Oscar tout le loisir de sonder son visage pour y chercher de quoi réfuter ses dires, sachant déjà qu'il n'y trouverait pas grand chose. Elle lui en laissa néanmoins le loisir , parce qu'elle savait déjà pertinemment qu'il préférait mille fois louvoyer près de ce qu'elle ressentait plutôt que vers ses propres démons.
-- Et toi ? tenta-t-elle quand même, innocemment.
Une question toute simple, de celles que l'on évitait à peu près aussi souvent de fois que l'on n'en écoutait vraiment la réponse. Elle était entrée dans les salutations de bases avec tant de facilité, qu'il était presque devenu la norme d'y répondre "bien, et toi ? " avec la morne habitude des mots qui finissaient par ne plus avoir de sens. Parfois, on supposait que la réponse était trop évidente et l'on s'abstenait de demander. D'autres, on se disait que de toute façon, l'autre allait mentir, parce que personne ne répondait sincèrement à ce genre de phrases toutes faites, et que lorsque cela était fait, c'était souvent pour y décliner d'autres semi-vérités sur lesquelles quatre-vingt dix-huit pourcents des personnes ne rebondiraient de toute façon pas plus. "Je suis fatigué". "Comme un lundi". "Vivement le week-end". Voir, ne même pas répondre et seulement y retourner un "et toi ?", comme une mécanique bien huilée dont l'on avait appris à ne plus vraiment s'étonner. On avait appris, c'était bien ça le mot, "appris" à dépouiller l'intérêt à l'autre, le reléguant à ces syllabes que l'on débitait sans en connaître la teneur, comme l'on articulait hasardeusement les paroles d'une chanson dans une langue étrangère.
Rien d'étonnant, à ce que l'on n'y réponde pas avec sincérité : à questionner les autres sans rien investir, on ne récoltait que ce qu'on était venu y chercher. Trois mots, tout au plus, et passons au sujet d'après. On brassait ainsi une multitude de potentielles failles intimes qui aurait demandé une multitude de tout ce temps que l'on ne prenait que rarement pour l'autre.
Et puis, il y avait les exceptions.
Ces gens qui finissait par avoir beaucoup à dire faisait foirer toute cette mécanique.
Comme ces femmes battues qui, lorsque l'on demandait simplement si on leur avait fait du mal un jour, finissaient par vous raconter d'une traite tout ce qu'on leur avait fait subir. D'un bloc, sans filtres, sans pudeur, se contentant de répondre à la demande sans s'embarrasser de ce que les convenances suggéraient. Et quand on s'étonnait de la raison de cet aveu, après autant d'années de silences, la réponse était débordante de simplicité : on ne m'avait jamais vraiment demandé avant. Et pourtant, il y avait dû en avoir, des "comment vas-tu ? ", à toutes les sauces, dans tous les lieux, sur toutes les bouches, encore et encore. Des "ça va?" pressés, des "ça va ?" mondains, des "ça va ?" intéressés, juste avant de demander des service. Des "ça va" qui n'allaient jamais, parce qu'ils ne voulaient rien dire.
Et puis, il y avait les autres exceptions.
Ces gens qui finissaient par avoir beaucoup à entendre et qui faisaient foirer toute cette mécanique, eux aussi.
Ces personnes rares, précieuses, ô, si précieusement rares, qui avaient cette intonation particulière dans leur question. Cette tendresse particulière dans les yeux. Cet intérêt. Et, sans raison, l'on fondait en larme à un " hé… ça va ?" qui ne ressemblaient pas à tous les autres. C'était les mêmes mots, pourtant. Mais ils s'étaient rhabillés de leur sens. Ils disaient: je vais t'écouter. Je vais t'entendre. Ce que tu dis m'intéresse.
Je vais prendre le temps de t'écouter.
Ava releva donc ses yeux vers lui, sincèrement attentive.
Parce qu'Oscar était de ces personnes précieuses qui avaient su donner du sens à ses inquiétudes, des mois auparavant, Aveleen ressentait le besoin - la nécessité - de lui retourner ce cadeau.
La possibilité de ne pas répondre que tout allait bien.
-- Comment vas-tu ?
@Oscar Hangbé
- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Dim 26 Déc 2021 - 12:13
Fantômes
Aveleen O’Donnell
Fingers of blue on the snow
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
« Non. » Le retour de la jeune femme fut immédiat et empli d’une certitude qui aurait fait sourire le diplomate s’il avait été dans un meilleur état d’esprit. On ne lui disait pas « non » très souvent, c’était un terme que peu de gens étaient autorisé à lui soumettre. Un non, c’était un défi lancé, celui d’obtenir finalement un oui, une résignation qui flattait souvent l’égo et la fierté de l’Américain. Les choses étaient différentes, ce soir, il n’y avait pas cette envie viscérale de contrôle. Était-ce du aux habitudes bien ancrées de la photographe qui le contredisait s’en s’inquiéter de son amour-propre depuis les débuts de leur relation mécène- artiste, ou bien autre chose de complètement différent ? Dans le tourbillon qui rageait encore dans ses esprits, c’était une chose impossible à discerner. « Cela dépend uniquement de toi. » ajouta-t-elle finalement. Et elle avait raison, l’Irlandaise. Oscar le savait, pire, il le sentait. Il y avait cette pression presque imperceptible sur le bout de ses doigts, ce ton sans reproche qu’elle employait mais qui signifiait bien qu’elle voyait au-delà de l’apparente légèreté du sorcier et puis il y avait cette lueur dans le fond de son regard, une nitescence de détermination. La sorcière, l’Américain l’avait compris, n’était pas disposée à le laisser partir. Ainsi, le piège qu’il s’était lui-même tendu se refermait autour de lui et ne prenait pas d’autre forme que celle de la photographe.
Ainsi piégé sous les prunelles azures d’Aveleen, le diplomate usa toutefois de ses capacités de diversion pour entamer la conversation, s’inquiétant de l’état de l’enseignante. Il avait pu la voir sporadiquement mais sans jamais creuser les détails de son état d’esprit, comme si lui demander réellement comment elle se portait finissait indubitablement par un revirement de la conversation, un changement de vent qu’il n’avait pas été prêt à subir ses derniers mois. Il n’était d’ailleurs toujours pas disposé à endurer les affres des questions pertinentes, celles qui fâches, qui poussent à la réflexion et à l’exposition d’émotions contraires et instables qui n’était pas pour ravir l’Américain. La question qu’il avait posée à Aveleen était cependant intéressée. Depuis ce temps, comment allait-elle, comment se portait-elle, vraiment ? Il avait vu de loin le regard de la photographe retrouver son éclat d’origine. Il avait vu quelques sourires lui barré le visage avec légèreté. Il avait vu le temps faire son œuvre, tranquillement, subtilement, comme une peinture réaliste qui avançait au gré des secondes et des minutes sous le pinceau minutieux d’un créateur patient. Voir le changement sur le visage de la sorcière n’était cependant pas suffisant, aussi lorsqu’elle répondit à l’interrogation du diplomate, ce dernier acquiesça d’un hochement de tête bref et s’apprêta à questionner plus encore Aveleen lorsque celle-ci lui retourna l’inquiétude de son propre état.
« Et toi ? » Le regard de l’Américain glissa du visage de l’enseignante pour regarder au-delà de la finesse de ses traits et de cette lueur qui s’était éveillé dans le fond de ses prunelles, la même dont l’Irlandaise l’avait gratifié lors du cours ministériel auquel il avait assisté. Et lui ? Il aurait répondu bien, qu’elle ne l’aurait pas cru, qu’elle aurait insisté. Insister sur un sujet aussi délicat que l’état émotionnel dans lequel se trouvait le combattant n’était pas quelque chose qu’il trouvait très judicieux. Pourtant, il le sentait dans chaque fibre de son échine, Aveleen ne le lâcherait pas. Pas ce soir, alors que leurs mains se tenaient avec tendresse, que leurs souffles se mélangeaient au gré d’une valse mélodique. Il pourrait lui répondre la vérité, lui dire qu’il n’allait pas bien, mais cela supposait le partage de bien plus de détails et ces précisions, Oscar n’était même pas disposé à les exposer aux plus jeunes de la fratrie Hangbé. Le regard fuyant, aucune réponse ne traversa ses lèvres, aussi silencieux dans ses mots que, l’espérait-il, dans son regard. Il n’avait pas le courage de mentir à l’Irlandaise et ne pouvait pas non lui partager la vérité. Cette réticence à partager ce qu’il avait sur le cœur et sur l’esprit se traduisit alors en un mutisme forcé qui l’éloignait de ces habitudes. Le cavalier de la guerre maniait aussi bien les mots que les poings et pour ce qui était surement l’une des premières fois de sa vie, il ne savait que dire. Il ne pipa mot, et seul un frémissement de ses lèvres réagit à la question de la sorcière, interrogation qu’elle répéta une nouvelle fois, avec plus de gravité, plus d’attente. « Comment vas-tu ? »
Le piège était totalement refermé sur lui et le fixait avec des prunelles claires, une honnête attention, un intérêt franc, intègre. Aucune réponse ne vint se former dans l’esprit du diplomate qui usa alors d’une tout autre diversion pour éviter de répondre à la question. D’un geste doux mais ferme, Oscar utilisa le rythme de la valse qu’ils dansaient pour engager l’enseignante sur un élégant tour dont elle était le centre, dérobade toujours aussi silencieuse de la part du sorcier qui pouvait ainsi se soustraire pendant quelques secondes aux perles turquoise qu’Aveleen posait sur lui. Cette pirouette ne dura pas bien longtemps et lorsque la sorcière fu de nouveau face à lui, la main libre du diplomate vint se caler une nouvelle fois dans le creux de son dos et l’attira plus proche de lui. Il pouvait à présent sentir son parfum, son souffle chaud dans lequel il décelait quelques arômes de ponche. Il parvenait également à entendre le bruissement du tissu de sa robe sur les arêtes de son costume. Ils étaient près et Oscar ne savait que lui répondre. La vérité, le mensonge ? Que devait-il dire ? Que pouvait-il dire ? « Je ne vais pas te répondre, je ne saurais pas comment... » avoua-t-il finalement, n'avouant ni ne niant rien. Il ne savait pas comment lui expliquer, comment lui dire ce qui se passait. Il ne savait pas comment lui répondre sans mentir. Il ne savait pas, simplement. Que pouvait-elle dire à cela ? Etait-elle en mesure de pénétrer les méandres de son esprit pour aller y chercher l’information qui l’intéressait ? Oscar aurait presque trouvé cela plus pratique, il n’aurait ainsi qu’à l’observer, à guetter les réactions que ses tourments lui inspirerait. A la place, il n’ajouta rien, se contentant d’un léger sourire contrit, désolé et, il fallait bien l’avouer, un peu embarrassé, d'une honte sournoise, d'un deuil qui le terrifiait chaque jour davantage. Alors, que pouvait-il bien dire ?
Ainsi piégé sous les prunelles azures d’Aveleen, le diplomate usa toutefois de ses capacités de diversion pour entamer la conversation, s’inquiétant de l’état de l’enseignante. Il avait pu la voir sporadiquement mais sans jamais creuser les détails de son état d’esprit, comme si lui demander réellement comment elle se portait finissait indubitablement par un revirement de la conversation, un changement de vent qu’il n’avait pas été prêt à subir ses derniers mois. Il n’était d’ailleurs toujours pas disposé à endurer les affres des questions pertinentes, celles qui fâches, qui poussent à la réflexion et à l’exposition d’émotions contraires et instables qui n’était pas pour ravir l’Américain. La question qu’il avait posée à Aveleen était cependant intéressée. Depuis ce temps, comment allait-elle, comment se portait-elle, vraiment ? Il avait vu de loin le regard de la photographe retrouver son éclat d’origine. Il avait vu quelques sourires lui barré le visage avec légèreté. Il avait vu le temps faire son œuvre, tranquillement, subtilement, comme une peinture réaliste qui avançait au gré des secondes et des minutes sous le pinceau minutieux d’un créateur patient. Voir le changement sur le visage de la sorcière n’était cependant pas suffisant, aussi lorsqu’elle répondit à l’interrogation du diplomate, ce dernier acquiesça d’un hochement de tête bref et s’apprêta à questionner plus encore Aveleen lorsque celle-ci lui retourna l’inquiétude de son propre état.
« Et toi ? » Le regard de l’Américain glissa du visage de l’enseignante pour regarder au-delà de la finesse de ses traits et de cette lueur qui s’était éveillé dans le fond de ses prunelles, la même dont l’Irlandaise l’avait gratifié lors du cours ministériel auquel il avait assisté. Et lui ? Il aurait répondu bien, qu’elle ne l’aurait pas cru, qu’elle aurait insisté. Insister sur un sujet aussi délicat que l’état émotionnel dans lequel se trouvait le combattant n’était pas quelque chose qu’il trouvait très judicieux. Pourtant, il le sentait dans chaque fibre de son échine, Aveleen ne le lâcherait pas. Pas ce soir, alors que leurs mains se tenaient avec tendresse, que leurs souffles se mélangeaient au gré d’une valse mélodique. Il pourrait lui répondre la vérité, lui dire qu’il n’allait pas bien, mais cela supposait le partage de bien plus de détails et ces précisions, Oscar n’était même pas disposé à les exposer aux plus jeunes de la fratrie Hangbé. Le regard fuyant, aucune réponse ne traversa ses lèvres, aussi silencieux dans ses mots que, l’espérait-il, dans son regard. Il n’avait pas le courage de mentir à l’Irlandaise et ne pouvait pas non lui partager la vérité. Cette réticence à partager ce qu’il avait sur le cœur et sur l’esprit se traduisit alors en un mutisme forcé qui l’éloignait de ces habitudes. Le cavalier de la guerre maniait aussi bien les mots que les poings et pour ce qui était surement l’une des premières fois de sa vie, il ne savait que dire. Il ne pipa mot, et seul un frémissement de ses lèvres réagit à la question de la sorcière, interrogation qu’elle répéta une nouvelle fois, avec plus de gravité, plus d’attente. « Comment vas-tu ? »
Le piège était totalement refermé sur lui et le fixait avec des prunelles claires, une honnête attention, un intérêt franc, intègre. Aucune réponse ne vint se former dans l’esprit du diplomate qui usa alors d’une tout autre diversion pour éviter de répondre à la question. D’un geste doux mais ferme, Oscar utilisa le rythme de la valse qu’ils dansaient pour engager l’enseignante sur un élégant tour dont elle était le centre, dérobade toujours aussi silencieuse de la part du sorcier qui pouvait ainsi se soustraire pendant quelques secondes aux perles turquoise qu’Aveleen posait sur lui. Cette pirouette ne dura pas bien longtemps et lorsque la sorcière fu de nouveau face à lui, la main libre du diplomate vint se caler une nouvelle fois dans le creux de son dos et l’attira plus proche de lui. Il pouvait à présent sentir son parfum, son souffle chaud dans lequel il décelait quelques arômes de ponche. Il parvenait également à entendre le bruissement du tissu de sa robe sur les arêtes de son costume. Ils étaient près et Oscar ne savait que lui répondre. La vérité, le mensonge ? Que devait-il dire ? Que pouvait-il dire ? « Je ne vais pas te répondre, je ne saurais pas comment... » avoua-t-il finalement, n'avouant ni ne niant rien. Il ne savait pas comment lui expliquer, comment lui dire ce qui se passait. Il ne savait pas comment lui répondre sans mentir. Il ne savait pas, simplement. Que pouvait-elle dire à cela ? Etait-elle en mesure de pénétrer les méandres de son esprit pour aller y chercher l’information qui l’intéressait ? Oscar aurait presque trouvé cela plus pratique, il n’aurait ainsi qu’à l’observer, à guetter les réactions que ses tourments lui inspirerait. A la place, il n’ajouta rien, se contentant d’un léger sourire contrit, désolé et, il fallait bien l’avouer, un peu embarrassé, d'une honte sournoise, d'un deuil qui le terrifiait chaque jour davantage. Alors, que pouvait-il bien dire ?
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- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Lun 27 Déc 2021 - 22:15
Chaque fois que leurs conversations manquaient de s'échouer sur les rivages secrets de leur vie privée, ils devenaient experts en la matière pour s'éviter. Au début, Aveleen avait mis cette étonnante capacité mutuelle sur le compte de leurs rapports professionnels : quelque chose à mi-chemin entre leurs pudeurs respectives et la volonté de ne pas franchir les frontières d'un partenariat mécénale. Et puis, leurs récentes altercations avaient réduit à néant cette supposition. Il y avait quelque chose de plus insidieux, qu'Aveleen n'aurait pas su mettre correctement en exergue mais qu'Oscar illustra à merveille en lui imprimant un mouvement de danse. Un éloignement fugace, seulement retenu par le contact ténus de leurs doigts, un docile tour sur place suivi d'un brusque rapprochement. Un peu plus près qu'ils n'avaient été la dernière fois. Et ainsi de suite, jusqu'à la prochaine pirouette, jusqu'à la prochaine rencontre. Elle frémit en sentant la main d'Oscar se nicher dans le creux de ses reins, se demandant à quel moment cette familiarité avait fini par être plus simple que toutes leurs conversations.
-- Je ne vais pas te répondre, fit-il et, en un sens, la photographe n'en fut pas le moins du monde étonnée. Je ne saurais pas comment...
L'Irlandaise le regarda sourire sans enthousiasme, comme s'il cherchait à convaincre tout le monde y compris lui-même. Elle aurait pu insister, mais il aurait été idiot de répéter inlassablement la même méthode en espérant qu'elle finisse par fonctionner, de la même manière qu'il était inutile d'enfoncer le bouton de la télécommande lorsqu'il n'y avait plus de pile. Elle l'avait suffisamment vu fuir pour savoir reconnaître les prémices d'une énième disparition. Du reste, elle savait ce que cela faisait : d'avoir mal jusqu'à l'asphyxie, comme si une main s'était enfoncé dans le thorax et venait broyer les poumons, sapant toute possibilité de s'expliquer. Et puis, elle ne lui ferait pas l'affront de feindre l'ignorance : le décès de Pearl Hangbé avait fait les gros titres, parsemant la presse sorcière d'une multitude d'article aux titres aiguisés comme des lames de rasoirs. Elle aurait détesté voir sa douleur exposée ainsi aux yeux avides du peuple qui se délectait tant dans la souffrance d'autrui. Elle aurait détesté chacun des mots qui auraient noircis les journaux, maudit chacun de ses collègues photographes en embuscades cherchant à capturer la peine comme s'il s'agissait d'une nouvelle paire de chaussure en vogue. Elle n'oubliait ni le nom d'Oscar, ni les responsabilités qu'il y avait derrière. Pas plus que son mariage, d'ailleurs, ce qui rendait bien compliqué à interpréter les doigts hésitant qui effleuraient son dos tout comme leurs mains qui s'entremêlaient avec une étonnante douceur, manquant de lui arracher un soupire de contrariété.
La vérité, c'était qu'elle ne comprenait pas ce qu'il faisait là. Elle ne comprenait pas pourquoi il apparaissait régulièrement devant elle pour disparaître tout aussi certainement, ni pour quelles raisons il amorçait des étreintes là où les mots mourraient inlassablement avant même d'avoir été esquissés. Il était là, dans son costume hors de prix, avec son faux sourire qui ne voulait rien dire et son vrai regard perdu qui en disait bien plus qu'il ne le voulait. Aveleen inspira doucement alors qu'il pressait ses doigts contre les siens. Elle aurait préféré ne pas avoir à interpréter ça : elle ne voulait pas imaginer derrière ce simple geste tout un monde de désirs informulés et de promesses en pointillés. Mais c'était plus fort qu'elle. Peut-être parce que la réputation d'Oscar n'était plus à faire. Ou peut-être parce qu'il ne cessait de repousser les limites de leur promiscuité, sans jamais avoir pris le temps de ne rien définir. Il avait empiété d'abord sur la photographie, puis envahissait de plus en plus régulièrement son espace vital. Et maintenant, dans le creux de ses bras et contre la chaleur de son étreinte, Aveleen se demandait plus que jamais ce qu'il était venu y chercher tout en inspirant doucement. Comme la dernière fois - et c'était bien cela, le problème, songea-t-elle - son odeur lui fit songer à une après-midi méditerranéenne.
