1985 - C’était un jour d’été, marqué par un soleil éclatant et une chaleur pesante qui évoquait l’image de vacanciers en petite tenue à la plage mais aussi les incendies ravageurs et les vies détruites.

A Boston, dans une maison aux volets fermés, une semi-vampire est née. On l’appela Luna, ironie surjouée sans doute, mais Javier Florez avait toujours eu un humour particulier, les trop nombreuses décennies vécues rendant son sarcasme aussi affûté que ses canines tranchantes. Son regard sanguin était tendre pourtant, lorsqu’il se posa sur sa fille, à l’abri dans les bras fragiles et humains de sa mère. Un bébé bruyant et énergique, qui prédisait aisément les années fatigantes qui attendaient le couple mal assemblé qu’étaient ses parents.

1990 - Camilla Parrilla avait tout quitté pour sa fille. La Colombie, son restaurant, sa famille. Javier avait refusé de rester dans leur pays d’origine, ou peut-être n’avait-il pas eu le choix, il avait beau être la créature la plus bavarde qu’elle connaisse (trait qu’il avait trouvé bon de passer à leur descendance), dès lors qu’il était question de son clan de vampire, il se faisait menaçant dans son silence. Camilla était peut-être amoureuse, mais elle n’était pas stupide au point de ne pas le craindre. C’était pourtant difficile de se souvenir du danger que posait Javier lorsqu’elle le voyait assis docilement, tout sourire pendant que Luna, 5 ans et (presque) toutes ses dents, babillait sans arrêt en coiffant les boucles blondes de son père. La patience qu’il avait pour elle était infinie, et malgré l’étrange situation dans laquelle elle se trouvait, Camilla sentait son cœur se réchauffer face à la complicité du duo.

1996 - Luna avait voulu aller étudier à Castelobruxo pour pouvoir s’immerger dans ce qu'elle considérait être sa véritable culture, loin de la pâleur affligeante des habitants de Boston et des rictus se faisant supérieurs face à ses traits hispaniques. Ses parents avaient objecté, sa mère refusant tout bonnement l’idée absurde que son bébé parte aussi loin d’elle et Javier…Javier n’avait pas donné de raison pour son refus, se contentant d’appuyer les dires de son épouse avec un sourire secret. Ilvermony donc, fut l’endroit qui accueillit l’enfant solaire portant les faveurs de la lune, choisie par les Serpents Cornus, maison de l’esprit.  

Les premiers jours sont difficiles, mais Luna affronta ce nouveau challenge avec un grand sourire. Le cours précédant le week-end est celui des potions. En pénétrant la salle obscure, elle n’entendit pas les remarques de ses congénères quant au changement d’horaires qui avait été effectué par rapport aux années précédentes. Lorsque ses prunelles sombres se posèrent sur le visage à la symétrie parfaite du nouveau professeur, elle se fit violence pour ne pas courir dans les bras de son père. Les années qu’elle devrait passer à Ilvermony semblaient soudainement beaucoup moins effrayantes si le sourire tendre de Javier l’y accompagnerait.

1998 - Elle n’était pas timide l’adolescente, mais l’alliance de son charisme naissant de vampire, son incapacité à fermer l’œil de la nuit, et l’accent hispanique qui colore ses mots était souvent trop…trop pour ses petits camarades. L’âge ingrat ne fut pas tendre pour Luna, et elle était reconnaissante que l’administration l’ait autorisée à passer certaines nuits dans les appartements de son père ; au lieu d’errer dans la salle commune seule tel un fantôme. Luna ne savait pas comment réussissaient les autres pour survivre à Ilvermony sans leurs parents, et elle ne voulait pas le savoir.

2000 - Les prunelles rouge sang de Javier observèrent avec intérêt le second rejeton de la fratrie Hangbé faire passer (subtilement, parait-il) un morceau de papier à sa fille sous la table à laquelle ils étaient tous les deux installés. On ne pouvait pas dire qu’il manquait d’audace, pour oser faire ça durant sa classe, l’arrogance de la jeunesse, et des êtres humains en général.

