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Long time no see. (Luka & Skye)
Jeu 12 Mai 2022 - 19:11
Long time no see
Luka & Skye
L'oeil des réverbères la fixant plein de jugement, Skye parcourt Inverness les mains enfoncées dans les poches de sa veste en jean délavé. La culpabilité sur ses épaules pèse plus lourd que son sac de cours, où sont rangées les affaires de son après-midi et de sa soirée chargées. Le poids de la connaissance dirait-on. Bien différent de celui qui s’acharne sur elle depuis quelques jours, quelques semaines, quelques mois même. A mesure que le temps passe, c’est pire, c’est comme une plaie qui s’infecte, sans vous laisser mourir, seul soulagement qu’on pourrait vous souhaiter. A chaque fois qu’elle retombe sur un souvenir, Skye sent cette blessure s’ouvrir un peu plus dans son esprit. Comment elle a pu le laisser tomber comme ça ? Pourquoi s’est-elle éloignée ? Et le pire c’est qu’il n’y a aucune putain de réponse à cette question. Enfin si, il y’en a bien une, mais une qui n’excuse rien, ou plutôt qui excuse tout : le temps. C’est le temps qui avance et qui nous éloigne de nous-mêmes. Nous ne sommes déjà plus celui que nous étions une seconde auparavant, nous n’avons déjà plus les mêmes pensées, les mêmes gestes, sensations… alors après plusieurs années, imaginez un peu ! Mais cette réponse c’est de la merde en boîte avec un nœud rouge autour. Parce que Skye ne veut pas qu’on lui trouve une excuse. Elle n’en a pas ! Rien ne peut excuser le fait qu’elle se soit éloignée de Luka. Surtout pas au moment où il avait le plus besoin de soutien !
Voilà donc les pensées qu’elle ressasse sans cesse dans son esprit depuis Halloween et qui se multiplient à l'infini, grouillant comme des insectes dans une termitière, rongeant peu à peu sa conscience morale qui lui crie qu’elle n’est qu’une pauvre hypocrite et qu’elle ne mérite pas Luka.
19h45, déjà ? Ça fait combien de temps qu’elle marche les yeux fixés sur ses pensées, sur ses souvenirs et l’âme attachée à sa culpabilité pour la énième fois ? Elle ne sait plus. Les mains crispées sur la boîte de chocolats, qu’elle garde depuis une semaine maintenant sans jamais pouvoir franchir le pas, la jeune femme ne sait plus. Elle a trop songé ces derniers temps, au point d’en oublier la réalité du monde. Ou plutôt, au point de fuir cette réalité, se complaisant dans la recherche de stratagèmes, pour rattraper ses fautes. Ou y échapper peut-être ? La Réalité, juge de ses actes, de ses non actes, même, qui offre une sentence implacable à la complice du destin fatal de son ami : elle ne peut fuir ses responsabilités. « Tu vas devoir vivre avec » lui crache-elle. « Toujours à te morfondre sur toi ? Une preuve de ton égocentrisme ! » Car oui Skye le sait, elle n’a pas à se plaindre, ce n’est pas elle qui va mal. C’est ce qui a fini par la décider à aller voir Luka ce soir. Le fuir par sentiment de culpabilité c’est lâche, égoïste. Elle doit abandonner, dans un coin, sa rancœur pour elle-même ; et pour les autres, laisser son empathie prendre le dessus ce soir. Parce que Luka a besoin d’elle. C’est tout ce qui compte et ce qui doit compter.
L’université est calme à cette heure du début de soirée, les cours se terminent et les étudiants se prélassent dans le parc. Skye pourrait les envier, si elle n’avait pas plus vital à faire. La voilà qui s’engage dans l’aile des chambres, et elle se demande ce qu’elle va bien pouvoir lui dire ! Ce qu’il va penser de son retour soudain. « Il va croire que tu es là par pitié. ». N’est-ce pas le cas ? Non. Non. Jamais elle ne se rabaissera à le considérer ainsi, comme quelqu’un qui mérite juste qu’on le regarde parce qu’il est pathétique, il est loin de l’être ! Elle souhaite retrouver leur amitié, leur complicité d’antan, qu’il aille mieux. « Pour toi ou pour lui ? ». C’est bien là le problème. « Pour lui » lui souffle sa conscience, chevalier Jedi de ses pensées trop sages, mais, ce qui l’effraie, ce qui rend ce poids encore plus lourd sur ses épaules, c’est qu’elle n’en est pas certaine. Skye craint de découvrir qu’elle est égoïstement là devant sa porte uniquement par acquis de conscience. Elle ne sait plus mettre les mots sur ce qu’elle pense et ressent. Un comble pour une légilimens. Une vérité qui s’éloigne ? Une sincérité cachée ? La face angoissante de l’incertitude la fixe avec froideur alors qu’elle frappe à la porte de chambre de celui qu’elle aimerait encore considérer comme son ami proche.