Elle ferma les yeux alors qu'il ajustait une énième fois sa main dans son dos. Un contact doux, charmeur et trompeur, comme l'étaient ses dérobades incessantes.
-- Si tu ne peux pas répondre, alors je vais essayer de le faire pour toi, finit-elle par dire en posant sa tête contre son épaule, ignorant par la même occasion ses propres mises en garde. Je crois que tu ne vas pas bien, asséna-t-elle sans autre préambule. Et ce n'est pas grave parce que contrairement à ce que tu crois, tu en as parfaitement le droit. Tu as perdu ta mère et, avec sa disparation, je t'imagines sans mal penser que t'occuper de tes frères et sœurs, c'est forcément aller mieux qu'eux.
Ses doigts jouaient toujours doucement avec les siens, comme pour l'empêcher de se dérober. Une phalange après l'autre, elle s'évertua à prolonger le contact tandis que les basses égrenaient peu à peu leurs dernières notes. Il ne resterait que si la musique lui plaisait, avait-il avertit. Sans jamais préciser s'il parlait de l'acoustique, ou de la partition de leurs conversations.
-- Ca fait de toi quelqu'un de bien, mais cela ne veut pas dire que c'est la bonne solution. S'occuper de leur chagrin, cela ne veut pas dire oublier le sien. Ne t'effaces pas, chuchota-t-elle doucement, mais il étaient assez proches pour que les mots trouvent leurs cibles sans peine. Je m'inquiète pour toi, poursuivit-elle sur le même ton. Pas parce que tu disparais pour faire ce qui t'accapares visiblement bien loin d'ici, pas parce que tu ne me parles pas, ni même parce que tu es inconstant, indéchiffrable et parfois même glacial. Non, je m'inquiète pour toi parce que tu souffres et que je ne peux rien y faire. Parce que tes mots préfèrent ne pas exister tellement tu as peur de ce qu'ils pourraient signifier. Tu as dis que tu ne saurais pas comment me répondre, le cita-t-elle en relevant enfin son visage vers lui. Peu importe ? éluda-t-elle avec tendresse. Peu importe comment tu le dis, à qui tu le dis tant que tu ne crains pas de parler de toi. Je ne veux pas que tu ne deviennes que silence... Quoi que soit ce que tu ressens : ne l'ignores pas. S'il y'a du chagrin, chéri le, s'il y'a de la colère, laisse brûler la flamme, s'il y'a de l'espoir, ne souffle pas dessus trop vite… Souffrir est une chose horrible, mais s'oublier n'est guère mieux. Parce qu'en bout de course, on se rend compte que l'on a arraché tellement de nous-même pour guérir plus vite que l'on s'est perdu avant même d'arriver quelque part. Sois toi-même, quelque soit ce que cela peut signifier, avec moi ou avec quelqu'un d'autre, ici ou à l'autre bout du monde… mais, s'il te plait, ne disparais-pas pour aller répondre seul à cette question sans personne pour n'en écouter la réponse, termina-t-elle en cherchant son regard pour y affronter sa réaction.
@Oscar Hangbé
-- Je ne vais pas te répondre, fit-il et, en un sens, la photographe n'en fut pas le moins du monde étonnée. Je ne saurais pas comment...
L'Irlandaise le regarda sourire sans enthousiasme, comme s'il cherchait à convaincre tout le monde y compris lui-même. Elle aurait pu insister, mais il aurait été idiot de répéter inlassablement la même méthode en espérant qu'elle finisse par fonctionner, de la même manière qu'il était inutile d'enfoncer le bouton de la télécommande lorsqu'il n'y avait plus de pile. Elle l'avait suffisamment vu fuir pour savoir reconnaître les prémices d'une énième disparition. Du reste, elle savait ce que cela faisait : d'avoir mal jusqu'à l'asphyxie, comme si une main s'était enfoncé dans le thorax et venait broyer les poumons, sapant toute possibilité de s'expliquer. Et puis, elle ne lui ferait pas l'affront de feindre l'ignorance : le décès de Pearl Hangbé avait fait les gros titres, parsemant la presse sorcière d'une multitude d'article aux titres aiguisés comme des lames de rasoirs. Elle aurait détesté voir sa douleur exposée ainsi aux yeux avides du peuple qui se délectait tant dans la souffrance d'autrui. Elle aurait détesté chacun des mots qui auraient noircis les journaux, maudit chacun de ses collègues photographes en embuscades cherchant à capturer la peine comme s'il s'agissait d'une nouvelle paire de chaussure en vogue. Elle n'oubliait ni le nom d'Oscar, ni les responsabilités qu'il y avait derrière. Pas plus que son mariage, d'ailleurs, ce qui rendait bien compliqué à interpréter les doigts hésitant qui effleuraient son dos tout comme leurs mains qui s'entremêlaient avec une étonnante douceur, manquant de lui arracher un soupire de contrariété.
La vérité, c'était qu'elle ne comprenait pas ce qu'il faisait là. Elle ne comprenait pas pourquoi il apparaissait régulièrement devant elle pour disparaître tout aussi certainement, ni pour quelles raisons il amorçait des étreintes là où les mots mourraient inlassablement avant même d'avoir été esquissés. Il était là, dans son costume hors de prix, avec son faux sourire qui ne voulait rien dire et son vrai regard perdu qui en disait bien plus qu'il ne le voulait. Aveleen inspira doucement alors qu'il pressait ses doigts contre les siens. Elle aurait préféré ne pas avoir à interpréter ça : elle ne voulait pas imaginer derrière ce simple geste tout un monde de désirs informulés et de promesses en pointillés. Mais c'était plus fort qu'elle. Peut-être parce que la réputation d'Oscar n'était plus à faire. Ou peut-être parce qu'il ne cessait de repousser les limites de leur promiscuité, sans jamais avoir pris le temps de ne rien définir. Il avait empiété d'abord sur la photographie, puis envahissait de plus en plus régulièrement son espace vital. Et maintenant, dans le creux de ses bras et contre la chaleur de son étreinte, Aveleen se demandait plus que jamais ce qu'il était venu y chercher tout en inspirant doucement. Comme la dernière fois - et c'était bien cela, le problème, songea-t-elle - son odeur lui fit songer à une après-midi méditerranéenne.
Elle ferma les yeux alors qu'il ajustait une énième fois sa main dans son dos. Un contact doux, charmeur et trompeur, comme l'étaient ses dérobades incessantes.
-- Si tu ne peux pas répondre, alors je vais essayer de le faire pour toi, finit-elle par dire en posant sa tête contre son épaule, ignorant par la même occasion ses propres mises en garde. Je crois que tu ne vas pas bien, asséna-t-elle sans autre préambule. Et ce n'est pas grave parce que contrairement à ce que tu crois, tu en as parfaitement le droit. Tu as perdu ta mère et, avec sa disparation, je t'imagines sans mal penser que t'occuper de tes frères et sœurs, c'est forcément aller mieux qu'eux.
Ses doigts jouaient toujours doucement avec les siens, comme pour l'empêcher de se dérober. Une phalange après l'autre, elle s'évertua à prolonger le contact tandis que les basses égrenaient peu à peu leurs dernières notes. Il ne resterait que si la musique lui plaisait, avait-il avertit. Sans jamais préciser s'il parlait de l'acoustique, ou de la partition de leurs conversations.
-- Ca fait de toi quelqu'un de bien, mais cela ne veut pas dire que c'est la bonne solution. S'occuper de leur chagrin, cela ne veut pas dire oublier le sien. Ne t'effaces pas, chuchota-t-elle doucement, mais il étaient assez proches pour que les mots trouvent leurs cibles sans peine. Je m'inquiète pour toi, poursuivit-elle sur le même ton. Pas parce que tu disparais pour faire ce qui t'accapares visiblement bien loin d'ici, pas parce que tu ne me parles pas, ni même parce que tu es inconstant, indéchiffrable et parfois même glacial. Non, je m'inquiète pour toi parce que tu souffres et que je ne peux rien y faire. Parce que tes mots préfèrent ne pas exister tellement tu as peur de ce qu'ils pourraient signifier. Tu as dis que tu ne saurais pas comment me répondre, le cita-t-elle en relevant enfin son visage vers lui. Peu importe ? éluda-t-elle avec tendresse. Peu importe comment tu le dis, à qui tu le dis tant que tu ne crains pas de parler de toi. Je ne veux pas que tu ne deviennes que silence... Quoi que soit ce que tu ressens : ne l'ignores pas. S'il y'a du chagrin, chéri le, s'il y'a de la colère, laisse brûler la flamme, s'il y'a de l'espoir, ne souffle pas dessus trop vite… Souffrir est une chose horrible, mais s'oublier n'est guère mieux. Parce qu'en bout de course, on se rend compte que l'on a arraché tellement de nous-même pour guérir plus vite que l'on s'est perdu avant même d'arriver quelque part. Sois toi-même, quelque soit ce que cela peut signifier, avec moi ou avec quelqu'un d'autre, ici ou à l'autre bout du monde… mais, s'il te plait, ne disparais-pas pour aller répondre seul à cette question sans personne pour n'en écouter la réponse, termina-t-elle en cherchant son regard pour y affronter sa réaction.
@Oscar Hangbé
- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Mer 29 Déc 2021 - 0:56
Fantômes
Aveleen O’Donnell
Fingers of blue on the snow
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
(mood)
Oscar ne se souvenait pas de la dernière fois ou il s’était trouvé ainsi démuni, piégé par son culot et ses propres démons. Enfermé dans une boîte, une cage de métal, une danse de laquelle il ne pouvait s’échapper. Le diplomate, représentant désigné de la guerre ne s’était jamais autant questionné, sur lui, ses faits, ses gestes. D’ordinaire si certains, motivé par la détermination, la puissance. D’ordinaire soutenu par la force de son nom de famille, son emprise large sur le monde des sorciers et bien au-delà encore. D’ordinaire si sûr de lui, imperturbable, impétrable. D’ordinaire le pied reposant sur un sol stable, voilà que tout s’était mis à trembler. Il avait très tôt marqué le monde de sa pâte, ballotant ses sourires charmeurs et ses mots acérés et précis dans les soirées mondaines, écrasant ses poings avec une violence maîtrisée, gagnant ainsi des combats, d’esprit tout autant que physique. Cet équilibre c’était révélé fragile et rapidement brisé par le départ de Pearl Hangbé, constante qu’on lui avait arrachée, qu’elle lui avait arraché. Et si la diplomatie était devenue sienne, rien n’était plus d’actualité. Il faisait quelques efforts, bien évidement. Il lui avait presque fallu deux mois pour retrouver sa sœur, pour la serrer contre lui et lui dire, silencieusement avec la seule brillance de son regard, combien il était désolé. Ils avaient fallu de nombreuse semaine pour parler d’un autre sujet avec Ekwensu, pour parler du reste. Ces choses qui lui semblaient n’être que détails, fioritures inutiles dans la vie qu’il vivait depuis le décès de la matriarche. Et, l’américain en était certain, il lui faudrait le double voire le triple de ce temps pour parvenir à répondre à l’interrogation inquiète d’Aveleen.
Aveleen qu’il connaissait depuis ses premières années de politique, depuis son premier poste aux Etats-Unis. Aveleen, de qui il n’avait jamais été particulièrement proche sur le point de vue personnel mais qui avait toujours occupé une place importante dans sa vie professionnelle. Et chez le Hangbé, les deux univers se rejoignaient souvent, l’un marquant l’autre, parfois d’une encre indélébile et d’autres non. Un certain nombre de personne n’était pas restée dans l’entourage du diplomate, trop inutile, trop lointaine. L’Irlandaise, elle, n’en était jamais partie, flânant avec plus ou moins de visibilité dans la vision périphérique de son mécène. Avec le temps, les échanges et les récents évènements, peut-être la photographe était-elle devenue cette nouvelle ancre, cette bitte d’amarrage dont Oscar ne se saurait jamais soupçonné dépendant.
Il se trouvait donc là, et ses doigts ne cessaient de bouger dans le dos de l’enseignante, comme si le simple fait de la tenir si près ajoutait à ce trouble qu’il ressentait depuis si longtemps. Pourtant, la douce mélodie qui les poussaient à la danse, cette valse tranquille qui les promenaient avec un doux rythme à travers la salle, était quelque peu salvatrice, comme les réminiscences d’un passé pas si lointain, mais pourtant révolu. Peut-être y avait-il dans cette proximité, une lueur d’espoir ? Peut-être que l’inquiétude qu’il avait senti poindre dans la voix de la photographe lui avait soufflé avec douceur que les choses finiraient éventuellement par s’arranger. L’esprit tourmenté du diplomate ne voyait pas comment, obscurcit qu’il était par le trouble, par la colère qui lui brûlait les entrailles, enfumant son esprit d’une épaisse fumée noire. Il pouvait presque sentir les cendres, résidus encore chauds d’une raison mise à mal, brûlée sur un bûcher qui n’aurait pas dû être le siens.
Le bûcher, ce n’était pas ce qu’il destinait à son épouse. Il avait en tête bien d’autres choses, des décisions qui n’arrangeraient pas le capital points éthique de la famille mais qui assouvirait sa haine, cette haine vicieuse qui le rendait si occupé, si fuyant. La réponse à la question d’Aveleen était donc simple. Il n’allait pas bien. Partager cette évidence ne ferait que la rendre plus vraie, plus dangereuse et Oscar n’avait ni l’énergie, ni le temps à accorder à ses propres états d’âmes. Il était consumé par la colère, empêtré dans une vengeance qui lui bouffait son temps et sa raison. Cette réponse pourtant si simple, il ne pouvait donc pas la formuler, comme si l’affirmer la ferait elle victorieuse. Et la victoire, l’Américain s’arrangeait toujours par l’obtenir et, tant que ce n’était pas le cas, il continuait.
Après la même question deux fois éludées, beaucoup aurait tourné la page. Aveleen, elle, persista. Avec une grande douceur, acceptant sans se vexer qu’Oscar ne puisse rien dire, elle prit les devants, exprimant avec justesse ce qui tournait en rond dans l’esprit du diplomate. L’Américain aurait volontiers mis fin à cette tentative, refusant catégoriquement de se voir attribué des mots et des émotions par une personne extérieur sans que celle-ci ne soit en mesure de comprendre les réels problèmes sous-jacents, si la sorcière n’avait pas posé sa tête contre lui. « Je crois que tu ne vas pas bien. » L’évidence soufflée à travers les lèvres de la jeune femme ne lui tira qu’un sourire contrit, mécanisme de défense qui ne faisait finalement qu’accentuer son mal-être général, mais Aveleen ne pouvait le voir. C’était presque rassurant de savoir qu’elle ne pouvait ni plonger son regard dans le sien, ni étudier chaque frémissement de ses lèvres ou de ses paupières. Elle ne pouvait sentir que son cœur, dont le rythme était plus rapide qu’à l’ordinaire. Elle ne pouvait sentir que ses doigts qui se pliaient à un autre exercice de danse, entremêlement distrayant qui permettait à Oscar de rester là, présent. Les pas de danses qu’ils faisaient était d’une simplicité déconcertante et l’attention du diplomate était ainsi divisé sur deux choses : la voix d’Aveleen et leurs doigts.
La voix de cristal de la photographe résonnait dans son esprit avec autant de décibels qu’une enceinte de concert et chaque mot s’imprégnait dans son esprit, écartant quelque peu la fumée trouble qui obstruait tout le reste. Pourtant, les dire de la sorcière sonnaient faux, ne faisant qu’ajouter à la honte du diplomate. Elle qui pensait qu’il mettait sa fratrie en avant, se trompait naïvement. Oscar était obnubilé par la vengeance et n’avait que trop négligé le reste de sa famille. Avec Ekwensu, ils étaient partis en règlement de compte. Il n’avait renoué avec Alice qu’au mois de septembre, guidé par rien d’autre que le destin. Quant à Jacob, il n’avait fait qu’entrevoir son visage, ternis par la fatigue et par les évènements. Et puis, il y avait Junior, dont l’univers tout entier avait été chamboulé et qui ne pouvait pas compter sur la présence de son père. Oscar faisait piètre honneur à leur lien familial. Lui pourtant si protecteur, s’était montré distant et inconstant. Pendant un moment, il s’était justifié et rassuré en se disant que son épouse était une menace pour eux, mais la réalité s’était faite perceptible avec le temps, les excuses avaient laissées la place à la honte et il en était là. Tout cela, Aveleen ne pouvait pas le savoir et si certaines de ses affirmations se révélaient fausses et maladroites, elle avait toutefois raison. Il s’effaçait, il se consumait, brûlait par l’idée même de se venger.
Il restait silencieux, bougeant ses pieds par instinct, comme si son corps prenait le dessus, laissant son esprit fondre sous les paroles de son amie. « Je m'inquiète pour toi » continuait-elle. Oscar ne pensait plus à l’arrêter, l’écoutant avant une attention décuplée, concentré sur ses mots, ses vérités et ses doigts, qui ne cessaient de danser entre les siens, comme une balle anti-stress avec laquelle on viendrait jouer. Elle poursuivait, pertinente, réaliste. Elle comprenait, résidus du deuil avec lequel elle avait appris à vivre. Mais avait-elle vécue la vengeance, ce désir viscéral de reprendre son ascendant sur l’autre? Pouvait-elle réellement comprendre ce qui animait le sorcier ? Lui-même n’en était pas toujours certains. Lui-même n’était pas arrivé à la tristesse, celle qui obstruait les pores, celle qui se portait chaque matin, chaque journée, jusqu’au soir ou elle s’écrasait sur l’oreiller pour reprendre les forces nécessaires au lendemain. Oscar avait enterré sa mère mais traquer sa meurtrière lui donnait la sensation de l’avoir encore avec elle, de ne pas l’avoir totalement perdue.
Lorsqu’elle eu terminé et que ses perles azurées se posèrent de nouveau sur lui, Oscar resta silencieux, inconscient que la musique sur laquelle il dansait encore était terminée. Le regard brillant d’une émotion qu’il ne parvenait pas à contrôler. Il était bouleversé, profondément affecté par la justesse de ces mots, par l’assurance de ce soutien qu’elle lui présentait cette fois. Le diplomate ne chercha pas le regard de la sorcière et se contenta de fixer l’air vibrant devant lui, au-delà de cette chevelure d’or. « Il n’y a que la colère.. » avoua-t-il, dans un souffle grave. Sa voix était un peu enraillée, baignée d’émotion. La colère, il ne voyait que cela. Une colère sourde qui ne transparaissait pas dans son intonation, ni dans la façon dont il répondait mais qui brûlait dans les profondeurs de son regard. « Une fureur qui me pousse à la vengeance et qui m’en fait oublier le reste. » ll avoua cette réalité a mi-voix, espérant presque qu’elle ne l’entendrait pas, qu’elle continuerait à faire danser leurs doigts. « Cette vengeance, il n’y a qu’elle et je ne pourrais pas t’en parler davantage, parce que ce n’est pas ton fardeau, comme ce n’est ni celui d’Alice ni celui d’Ekwensu. » Les vannes semblaient avoir été ouvertes et si le débit de ses paroles n’était pas aussi haut qu’Aveleen, il n’en restait pas moins une amélioration. Il s’était à peine rendu compte de ce qu’il avait dit, de cette vengeance qui était la sienne et qui devait sortir de nulle part pour la sorcière. « C’est mon fardeau.. » répéta-t-il, avant de baisser son regard et de fixer le visage d’Aveleen. Il n’ajouta rien, parce que la tristesse lui restait lointaine et que l’espoir, celui qui semblait se mêler à ses doigts, n’était rien d’autre que douce illusion et qu’il craignait, en s’épanchant davantage, que cette fantaisie ne lui échappe, que cette inquiétude ne se change en autre chose.
