"Car ils étaient unis par un fil qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano

La vie. Qu'est-ce que la vie ? La vie, c'est comme une cigarette. Tu la consumes, tu la savoures elle et ses dangers, tu en es fou, mais parfois elle fait mal, et parfois, elle s'arrête brusquement, sans même laisser un nuage de fumée. Ne laissant rien qu'un tas de poussière...

On ne peut pas dire que ma vie aura été des plus clémente envers moi. Mais qu'importe ce que l'on peut dire, car il y aura toujours pire, n'est-ce pas ?

Enfin bon, quoi qu'il en soit, il parait que je dois raconter mon histoire. Bien que l'envie me manque, et le fait d'avoir l'impression d’être chez le psychologue n'arrange rien.

/ Je suis née dans ce beau pays qu'est l'Angleterre, il y a de à vingt quatre ans déjà. Mes parents étaient plus ou moins normaux. Ouais, ok, seul maman l’était, elle avait de l’amour à revendre, comparée à ce qui nous servait de père. Lui, il était obnubilé par son travail, lequel ? Bonne question, on se doutait juste que ce n’était pas net… Une fois à la maison, il ne faisait office que de figure autoritaire, exigeant de ses enfants, monts et merveilles, au point que malgré tous nos efforts, jamais ils n’étaient suffisants à ses yeux. Alors au fil des années, mon jumeau et moi, en ayant eu marre, nous avons fini par nous rebeller, n’en faisant qu’à notre tête. Étrangement, nos parents, ils s’aimaient, ou alors ça y ressemblait. Car ensemble depuis tant d’années, la flamme de leur amour, s’était éteint au fil du temps, assassin de tous. Ils s’étaient promis amour et fidélité, jusqu’à la fin, alors malgré la tristesse et la solitude que cela leur procuraient, ils étaient restés unis, en apparence. (Bien qu’il partait voir ailleurs sans que personne ne remarque rien.)

Mon frère jumeau et moi, avions toujours été inséparable. Il était tout simplement mon double, ma moitié, celui qui faisait de moi une personne entière. On se complétait à la perfection. Nous avions toujours été des casse-coup de première, voulant embrasser chaque sensation forte, chaque moment que la vie nous offrait. Si bien que l'on pouvait clairement dire que nous n’étions pas des enfants sages, faisant toutes les bêtises possibles, sans jamais avoir peur des conséquences. Une fois mis au défi, on allait toujours au bout, peu importe l'endroit et le moment.

Une vie qui se voulait dangereuse, mais si forte en émotion. L’adrénaline nous donnait la sensation de vivre, de ressentir chaque vibration que la vie nous envoyait.

Avant nos seize ans, des amis avaient proposé de faire une course de voitures, illégales bien évidemment, pour ne pas changer. Deux par voiture, mon frère faisait le pilote, tandis que moi, je me contentais d’être la copilote, n'ayant pas le permis, le choix était vite vu. L'euphorie nous entourait d'une sensation chaude et enivrante. Nos rires semblaient se perdre dans le bruit sourd du moteur, qui fendait l'air à grande vitesse. Nos regards s’étaient croisés un court instant, cependant, cela avait suffit pour tout foutre en l'air. La voiture avait dérapé dans un virage, à cause de la pluie, rendant la chaussée glissante. Il ne parvenait pas à reprendre le contrôle. À son visage, je voyais qu'il avait en ce moment-même, la peur de sa vie, et bien, nous étions deux. Son premier instinct avait été de mettre son bras en barrière devant moi, afin de me protéger. J'avais retiré son bras, pour prendre sa main. Nous savions, de façon fatale, que nous allions sans aucun doute perdre la vie. On était venu au monde quasiment en même temps, nous repartirions ensemble.

Seulement, il y avait eu ce lampadaire qui se dressait droit et fière se trouvant du côté pilote lors de l'impact. L'airbag lors de l’impact brutal, m’avait assommée, néanmoins, le plus important était de voir comment allait mon frère, Sam. Il avait le souffle court, les yeux qui commençaient à se refermer, comme fatigué, la poigne de sa main se desserrait. Totalement perdue, je ne savais quoi faire, les jambes emprisonnaient, coincées par la voiture complètement démolie. Même si en bougeant, je risquais de me paralyser, je n'en avais que faire, pour lui, j’étais prête à tout. Seulement, sur l'instant, mon corps ne répondait pas. Il eut alors un fin petit sourire, me prit la main, et nous partions tous deux dans un sommeil profond.

Jamais je n'ai connu de réveil plus brusque et éprouvant que celui-ci. J'avais du mal à respirer, mon cœur me faisait souffrir, tandis que mes yeux se baladaient avec difficulté, dans cette pièce d’un blanc immaculé, sans âme ni chaleur. Des aiguilles plantées dans ma chair, me donnaient la chair de poule. Alors que tout ce que je souhaitais, c’était m’échapper de cet endroit, mais avant même que je n'y parvienne, des aides-soignants, accompagné de mes parents en larme, venaient de rentrer dans ma chambre. En voyant cet air sur leurs visages, que jamais je ne saurais oublier, tout m’étais revenu tel des coups de poignard affûtée, en pleins dans la poitrine.

Une furie, une furie en moi se déchaîna violemment, tentant tant bien que mal de me relever, alors que ces putains de blouse blanche m’en empêchaient. La haine et la colère bouillaient en moi, au point qu’un vase se brisa soudainement, maman fit comme si c’était elle, il ne s’agissait que de mes pouvoirs qui s’exprimaient à ma place. Je hurlais tout en les suppliant de me laisser aller le voir, sinon ils allaient le regretter. Forte de persuasion et têtue, ils ont fini par m’y autoriser, m’accompagnant, tandis que je tremblais comme une feuille-morte, dans ce fauteuil roulant, qui me rapprochait de ce que je craignais de comprendre. En franchissant la porte, je me souviens que mon cœur s’était stoppé, comme s'il comprenait enfin ce qu'il se passait. On m’annonçait en même temps que mon frère se trouvait dans le coma suite à une hémorragie interne, que ni la magie, ni même la science, n’aurait pu résoudre. Maintenu par un sortilège lui permettant d’avoir de l’air qui rentrait en lui, bien que son âme s’en soit en aller. Ce jour-là, j'avais passé la nuit à ses côtés, espérant que l’on se réveille de ce cauchemar funeste. Ce ne fut jamais le cas.

/ Les touches blanche et noire défilaient à une vitesse folle sous mes doigts, longilignes. Ces doux sons résonnaient dans mon esprit, tel une mélodie provocatrice, qui me plongeait dans mes songes les plus profonds, mais sans aucun doute, les plus difficiles à endosser. Je sentais mon cœur battre à tout rompre, tandis que je jouais de plus en plus rapidement, il me semblait que mon organe s'accordait au rythme déchaîner de la musique. Les yeux clos, la respiration saccadée, je n'avais désormais qu'une seule envie. Tout laisser tomber derrière moi. Ma force faisait pâle figure lorsqu'on me connaissait bien, le poids des secrets, de ces erreurs étant bien trop lourdes, souvent, les épaules s'affaissaient. Forte depuis trop longtemps. Tannée.