Peut-être qu’il n’aurait pas dû laisser Luna lire autant de romans à l’eau de rose, la dynamique de l’amour interdit n’était jamais aussi séduisante dans la réalité, et il n’allait pas se contenter de regarder tandis qu’un sang-pur osait jouer avec le cœur de sa fille. Cette nuit-là, lorsque l’adolescente vint tardivement le rejoindre à son bureau, les joues roses et les prunelles brillantes, le vampire soupira. Elle passa la soirée à triturer le bracelet hors de prix que lui avait offert son petit-ami. Lorsqu’il l’interrogea sur le sujet, elle insista pour dire que ce n’était qu’une marque d’amitié, et il sourit, lui dit que c’était tant mieux, puisque le contraire ne pourrait conduire qu’à de la déception.

Luna en fut indignée, elle ne comprenait pas pourquoi son père parlait ainsi d’Oscar. Elle écouta, interdite, tandis que Javier continuait à parler du scénario (réel) dans lequel Oscar et elle, seraient ensemble, et de la fin terrible qu’une telle histoire, pourtant si innocente et naïve, aurait. Lorsqu’elle demanda confirmation à son amoureux, ce dernier ne réfuta pas les dires de Javier, et Luna est déçue, ses idées de grand amour détruites. Elle n’avait pas envie de perdre Oscar pour autant, alors elle prit inspiration dans toutes les histoires où le prince finissait par épouser la roturière et lui saisit la main avec une détermination toute enfantine.

Javier ne se répétera pas sur le sujet, observant de loin le germe de doute qu’il avait planté dans les tendres esprits des deux adolescents grandir surement jusqu’à les séparer ; et alors, il prépara une tasse de chocolat chaud, y mit plus de crème chantilly qu’il ne devrait et saupoudra le tout de cannelle. Quand sa fille vint lui raconter son premier chagrin d’amour, les larmes aux yeux et le ton accusateur, il l’attendait avec une tasse fumante et un sourire compatissant. Il lui promit qu’elle en connaitra d’autres des amours, des moins compliqués. S’il avait pu voir le futur, il se serait gardé de faire de telles promesses.  

2003 - Luna finit ses études à Ilvermony avec d’excellentes notes, prodigieuses même. Ses parents étaient fiers, elle le fut plus modérément. Le système de notation est fait pour des êtres humains, incapables de réviser toute la nuit comme elle pouvait le faire, du moins pas sans ingérer des doses impossibles de caféine et subir plus tard des maux de tête assez terribles. De plus, malgré son hyperactivité affligeante, elle avait cette facilité à se poser lorsque sa lecture se faisait fascinante, et Luna était curieuse de tout, trouve de la beauté partout, même dans l’Histoire de la Magie, séance qui en fait bailler plusieurs et soupirer d’autres quand ils devaient retenir les dates et les acteurs principaux des événements passés.

Lorsqu’elle décida de prendre une année pour voyager seule en Amérique Latine, elle avait un peu peur. Luna a toujours été entourée de l’amour possessif de Javier, les conseils du vampire toujours à portée de main, son aura écrasante pour les autres mais protectrice pour elle lui manquerait. Elle ne pouvait cependant pas continuer à se cacher derrière son père toute sa vie.

Quand Oscar lui demande si elle compte continuer ses études à Hungcalf l’année prochaine, elle sent un pincement au cœur à l’idée d’être séparée de lui aussi, mais elle ne revint pas sur sa décision. Une véritable distance leur ferait surement du bien. La tension qui avait suivi leur rupture n’avait pas réussi à les éloigner, pas complétement, et Luna était reconnaissante de l’amitié du sang-pur, mais de bien des manières, elle sentait qu’elle se cachait derrière le large dos du menaçant Hangbé de la même façon qu’elle le faisait avec son père. Elle voulait apprendre à être indépendante, à se défendre seule et à ne pas devoir compter sur les hommes dans sa vie pour se sentir complète. Comme lui avait répété un ami qui lui était cher, she was a grown woman.

Alors Luna voyagea, le plus souvent en train, ça lui donnait l’occasion de lire et de rencontrer de nouvelles personnes. Elle commença par la Colombie, le pays qui a vu naître ses parents, ou du moins c’est ce qu’on lui avait dit. A Barranquilla, elle retrouva le restaurant indiqué par sa mère facilement, rencontra sa famille maternelle qui accueillirent à bras ouvert cette toute jeune femme souriante qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à leur Camilla, si ce n’est pour un teint plus pâle et des canines pointues en plus. Luna resta un moment, elle en profita pour visiter et pour s’imprégner de cette ambiance qui lui convenait bien mieux que celle de Boston. Lorsqu’elle se dirigea vers Medellin, ville au climat beaucoup plus doux pour sa peau sensible afin de tenter d’avoir des informations sur le clan de son père, la jeune femme se heurta à un mur.