Oscar ne se souvenait pas de la dernière fois ou il s’était trouvé ainsi démuni, piégé par son culot et ses propres démons. Enfermé dans une boîte, une cage de métal, une danse de laquelle il ne pouvait s’échapper. Le diplomate, représentant désigné de la guerre ne s’était jamais autant questionné, sur lui, ses faits, ses gestes. D’ordinaire si certains, motivé par la détermination, la puissance. D’ordinaire soutenu par la force de son nom de famille, son emprise large sur le monde des sorciers et bien au-delà encore. D’ordinaire si sûr de lui, imperturbable, impétrable. D’ordinaire le pied reposant sur un sol stable, voilà que tout s’était mis à trembler. Il avait très tôt marqué le monde de sa pâte, ballotant ses sourires charmeurs et ses mots acérés et précis dans les soirées mondaines, écrasant ses poings avec une violence maîtrisée, gagnant ainsi des combats, d’esprit tout autant que physique. Cet équilibre c’était révélé fragile et rapidement brisé par le départ de Pearl Hangbé, constante qu’on lui avait arrachée, qu’elle lui avait arraché. Et si la diplomatie était devenue sienne, rien n’était plus d’actualité. Il faisait quelques efforts, bien évidement. Il lui avait presque fallu deux mois pour retrouver sa sœur, pour la serrer contre lui et lui dire, silencieusement avec la seule brillance de son regard, combien il était désolé. Ils avaient fallu de nombreuse semaine pour parler d’un autre sujet avec Ekwensu, pour parler du reste. Ces choses qui lui semblaient n’être que détails, fioritures inutiles dans la vie qu’il vivait depuis le décès de la matriarche. Et, l’américain en était certain, il lui faudrait le double voire le triple de ce temps pour parvenir à répondre à l’interrogation inquiète d’Aveleen.
Aveleen qu’il connaissait depuis ses premières années de politique, depuis son premier poste aux Etats-Unis. Aveleen, de qui il n’avait jamais été particulièrement proche sur le point de vue personnel mais qui avait toujours occupé une place importante dans sa vie professionnelle. Et chez le Hangbé, les deux univers se rejoignaient souvent, l’un marquant l’autre, parfois d’une encre indélébile et d’autres non. Un certain nombre de personne n’était pas restée dans l’entourage du diplomate, trop inutile, trop lointaine. L’Irlandaise, elle, n’en était jamais partie, flânant avec plus ou moins de visibilité dans la vision périphérique de son mécène. Avec le temps, les échanges et les récents évènements, peut-être la photographe était-elle devenue cette nouvelle ancre, cette bitte d’amarrage dont Oscar ne se saurait jamais soupçonné dépendant.
Il se trouvait donc là, et ses doigts ne cessaient de bouger dans le dos de l’enseignante, comme si le simple fait de la tenir si près ajoutait à ce trouble qu’il ressentait depuis si longtemps. Pourtant, la douce mélodie qui les poussaient à la danse, cette valse tranquille qui les promenaient avec un doux rythme à travers la salle, était quelque peu salvatrice, comme les réminiscences d’un passé pas si lointain, mais pourtant révolu. Peut-être y avait-il dans cette proximité, une lueur d’espoir ? Peut-être que l’inquiétude qu’il avait senti poindre dans la voix de la photographe lui avait soufflé avec douceur que les choses finiraient éventuellement par s’arranger. L’esprit tourmenté du diplomate ne voyait pas comment, obscurcit qu’il était par le trouble, par la colère qui lui brûlait les entrailles, enfumant son esprit d’une épaisse fumée noire. Il pouvait presque sentir les cendres, résidus encore chauds d’une raison mise à mal, brûlée sur un bûcher qui n’aurait pas dû être le siens.
Le bûcher, ce n’était pas ce qu’il destinait à son épouse. Il avait en tête bien d’autres choses, des décisions qui n’arrangeraient pas le capital points éthique de la famille mais qui assouvirait sa haine, cette haine vicieuse qui le rendait si occupé, si fuyant. La réponse à la question d’Aveleen était donc simple. Il n’allait pas bien. Partager cette évidence ne ferait que la rendre plus vraie, plus dangereuse et Oscar n’avait ni l’énergie, ni le temps à accorder à ses propres états d’âmes. Il était consumé par la colère, empêtré dans une vengeance qui lui bouffait son temps et sa raison. Cette réponse pourtant si simple, il ne pouvait donc pas la formuler, comme si l’affirmer la ferait elle victorieuse. Et la victoire, l’Américain s’arrangeait toujours par l’obtenir et, tant que ce n’était pas le cas, il continuait.
Après la même question deux fois éludées, beaucoup aurait tourné la page. Aveleen, elle, persista. Avec une grande douceur, acceptant sans se vexer qu’Oscar ne puisse rien dire, elle prit les devants, exprimant avec justesse ce qui tournait en rond dans l’esprit du diplomate. L’Américain aurait volontiers mis fin à cette tentative, refusant catégoriquement de se voir attribué des mots et des émotions par une personne extérieur sans que celle-ci ne soit en mesure de comprendre les réels problèmes sous-jacents, si la sorcière n’avait pas posé sa tête contre lui. « Je crois que tu ne vas pas bien. » L’évidence soufflée à travers les lèvres de la jeune femme ne lui tira qu’un sourire contrit, mécanisme de défense qui ne faisait finalement qu’accentuer son mal-être général, mais Aveleen ne pouvait le voir. C’était presque rassurant de savoir qu’elle ne pouvait ni plonger son regard dans le sien, ni étudier chaque frémissement de ses lèvres ou de ses paupières. Elle ne pouvait sentir que son cœur, dont le rythme était plus rapide qu’à l’ordinaire. Elle ne pouvait sentir que ses doigts qui se pliaient à un autre exercice de danse, entremêlement distrayant qui permettait à Oscar de rester là, présent. Les pas de danses qu’ils faisaient était d’une simplicité déconcertante et l’attention du diplomate était ainsi divisé sur deux choses : la voix d’Aveleen et leurs doigts.
La voix de cristal de la photographe résonnait dans son esprit avec autant de décibels qu’une enceinte de concert et chaque mot s’imprégnait dans son esprit, écartant quelque peu la fumée trouble qui obstruait tout le reste. Pourtant, les dire de la sorcière sonnaient faux, ne faisant qu’ajouter à la honte du diplomate. Elle qui pensait qu’il mettait sa fratrie en avant, se trompait naïvement. Oscar était obnubilé par la vengeance et n’avait que trop négligé le reste de sa famille. Avec Ekwensu, ils étaient partis en règlement de compte. Il n’avait renoué avec Alice qu’au mois de septembre, guidé par rien d’autre que le destin. Quant à Jacob, il n’avait fait qu’entrevoir son visage, ternis par la fatigue et par les évènements. Et puis, il y avait Junior, dont l’univers tout entier avait été chamboulé et qui ne pouvait pas compter sur la présence de son père. Oscar faisait piètre honneur à leur lien familial. Lui pourtant si protecteur, s’était montré distant et inconstant. Pendant un moment, il s’était justifié et rassuré en se disant que son épouse était une menace pour eux, mais la réalité s’était faite perceptible avec le temps, les excuses avaient laissées la place à la honte et il en était là. Tout cela, Aveleen ne pouvait pas le savoir et si certaines de ses affirmations se révélaient fausses et maladroites, elle avait toutefois raison. Il s’effaçait, il se consumait, brûlait par l’idée même de se venger.
Il restait silencieux, bougeant ses pieds par instinct, comme si son corps prenait le dessus, laissant son esprit fondre sous les paroles de son amie. « Je m'inquiète pour toi » continuait-elle. Oscar ne pensait plus à l’arrêter, l’écoutant avant une attention décuplée, concentré sur ses mots, ses vérités et ses doigts, qui ne cessaient de danser entre les siens, comme une balle anti-stress avec laquelle on viendrait jouer. Elle poursuivait, pertinente, réaliste. Elle comprenait, résidus du deuil avec lequel elle avait appris à vivre. Mais avait-elle vécue la vengeance, ce désir viscéral de reprendre son ascendant sur l’autre? Pouvait-elle réellement comprendre ce qui animait le sorcier ? Lui-même n’en était pas toujours certains. Lui-même n’était pas arrivé à la tristesse, celle qui obstruait les pores, celle qui se portait chaque matin, chaque journée, jusqu’au soir ou elle s’écrasait sur l’oreiller pour reprendre les forces nécessaires au lendemain. Oscar avait enterré sa mère mais traquer sa meurtrière lui donnait la sensation de l’avoir encore avec elle, de ne pas l’avoir totalement perdue.
Lorsqu’elle eu terminé et que ses perles azurées se posèrent de nouveau sur lui, Oscar resta silencieux, inconscient que la musique sur laquelle il dansait encore était terminée. Le regard brillant d’une émotion qu’il ne parvenait pas à contrôler. Il était bouleversé, profondément affecté par la justesse de ces mots, par l’assurance de ce soutien qu’elle lui présentait cette fois. Le diplomate ne chercha pas le regard de la sorcière et se contenta de fixer l’air vibrant devant lui, au-delà de cette chevelure d’or. « Il n’y a que la colère.. » avoua-t-il, dans un souffle grave. Sa voix était un peu enraillée, baignée d’émotion. La colère, il ne voyait que cela. Une colère sourde qui ne transparaissait pas dans son intonation, ni dans la façon dont il répondait mais qui brûlait dans les profondeurs de son regard. « Une fureur qui me pousse à la vengeance et qui m’en fait oublier le reste. » ll avoua cette réalité a mi-voix, espérant presque qu’elle ne l’entendrait pas, qu’elle continuerait à faire danser leurs doigts. « Cette vengeance, il n’y a qu’elle et je ne pourrais pas t’en parler davantage, parce que ce n’est pas ton fardeau, comme ce n’est ni celui d’Alice ni celui d’Ekwensu. » Les vannes semblaient avoir été ouvertes et si le débit de ses paroles n’était pas aussi haut qu’Aveleen, il n’en restait pas moins une amélioration. Il s’était à peine rendu compte de ce qu’il avait dit, de cette vengeance qui était la sienne et qui devait sortir de nulle part pour la sorcière. « C’est mon fardeau.. » répéta-t-il, avant de baisser son regard et de fixer le visage d’Aveleen. Il n’ajouta rien, parce que la tristesse lui restait lointaine et que l’espoir, celui qui semblait se mêler à ses doigts, n’était rien d’autre que douce illusion et qu’il craignait, en s’épanchant davantage, que cette fantaisie ne lui échappe, que cette inquiétude ne se change en autre chose.
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- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Dim 2 Jan 2022 - 15:04
-- Il n'y a que la colère.
Les mots s'échappèrent de ses lèvres sans s'imprégner d'émotion, comme s'il était possible de parler mais qu'il fallait en aseptiser le sens. Cela lui fit penser aux mauvaises nouvelles que l'on entendait dans les petites pièces des hôpitaux : celles dont on rembourrait les fauteuils, comme pour mieux amortir le choc.
--Une fureur qui me pousse à la vengeance et qui m’en fait oublier le reste, poursuivit-il.
Le pire, songea Aveleen en redressant son regard vers lui pour l'observer, c'était la voix égale qu'il prenait pour déclarer tout ça. C'était comme étaler du miel sur un plat épicé en espérant que que le sirop sucré ne suffise à camoufler le piment.
-- Cette vengeance, il n’y a qu’elle et je ne pourrais pas t’en parler davantage, parce que ce n’est pas ton fardeau, comme ce n’est ni celui d’Alice ni celui d’Ekwensu.
L'Irlandaise pouvait presque entendre les alarmes intérieures du diplomate s'affoler à mesurer qu'il persistait justement à parler de ce dont il ne comptait rien dire. Comme s'il réalisait la propre contradiction de tout cela. On aurait dit un kleptomane qui, la main déjà tendue vers des diamants, s'échinait à promettre qu'il ne volerait rien. Alors Aveleen ne disait rien, se contentant d'observer le visage d'Oscar se confondre d'un faible sourire d'excuse. Il était déjà désolé d'en avoir trop dit. Mais il lorgnait quand même vers les diamants. Comme pour dire : ils sont juste là, si proches.
-- C'est mon fardeau, répéta-t-il.
Et il y avait quelque chose de douloureux dans son regard, qui serra le ventre de l'Irlandaise. C'était toute cette violence contenue, comme la mer se retirant avant un raz-de-marée. Elle pouvait sentir les embruns violents de ce fardeau dont elle ne savait rien éclabousser son ami , léchant son visage comme une promesse d'agonie. Celle d'en éroder tout ce qu'il y avait de bon et de doux, comme les maisons que le sel grignotait dans le silence solitaire d'une plage que l'on abandonnait tous les hivers.
L'Oscar qu'elle connaissait lui avait pourtant toujours fait penser à un éternel été. Un sourire étalé sur le visage à la peau d'ébène, se déclinant de toutes les lumières possibles mais baignant sempiternellement son humeur : fier, complice, moqueur, insolent, agacé, énervé. Il avait toujours été l'Oscar solaire, ses pensées sauvages sagement camouflées derrière ses yeux rieurs. Il était aussi l'Oscar certain de ses charmes, ses pensées torves bien moins sagement camouflées derrière des regards fiévreux : ceux qu'Aveleen avait vu promettre à tant d'autres des draps froissés et des soupires nocturnes. Il était aussi l'Oscar dangereux, celui dont les poings attendaient sagement en embuscade d'avoir le droit de s'élever. Impulsif, bouillonnant, nerveux, impertinent, dégageant une aura de confiance en lui qui nimbait son entourage d'une sensation de sécurité.
Mais l'Oscar qu'elle avait devant les yeux lui évoquait des étendues neigeuses pleines de congères dans laquelle il pourrait chuter pour y disparaître en grelottant. Cet Oscar là parlait de vengeance d'un ton de glace, là où il avait jusqu'alors abordé chaque étape de sa vie avec la fureur d'un brasier prêt à tout emporter sur son passage. L'arctique était un désert dans lequel elle n'aurait pas pensé le voir évoluer. Ca ne lui ressemblait pas, d'être un hiver terne dans lequel on se perdait sans que personne ne remarque l'hypothermie pernicieuse dans laquelle l'âme s'enfonçait.
Elle aurait aimé lui demander d'en dire plus. D'expliquer les tenants et aboutissements, de dessiner le grand tableau de sa haine pour qu'elle puisse comprendre pourquoi il s'était mis à avoir besoin de le peindre. Comprendre comment la mort accidentelle de Pearl Hangbé avait pu déclencher une nouvelle ère glacière de quête vengeresse et de croisade solitaire. Mais c'était l'obliger à s'enfoncer encore plus dans cette obscurité dont il avait fait son domaine, alors même qu'il avait mis un pied dehors.
Il cherchait toujours ses doigts, repartant et revenant inlassablement. Et ça lui évoqua tristement la tentative d'une fleur de survivre au milieu d'immenses plaines inhospitalières, se débattant dans tous les sens pour capturer un peu de soleil.
Elle ravala sa curiosité.
-- Je vois, fit-elle donc simplement, soufflant un peu de sa chaleur alors qu'elle nichait sa tête dans le creux de son épaule.
Elle ne lui pillerait pas son fardeau. On n'arrachait pas la bouée de quelqu'un, de toute façon. Quelque soit le nom qu'il donnait à ce fameux poids dont il chargeait ses épaules : colère, vengeance, fureur, obsession. A la place, on tirait des filets, on balisait l'océan d'autres points d'ancrages. Jusqu'à ce que se noyer devienne plus difficile que nager.
-- Alors, lança-t-elle doucement, ses doigts glissant contre les siens, traçant de petites arabesques dans le creux de sa paume avant de s'y déplier pour venir s'échouer à nouveau contre chacune de ses phalanges.
C'était un frôlement tendre, hésitant comme si leurs peaux se touchaient en pointillés.
-- C'est de la colère ça aussi ?
@Oscar Hangbé
Les mots s'échappèrent de ses lèvres sans s'imprégner d'émotion, comme s'il était possible de parler mais qu'il fallait en aseptiser le sens. Cela lui fit penser aux mauvaises nouvelles que l'on entendait dans les petites pièces des hôpitaux : celles dont on rembourrait les fauteuils, comme pour mieux amortir le choc.
--Une fureur qui me pousse à la vengeance et qui m’en fait oublier le reste, poursuivit-il.
Le pire, songea Aveleen en redressant son regard vers lui pour l'observer, c'était la voix égale qu'il prenait pour déclarer tout ça. C'était comme étaler du miel sur un plat épicé en espérant que que le sirop sucré ne suffise à camoufler le piment.
-- Cette vengeance, il n’y a qu’elle et je ne pourrais pas t’en parler davantage, parce que ce n’est pas ton fardeau, comme ce n’est ni celui d’Alice ni celui d’Ekwensu.
L'Irlandaise pouvait presque entendre les alarmes intérieures du diplomate s'affoler à mesurer qu'il persistait justement à parler de ce dont il ne comptait rien dire. Comme s'il réalisait la propre contradiction de tout cela. On aurait dit un kleptomane qui, la main déjà tendue vers des diamants, s'échinait à promettre qu'il ne volerait rien. Alors Aveleen ne disait rien, se contentant d'observer le visage d'Oscar se confondre d'un faible sourire d'excuse. Il était déjà désolé d'en avoir trop dit. Mais il lorgnait quand même vers les diamants. Comme pour dire : ils sont juste là, si proches.
-- C'est mon fardeau, répéta-t-il.
Et il y avait quelque chose de douloureux dans son regard, qui serra le ventre de l'Irlandaise. C'était toute cette violence contenue, comme la mer se retirant avant un raz-de-marée. Elle pouvait sentir les embruns violents de ce fardeau dont elle ne savait rien éclabousser son ami , léchant son visage comme une promesse d'agonie. Celle d'en éroder tout ce qu'il y avait de bon et de doux, comme les maisons que le sel grignotait dans le silence solitaire d'une plage que l'on abandonnait tous les hivers.
L'Oscar qu'elle connaissait lui avait pourtant toujours fait penser à un éternel été. Un sourire étalé sur le visage à la peau d'ébène, se déclinant de toutes les lumières possibles mais baignant sempiternellement son humeur : fier, complice, moqueur, insolent, agacé, énervé. Il avait toujours été l'Oscar solaire, ses pensées sauvages sagement camouflées derrière ses yeux rieurs. Il était aussi l'Oscar certain de ses charmes, ses pensées torves bien moins sagement camouflées derrière des regards fiévreux : ceux qu'Aveleen avait vu promettre à tant d'autres des draps froissés et des soupires nocturnes. Il était aussi l'Oscar dangereux, celui dont les poings attendaient sagement en embuscade d'avoir le droit de s'élever. Impulsif, bouillonnant, nerveux, impertinent, dégageant une aura de confiance en lui qui nimbait son entourage d'une sensation de sécurité.
Mais l'Oscar qu'elle avait devant les yeux lui évoquait des étendues neigeuses pleines de congères dans laquelle il pourrait chuter pour y disparaître en grelottant. Cet Oscar là parlait de vengeance d'un ton de glace, là où il avait jusqu'alors abordé chaque étape de sa vie avec la fureur d'un brasier prêt à tout emporter sur son passage. L'arctique était un désert dans lequel elle n'aurait pas pensé le voir évoluer. Ca ne lui ressemblait pas, d'être un hiver terne dans lequel on se perdait sans que personne ne remarque l'hypothermie pernicieuse dans laquelle l'âme s'enfonçait.