Le nom de Florez était commun mais nullement associé à des vampires. Son père n’était d’aucune aide sur le sujet, mais Luna a hérité de la même obstination. Elle finit par passer le plus gros de l’année en Colombie, à enquêter et fouiner, tenta de retracer les différents clans de vampires, et même de les rencontrer, faisant fi de l’indignation et du dégoût de certaines des créatures face à l’idée d’une hybride. Elle fit de la maison de ses grands-parents son repère, accumula des jobs la nuit, et passa ses journées à visiter. Durant ses recherches à Medellin, la jeune femme rencontra une historienne, une sorcière qui fut tout de suite attendrie par la motivation de la semi-vampire et lui proposa de venir avec elle à l’Université Del Rosario, à Bogota. Elle l’aida à trouver un poste à la bibliothèque de l’université et Luna se retrouva, heureuse, entourée de livres, sous le mentorat d’une professeure de renom qui l’aidait à orienter ses recherches. Luna a beau ne pas trouver ce qu’elle cherchait, elle tomba amoureuse du processus, et les yeux plein d’étoiles, décida enfin son parcours universitaire.

2004 - Luna s’inscrivit donc à Hungcalf, en Lettres et civilisations magiques. La jeune femme avait changé et sa rentrée universitaire fut plus agréable que celle vécue à Ilvermony. Elle charmait de son sourire, était passionnée par ses cours et réussissait à allier vie sociale et excellence universitaire avec une facilité désarmante. Du moins, quand elle n’était pas occupée à se fourrer dans des situations impossibles, parce qu’elle a le don, la semi-vampire, pour s’attirer les problèmes de par sa naïveté et son manque flagrant d’instinct de survie.

Lorsqu’elle repensait à Hungcalf, c’était sa deuxième année qui fut la plus marquante. Non seulement c’était l’année où Oscar l’avait rejoint, et où elle avait causé une scène en lui sautant dans les bras dans le grand hall (avec un cri strident très féminin et charmant). Mais surtout, surtout, c’était l’année où ses prunelles sombres avaient capté dans le brouhaha de la fête d’intégration des premières années, la chevelure flamboyante de Murphy. Luna n’avait pas hésité plus d’une seconde à (agresser) se présenter à la jeune fille timide qui tentait de se faire toute petite, l’adoptant immédiatement comme sa filleule. Elle lui rappelait étrangement la façon dont elle s’était comporté à Ilvermony, discrète et retirée, et elle se donna donc la noble mission de faire de Murphy une personnalité aussi enflammée que le roux de ses cheveux. Une mission qui fut rencontrée par un succès plus ou moins satisfaisant. Il y’avait beaucoup de protestations quand elle tentait de la trainer à de multiples soirées, concerts et tout événement divertissant qui puisse arriver à Inverness (ou plus loin d’ailleurs), mais Luna parvenait (presque) toujours à ses fins.
 
Les deux jeunes femmes étaient différentes de bien des manières, que ce soit par leur caractères respectifs ou bien leur apparence physique. Elles avaient toutes les deux hérités du soleil et de la lune, se complétant d’une bien étrange façon. Le seul moment où elles se ressemblaient était lorsqu’elles étaient affalées l’une contre l’autre dans un coin de la salle commune des Ethelred, les yeux rivés sur un livre qui en aurait intimidé plusieurs par son apparence antique et son volume terrifiant. Murphy ferait un commentaire sur les miettes du pain au chocolat que mangeait la semi-vampire, et celle-ci s’excuserait docilement, détournant l’attention de la rouquine par une observation pertinente sur leur lecture et qui continuerait en des heures de débat enthousiaste. Luna avait trouvé dans Murphy une amitié spéciale qu’elle chérissait énormément.

2014 - La fin de ses études fut marquée par une présentation saluée de sa thèse de doctorat. Luna avait fait de nombreux stages à la fois à l’Université Del Rosario ainsi qu’auprès d’autres Historiens au Brésil et à Cuba. Elle se sentait vivante, voyageant en Amérique Latine et se perdant parmi les nombreux parchemins, pensines et autres mémoires disponibles pour retracer l’apparition des créatures magiques.

A sa sortie de Hungcalf, la jeune femme trouva un poste d’enseignante d’Histoire de la Magie à Castelobruxo. Elle avait brièvement visité le Brésil durant l’un de ses stages, mais elle apprécia d’avoir plus de temps pour découvrir ce pays et y continuer ses recherches.
Là-bas, elle rencontra le charmant professeur de sortilèges, Marcus. Une romance facile s’installa entre eux, il était très terre-à-terre, usant de logique là où l’imagination débordante de Luna lui permettait de voler au-dessus des nuages. La semi-vampire y vit un équilibre, échouant à remarquer les chaines qui enserraient ses poignets.

Ils se marièrent une année après avoir commencé à se fréquenter. Le 1er Décembre 2015, elle dit oui à ce qui serait un mariage raté entre deux âmes trop différentes pour pouvoir cohabiter. Aveuglée par ce qu’elle définissait comme l’amour, Luna fit de son mieux pour sauver son mariage à Marcus. Il finit tout de même pas la quitter, l’abandonnant après une fausse couche qui laissa la jeune femme vide de vie, et l’annonce qu’elle ne pourrait jamais avoir d’enfants. Ce fut la goutte qui fit déborder le vase, celle qui convainc le brésilien de la quitter. Alors, meurtrie, blessée de bien des manières et le regard éteint, la jeune femme démissionna et rentre à Boston pleurer dans les bras de sa mère.  

2017  - La honte l’empêcha de contacter Murphy ou Oscar ou quiconque d’autre. La nouvelle de la future paternité d’Oscar la rendit si heureuse pour lui qu’elle lui cacha son état, elle s’excusa de ne pas être là pour lui, prétexta que sa mère avait besoin d’elle. Luna continuait à se cacher dans le nouveau restaurant que Camilla avait ouvert. Elle aidait et cuisinait compulsivement, ne sachant pas quoi faire pour se reprendre en main mise à part trainer dans le sillage de sa mère comme un caneton, laissant la Colombienne s’inquiéter pour elle et l’entourer de son affection.

Elle avait honte de ce qu’elle était devenue, passait ses nuits à errer dans les rues de Boston comme le vampire qu’elle était, se laisse embarquer dans des jeux dangereux pour ressentir à nouveau le frisson de l’adrénaline, pour pouvoir être l’espace d’un instant le soleil qu’elle avait pour habitude d’être. D’une certaine manière, elle était ravie que son père ne revienne d’Ilvermony que lors des vacances scolaires, elle n’avait pas envie de se confronter à la logique froide du vampire et à sa façon particulière de la consoler.

Luna avait cependant sous-estimé l’attachement de ses amis envers elle. Aussi, fut-elle surprise de recevoir un jour une longue lettre de la part de Murphy, la jeune femme avait été mise au courant de sa situation, probablement par Camilla. Elle trouva du courage dans les mots choisis soigneusement par la médicomage, ça lui rappela qu’elle pouvait avoir une nouvelle vie, de l’autre côté du monde. Doucement, l'américaine se reconcentra sur ses projets, retrouva son ambition débordante qui avait été enterrée sous les débris de son cœur brisé.

2018 - Luna souriait comme elle ne l’avait pas fait depuis longtemps. Lentement, elle avait remonté la pente, reprenant contact avec ses proches, avec ses collègues et retrouvant la passion qu’elle avait eu pour l’histoire, mais aussi pour la littérature. Ces dernières années, elle s’était tenté à l’écriture de contes pour enfants, tentant de retranscrire l’ambiance particulière de la Colombie, et si elle avait eu du mal à trouver une maison d’édition pour lui donner sa chance au début, elle persista, et au final, sa série eu un succès tout à fait respectable, qui s’étendit avec le temps jusqu’au vieux continent.