Elle aurait aimé lui demander d'en dire plus. D'expliquer les tenants et aboutissements, de dessiner le grand tableau de sa haine pour qu'elle puisse comprendre pourquoi il s'était mis à avoir besoin de le peindre. Comprendre comment la mort accidentelle de Pearl Hangbé avait pu déclencher une nouvelle ère glacière de quête vengeresse et de croisade solitaire. Mais c'était l'obliger à s'enfoncer encore plus dans cette obscurité dont il avait fait son domaine, alors même qu'il avait mis un pied dehors.
Il cherchait toujours ses doigts, repartant et revenant inlassablement. Et ça lui évoqua tristement la tentative d'une fleur de survivre au milieu d'immenses plaines inhospitalières, se débattant dans tous les sens pour capturer un peu de soleil.
Elle ravala sa curiosité.
-- Je vois, fit-elle donc simplement, soufflant un peu de sa chaleur alors qu'elle nichait sa tête dans le creux de son épaule.
Elle ne lui pillerait pas son fardeau. On n'arrachait pas la bouée de quelqu'un, de toute façon. Quelque soit le nom qu'il donnait à ce fameux poids dont il chargeait ses épaules : colère, vengeance, fureur, obsession. A la place, on tirait des filets, on balisait l'océan d'autres points d'ancrages. Jusqu'à ce que se noyer devienne plus difficile que nager.
-- Alors, lança-t-elle doucement, ses doigts glissant contre les siens, traçant de petites arabesques dans le creux de sa paume avant de s'y déplier pour venir s'échouer à nouveau contre chacune de ses phalanges.
C'était un frôlement tendre, hésitant comme si leurs peaux se touchaient en pointillés.
-- C'est de la colère ça aussi ?
@Oscar Hangbé
- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Sam 8 Jan 2022 - 16:52
Fantômes
Aveleen O’Donnell
Fingers of blue on the snow
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
Si la voix du diplomate s’était révélé légèrement enraillée, teintée d’un léger trémolo, rien d’autre ne laissait transparaitre son trouble. Pas un mot ne s’était élevé par rapport aux autres. Pas une syllabe n’avait été appuyée. Pas une once de la colère qui le consumait de l’intérieur n’avait fuité dans son aveu. Il avait exposé sa rage d’une voix égale, puisant sans grande difficulté dans ce que ces années de diplomatie lui avait appris. Le contrôle, le contrôle, peut importait le reste. Ne pas laisser transparaître des émotions qu’il souhaitait conserver pour lui, s’éloigner le plus possible de cette zone de son esprit tiraillée par les responsabilités et la honte. Il avait répondu à Aveleen avec un recul pourtant abrasif, cruel qui venait davantage encore le blessé dans son être intérieur. Et puis, sous la tempête, sous cette fumée dense et noire, il y avait autre chose, cette envie de tout dire, de tout partager. De se soulager de ce fardeau qui était le sien. Il n’y avait qu’un pas à faire, un petit. Passer la honte, les regrets. Ignorer l’inquiétude et se laisser tenter. Se laisser tenter par le sourire tendre de la jeune femme, par cette douceur dans laquelle elle l’entourait, s’abandonner à cette préoccupation. Un petit pas, et il se laissait aller.
Et si ce petit pas se révélait trop grand ? Et si tout finalement venait à lui échapper ? Oscar ne pouvait pas se permettre de laisser sa colère s’étaler au grand public. Pire encore, il ne pouvait la laisser déferler comme une vague gigantesque sur la sorcière, totalement étrangère à la situation dans laquelle il se trouvait. Malgré cette tentation, si douce et si cruelle, il entendait ses propres mots résonner dans son esprit embrumé : Mon fardeau. Le sien, et celui de personne d’autre. Sur le sujet, même son frère aîné n’était pas davantage autorisé à en savoir plus que nécessaire et il était évident que les deux plus jeunes de la fratrie n’étaient au courant de rien de plus que les grandes lignes de cette vengeance. Oscar avait également tenu éloigné Dayana de ses confidences, c’était dire ô combien l’affaire était délicate et l’esprit qui en avait le contrôle légèrement décalé. Malgré son expérience, le diplomate se trouvait légèrement dépassé et, pour tout avouer, cela ne l’aidait en rien dans son entreprise et contribuait nul doute à la détresse qui chatoyait dans le fond de son regard.
Nonobstant de ces flots d’émotions aussi violent qu’une période de mousson, il restait quelque chose d’agréable, quelque chose que l’Américain n’aurait jusqu’alors soupçonné. Il ne comprend pas exactement ce qu’il l’avait amené à venir à cette soirée estudiantine sans même prendre la peine de se costumer. Il avait simplement agi par instinct, un instinct fort qui ne l’avait pas laissé trouver d’autres possibilités. Un instinct qui l’avait mené jusque-là, dans les bras d’Aveleen, artiste aussi passionnée que passionnante, amie aussi loyale que perturbante. Il aurait pu faire tant d’autre chose, quêter la compagnie d’autres âmes plus ou moins bavardes. Il aurait pu quémander la force de frappe de @Lubia Savčenko ou même aller se noyer dans le whisky de l’un de ses plus proche ami et mentor, @Nathaniel Wakefield. Non, il était là. Entouré d’étudiants, tourmenté par ses regrets, consumé par sa vengeance et d’apparence aussi calme que si tout allait bien. Il n’y avait pourtant qu’Aveleen. Aveleen qui le voyait réellement, qui sondait le fond de ses yeux comme elle le ferait de son âme. Aveleen qui lui demandait avec une honnêteté s’il allait bien et qui finissait par répondre à sa place avec assurance. Aveleen, auprès de qui il était toujours revenu un peu, le temps d’un échange, de regards ou de mots. Pouvait-il vraiment y avoir une explication à tout cela ? Son esprit était-il assez clair pour démêler le bon qui se dégageait de cette danse ou était-il bien trop empêtré dans le reste, dans cette flaque boueuse et visqueuse qui lui collait à la peau ?
C’était quelque chose à laquelle Oscar n’était pas en mesure de répondre, ou peut-être ne le voulait-il pas. Il restait là, continuant une danse dont le rythme était à présent largement décalé avec ce que jouait l’orchestre engagé. Il était dans un autre monde, faisait fit des étudiants, de leurs chaperons. Il était dans un monde ou il avait le contrôle de ses émotions, ou ses doigts s’entremêlaient naturellement avec ceux d’Aveleen. L’artiste et son mécène menaient un peu trois danses sur le même front, celle presque automatique de leur pied, celle désarmante de leur échange verbal et puis celle, rassurante de leurs doigts qui ne cessaient de s’éloigner en quelques mouvements pour mieux se rapprocher. Leurs paumes se frôlaient, finissaient par se toucher avant de ne rencontrer que le vide. Dans un côté de son esprit, Oscar comptait le nombre de fois ou ce ballet s’était produit, toujours identique et pourtant si différent. Le décompte s’était fait comme un métronome dans la tempête, un rythme tranquillisant.
Un contact finalement tout aussi agréable que cette tête qui vint de nouveau se nicher contre lui, que cette acceptation douce de la sorcière. Oscar ce serait presque attendu à davantage de questionnement mais ressentait un vaste soulagement de savoir qu’Aveleen n’irait pas creuser davantage son état d’esprit.
Le combattant finit par pousser un petit soupire, comme si le mouvement joint de leurs doigts avait ce petit effet anal- « C'est de la colère ça aussi ? » Les pieds du diplomate cessèrent instantanément leur danse, ramenant alors le sorcier dans une étrange réalité. Le silence qu’il avait cru s’installé s’était finalement fait excuser par une nouvelle interrogation, quelque chose qui portait sur un sujet plus doux et qui avait pourtant figé le diplomate sur place. Ça, c’était beaucoup de chose à la fois. C’étaient les raisons de sa présence, c’était le pourquoi de ce ballet interminable entre leurs doigts, c’était pourquoi elle, là, ici. La question d’Aveleen n’amenait pas de réponse claire dans l’esprit du diplomate, rien d’autre qu’un sentiment d’évidence, poussé qu’il avait été par son instinct de venir là, de fendre la foule de sa haute et large silhouette et de l’inviter à danser. Comme il ne s’était pas posé énormément de question, le diplomate ne s’était pas questionné sur le fait qu’elle accepte ou non sa proposition.
Et puis, alors qu’il se mordait l’intérieur de la gencive, acte résultant d’une certaine contrariété qu’il n’avait pas éprouvé depuis de longues années, l’Américain réalisa qu’il n’en était rien. « Ce n’est pas de la colère, non. » assura-t-il, d’un ton plein plus chaud que ses paroles précédentes. Ses doigts dans le dos de la photographe avaient cessé leur danse maladroite. Les autres, quant à eux, que la surprise issue de l’interrogation de l’Irlandaise avait stoppé, reprirent un ballet un peu différent, plus lent, plus tendre. « Je n’ai jamais été en colère contre toi. » assura-t-il, comme si le préciser était la meilleure chose à faire. Comme si le prononcer, à voix haute était ce qu’Aveleen voulait entendre, ce qu’il voulait lui entendre. Il n’était pas en colère contre tout et n’importe quoi, finalement. Il y avait peut-être un espoir, un phare qui finirait bien par chasser totalement le brouillard. « Est-ce que tu l’es, toi ? » s’enquit-il, guettant de ses prunelles brillantes celle de la jeune femme. Est-ce que malgré la compréhension qu’elle avait de son mal, elle était en colère contre lui ? En colère contre ses fuites incessantes, ses allées retours entre sa vengeance et cette réalité qui lui paraissait si étrange ? Il y avait dans cette ultime question, quelque chose de plus enfantin, de plus naïf. Est-ce qu’elle était en colère ? Est-ce qu’elle était déçue, de lui ? La question s’était formée dans l’esprit du diplomate pour n’en obtenir qu’une seule réponse : Non. Des paroles qui viendraient le rassurer encore, comme ses doigts qui dansaient de nouveau avec ceux d’Aveleen et qui venaient, avec douceur, étaler de la crème analgésique sur un cœur et un esprit meurtri par le deuil et brûlé par la vengeance.
Et si ce petit pas se révélait trop grand ? Et si tout finalement venait à lui échapper ? Oscar ne pouvait pas se permettre de laisser sa colère s’étaler au grand public. Pire encore, il ne pouvait la laisser déferler comme une vague gigantesque sur la sorcière, totalement étrangère à la situation dans laquelle il se trouvait. Malgré cette tentation, si douce et si cruelle, il entendait ses propres mots résonner dans son esprit embrumé : Mon fardeau. Le sien, et celui de personne d’autre. Sur le sujet, même son frère aîné n’était pas davantage autorisé à en savoir plus que nécessaire et il était évident que les deux plus jeunes de la fratrie n’étaient au courant de rien de plus que les grandes lignes de cette vengeance. Oscar avait également tenu éloigné Dayana de ses confidences, c’était dire ô combien l’affaire était délicate et l’esprit qui en avait le contrôle légèrement décalé. Malgré son expérience, le diplomate se trouvait légèrement dépassé et, pour tout avouer, cela ne l’aidait en rien dans son entreprise et contribuait nul doute à la détresse qui chatoyait dans le fond de son regard.
Nonobstant de ces flots d’émotions aussi violent qu’une période de mousson, il restait quelque chose d’agréable, quelque chose que l’Américain n’aurait jusqu’alors soupçonné. Il ne comprend pas exactement ce qu’il l’avait amené à venir à cette soirée estudiantine sans même prendre la peine de se costumer. Il avait simplement agi par instinct, un instinct fort qui ne l’avait pas laissé trouver d’autres possibilités. Un instinct qui l’avait mené jusque-là, dans les bras d’Aveleen, artiste aussi passionnée que passionnante, amie aussi loyale que perturbante. Il aurait pu faire tant d’autre chose, quêter la compagnie d’autres âmes plus ou moins bavardes. Il aurait pu quémander la force de frappe de @Lubia Savčenko ou même aller se noyer dans le whisky de l’un de ses plus proche ami et mentor, @Nathaniel Wakefield. Non, il était là. Entouré d’étudiants, tourmenté par ses regrets, consumé par sa vengeance et d’apparence aussi calme que si tout allait bien. Il n’y avait pourtant qu’Aveleen. Aveleen qui le voyait réellement, qui sondait le fond de ses yeux comme elle le ferait de son âme. Aveleen qui lui demandait avec une honnêteté s’il allait bien et qui finissait par répondre à sa place avec assurance. Aveleen, auprès de qui il était toujours revenu un peu, le temps d’un échange, de regards ou de mots. Pouvait-il vraiment y avoir une explication à tout cela ? Son esprit était-il assez clair pour démêler le bon qui se dégageait de cette danse ou était-il bien trop empêtré dans le reste, dans cette flaque boueuse et visqueuse qui lui collait à la peau ?
C’était quelque chose à laquelle Oscar n’était pas en mesure de répondre, ou peut-être ne le voulait-il pas. Il restait là, continuant une danse dont le rythme était à présent largement décalé avec ce que jouait l’orchestre engagé. Il était dans un autre monde, faisait fit des étudiants, de leurs chaperons. Il était dans un monde ou il avait le contrôle de ses émotions, ou ses doigts s’entremêlaient naturellement avec ceux d’Aveleen. L’artiste et son mécène menaient un peu trois danses sur le même front, celle presque automatique de leur pied, celle désarmante de leur échange verbal et puis celle, rassurante de leurs doigts qui ne cessaient de s’éloigner en quelques mouvements pour mieux se rapprocher. Leurs paumes se frôlaient, finissaient par se toucher avant de ne rencontrer que le vide. Dans un côté de son esprit, Oscar comptait le nombre de fois ou ce ballet s’était produit, toujours identique et pourtant si différent. Le décompte s’était fait comme un métronome dans la tempête, un rythme tranquillisant.
Un contact finalement tout aussi agréable que cette tête qui vint de nouveau se nicher contre lui, que cette acceptation douce de la sorcière. Oscar ce serait presque attendu à davantage de questionnement mais ressentait un vaste soulagement de savoir qu’Aveleen n’irait pas creuser davantage son état d’esprit.
Le combattant finit par pousser un petit soupire, comme si le mouvement joint de leurs doigts avait ce petit effet anal- « C'est de la colère ça aussi ? » Les pieds du diplomate cessèrent instantanément leur danse, ramenant alors le sorcier dans une étrange réalité. Le silence qu’il avait cru s’installé s’était finalement fait excuser par une nouvelle interrogation, quelque chose qui portait sur un sujet plus doux et qui avait pourtant figé le diplomate sur place. Ça, c’était beaucoup de chose à la fois. C’étaient les raisons de sa présence, c’était le pourquoi de ce ballet interminable entre leurs doigts, c’était pourquoi elle, là, ici. La question d’Aveleen n’amenait pas de réponse claire dans l’esprit du diplomate, rien d’autre qu’un sentiment d’évidence, poussé qu’il avait été par son instinct de venir là, de fendre la foule de sa haute et large silhouette et de l’inviter à danser. Comme il ne s’était pas posé énormément de question, le diplomate ne s’était pas questionné sur le fait qu’elle accepte ou non sa proposition.
Et puis, alors qu’il se mordait l’intérieur de la gencive, acte résultant d’une certaine contrariété qu’il n’avait pas éprouvé depuis de longues années, l’Américain réalisa qu’il n’en était rien. « Ce n’est pas de la colère, non. » assura-t-il, d’un ton plein plus chaud que ses paroles précédentes. Ses doigts dans le dos de la photographe avaient cessé leur danse maladroite. Les autres, quant à eux, que la surprise issue de l’interrogation de l’Irlandaise avait stoppé, reprirent un ballet un peu différent, plus lent, plus tendre. « Je n’ai jamais été en colère contre toi. » assura-t-il, comme si le préciser était la meilleure chose à faire. Comme si le prononcer, à voix haute était ce qu’Aveleen voulait entendre, ce qu’il voulait lui entendre. Il n’était pas en colère contre tout et n’importe quoi, finalement. Il y avait peut-être un espoir, un phare qui finirait bien par chasser totalement le brouillard. « Est-ce que tu l’es, toi ? » s’enquit-il, guettant de ses prunelles brillantes celle de la jeune femme. Est-ce que malgré la compréhension qu’elle avait de son mal, elle était en colère contre lui ? En colère contre ses fuites incessantes, ses allées retours entre sa vengeance et cette réalité qui lui paraissait si étrange ? Il y avait dans cette ultime question, quelque chose de plus enfantin, de plus naïf. Est-ce qu’elle était en colère ? Est-ce qu’elle était déçue, de lui ? La question s’était formée dans l’esprit du diplomate pour n’en obtenir qu’une seule réponse : Non. Des paroles qui viendraient le rassurer encore, comme ses doigts qui dansaient de nouveau avec ceux d’Aveleen et qui venaient, avec douceur, étaler de la crème analgésique sur un cœur et un esprit meurtri par le deuil et brûlé par la vengeance.
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- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Dim 23 Jan 2022 - 16:08
Oscar s'était arrêté de danser, comme s'il fallait à son esprit toute son attention pour correctement apréhender l'interrogation. Leurs pieds se trouvaient immobiles et ils étaient là comme deux statues en plein milieu de cette effervescence estudiantine, figés dans ce qui semblait être une nécessité pour que le politicien retrouve sa ligne directrice. C'était cette même manie curieuse dont s'affublait les moldus lorsqu'il était question de se repérer en voiture : les doigts cherchaient le bouton de l'autoradio pour lui intimer le silence. Comme si pour se retrouver, qu'il soit question de géographie ou de perception de sa propre personne, il fallait libérer le cerveau de ses occupations accessoires pour mettre en œuvre chaque synapse à la résolution de cet épineux problème. De son poste d'observation, le nez sagement lové contre le costume trois pièces d'un diplomate qui ne savait plus user de ses mots, les lèvres d'Aveleen s'incurvèrent d'un doux sourire de compassion. La question avait paru le surprendre, avec ce qu'il y avait d'innocence et de franchise pour mettre en exergue l'improbable jeu de leurs doigts noués. Il aurait sans doute été plus sage de taire cette proximité, mais Aveleen s'était saisie de cette incongruité comme l'on pouvait attraper un bout de laine dépassant d'une couverture : avec la sensation ténue qu'en tirant avec suffisamment de délicatesse, elle pourrait détriquoter rang par rang chaque détail la composition Oscarienne.
-- Ce n’est pas de la colère, non, finit-il par répondre après un moment d'hésitation.
L'Irlandaise n'en avait curieusement pas douté. Il y avait ce quelque chose, dans l'intonation chaude de sa voix lorsqu'il l'avait abordé qui avait dès lors suggéré l'absence d'animosité. Et puis : elle comprenait. Le besoin d'évasion, l'envie irrépressible de se conduire en ermite, harassé d'avoir vu trop de monde et d'avoir épuisé son âme en tenant la face devant toute cette foule remplie à en crever d'expectatives. Celle qui attendait quelque chose de particulier, dans le deuil, puis dans l'après-deuil, comme s'il y avait un carnet de route dont il fallait scrupuleusement suivre chacune des étapes. Elle connaissait cette soif qui asséchait le corps, celle de désirer ardemment s'enfermer dans une chapelle intérieure parsemée de dédales que l'on arpentait en solitaire. Elle avait longtemps fonctionné ainsi : pour chaque heure passée en famille, même auprès de ceux qu'elle aimait plus que tout, il lui avait toujours fallu en consommer au moins le double en solitaire, se refusant à partager le silence avec qui que ce soit et en ayant comme seule et unique tâche que celle de se noyer dans son propre esprit. Lorsque Mary était morte, elle avait cru mourir asphyxiée dans les interactions sociales, sans aucun pallier de sécurité pour se retrouver. Ou presque.
-- Je n’ai jamais été en colère contre toi, poursuivit Oscar.
Et puis, comme si cette révélation actionnait quelque chose dans son esprit, ses doigts s'agitèrent de nouveau autour de ceux de la photographe. C'était différent, cependant : comme si en déverrouillant cette possibilité de son esprit, il avait gagné en confiance. Les caresses jusqu'alors faites de pointillés s'appuyèrent et les effleurement se firent plus audacieux, traçant des lignes plus chaudes sur la peau d'opale de l'Irlandaise. Elle redressa la tête, cherchant les yeux du diplomate pour y nicher les siens, heureuse que les lumières tamisées de la grande salle ne camouflent la discrète teinte rosée de ses joues. Elle aurait crû qu'en soulignant leur promiscuité, il cesserait ce fameux «ça». Ce «ça » qui glissait contre son épiderme, s'immisçait entre ses phalanges, épousait l'arrondi de ses doigts nacrés de rose en une danse bien moins innocente que le prélude de leur entrevue.
-- Est-ce que tu l’es, toi ? lui retourna-t-il la question.
-- Non, répondit-elle immédiatement. Bien sûr que non. Puis, plus doucement : pourquoi est-ce que je serai en colère contre toi, dis-moi ?
Pourquoi pense-t-il ça ? songea-t-elle en fronçant les sourcils. Et puis, ses lèvres s'arrondirent légèrement alors que le parallèle chargé de similitude entre leurs deux disparitions lui semblait enfin crever la surface.
-- Je sais que tu n'as pas disparu à cause de moi, je n'ai aucune raison d'être en colère contre toi, fit-elle alors sur le ton de l'évidence. Mais toi… Toi tu crois encore que si je t'ai évité des mois auparavant, c'est à cause de toi ? chuchota-t-elle doucement en cartographiant chaque parcelle du visage d'Oscar son regard pâle.
Les doigts de l'enseignante se firent à leur tous plus inquisiteurs, désireux de s'affranchir d'un malentendu qu'elle aurait dû deviner et entériner des mois plus tôt. Au lieu de ça, elle avait laissé s'effeuiller les explications, laissant à son ami tout le loisir de faire gangréner ses hypothèses.
-- Si je ne t'ai rien dit lorsque Mary Fastenburry a été assassinée, fit-elle sans autre préambule, ses yeux javélisés fermement ancrés dans l'asphalte des siens, tu crois encore que c'était parce que j'avais quelque chose à te reprocher ? réfléchit-elle à voix haute, un brin de culpabilité dans la voix. Ou que je manquais de confiance en toi ? supposa-t-elle ensuite de manière stupéfaite.
Aveleen avait fuit par pure lâcheté et égoïsme. Un besoin viscéral de se débarrasser des attentes asphyxiantes que tout à chacun avait eu sur elle : la mère de substitution pour Emma, le garde-fou pour William, l'enseignante exemplaire pour ses étudiants, la photographe sûre d'elle pour son mécène, l'amie douce et tendre aussi. Alors qu'elle n'avait jamais eu envie d'être mère, que William l'avait profondément déçue et dégoutée, qu'enseigner était comme une prison dorée, dorée certes mais prison avant tout et que la photographie… la photographie ne l'avait jamais aussi peu inspirée qu'après la mort de Mary. Quant à l'amie pleine de sensibilité et de douceur, elle avait eu mille fois envie de lui tordre le cou : ce dont elle avait eu tellement envie, c'était de laisser libre place à toute cette désespérante colère emplie d'injustice. Alors, il avait fallu compartimenter, agir, rembobiner, recommencer, chaque jour après l'autre : la routine maternelle, l'amitié pour William, les insupportables journées entre les murs étriqués de l'Université faisant suites aux tout aussi insupportables nuits entre les murs tout aussi étriqués de sa maison d'Inverness. Il avait fallu lisser sa tristesse, piétiner son mal-être, enfermer à double tour ses ressentiments et tâcher de camoufler le brasier de sa colère. Chaque jour, il avait fallut surjouer. Sourire. Mentir. Omettre. Et recommencer, encore et encore.
Elle avait fuit Oscar parce que son affection avait soudain sonné comme une promesse de retour vers la maison. Lorsqu'il avait surgit au Styx, dans cet endroit dans lequel elle avait trouvé refuge et qu'il avait insisté pour savoir comment elle allait, Aveleen avait sentie se fissurer les remparts de carton entre lesquels elle avait crû bon de s'emmurer. Elle avait découvert que les douves la protégeant de la tristesse n'existaient pas, que la solide porte de fer forgée retenant ses émotions n'était faîte que de papier mâché. Il avait insisté et elle avait fini par craquée, épuisée, esseulée, l'âme harassée d'avoir tant chercher à fuir l'évidence.
-- Tu, commença-t-elle, sa voix s'éraillant au souvenir de cette soirée où il l'avait retrouvée.
Elle se remémorait les bras hésitants qui avaient cerclé ses épaules. L'étonnante facilité avec laquelle elle avait fini par renoncer à le repousser. Il était comme cette maison de vacances à laquelle l'on songeait par des temps pluvieux et maussades : elle s'était blottie contre sa chemise et son odeur qui ne cessait de lui rappeler la fleur d'Oranger et elle avait pleuré contre la chaleur de son âme toute la grisaille de la sienne.
Alors, elle glissa sa paume contre celle d'Oscar, outrepassa la barrière de son poignet pour remonter lentement jusqu'à son cou. Là, elle y rejoignit sa main jumelle pour venir enlacer le diplomate. Sa voix tremblait encore lorsqu'elle reprit :
-- Oscar, tu es à mes yeux la seule personne qui…
La Grande Salle se trouva soudainement plongée dans un noir aussi infini qu'un ciel pillé de chacune de ses étoiles. Cette soudaine obscurité déroba les mots de l'Irlandaise, qui sursauta vivement alors qu'une main dont elle commençait à avoir l'habitude se substituait à celle d'Oscar.
-- Cap ou pas Cap de garder tes yeux fermés encore dix secondes ? sentit-elle un souffle brûlant et bien connu lui murmurer soudainement au creux de l'oreille.
@Oscar Hangbé
-- Ce n’est pas de la colère, non, finit-il par répondre après un moment d'hésitation.
L'Irlandaise n'en avait curieusement pas douté. Il y avait ce quelque chose, dans l'intonation chaude de sa voix lorsqu'il l'avait abordé qui avait dès lors suggéré l'absence d'animosité. Et puis : elle comprenait. Le besoin d'évasion, l'envie irrépressible de se conduire en ermite, harassé d'avoir vu trop de monde et d'avoir épuisé son âme en tenant la face devant toute cette foule remplie à en crever d'expectatives. Celle qui attendait quelque chose de particulier, dans le deuil, puis dans l'après-deuil, comme s'il y avait un carnet de route dont il fallait scrupuleusement suivre chacune des étapes. Elle connaissait cette soif qui asséchait le corps, celle de désirer ardemment s'enfermer dans une chapelle intérieure parsemée de dédales que l'on arpentait en solitaire. Elle avait longtemps fonctionné ainsi : pour chaque heure passée en famille, même auprès de ceux qu'elle aimait plus que tout, il lui avait toujours fallu en consommer au moins le double en solitaire, se refusant à partager le silence avec qui que ce soit et en ayant comme seule et unique tâche que celle de se noyer dans son propre esprit. Lorsque Mary était morte, elle avait cru mourir asphyxiée dans les interactions sociales, sans aucun pallier de sécurité pour se retrouver. Ou presque.
-- Je n’ai jamais été en colère contre toi, poursuivit Oscar.
Et puis, comme si cette révélation actionnait quelque chose dans son esprit, ses doigts s'agitèrent de nouveau autour de ceux de la photographe. C'était différent, cependant : comme si en déverrouillant cette possibilité de son esprit, il avait gagné en confiance. Les caresses jusqu'alors faites de pointillés s'appuyèrent et les effleurement se firent plus audacieux, traçant des lignes plus chaudes sur la peau d'opale de l'Irlandaise. Elle redressa la tête, cherchant les yeux du diplomate pour y nicher les siens, heureuse que les lumières tamisées de la grande salle ne camouflent la discrète teinte rosée de ses joues. Elle aurait crû qu'en soulignant leur promiscuité, il cesserait ce fameux «ça». Ce «ça » qui glissait contre son épiderme, s'immisçait entre ses phalanges, épousait l'arrondi de ses doigts nacrés de rose en une danse bien moins innocente que le prélude de leur entrevue.
-- Est-ce que tu l’es, toi ? lui retourna-t-il la question.
-- Non, répondit-elle immédiatement. Bien sûr que non. Puis, plus doucement : pourquoi est-ce que je serai en colère contre toi, dis-moi ?
Pourquoi pense-t-il ça ? songea-t-elle en fronçant les sourcils. Et puis, ses lèvres s'arrondirent légèrement alors que le parallèle chargé de similitude entre leurs deux disparitions lui semblait enfin crever la surface.
-- Je sais que tu n'as pas disparu à cause de moi, je n'ai aucune raison d'être en colère contre toi, fit-elle alors sur le ton de l'évidence. Mais toi… Toi tu crois encore que si je t'ai évité des mois auparavant, c'est à cause de toi ? chuchota-t-elle doucement en cartographiant chaque parcelle du visage d'Oscar son regard pâle.
Les doigts de l'enseignante se firent à leur tous plus inquisiteurs, désireux de s'affranchir d'un malentendu qu'elle aurait dû deviner et entériner des mois plus tôt. Au lieu de ça, elle avait laissé s'effeuiller les explications, laissant à son ami tout le loisir de faire gangréner ses hypothèses.
-- Si je ne t'ai rien dit lorsque Mary Fastenburry a été assassinée, fit-elle sans autre préambule, ses yeux javélisés fermement ancrés dans l'asphalte des siens, tu crois encore que c'était parce que j'avais quelque chose à te reprocher ? réfléchit-elle à voix haute, un brin de culpabilité dans la voix. Ou que je manquais de confiance en toi ? supposa-t-elle ensuite de manière stupéfaite.
Aveleen avait fuit par pure lâcheté et égoïsme. Un besoin viscéral de se débarrasser des attentes asphyxiantes que tout à chacun avait eu sur elle : la mère de substitution pour Emma, le garde-fou pour William, l'enseignante exemplaire pour ses étudiants, la photographe sûre d'elle pour son mécène, l'amie douce et tendre aussi. Alors qu'elle n'avait jamais eu envie d'être mère, que William l'avait profondément déçue et dégoutée, qu'enseigner était comme une prison dorée, dorée certes mais prison avant tout et que la photographie… la photographie ne l'avait jamais aussi peu inspirée qu'après la mort de Mary. Quant à l'amie pleine de sensibilité et de douceur, elle avait eu mille fois envie de lui tordre le cou : ce dont elle avait eu tellement envie, c'était de laisser libre place à toute cette désespérante colère emplie d'injustice. Alors, il avait fallu compartimenter, agir, rembobiner, recommencer, chaque jour après l'autre : la routine maternelle, l'amitié pour William, les insupportables journées entre les murs étriqués de l'Université faisant suites aux tout aussi insupportables nuits entre les murs tout aussi étriqués de sa maison d'Inverness. Il avait fallu lisser sa tristesse, piétiner son mal-être, enfermer à double tour ses ressentiments et tâcher de camoufler le brasier de sa colère. Chaque jour, il avait fallut surjouer. Sourire. Mentir. Omettre. Et recommencer, encore et encore.
Elle avait fuit Oscar parce que son affection avait soudain sonné comme une promesse de retour vers la maison. Lorsqu'il avait surgit au Styx, dans cet endroit dans lequel elle avait trouvé refuge et qu'il avait insisté pour savoir comment elle allait, Aveleen avait sentie se fissurer les remparts de carton entre lesquels elle avait crû bon de s'emmurer. Elle avait découvert que les douves la protégeant de la tristesse n'existaient pas, que la solide porte de fer forgée retenant ses émotions n'était faîte que de papier mâché. Il avait insisté et elle avait fini par craquée, épuisée, esseulée, l'âme harassée d'avoir tant chercher à fuir l'évidence.
-- Tu, commença-t-elle, sa voix s'éraillant au souvenir de cette soirée où il l'avait retrouvée.
Elle se remémorait les bras hésitants qui avaient cerclé ses épaules. L'étonnante facilité avec laquelle elle avait fini par renoncer à le repousser. Il était comme cette maison de vacances à laquelle l'on songeait par des temps pluvieux et maussades : elle s'était blottie contre sa chemise et son odeur qui ne cessait de lui rappeler la fleur d'Oranger et elle avait pleuré contre la chaleur de son âme toute la grisaille de la sienne.
Alors, elle glissa sa paume contre celle d'Oscar, outrepassa la barrière de son poignet pour remonter lentement jusqu'à son cou. Là, elle y rejoignit sa main jumelle pour venir enlacer le diplomate. Sa voix tremblait encore lorsqu'elle reprit :
-- Oscar, tu es à mes yeux la seule personne qui…
La Grande Salle se trouva soudainement plongée dans un noir aussi infini qu'un ciel pillé de chacune de ses étoiles. Cette soudaine obscurité déroba les mots de l'Irlandaise, qui sursauta vivement alors qu'une main dont elle commençait à avoir l'habitude se substituait à celle d'Oscar.
-- Cap ou pas Cap de garder tes yeux fermés encore dix secondes ? sentit-elle un souffle brûlant et bien connu lui murmurer soudainement au creux de l'oreille.
@Oscar Hangbé
- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Dim 23 Jan 2022 - 16:18
Fantômes
Aveleen O’Donnell & Oscar Hangbé
Au milieu des regards,
Comme autant de miroirs
Qui reflètent une image toute faite
C’est avoir tout pouvoir
Jusqu’à n’en plus pouvoir
De promettre et tout se permettre Le roi Soleil
Comme autant de miroirs
Qui reflètent une image toute faite
C’est avoir tout pouvoir
Jusqu’à n’en plus pouvoir
De promettre et tout se permettre Le roi Soleil
Il n’avait pas spécialement prévu de venir à l’université Ce soir là, et pourtant, c’était comme si les astres s’étaient alignés pour le pousser à sortir de son antre et d’un styx en effervescence, et de sa routine bien huilée. Un peu avant la tombée du jour, il avait remarqué que Murphy ne s’était pas préparée comme d’habitude pour entamer la seconde partie de sa journée axée autour de sa vie de famille. Non, elle était passée en coup de vent chez elle, sans Oliver, pour récupérer quelques affaires et retourner à l’université. Intéressant. Un peu plus tard, c’était une de ses petites chuchoteuses, encore étudiante, qui lui avait envoyé une photographie floue d’une certaine blonde faussement auréolée, qui évoluait parmi les costumes ridicules, le menton haut, un petit sourire aux lèvres. Il se souvint soudainement de la date, et de la raison pour laquelle tout ce beau monde se trouvait endimanché.
( « Bah oui gros malin, el dio de los muertos, c’est jour de fête » Je vois ça, je me disais bien que j’avais loupé quelque chose « D’ailleurs, ce serait pas MA fête, du coup ? » Hilarante, vraiment… )
Avant de partir, il était passé voir Althea dans son bureau, qui revenait d’une ultime revue des danseuses avant leur passage sur scène. Elle n’avait pas l’air plus chagriné que cela qu’il lui fausse compagnie, la soirée étant plus rôdée que du papier à musique, et pour cause : le Styx était quasiment privatisé pour la nuit, et les vigiles disposaient d’une liste de caractéristiques rédhibitoires pour ne permettre aucun écart parmi les invités. Sa présence était, par conséquent, quasiment facultative. Elle lui avait néanmoins conseillé d’aller piocher dans les loges un loup suffisamment ouvragé pour dissimulé son identité, et ne pas faire tâche parmi la jeunesse dorée de la perfide Albion. Il avait plissé le nez, peu amène, mais soit, il s’était exécuté. Il ne pouvait pas prendre trop de risques gratuits, et se grimer ainsi ne lui prendrait que le temps de nouer le lacet de soie noir à l’arrière de son crâne, alors…
Il s’était faufilé comme une ombre parmi les fêtards, suffisamment proche pour avoir l’air parfois de se mêler aux groupes mouvants, suffisamment loin pour embrasser du regard chaque recoin des grandes salles qu’il traversait d’un pas égal. Surtout, ne pas avoir l’air de chercher quoi que ce soit, se projeter d’une pièce à l’autre comme ils le faisaient tous, un verre à la main. Du coin de l’œil, il imaginait Magda rire à gorge déployée en compagnie de Catalina et de son petit ami de compagnie, le benêt dont il avait un mal fou à retenir le nom. Elle aurait surement récupéré une vieille robe de fête de leur île, joué du jupon et attiré toute l’attention sur elle, comme d’habitude. Il avait souri à cette pensée, avant de disparaitre dans le dédale des couloirs et des escaliers, faisant une première escale à l’infirmerie où Murphy n’était pas. Tant pis. Malgré tout, il se décida à l’attendre un temps, les yeux clos, écoutant la musique et les conversations inaudibles qui lui revenaient par vagues, écho d’une légèreté révolue. Murphy ne vint jamais, probablement s’était il trompé, ou était elle occupée ailleurs, il n’avait pas le temps ni le luxe de la chercher avec trop d’insistance. Dans un élan joueur, il se contenta de changer l’emplacement de plusieurs ouvrages et autres objets anodins dans le bureau de la médicomage. Ota la photo d’Oswald et Oliver du cadre sur la bibliothèque pour la ranger dans un tiroir. Ota les étiquettes de quelques fioles de potions sans grand danger. Rien de bien méchant, mais il connaissait suffisamment Murphy à présent pour savoir que ça la contrarierait invariablement.
(« Sale Gosse » J’ai eu la meilleure professeure. « ça c’est bien vrai »)
De retour sur ses pas, et la grande salle qui vibrait d’une énergie qui n’était pas la sienne. Trop légère, trop dissipée, inconstante. Il n’avait jamais été un grand adepte de ce genre de grande messe festive, même quand il avait lui-même vingt ans, même quand sa vie avait encore un sens. Il avait toujours préféré les petits comités, et il ne voyait là qu’un étalage d’apparences et de vanités. S’amusaient ils tous vraiment, où guettaient ils les regards inquisiteurs les uns des autres, pour montrer qu’ils étaient les plus divertis, ceux qui buvaient le plus, ou riaient le plus fort ? Derrière son masque, adossé à l’un des murs de pierre, il avait imaginé la vie de certains d’entre eux, leurs joies, leurs désespoirs, leurs aspirations et leurs terreurs. Certains lui paraissaient plus lisses qu’une feuille de papier vierge, comme si jamais la vie n’avait froissé une seule seconde leurs traits encore juvénile. Jeunesse dorée qui s’imaginait la fin du semestre comme une source de stress quasi insurmontable.
Et puis, un ange.
Il l’avait reconnu de loin. Son cavalier aussi, qui lui tenait la main et le creux de la taille des siennes, qu’il devinait parfaitement manucuré. Ah, ça, il avait toujours été tiré à quatre épingles, le second des fils Hangbé, un véritable chat de salon. Il observa Aveleen tournoyer, baisser les yeux, les relever. Pencher la tête sur le coté, murmuré des fadaises que la musique recouvraient et ne parviendraient jamais jusqu’à ses oreilles. Des conneries, il n’en doutait pas, il n’y avait qu’à voir la manière dont Oscar la dévorait du regard pour se figurer son chant de sirène. Ce n’était pas de plumes dont elle était faite, mais d’écailles poissonneuses, bien cachées sous le tissu. Oui, la Vouivre lui seyait bien mieux que la blanche colombe, mais elle semblait l’avoir presque oublié entre les bras du diplomate aux gifles faciles. Ca, il s’était surement retenu de l’en informer, le beau diable.
- Cap ou pas Cap de garder tes yeux fermés encore dix secondes ?