Luna avait eu besoin de cette victoire, pour pouvoir passer enfin à autre chose, pour sortir du cocon qu’elle s’était faite à Boston et reconquérir sa vie. Elle n’avait pas oublié l’enfant qu’elle avait perdu, elle y pensait souvent, le pleurait encore, mais la douleur avait cessé d’être handicapante. Luna revint à Inverness, et s’y installa, temporairement au début, recherchant le calme de la petite ville, la présence familière de ses amis et son climat nuageux. Elle avait besoin d’une nouvelle aventure, elle la trouva dans une librairie. Un de ses rêves, un rêve qui lui fut vendu par le propriétaire de l’époque. Luna se plongea complétement dans ce nouveau projet. Elle se sentait plus forte, plus dynamique, peut-être un peu trop. Voguant sur la nouvelle vague de motivation et d’adrénaline qui l’envahit, Luna prenait des risques incongrus parfois...souvent. Elle prit pour habitude de séduire des inconnus pour l’espace d’une nuit, se laissait entraîner dans des situations dangereuses pour continuer à se sentir vivante.

Cette attitude cavalière failli lui coûter son amitié avec Murphy, et plus généralement la vie de son amie.  Luna s’en souvient vaguement, de l’accident, elle se rappelait juste que la rouquine avait tenté de la décourager mais que la semi-vampire, le regard brillant attiré par le danger, n’avait pas écouté. Comme d’habitude, elle n’avait pas pensé aux conséquences, habituée à s’en sortir avec un minimum de dégâts. Cette fois-ci, ce ne fut pas le cas.

Luna se souvient du réveil dans le lit d’hôpital, elle se souvient de la confusion et de la panique qui s’en était suivi. La semi-vampire n’avait jamais connu le sombre monde de l’inconscience avant ce jour-là, le noir complet et la perte de ses facultés durant son coma la perturba plus que ses blessures corporelles. Elle se souvient aussi du regard inquiet d’Oscar, le diplomate installé à ses côtés, alors qu’elle divaguait, incapable de reprendre le contrôle sur son esprit. Ce ne fut qu’au troisième jour que Luna fut capable d’ordonner suffisamment ses pensées pour se rappeler de Murphy. Murphy qui était humaine, et bien moins solide qu’elle. Murphy qui avait été entrainée par la folie de la semi-vampire et qui en avait lourdement souffert. Le médicomage lui annonça que la jeune femme était toujours dans le coma, et que ses blessures étaient graves, plus graves que les siennes. La culpabilité que ressentit Luna à cet instant n’avait d’égal que l’inquiétude qu’elle avait pour son amie. Elle en oublia ses propres douleurs, si ce n’est pour son incapacité de se lever de son lit.

Et si Murphy ne se réveillait pas ? Et si Murphy se réveillait mais en gardait des séquelles ? Et si, et si, et si ? La médicomage avait toujours été une femme prudente, raisonnable. Elle ne se serait jamais mise dans cette situation si Luna n’avait pas été là, si l’historienne n’avait pas été aussi affamée d’adrénaline, si elle n’avait pas eu cette arrogance toute vampirique d’être certaine de pouvoir protéger son amie d’une quelconque menace.

Quand Murphy sortit enfin du coma, Luna était debout, encore fragile sur ses deux jambes et bien consciente de l’injustice entre leurs deux cas. Elle se sentait coupable de s’être remise plus rapidement que la rouquine, aurait voulu prendre sa place, parce qu’elle, elle le méritait. Consumée par la culpabilité, sachant qu’elle était probablement la dernière personne que la rouquine voulait voir, elle se laissa docilement conduire par Oscar chez lui, obéit à ses consignes sans un bruit, bien consciente que son ami avait mieux à faire que de s’occuper du cas désespéré qu’elle se considérait être.

Elle écrivit à Murphy plusieurs lettres, des excuses par milliers, des mots de soulagement par rapport à son état, des promesses de devenir meilleure, devenir quelqu’un qui serait plus digne de l’amitié de la médicomage. Parce qu’elle méritait bien mieux que le danger ambulant qu’était Luna.

Nowadays  - Luna est une enseignante attentionnée, qui encourage la curiosité de ses étudiants. Luna est une libraire engagée, qui fait de la Griffe de l’Hippo une rencontre de culture impressionnante. Luna est une historienne passionnée, qui voyage souvent là où ses recherches la mènent. Luna est une femme assagie, qui ne course plus le danger pour étouffer sa peine. Luna est une amie solide, à qui on peut faire confiance…enfin, à vos risques et périls..