C’était ce qu’il avait soufflé à l’oreille de la blonde, dans le noir complet dans lequel il avait plongé la grande salle l’espace d’un instant. De la poudre d’obscurité instantanée du Pérou, de celle qu’il avait toujours dans une fiole, dans sa poche, au besoin. C’était un noir d’encre, des ténèbres magiques qui avaient enveloppé les fêtards le temps d’une poignée de secondes. Certains poussèrent des cris stridents ou hilares, persuadés qu’il s’agissait probablement d’un tour de passe passe des organisateurs. Après tout, qu’est ce que cela pourrait être d’autre ? (Un). D’une pichenette suffisamment forte (deux), il avait poussé Oscar au milieu d’un groupe de jeunes (trois) qui s’était refermé sur lui sans le vouloir (quatre). Il ne doutait pas un seul instant que le diplomate retrouverait leur trace, l’espérait même presque. La main d’Aveleen dans la sienne(cinq), il avait ouvert la porte d’une salle de classe au hasard,(six) ne l’avait refermé qu’à demi (sept). Il profita des quelques secondes qui lui restaient (huit) pour la détailler de bas en haut, effleurant du bout des doigts la mèche de cheveux qui s’était échappé de derrière son oreille (neuf). Elle l’avait suivi. Elle n’avait pas eu peur (Dix).
- … Un ange, vraiment, Ava ? Allons … Qui crois-tu berner, avec un attirail pareil ?
Il avait rangé ses mains dans ses poches, son regard à moitié dissimulé par son masque d’inspiration vénitienne. Luisant, presque amusé. Il savait qu’il avait, quoi ? Quinze secondes de plus, avant qu’Oscar ne vienne retrouver sa danseuse. C’était bien plus qu’il en fallait pour lui gâcher la soirée.
- Je ne pensais pas que tu serais du genre à supporter ces soirées-là, au bras d’un homme qui te regarde comme un objet d’art précieux et fragile. Ça doit être confortable, cela dit, l’idée de pouvoir un jour être mise dans un écrin qui amortirait le moindre choc, la moindre sensation désagréable dans la vie … Parait qu’il y en a certains qui aiment, mais je n’aurais pas mis une pièce sur toi à ce sujet. Comme quoi, on pense connaitre les gens, et puis ... *il tourna un peu la tête vers la porte qui venait de s’ouvrir en grand* Ah, bonsoir Oscar. Ça faisait longtemps. Tu m’excuseras, je n’ai pas réussi à résister à l’envie de te voler quelques secondes de paradis.
( « Bah oui gros malin, el dio de los muertos, c’est jour de fête » Je vois ça, je me disais bien que j’avais loupé quelque chose « D’ailleurs, ce serait pas MA fête, du coup ? » Hilarante, vraiment… )
Avant de partir, il était passé voir Althea dans son bureau, qui revenait d’une ultime revue des danseuses avant leur passage sur scène. Elle n’avait pas l’air plus chagriné que cela qu’il lui fausse compagnie, la soirée étant plus rôdée que du papier à musique, et pour cause : le Styx était quasiment privatisé pour la nuit, et les vigiles disposaient d’une liste de caractéristiques rédhibitoires pour ne permettre aucun écart parmi les invités. Sa présence était, par conséquent, quasiment facultative. Elle lui avait néanmoins conseillé d’aller piocher dans les loges un loup suffisamment ouvragé pour dissimulé son identité, et ne pas faire tâche parmi la jeunesse dorée de la perfide Albion. Il avait plissé le nez, peu amène, mais soit, il s’était exécuté. Il ne pouvait pas prendre trop de risques gratuits, et se grimer ainsi ne lui prendrait que le temps de nouer le lacet de soie noir à l’arrière de son crâne, alors…
Il s’était faufilé comme une ombre parmi les fêtards, suffisamment proche pour avoir l’air parfois de se mêler aux groupes mouvants, suffisamment loin pour embrasser du regard chaque recoin des grandes salles qu’il traversait d’un pas égal. Surtout, ne pas avoir l’air de chercher quoi que ce soit, se projeter d’une pièce à l’autre comme ils le faisaient tous, un verre à la main. Du coin de l’œil, il imaginait Magda rire à gorge déployée en compagnie de Catalina et de son petit ami de compagnie, le benêt dont il avait un mal fou à retenir le nom. Elle aurait surement récupéré une vieille robe de fête de leur île, joué du jupon et attiré toute l’attention sur elle, comme d’habitude. Il avait souri à cette pensée, avant de disparaitre dans le dédale des couloirs et des escaliers, faisant une première escale à l’infirmerie où Murphy n’était pas. Tant pis. Malgré tout, il se décida à l’attendre un temps, les yeux clos, écoutant la musique et les conversations inaudibles qui lui revenaient par vagues, écho d’une légèreté révolue. Murphy ne vint jamais, probablement s’était il trompé, ou était elle occupée ailleurs, il n’avait pas le temps ni le luxe de la chercher avec trop d’insistance. Dans un élan joueur, il se contenta de changer l’emplacement de plusieurs ouvrages et autres objets anodins dans le bureau de la médicomage. Ota la photo d’Oswald et Oliver du cadre sur la bibliothèque pour la ranger dans un tiroir. Ota les étiquettes de quelques fioles de potions sans grand danger. Rien de bien méchant, mais il connaissait suffisamment Murphy à présent pour savoir que ça la contrarierait invariablement.
(« Sale Gosse » J’ai eu la meilleure professeure. « ça c’est bien vrai »)
De retour sur ses pas, et la grande salle qui vibrait d’une énergie qui n’était pas la sienne. Trop légère, trop dissipée, inconstante. Il n’avait jamais été un grand adepte de ce genre de grande messe festive, même quand il avait lui-même vingt ans, même quand sa vie avait encore un sens. Il avait toujours préféré les petits comités, et il ne voyait là qu’un étalage d’apparences et de vanités. S’amusaient ils tous vraiment, où guettaient ils les regards inquisiteurs les uns des autres, pour montrer qu’ils étaient les plus divertis, ceux qui buvaient le plus, ou riaient le plus fort ? Derrière son masque, adossé à l’un des murs de pierre, il avait imaginé la vie de certains d’entre eux, leurs joies, leurs désespoirs, leurs aspirations et leurs terreurs. Certains lui paraissaient plus lisses qu’une feuille de papier vierge, comme si jamais la vie n’avait froissé une seule seconde leurs traits encore juvénile. Jeunesse dorée qui s’imaginait la fin du semestre comme une source de stress quasi insurmontable.
Et puis, un ange.
Il l’avait reconnu de loin. Son cavalier aussi, qui lui tenait la main et le creux de la taille des siennes, qu’il devinait parfaitement manucuré. Ah, ça, il avait toujours été tiré à quatre épingles, le second des fils Hangbé, un véritable chat de salon. Il observa Aveleen tournoyer, baisser les yeux, les relever. Pencher la tête sur le coté, murmuré des fadaises que la musique recouvraient et ne parviendraient jamais jusqu’à ses oreilles. Des conneries, il n’en doutait pas, il n’y avait qu’à voir la manière dont Oscar la dévorait du regard pour se figurer son chant de sirène. Ce n’était pas de plumes dont elle était faite, mais d’écailles poissonneuses, bien cachées sous le tissu. Oui, la Vouivre lui seyait bien mieux que la blanche colombe, mais elle semblait l’avoir presque oublié entre les bras du diplomate aux gifles faciles. Ca, il s’était surement retenu de l’en informer, le beau diable.
- Cap ou pas Cap de garder tes yeux fermés encore dix secondes ?
C’était ce qu’il avait soufflé à l’oreille de la blonde, dans le noir complet dans lequel il avait plongé la grande salle l’espace d’un instant. De la poudre d’obscurité instantanée du Pérou, de celle qu’il avait toujours dans une fiole, dans sa poche, au besoin. C’était un noir d’encre, des ténèbres magiques qui avaient enveloppé les fêtards le temps d’une poignée de secondes. Certains poussèrent des cris stridents ou hilares, persuadés qu’il s’agissait probablement d’un tour de passe passe des organisateurs. Après tout, qu’est ce que cela pourrait être d’autre ? (Un). D’une pichenette suffisamment forte (deux), il avait poussé Oscar au milieu d’un groupe de jeunes (trois) qui s’était refermé sur lui sans le vouloir (quatre). Il ne doutait pas un seul instant que le diplomate retrouverait leur trace, l’espérait même presque. La main d’Aveleen dans la sienne(cinq), il avait ouvert la porte d’une salle de classe au hasard,(six) ne l’avait refermé qu’à demi (sept). Il profita des quelques secondes qui lui restaient (huit) pour la détailler de bas en haut, effleurant du bout des doigts la mèche de cheveux qui s’était échappé de derrière son oreille (neuf). Elle l’avait suivi. Elle n’avait pas eu peur (Dix).
- … Un ange, vraiment, Ava ? Allons … Qui crois-tu berner, avec un attirail pareil ?
Il avait rangé ses mains dans ses poches, son regard à moitié dissimulé par son masque d’inspiration vénitienne. Luisant, presque amusé. Il savait qu’il avait, quoi ? Quinze secondes de plus, avant qu’Oscar ne vienne retrouver sa danseuse. C’était bien plus qu’il en fallait pour lui gâcher la soirée.
- Je ne pensais pas que tu serais du genre à supporter ces soirées-là, au bras d’un homme qui te regarde comme un objet d’art précieux et fragile. Ça doit être confortable, cela dit, l’idée de pouvoir un jour être mise dans un écrin qui amortirait le moindre choc, la moindre sensation désagréable dans la vie … Parait qu’il y en a certains qui aiment, mais je n’aurais pas mis une pièce sur toi à ce sujet. Comme quoi, on pense connaitre les gens, et puis ... *il tourna un peu la tête vers la porte qui venait de s’ouvrir en grand* Ah, bonsoir Oscar. Ça faisait longtemps. Tu m’excuseras, je n’ai pas réussi à résister à l’envie de te voler quelques secondes de paradis.
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- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Sam 19 Fév 2022 - 19:38
Fantômes
Aveleen O’Donnell
Fingers of blue on the snow
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
Reaching to touch
The warm light still aglow
Across the porch Poets Of The Fall
La colère était une émotion vicieuse qui rappelait à la réalité un esprit qui aurait préféré s’échapper, vaquer à la douceur de ses connaissances, à la puissance d’un nom qui ne souffrait d’ordinaire ni du doute ni de la crainte de voir une situation lui échapper. Oscar baignait dans cette colère depuis de nombreux mois, en oubliait les choses les plus basiques pourtant inhérentes à son nom de famille ou son rôle au sein du ministère. Il délaissait ses habitudes, fuyait avec persistance les quelques tentatives de rapprochements. Il ne s’attardait pas sur les sentiments de ceux qu’il aimait, peinant déjà à contenir la houle qui sifflait sous son épiderme. Le diplomate avait toujours eu du mal à gérer ces émotions vives, cette intensité qui réveillait le cœur de l’animal, qui le poussait à aller plus à loin, qui l’encourageait à traquer, à chasser. La colère et la vengeance, c’était bien là un résumé complet de son état d’esprit. Des humeurs détraquées qui devenaient motivation, qui l’enrobaient dans un autre monde, un monde qu’il venait même déposer aux pieds de l’ange devant lui. Lui, il était en colère, pas contre elle, mais contre le reste. Le monde, le beau ou le bas, le riche, le perfide. Et elle, était-elle en colère ? Contre lui, contre qui ?
Sans qu’aucun silence ne vienne se substituer à la question du diplomate, Aveleen répondit. L’immédiateté de l’affirmation provoqua un intense soulagement dans l’esprit de l’américain, un allègement de cette tension qui lui électrisait encore l’échine et les épaules. Après tout, elle avait le droit de lui en vouloir. Le droit de s’offusquer de son comportement, de ses fuites incessantes. Des fuites qu’il n’avait lui-même pas respectées lorsque l’esprit endeuillé de la blonde s’était présenté à lui. Des fuites qu’il n’avait pas acceptées lorsqu’il s’était agi d’elle. Elle aurait le droit d’être en colère contre lui. Et surement que le doute aurait hanté ses pensées si le Hangbé ne se complaisait pas autant dans la réponse de l’enseignante. Comment ne pas être en colère après ça ? Comment ? La photographe aurait pu être un mystère si sa présence contre lui n’était pas si agréable, si rassurante.
Le regard d’obsidienne du sorcier se détacha quelques secondes des prunelles claires de la photographe, alors que cette dernière lui retournait sa question d’un ton doux, mais curieux. Il resta silencieux, pensif, reposa ses iris sombres dans celles de la jeune femme, cherchant à creuser derrière ce visage d’ange, derrière ces traits si doux. « Toi tu crois encore que si je t'ai évité des mois auparavant, c'est à cause de toi ? » Le chuchotement arriva aux oreilles du diplomate avec toute la puissance d’une injonction bruyante. Le sentiment qu’il avait était bien celui-là, sans pour autant être assuré d’en comprendre le pourquoi, perdu qu’il était lui-même dans les brumes de sa vengeance. Pourtant, les mots d’Aveleen lui paraissaient évident, normaux. Pourquoi l’aurait-elle fui, autrement ? Oscar ne pourrait revenir à cette période de leur vie, trop inquiet et déstabilisé de voir l’Irlandaise en détresse. Lui-même si frustré de ne pas être en mesure de l’aider autant qu’il le souhaiterait. Pourtant, il cherchait à comprendre. Le pouvait-il ? C’était une autre histoire, quelque chose qui ne pourrait être établis que lorsque des précisions lui serait apporté. Des détails qui feraient mouche s’il était apte à entendre, disposé à comprendre.
Le diplomate aurait répondu à l’interrogation de son « amie » plus rapidement si les doigts de cette dernière ne s’étaient pas faits plus présents contre les siens, si son regard ne s’était pas fait l’océan dans lequel il était si doux de se noyer, si sa voix n’était pas aussi légère que le chant mélodique d’un oiseau exotique. « Je ne sais pas.. » souffla-t-il calmement, le regard désolé, l’air un peu penaud. Il ne savait pas et ne n’en ressentait pas davantage de colère, comme s’il n’avait guère plus de place pour cette émotion, comme si son ignorance face à la réalité de sa situation avec l’Irlandaise outrepassait le reste : la hargne, la haine, la rancœur et la vengeance. Oscar ne savait pas comment analyser ce qu’il avait sous les yeux, comment interpréter cette danse que faisaient leurs doigts. Après ces derniers mois, la seule évidence qu’il avait devant lui était la fin imminente qu’allait rencontrer sa femme. Le reste était comme une volute merveilleuse de fumée qui tournoyait autour de lui, qui le faisait rire ou grogner, parfois sourire. Quelque chose qui lui paraissait si lointain et pourtant si proche.
La voix enraillée de l’enseignante lui tira un grognement silencieux. Si elle n’avait pas été en colère contre lui jusque-là, ramené à la surface des émotions qui l’avait chamboulé ne manquerait pas de la faire changer d’avis. Cependant, l’émotion, la douceur de son contact, l’odeur légère de son parfum et les résidus fruité de son haleine chaude empêchèrent Oscar de la rassurer, de lui dire qu’elle n’avait pas besoin de revivre ces émotions, qu’il finirait par comprendre, avec le temps. Il resta silencieux, le regard braqué sur son visage, détaillant ses mimiques, le mouvement de ses cils ou l’émotion dans ces perles de saphir. Un frisson lui parcouru la peau lorsque les mains de l’Irlandaise remontèrent le long de son costume pour venir enlacer son cou, lorsque sa voix tremblante se fit de nouveau mélodie. Le souffle du diplomate en vint à se contenir, à s’arrêter, dans l’attente des mots d’Aveleen.
Avant qu’elle ne puisse terminer sa phrase, laissant en suspend l’émotion tremblante de ces paroles, la sorcière s’arrêta à l’instant même ou la salle fut plongée dans une obscurité parfaite. Si parfaite qu’user de ses capacités d’animagus ne changea rien. Aussi surement que les ténèbres les avaient entourés, que les mots de la photographe s’étaient à tout jamais perdus dans cette nuit sans étoile, Oscar senti les doigts dansant de la jeune femme lui échapper et sans qu’il ne comprenne réellement pourquoi, il se retrouva en quelque seconde à peine au centre d’un cercle estudiantin bien peu inquiété par le rebondissement de la soirée. Il serra ses poings et laissa échapper un grognement bruyant, suffisamment pour qu’une étudiante lui demande si tout allait bien. Il ne prit pas la peine de lui répondre. Dès l’instant ou la clarté toute relative de la salle lui permit de nouveau de voir, il usa de ses capacités de léopard, humant à travers les effluves de transpiration et d’alcool, l’odeur qu’il cherchait. Une fois le parfum léger de l’enseignante identifié, il ne perdit pas de temps. Il ne comprenait pas ce qui s’était passé mais ne doutait pas de sa capacité à mettre une explication sur la situation. Le regard perlé de pépites dorées, il finit par quitter la salle du bal, continuant sa recherche dans les couloirs de pierres de l’université jusqu’à pénétrer dans l’ombre d’une salle de classe dont la porte avait été laissé entre-ouverte. Il renifla, dérangé par l’odeur qui s’enroulait autour de celle d’Aveleen, agacé, par la voix satisfaite d’un ancien camarade.
« Jésus..» souffla l’Américain, appuyant sur chaque syllabe du vrai prénom de son compatriote, y déversant tout son mépris, toute sa hargne de le voir là. Oscar ne pouvait pas être en colère contre Aveleen, pas tout à fait. Jésus Moreno, cependant, était un bouc émissaire de choix, une créature de l’ombre ni tout à fait innocente ni tout à fait coupable, une créature dont les lèvres se dessinaient en une esquisse satisfaite, ravie de s’être interposée entre le diplomate et son artiste. Oscar plissa les yeux, fixant à tout de rôle la belle et la bête, son regard sombre éclairé de quelques notes dorées. « Quelques secondes ? A quoi bon, lorsque l’enfer te colle à la peau. » Le diplomate s’était approché doucement, fixant à présent son regard sur le latino. Plus il l’observait, plus l’air suffisant du sorcier lui hérissait le poil. L’américain pouvait sentir la fureur affluer, vibrer sous son sa peau, réclamer ce qu’il cherchait depuis des mois. Jesus n’avait rien à voir avec Crescensia, mais le diplomate n’avait jamais put l’aimer. Si l’animosité qu’il avait pour le Moreno était né avec la différence de leur rang et fortune, elle s’était confirmée par la suite à de nombreuses reprises, se faisant certaine, inébranlable. Le boxeur s’approcha avec assurance et souplesse, celle d’un fauve décidé, du latino. Il n’y avait plus de doute dans ses gestes, plus de fragilité dans le fond de son regard, seulement la colère, vive, piquante. Une colère qu’il pouvait contenter, immédiatement. D’un mouvement vif, il enserra de ses long doigts le col du sorcier et poussa ce dernier contre l’un des murs, ignorant le vacarme des chaises de bois sur leur passage. Les perles dorées de son regard s’étaient muées en des pierres complètes et la flamme qui brûlait dans le fond de ses prunelles en faisait scintiller chaque millimètre. « T’excuser ? » grogna-t-il, son visage à quelques centimètres de celui de son adversaire, qu’il avait dégagé de ce masque vénitien terriblement hideux. « On va voir qui va s’excuser. » cracha-t-il tout en resserrant sa prise. Il connaissait l’aura dangereuse qui entourait l’âme du latino, mais n’en avait aucune crainte, la sienne brûlant avec autant de hargne autour de lui. La haine, celle-là même qui le faisait se lever ce matin et qui se déversait dans un flot houleux jusqu’à en oublier le visage et les ailes angéliques d’Aveleen. Ou bien était-ce cela, cette boule dans le creux de son ventre, celle causée par la vision de la photographe avec l’autre homme. Peut-être n’y avait rien de cette haine ancienne dans les gestes du diplomate, rien d’autre que vive hargne bien plus récente, bien plus mordante.
Sans qu’aucun silence ne vienne se substituer à la question du diplomate, Aveleen répondit. L’immédiateté de l’affirmation provoqua un intense soulagement dans l’esprit de l’américain, un allègement de cette tension qui lui électrisait encore l’échine et les épaules. Après tout, elle avait le droit de lui en vouloir. Le droit de s’offusquer de son comportement, de ses fuites incessantes. Des fuites qu’il n’avait lui-même pas respectées lorsque l’esprit endeuillé de la blonde s’était présenté à lui. Des fuites qu’il n’avait pas acceptées lorsqu’il s’était agi d’elle. Elle aurait le droit d’être en colère contre lui. Et surement que le doute aurait hanté ses pensées si le Hangbé ne se complaisait pas autant dans la réponse de l’enseignante. Comment ne pas être en colère après ça ? Comment ? La photographe aurait pu être un mystère si sa présence contre lui n’était pas si agréable, si rassurante.
Le regard d’obsidienne du sorcier se détacha quelques secondes des prunelles claires de la photographe, alors que cette dernière lui retournait sa question d’un ton doux, mais curieux. Il resta silencieux, pensif, reposa ses iris sombres dans celles de la jeune femme, cherchant à creuser derrière ce visage d’ange, derrière ces traits si doux. « Toi tu crois encore que si je t'ai évité des mois auparavant, c'est à cause de toi ? » Le chuchotement arriva aux oreilles du diplomate avec toute la puissance d’une injonction bruyante. Le sentiment qu’il avait était bien celui-là, sans pour autant être assuré d’en comprendre le pourquoi, perdu qu’il était lui-même dans les brumes de sa vengeance. Pourtant, les mots d’Aveleen lui paraissaient évident, normaux. Pourquoi l’aurait-elle fui, autrement ? Oscar ne pourrait revenir à cette période de leur vie, trop inquiet et déstabilisé de voir l’Irlandaise en détresse. Lui-même si frustré de ne pas être en mesure de l’aider autant qu’il le souhaiterait. Pourtant, il cherchait à comprendre. Le pouvait-il ? C’était une autre histoire, quelque chose qui ne pourrait être établis que lorsque des précisions lui serait apporté. Des détails qui feraient mouche s’il était apte à entendre, disposé à comprendre.
Le diplomate aurait répondu à l’interrogation de son « amie » plus rapidement si les doigts de cette dernière ne s’étaient pas faits plus présents contre les siens, si son regard ne s’était pas fait l’océan dans lequel il était si doux de se noyer, si sa voix n’était pas aussi légère que le chant mélodique d’un oiseau exotique. « Je ne sais pas.. » souffla-t-il calmement, le regard désolé, l’air un peu penaud. Il ne savait pas et ne n’en ressentait pas davantage de colère, comme s’il n’avait guère plus de place pour cette émotion, comme si son ignorance face à la réalité de sa situation avec l’Irlandaise outrepassait le reste : la hargne, la haine, la rancœur et la vengeance. Oscar ne savait pas comment analyser ce qu’il avait sous les yeux, comment interpréter cette danse que faisaient leurs doigts. Après ces derniers mois, la seule évidence qu’il avait devant lui était la fin imminente qu’allait rencontrer sa femme. Le reste était comme une volute merveilleuse de fumée qui tournoyait autour de lui, qui le faisait rire ou grogner, parfois sourire. Quelque chose qui lui paraissait si lointain et pourtant si proche.
La voix enraillée de l’enseignante lui tira un grognement silencieux. Si elle n’avait pas été en colère contre lui jusque-là, ramené à la surface des émotions qui l’avait chamboulé ne manquerait pas de la faire changer d’avis. Cependant, l’émotion, la douceur de son contact, l’odeur légère de son parfum et les résidus fruité de son haleine chaude empêchèrent Oscar de la rassurer, de lui dire qu’elle n’avait pas besoin de revivre ces émotions, qu’il finirait par comprendre, avec le temps. Il resta silencieux, le regard braqué sur son visage, détaillant ses mimiques, le mouvement de ses cils ou l’émotion dans ces perles de saphir. Un frisson lui parcouru la peau lorsque les mains de l’Irlandaise remontèrent le long de son costume pour venir enlacer son cou, lorsque sa voix tremblante se fit de nouveau mélodie. Le souffle du diplomate en vint à se contenir, à s’arrêter, dans l’attente des mots d’Aveleen.
Avant qu’elle ne puisse terminer sa phrase, laissant en suspend l’émotion tremblante de ces paroles, la sorcière s’arrêta à l’instant même ou la salle fut plongée dans une obscurité parfaite. Si parfaite qu’user de ses capacités d’animagus ne changea rien. Aussi surement que les ténèbres les avaient entourés, que les mots de la photographe s’étaient à tout jamais perdus dans cette nuit sans étoile, Oscar senti les doigts dansant de la jeune femme lui échapper et sans qu’il ne comprenne réellement pourquoi, il se retrouva en quelque seconde à peine au centre d’un cercle estudiantin bien peu inquiété par le rebondissement de la soirée. Il serra ses poings et laissa échapper un grognement bruyant, suffisamment pour qu’une étudiante lui demande si tout allait bien. Il ne prit pas la peine de lui répondre. Dès l’instant ou la clarté toute relative de la salle lui permit de nouveau de voir, il usa de ses capacités de léopard, humant à travers les effluves de transpiration et d’alcool, l’odeur qu’il cherchait. Une fois le parfum léger de l’enseignante identifié, il ne perdit pas de temps. Il ne comprenait pas ce qui s’était passé mais ne doutait pas de sa capacité à mettre une explication sur la situation. Le regard perlé de pépites dorées, il finit par quitter la salle du bal, continuant sa recherche dans les couloirs de pierres de l’université jusqu’à pénétrer dans l’ombre d’une salle de classe dont la porte avait été laissé entre-ouverte. Il renifla, dérangé par l’odeur qui s’enroulait autour de celle d’Aveleen, agacé, par la voix satisfaite d’un ancien camarade.
« Jésus..» souffla l’Américain, appuyant sur chaque syllabe du vrai prénom de son compatriote, y déversant tout son mépris, toute sa hargne de le voir là. Oscar ne pouvait pas être en colère contre Aveleen, pas tout à fait. Jésus Moreno, cependant, était un bouc émissaire de choix, une créature de l’ombre ni tout à fait innocente ni tout à fait coupable, une créature dont les lèvres se dessinaient en une esquisse satisfaite, ravie de s’être interposée entre le diplomate et son artiste. Oscar plissa les yeux, fixant à tout de rôle la belle et la bête, son regard sombre éclairé de quelques notes dorées. « Quelques secondes ? A quoi bon, lorsque l’enfer te colle à la peau. » Le diplomate s’était approché doucement, fixant à présent son regard sur le latino. Plus il l’observait, plus l’air suffisant du sorcier lui hérissait le poil. L’américain pouvait sentir la fureur affluer, vibrer sous son sa peau, réclamer ce qu’il cherchait depuis des mois. Jesus n’avait rien à voir avec Crescensia, mais le diplomate n’avait jamais put l’aimer. Si l’animosité qu’il avait pour le Moreno était né avec la différence de leur rang et fortune, elle s’était confirmée par la suite à de nombreuses reprises, se faisant certaine, inébranlable. Le boxeur s’approcha avec assurance et souplesse, celle d’un fauve décidé, du latino. Il n’y avait plus de doute dans ses gestes, plus de fragilité dans le fond de son regard, seulement la colère, vive, piquante. Une colère qu’il pouvait contenter, immédiatement. D’un mouvement vif, il enserra de ses long doigts le col du sorcier et poussa ce dernier contre l’un des murs, ignorant le vacarme des chaises de bois sur leur passage. Les perles dorées de son regard s’étaient muées en des pierres complètes et la flamme qui brûlait dans le fond de ses prunelles en faisait scintiller chaque millimètre. « T’excuser ? » grogna-t-il, son visage à quelques centimètres de celui de son adversaire, qu’il avait dégagé de ce masque vénitien terriblement hideux. « On va voir qui va s’excuser. » cracha-t-il tout en resserrant sa prise. Il connaissait l’aura dangereuse qui entourait l’âme du latino, mais n’en avait aucune crainte, la sienne brûlant avec autant de hargne autour de lui. La haine, celle-là même qui le faisait se lever ce matin et qui se déversait dans un flot houleux jusqu’à en oublier le visage et les ailes angéliques d’Aveleen. Ou bien était-ce cela, cette boule dans le creux de son ventre, celle causée par la vision de la photographe avec l’autre homme. Peut-être n’y avait rien de cette haine ancienne dans les gestes du diplomate, rien d’autre que vive hargne bien plus récente, bien plus mordante.
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Re: [Bal Halloween] Fantômes
Dim 20 Fév 2022 - 21:44
Elle avait choisi de suivre Léo. On ne pouvait pas vraiment qualifier cela de coup du hasard, ou bien d'une indécision s'étant finalement résolue en se laissant entraînée par la main. Non. Elle avait reconnu la voix veloutée, l'injonction pleine de tentation, le risque à peine dissimulé. Le jeu. Cela avait toujours été comme ça, entre eux : un jeu. Et l'Irlandaise avait toujours eu un net penchant pour cette addiction, surtout quand il était question de revirement de situation et d'affrontement silencieux à couvert de regards dissimulés. Des mises toujours plus grandes, le brusque sentiment que l'on allait tout perdre augmentant l'overdose de satisfaction si on venait à tout remporter. C'était l'effet que leurs multiples rendez-vous lui avait donné : la sensation vertigineuse que tout pouvait déraper, que rien n'était impossible - ou presque. Il lui avait murmuré un défi au creux de l'oreille. Et elle n'avait pas pu résister à cet appel, comme une héroïnomane se faisant soudoyer par une dose esquisse d'un nouveau shoot. Elle frissonna malgré elle lorsque les doigts, légers, vinrent effleurer sa tempe. C'était tout lui : entrer dans l'espace vital des autres sans demander la permission. Ou bien savait-il qu'elle ne reculerait pas ? Il y avait bien longtemps que l'oiseau avait arrêté d'avoir peur des griffes du chats avec lequel elle avait consenti à jouer. Ses yeux javélisés cartographièrent son visage en silence, s'arrêtant sur le masque de loup qui venait assombrir un peu plus ses traits. Il paraissait décalé, dans cet endroit. Détonnait-elle aussi lorsqu'elle débarquait sous les néons fantasmagoriques de son repère de fauve ? Alors que sa main mourrait le long de sa joue, Aveleen leva la sienne pour serrer de ses doigts son poignet :
-- Mais à quoi tu joues ? murmura-t-elle du bout des lèvres.
Et moi, à quoi je joue ? songea-t-elle comme en écho. Sous ses doigts, la peau du latino lui faisait comme l'effet d'un électrochoc.
Parce que maintenant qu'elle se trouvait face à lui, dans cette petite salle qui jouxtait la Grande Salle Universitaire, Aveleen n'avait jamais autant douté de la paire d'ailes angéliques qui se déployaient, comme une plaisanterie, le long de ses omoplates.
Et, évidemment, il ne manqua pas d'y faire emphase. C'était tout lui, ça aussi : les emphases sur ce qu'elle croyait être, mais qu'il savait n'être qu'une pure façade.
-- … Un ange, vraiment, Ava ? Allons … Qui crois-tu berner, avec un attirail pareil ?
L'Irlandaise haussa un sourcil, alors qu'une moue faussement vexée se dessinait sur ses lèvres peinturlurées de pourpre. Elle l'écouta parler, ses bras retombant le long de sa robe de soie alors qu'il l'ensevelissait de théories. C'était tout lui, ça aussi, encore : l'analyse psychanalytique. Il avait commencé à l'aborder de cette manière, et c'était à croire que les habitudes naissaient facilement. Il supposait, prêchant savoir pour apprendre. Et le pire, c'était que cela avait fonctionné jusque là. L'Irlandaise avait fini par se confier à lui, d'abord pour avoir de quoi lui fermer le clapet. Ensuite, parce qu'elle avait découvert que, curieusement, il savait écouter.
-- Ca ne te plaît pas ? se désola-t-elle innocemment en roulant des épaules pour faire ployer les ailes vers le plafond, avant de désigner d'un geste lent de son petit menton obstiné son interlocuteur. Toi, tu te donnes bien des airs de caïds des bas fonds, alors qu'on sait tous les deux qu'on peut t'acheter à coup de M&M's. Puis, un plus sérieusement : Donc, si on fait abstraction de mes fausses ailes d'ange et tes vraies paroles de diable, qu'est-ce-que tu fais ici, Léo ? lui souffla-t-elle en inclinant la tête, avant qu'un sourire finalement taquin ne se dessine totalement. Ses yeux pétillèrent un instant, bien plus sereins que lorsqu'elle avait arrêtée sa caresse impromptue : Si t'essayes de jouer à l'homme jaloux, alors je demande le droit de critiquer la panoplie de tes danseuses qui me foudroient du regard à chaque fois que j'entre au...
Le reste fut trop rapide pour que l'Irlandaise ne puisse être autre chose que spectatrice. La porte s'ouvrit sur Oscar et le Latino arma immédiatement ses répliques avec tant de verve que cela en dégoulina de fausse condescendance, répondant par la même occasion à la question qui surgissait dans l'esprit de la photographe. Ils se connaissaient et elle n'était pas la seule motivation du Latino à intervenir. Ce qui répondait à une autre interrogation : pourquoi la poudre instannée du Pérou, et pourquoi cette salle de classe ? Et c'était comme réaliser que ses deux mondes - ou autrement dit, les deux Aveleen de sa propre personnalité, se rencontraient, télescopant ainsi l'espoir futile de laisser sa vie de manière compartimentée. Léo fit ce qu'il faisait le mieux : il provoqua. Et Oscar réagit comme il l'avait si prémonitoirement annoncé un peu plus tôt : avec une colère qui ne demandait qu'à ce qu'on lui donne l'étincelle suffisante pour l'explosion. Aveleen avait bien pensé à s'excuser de lui avoir faussé compagnie - mais le diable n'attendait pas - mais sa volonté s'avorta en même temps que le politicien n'empoignât la chemise du Latino.
-- Jésus, vrombit-t-il, et Aveleen en aurait presque ri si la situation n'était pas déjà suffisamment pitoyable. Quelques secondes ? vociféra-t-il. A quoi bon, lorsque l’enfer te colle à la peau.
C'était comme craquer une allumette dans une atmosphère chargée d'électricité. En un quart de seconde, le mobilier vola et le dos du néo-nommé prophète se trouva plaqué à l'un des murs de la classe. A en voir les yeux d'asphalte de son ami crucifier du regard un Jésus qui n'était pas doté de capacité de résurrection, l'Irlandaise grimaça. Et parce qu'elle ne doutait pas que l'autre allait répliquer, sans vraiment savoir lequel des deux était le plus dangereux, Aveleen extirpa sa baguette accrochée à l'une de ses jambes. Mais aucun des deux hommes ne réagit à son geste. Aucun des deux ne faisait attention à elle, du reste. Evidemment. Elle était loin d'être une menace. Alors, sans préambule - parce qu'aucun des deux ne l'aurait écouté, l'un trop fier de voir sa provocation porter ses fruits, et l'autre ayant trop besoin d'un exutoire, elle fit surgir des limbes des trombes d'eaux glacées qui s'abattirent avec force sur les deux hommes jusqu'à les tremper jusqu'aux os. La pluie diluvienne noya les bureaux et les chaises renversées, dégoulina sur leurs visages et leurs orgueils respectifs, des flaques grossissants à même le sol, tombant avec la puissance d'une divinité en colère sur eux trois.
Difficile à présent de passer inaperçue lorsqu'on déclenchait un véritable déluge.
-- Voilà ! annonça-t-elle par dessus le bruit torrentiel de l'eau qui continuait à les noyer comme une moisson tropicale. Elle écarta les bras de part et d'autre, blasée : comme ça nous agissons tous les trois comme des imbéciles ! Félicitations, les targua-t-elle, sarcastique à souhait, certaine à présent d'avoir leur attention. Premièrement, Léo, le foudroya-t-elle du regard par dessus l'épaule d'Oscar en s'avançant vers eux, ses pieds éclaboussant le sol, tu ne voles personne à personne, articula-t-elle avant de pincer les lèvres, avalant par la même occasion une des nombreuses gouttes d'eau qui glissaient jusqu'à sa bouche. Je.ne.suis.pas.un.objet. J'avais envie de te suivre, souffla-t-elle sans le lâcher des yeux, mais puisque tes intentions semblent être autrement dédiées à énerver une vieille connaissance, disons que ton plan ne nécessite plus vraiment ma participation ? théorisa-t-elle en continuant à approcher d'eux. Comme quoi, on pense vraiment connaître les gens, et puis, le singea-t-elle en haussant les épaules.
Maintenant, elle avait aussi sa réponse à la question qu'elle lui avait posé : à quoi joues-tu ?
Et bien, je me sers de toi, Aveleen, semblait à présent lui chanter ses yeux et elle était à deux doigts de l'imaginer fourrer son menton dans sa propre main. Il était insupportable. D'une certaine façon, elle était déçue d'avoir été utilisée de la sorte. Déçue, mais pas vraiment surprise. Certains jeux voyaient leurs règles changer du tout au tout, après tout. Et il était du genre à aimer les moduler à sa guise. C'était bien pour cette raison qu'elle jouait avec lui, n'est-ce-pas ? Pour cette insolence, qu'elle maudissait à cet instant mais recherchait à d'autres.
-- Quant à toi, Oscar, la réponse est oui, à présent, fit-elle en arrivant enfin à leur niveau, lâchant le regard de Léo pour tourner la tête vers son ami.
Essayant de faire taire sa culpabilité, elle finit par lever sa baguette pour la poser, tremblante, contre la main d'Oscar qui enserrait toujours la gorge du Latino. Cette même main qu'elle avait cajolée un peu plus tôt, nouant des intentions qui, à présent, lui semblaient être bien loin.
Et c'était entièrement de sa faute à elle.
-- Je ne suis pas loin d'être en colère contre toi, là, souffla-t-elle néanmoins, peu convaincante car peu convaincue. Lâche-le, demanda-t-elle doucement, le cœur en miette d'en arriver à de pareils dispositions à cause de ses mauvais choix.
Mauvais choix qu'elle s'acharnait pourtant à défendre. Le pire, c'est que Moreno n'avait même pas besoin de son aide, et qu'elle le savait pertinemment. Mais la réaction d'Oscar était disproportionnée, tout comme sa rage.
-- Lâche-le, réitéra-t-elle un peu plus fort pour couvrir le bruit de l'eau, la voix légèrement éraillée. S'il te plait, insista-t-elle en raffermissant du mieux qu'elle le pouvait sa prise sur sa baguette.
@Oscar Hangbé et @Leonardo Moreno
-- Mais à quoi tu joues ? murmura-t-elle du bout des lèvres.
Et moi, à quoi je joue ? songea-t-elle comme en écho. Sous ses doigts, la peau du latino lui faisait comme l'effet d'un électrochoc.
Parce que maintenant qu'elle se trouvait face à lui, dans cette petite salle qui jouxtait la Grande Salle Universitaire, Aveleen n'avait jamais autant douté de la paire d'ailes angéliques qui se déployaient, comme une plaisanterie, le long de ses omoplates.
Et, évidemment, il ne manqua pas d'y faire emphase. C'était tout lui, ça aussi : les emphases sur ce qu'elle croyait être, mais qu'il savait n'être qu'une pure façade.
-- … Un ange, vraiment, Ava ? Allons … Qui crois-tu berner, avec un attirail pareil ?
L'Irlandaise haussa un sourcil, alors qu'une moue faussement vexée se dessinait sur ses lèvres peinturlurées de pourpre. Elle l'écouta parler, ses bras retombant le long de sa robe de soie alors qu'il l'ensevelissait de théories. C'était tout lui, ça aussi, encore : l'analyse psychanalytique. Il avait commencé à l'aborder de cette manière, et c'était à croire que les habitudes naissaient facilement. Il supposait, prêchant savoir pour apprendre. Et le pire, c'était que cela avait fonctionné jusque là. L'Irlandaise avait fini par se confier à lui, d'abord pour avoir de quoi lui fermer le clapet. Ensuite, parce qu'elle avait découvert que, curieusement, il savait écouter.
-- Ca ne te plaît pas ? se désola-t-elle innocemment en roulant des épaules pour faire ployer les ailes vers le plafond, avant de désigner d'un geste lent de son petit menton obstiné son interlocuteur. Toi, tu te donnes bien des airs de caïds des bas fonds, alors qu'on sait tous les deux qu'on peut t'acheter à coup de M&M's. Puis, un plus sérieusement : Donc, si on fait abstraction de mes fausses ailes d'ange et tes vraies paroles de diable, qu'est-ce-que tu fais ici, Léo ? lui souffla-t-elle en inclinant la tête, avant qu'un sourire finalement taquin ne se dessine totalement. Ses yeux pétillèrent un instant, bien plus sereins que lorsqu'elle avait arrêtée sa caresse impromptue : Si t'essayes de jouer à l'homme jaloux, alors je demande le droit de critiquer la panoplie de tes danseuses qui me foudroient du regard à chaque fois que j'entre au...
Le reste fut trop rapide pour que l'Irlandaise ne puisse être autre chose que spectatrice. La porte s'ouvrit sur Oscar et le Latino arma immédiatement ses répliques avec tant de verve que cela en dégoulina de fausse condescendance, répondant par la même occasion à la question qui surgissait dans l'esprit de la photographe. Ils se connaissaient et elle n'était pas la seule motivation du Latino à intervenir. Ce qui répondait à une autre interrogation : pourquoi la poudre instannée du Pérou, et pourquoi cette salle de classe ? Et c'était comme réaliser que ses deux mondes - ou autrement dit, les deux Aveleen de sa propre personnalité, se rencontraient, télescopant ainsi l'espoir futile de laisser sa vie de manière compartimentée. Léo fit ce qu'il faisait le mieux : il provoqua. Et Oscar réagit comme il l'avait si prémonitoirement annoncé un peu plus tôt : avec une colère qui ne demandait qu'à ce qu'on lui donne l'étincelle suffisante pour l'explosion. Aveleen avait bien pensé à s'excuser de lui avoir faussé compagnie - mais le diable n'attendait pas - mais sa volonté s'avorta en même temps que le politicien n'empoignât la chemise du Latino.
-- Jésus, vrombit-t-il, et Aveleen en aurait presque ri si la situation n'était pas déjà suffisamment pitoyable. Quelques secondes ? vociféra-t-il. A quoi bon, lorsque l’enfer te colle à la peau.
C'était comme craquer une allumette dans une atmosphère chargée d'électricité. En un quart de seconde, le mobilier vola et le dos du néo-nommé prophète se trouva plaqué à l'un des murs de la classe. A en voir les yeux d'asphalte de son ami crucifier du regard un Jésus qui n'était pas doté de capacité de résurrection, l'Irlandaise grimaça. Et parce qu'elle ne doutait pas que l'autre allait répliquer, sans vraiment savoir lequel des deux était le plus dangereux, Aveleen extirpa sa baguette accrochée à l'une de ses jambes. Mais aucun des deux hommes ne réagit à son geste. Aucun des deux ne faisait attention à elle, du reste. Evidemment. Elle était loin d'être une menace. Alors, sans préambule - parce qu'aucun des deux ne l'aurait écouté, l'un trop fier de voir sa provocation porter ses fruits, et l'autre ayant trop besoin d'un exutoire, elle fit surgir des limbes des trombes d'eaux glacées qui s'abattirent avec force sur les deux hommes jusqu'à les tremper jusqu'aux os. La pluie diluvienne noya les bureaux et les chaises renversées, dégoulina sur leurs visages et leurs orgueils respectifs, des flaques grossissants à même le sol, tombant avec la puissance d'une divinité en colère sur eux trois.
Difficile à présent de passer inaperçue lorsqu'on déclenchait un véritable déluge.
-- Voilà ! annonça-t-elle par dessus le bruit torrentiel de l'eau qui continuait à les noyer comme une moisson tropicale. Elle écarta les bras de part et d'autre, blasée : comme ça nous agissons tous les trois comme des imbéciles ! Félicitations, les targua-t-elle, sarcastique à souhait, certaine à présent d'avoir leur attention. Premièrement, Léo, le foudroya-t-elle du regard par dessus l'épaule d'Oscar en s'avançant vers eux, ses pieds éclaboussant le sol, tu ne voles personne à personne, articula-t-elle avant de pincer les lèvres, avalant par la même occasion une des nombreuses gouttes d'eau qui glissaient jusqu'à sa bouche. Je.ne.suis.pas.un.objet. J'avais envie de te suivre, souffla-t-elle sans le lâcher des yeux, mais puisque tes intentions semblent être autrement dédiées à énerver une vieille connaissance, disons que ton plan ne nécessite plus vraiment ma participation ? théorisa-t-elle en continuant à approcher d'eux. Comme quoi, on pense vraiment connaître les gens, et puis, le singea-t-elle en haussant les épaules.
Maintenant, elle avait aussi sa réponse à la question qu'elle lui avait posé : à quoi joues-tu ?
Et bien, je me sers de toi, Aveleen, semblait à présent lui chanter ses yeux et elle était à deux doigts de l'imaginer fourrer son menton dans sa propre main. Il était insupportable. D'une certaine façon, elle était déçue d'avoir été utilisée de la sorte. Déçue, mais pas vraiment surprise. Certains jeux voyaient leurs règles changer du tout au tout, après tout. Et il était du genre à aimer les moduler à sa guise. C'était bien pour cette raison qu'elle jouait avec lui, n'est-ce-pas ? Pour cette insolence, qu'elle maudissait à cet instant mais recherchait à d'autres.
-- Quant à toi, Oscar, la réponse est oui, à présent, fit-elle en arrivant enfin à leur niveau, lâchant le regard de Léo pour tourner la tête vers son ami.
Essayant de faire taire sa culpabilité, elle finit par lever sa baguette pour la poser, tremblante, contre la main d'Oscar qui enserrait toujours la gorge du Latino. Cette même main qu'elle avait cajolée un peu plus tôt, nouant des intentions qui, à présent, lui semblaient être bien loin.
Et c'était entièrement de sa faute à elle.
-- Je ne suis pas loin d'être en colère contre toi, là, souffla-t-elle néanmoins, peu convaincante car peu convaincue. Lâche-le, demanda-t-elle doucement, le cœur en miette d'en arriver à de pareils dispositions à cause de ses mauvais choix.
Mauvais choix qu'elle s'acharnait pourtant à défendre. Le pire, c'est que Moreno n'avait même pas besoin de son aide, et qu'elle le savait pertinemment. Mais la réaction d'Oscar était disproportionnée, tout comme sa rage.
-- Lâche-le, réitéra-t-elle un peu plus fort pour couvrir le bruit de l'eau, la voix légèrement éraillée. S'il te plait, insista-t-elle en raffermissant du mieux qu'elle le pouvait sa prise sur sa baguette.
@Oscar Hangbé et @Leonardo Moreno
- InvitéInvité
Re: [Bal Halloween] Fantômes
Sam 12 Mar 2022 - 18:42
Fantômes
Aveleen O’Donnell & Oscar Hangbé
Au milieu des regards,
Comme autant de miroirs
Qui reflètent une image toute faite
C’est avoir tout pouvoir
Jusqu’à n’en plus pouvoir
De promettre et tout se permettre Le roi Soleil
Comme autant de miroirs
Qui reflètent une image toute faite
C’est avoir tout pouvoir
Jusqu’à n’en plus pouvoir
De promettre et tout se permettre Le roi Soleil
La surprise d’Aveleen était sincère, fardant ses joues et son cou d’un rose charmant, mais qui ne le berneraient pas : la jeune femme pouvait être décontenancée, ce qu’il avait vu n’avait rien d’une prestation d’actrice de sa part. Elle avait l’air bien, ainsi lovée dans les bras d’un Hangbé qui la caressait du regard comme on le ferait avec le plus beau des tableaux, la gravure la plus fine. Non, pas bien, à sa place. Et c’était bien ça qui l’avait presque heurté, le Moreno, que la domesticité puisse aller si bien au teint pâle et sauvage de la belle sorcière, qu’il n’avait jamais vu aussi vibrante que dans les chaos de sons, de lumières et de couleurs où ils étaient allés oublier le reste du monde. La révélation janussienne lui paraissait presque obscène dans ses extrêmes, alors qu’elle s’indignait presque du traitement qu’il lui réservait, lui retournant la pareille comme si, finalement, c’était de sa faute si il la surprenait dans ses torts. Il n’avait rien à faire là, après tout, dans son monde à elle, son vrai monde. Sauf qu’il y était, et qu’il ne pourrait défaire ce qu’il avait vu.
- Je suis venu voir une amie. Lui faire une petite surprise.
Ironie supplémentaire, s’il en fallait plus, dans sa manière de qualifier l’infirmière qui subissait ses mauvais charmes depuis des mois à présent. Mais finalement, la double lecture lui plaisait assez, Aveleen ne pouvant deviner si il parlait d’elle, ou d’une tierce personne dont elle ignorait l’existence. Le doute qui subsisterait lui convenait tout à fait.
- De la jalousie, voyons, Ava… De qui, de quoi ? Je sais juste que tu mérites mieux que cela …
Il aurait pu préciser sa pensée, mais la porte s’était ouverte à la volée, et c’était sur un tout autre registre qu’il avait enchainé, changeant de timbre et de posture, en un clin d’œil. « Jésus… » Le sourire narquois du beau diable s’était un peu plus étiré encore à mesure que les prunelles sombres du Hangbé l’assassinaient avec application. Il y avait des choses immuables en ce bas monde, et la haine réciproque entre les deux américains en faisait partie. « Quelques secondes ? A quoi bon, lorsque l’enfer te colle à la peau. » Une main portée au cœur, feignant la blessure fatale, le portoricain n’eut pas même le temps d’articuler quoi que ce soit que déjà il se voyait plaquer contre le mur par la force quasi animal d’Oscar. Aurait-il pu esquiver la charge ? Probablement, mais quel intérêt aurait-il eu à le faire ? Son regard froid et luisant coula en encre liquide dans celui sulfureux du sorcier, s’installant un peu plus confortablement, si c’était possible, contre la pierre froide, alors que les mots brûlants venaient le cingler de concert avec l’haleine chaude et proche, trop proche, d’Oscar. Qu’il avance encore d’un iota, et il l’embrasserait, rien que pour voir si cela suffirait à le faire basculer dans la folie, et …
Il étouffa un juron en espagnol quand la trombe d’eau glacée lui tomba sur les épaules, détrempant son costume de sombre démon, forçant Oscar à bondir en arrière, probablement plus de surprise que volontairement. Détourna le regard d’Oscar pour le poser sur Avaleen, un sourcil haussé. Le propos articulé, drapé d’une fierté froissée de la sorcière lui aurait inspiré quelques moqueries presque attendries, si il n’y avait pas encore les mains d’Oscar sur son col, menaçant toujours de lui enserrer la gorge. Qu’elle puisse envisager qu’il n’était apparu que dans un élan de possessivité maladive avait quelque chose de franchement comique, considérant le fait que, de toute évidence, elle avait oublié qu’ils avaient convenu de se retrouver, un peu plus tard dans la soirée, au portail de l’université, pour lui offrir un échappatoire à une soirée qu’elle lui avait déjà décrite comme d’un ennui mortel. Il aurait du l’attendre dehors, évidemment, mais ce n’était pas la curiosité qui l’avait fait se faufiler dans les couloirs qui lui étaient interdits, pas plus qu’une jalousie fantasmée, ou des aspirations vengeresses à destination du Hangbé. Clairement, le cavalier guerrier était le cadet de tous ses soucis, dernièrement, et il n’avait décidé de la manœuvre que dans un de ses élans impulsifs rares, mais destructeurs, pour la beauté du geste. Le plaisir simple de le faire sortir de ses gonds, indépendamment du fait que cela puisse impliquer la jolie blonde. Elle mélangeait tout, donc, mais pourrait il en prendre ombrage ? Après tout, la rage d’Oscar était telle que le raccourci était tout trouvé, pour ne pas dire inévitable.
- Tu as entendu la dame, Oscar ? Il faut me lâcher maintenant.
Oh, qu’il avait envie que l’autre sorcier se laisse aller à lever la main sur lui. Qu’Oscar révèle à son tour son vrai visage, puisque le temps de la mascarade semblait être révolu, qu’il dévoile sa nature de sale type violent, imbu de puissance, syndrôme d’Hubris bien planqué derrière ses costumes de créateur. La violence gratuite, pour le plaisir de dominer, lui qui était déjà né au sommet de la chaine alimentaire, et qui versait dans la domination pour la simple satisfaction de son égo hypertrophié. Il avait sorti de la poche de sa veste un petit objet, qu’il tenait accroché au bout de son index un peu écorché, à la forme familière, malgré le peu de lumière. Une grosse clé de métal épaisse, un peu rouillé, grignotée de vert de gris et sans fioriture.
- Aveleen-qui-n’est-ni-une-statuette-ni-un-paquet-de-bonbons, mon portoloin s’activera dans cinq minutes, comme convenu. Bien sur, libre à toi, toujours, de me laisser aller Là-bas seul. Je ne voudrais pas te forcer la main, de toute évidence, d’autres font ça très bien. Je devrais pouvoir me remettre d’une occasion manquée, et le paysage devrait suffire à me contenter.
Au bout de la clé, la perspective d’un phare, celui Muckle Flugga, sur l’île la plus haut nord des Shetlands, flirtant avec une latitude se rapprochant du cercle polaire arctique. La haut, il y avait le vent, les premières aurores boréales magiques de la fin de l’automne, que la nuit de Samain rendaient plus éclatantes encore. Peut être avait elle oublié. Peut être préfèrerait elle rester avec sa panthère de salon, et il s’y plierait sans mauvaise grâce. Il se contenterait d’en tirer les conclusions qui s’imposeraient, c’est tout. Après un dernier coup d’œil vers Oscar qui se tenait décidement bien trop prêt encore, il tendit la main, à plat, la clé à l’intérieur. Elle n’avait pas besoin de faire grand-chose. Choisir de s’en saisir, ou non. Faire un choix, pas pour eux, mais pour elle-même.
- Je suis venu voir une amie. Lui faire une petite surprise.
Ironie supplémentaire, s’il en fallait plus, dans sa manière de qualifier l’infirmière qui subissait ses mauvais charmes depuis des mois à présent. Mais finalement, la double lecture lui plaisait assez, Aveleen ne pouvant deviner si il parlait d’elle, ou d’une tierce personne dont elle ignorait l’existence. Le doute qui subsisterait lui convenait tout à fait.
- De la jalousie, voyons, Ava… De qui, de quoi ? Je sais juste que tu mérites mieux que cela …
Il aurait pu préciser sa pensée, mais la porte s’était ouverte à la volée, et c’était sur un tout autre registre qu’il avait enchainé, changeant de timbre et de posture, en un clin d’œil. « Jésus… » Le sourire narquois du beau diable s’était un peu plus étiré encore à mesure que les prunelles sombres du Hangbé l’assassinaient avec application. Il y avait des choses immuables en ce bas monde, et la haine réciproque entre les deux américains en faisait partie. « Quelques secondes ? A quoi bon, lorsque l’enfer te colle à la peau. » Une main portée au cœur, feignant la blessure fatale, le portoricain n’eut pas même le temps d’articuler quoi que ce soit que déjà il se voyait plaquer contre le mur par la force quasi animal d’Oscar. Aurait-il pu esquiver la charge ? Probablement, mais quel intérêt aurait-il eu à le faire ? Son regard froid et luisant coula en encre liquide dans celui sulfureux du sorcier, s’installant un peu plus confortablement, si c’était possible, contre la pierre froide, alors que les mots brûlants venaient le cingler de concert avec l’haleine chaude et proche, trop proche, d’Oscar. Qu’il avance encore d’un iota, et il l’embrasserait, rien que pour voir si cela suffirait à le faire basculer dans la folie, et …
Il étouffa un juron en espagnol quand la trombe d’eau glacée lui tomba sur les épaules, détrempant son costume de sombre démon, forçant Oscar à bondir en arrière, probablement plus de surprise que volontairement. Détourna le regard d’Oscar pour le poser sur Avaleen, un sourcil haussé. Le propos articulé, drapé d’une fierté froissée de la sorcière lui aurait inspiré quelques moqueries presque attendries, si il n’y avait pas encore les mains d’Oscar sur son col, menaçant toujours de lui enserrer la gorge. Qu’elle puisse envisager qu’il n’était apparu que dans un élan de possessivité maladive avait quelque chose de franchement comique, considérant le fait que, de toute évidence, elle avait oublié qu’ils avaient convenu de se retrouver, un peu plus tard dans la soirée, au portail de l’université, pour lui offrir un échappatoire à une soirée qu’elle lui avait déjà décrite comme d’un ennui mortel. Il aurait du l’attendre dehors, évidemment, mais ce n’était pas la curiosité qui l’avait fait se faufiler dans les couloirs qui lui étaient interdits, pas plus qu’une jalousie fantasmée, ou des aspirations vengeresses à destination du Hangbé. Clairement, le cavalier guerrier était le cadet de tous ses soucis, dernièrement, et il n’avait décidé de la manœuvre que dans un de ses élans impulsifs rares, mais destructeurs, pour la beauté du geste. Le plaisir simple de le faire sortir de ses gonds, indépendamment du fait que cela puisse impliquer la jolie blonde. Elle mélangeait tout, donc, mais pourrait il en prendre ombrage ? Après tout, la rage d’Oscar était telle que le raccourci était tout trouvé, pour ne pas dire inévitable.
- Tu as entendu la dame, Oscar ? Il faut me lâcher maintenant.
Oh, qu’il avait envie que l’autre sorcier se laisse aller à lever la main sur lui. Qu’Oscar révèle à son tour son vrai visage, puisque le temps de la mascarade semblait être révolu, qu’il dévoile sa nature de sale type violent, imbu de puissance, syndrôme d’Hubris bien planqué derrière ses costumes de créateur. La violence gratuite, pour le plaisir de dominer, lui qui était déjà né au sommet de la chaine alimentaire, et qui versait dans la domination pour la simple satisfaction de son égo hypertrophié. Il avait sorti de la poche de sa veste un petit objet, qu’il tenait accroché au bout de son index un peu écorché, à la forme familière, malgré le peu de lumière. Une grosse clé de métal épaisse, un peu rouillé, grignotée de vert de gris et sans fioriture.
- Aveleen-qui-n’est-ni-une-statuette-ni-un-paquet-de-bonbons, mon portoloin s’activera dans cinq minutes, comme convenu. Bien sur, libre à toi, toujours, de me laisser aller Là-bas seul. Je ne voudrais pas te forcer la main, de toute évidence, d’autres font ça très bien. Je devrais pouvoir me remettre d’une occasion manquée, et le paysage devrait suffire à me contenter.
Au bout de la clé, la perspective d’un phare, celui Muckle Flugga, sur l’île la plus haut nord des Shetlands, flirtant avec une latitude se rapprochant du cercle polaire arctique. La haut, il y avait le vent, les premières aurores boréales magiques de la fin de l’automne, que la nuit de Samain rendaient plus éclatantes encore. Peut être avait elle oublié. Peut être préfèrerait elle rester avec sa panthère de salon, et il s’y plierait sans mauvaise grâce. Il se contenterait d’en tirer les conclusions qui s’imposeraient, c’est tout. Après un dernier coup d’œil vers Oscar qui se tenait décidement bien trop prêt encore, il tendit la main, à plat, la clé à l’intérieur. Elle n’avait pas besoin de faire grand-chose. Choisir de s’en saisir, ou non. Faire un choix, pas pour eux, mais pour elle-même.
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