Et l’attente est insoutenable. Suffocante et Accablante. Les secondes défilent comme des heures sur le cadran dont le tictac tinte de plus en plus fort à ses oreilles, incessant, assourdissant, écrasant, machiavélique. Elle voudrait s’enfuir ou ouvrir la porte de force pour ne plus à devoir supporter cette immobilité, cet instant d’incertitudes et de doutes.
On entrouvre soudain et le tictac s’enfuit, restent les doutes. Etait-ce vraiment une bonne idée ? Trop tard de toute façon, elle est là, elle assume ! Il le faut. Pour Luka.
« Salut Luka. » commence-t-elle après quelques secondes de silence gênant. « Je passais voir comment tu allais. Désolée de débarquer à l’improviste. Je peux repasser plus tard si tu veux. »
Lâche ! Souffle sa conscience sarcastique. Si une partie d’elle ne veut qu’une chose, s’enfuir, tant elle a honte de se pointer comme une fleur devant lui alors qu’elle n’a rien fait pour l’aider ces derniers temps, une autre ne souhaite que rester, parce qu’au fond, malgré le temps qui passe, elle ne l’a pas oublié. Ils ont appris à grandir ensemble… les voilà adultes, pourtant putain qu’est-ce que Skye aimerait que rien n’ait changé.
« Je t’ai apporté ça. » ajoute-t-elle en tendant la boîte de chocolats. « C’est pas ouf je sais, mais y’avait que des chrysanthèmes et des géraniums chez le fleuriste… et euh, ça pue les géraniums. »
©️Matilde
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Re: Long time no see. (Luka & Skye)
Lun 16 Mai 2022 - 19:18
Je suis torse nu dans la salle de bain lorsque j'entends frapper à la porte. Je rentre tout juste de la dernière activité de la pride week, et il semblerait que quelques un des membres de l'AECES aient eu l'idée de baptiser leur vice président nouvellement élu à l'aide d'un énorme sac de confettis en forme d'arc-en-ciels. Résultats, on pouvait me suivre à la trace jusqu'ici, tel un petit poucet LGBT, et lorsque enfin j'avais enlevé mon tee shirt, j'avais compris pourquoi ça me grattait tant. La moitié du paquet était venue se loger entre le tissus et ma peau. Dans le miroir, cela donnait un drôle de rendu, les petits morceaux de papiers collés sur mon torse par la sueur formant presque un vêtement à part entière, tandis que mes cheveux ressemblaient au nid d'une pie qui aurait une passion pour les arc-en-ciels à la place des trucs brillants. Le moins qu'on puisse dire, c'est que j'avais jamais eu l'air moins hétéro qu'en ce moment même, avec la touche de maquillage coloré que je m'étais laissé appliquer par l'une des drag queens présentent sur l'évènement. Le temps de traverser la chambre pour ouvrir, je ne prends pas celui de me rhabiller. Et puis franchement, à force de m'entraîner depuis six mois, je commence à bien aimer le rendu de mon corps, alors ça ne me dérange plus qu'on puisse le voir alors que j'ouvre finalement la porte.
Skye ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Les mots ont étaient beaucoup plus vite à se former que ma réflexion, et je m'aperçois bien trop tard du manque total de tact de ces derniers. Pris de surprise et avec le stress de la semaine en cours, c'est mes vieux réflexes d'ours mal léché qui ont repris le dessus. Il faut dire que je m'attendais à bien des gens en ouvrant cette porte, mais absolument pas à elle. Une foule de souvenirs semblent me sauter directement en pleine tête, certains sympathiques, d'autres pas du tout. Je suppose que c'est le cas pour chaque personne qui voit un fantôme du passé venir frapper à sa porte. Mais ça n'excuse pas de l'accueillir de cette façon pour autant. Je crois que je rosie légèrement de gène en me rendant compte du comportement que je viens d'avoir.
Excuse moi, c'était super brutal ... Tu me déranges pas du tout, c'est juste que je m'attendais pas à te voir. je réponds alors, visiblement un peu mal à l'aise. Et pour cause. Ce n'est pas que je suis mécontent de la voir, mais en fait ... Je n'ai jamais imaginé qu'un tel moment se produirait. Il faut comprendre que Skye et moi, ça remonte à l'enfance. Lorsque j'ai déménagé en Bretagne avec ma mère, j'étais un peu l'attraction de ma nouvelle école primaire à la rentrée, le gamin qui parlait français avec un fort accent italien, et qui avait déjà à l'époque une crinière défiant les règles de la physique. Parmi tout ce monde, je m'étais fait des amis, dont Théo, qui encore aujourd'hui été mon meilleur ami et mon colocataire sur Inverness. Et parmi ces amis d'enfance, j'avais eu la surprise, après quelques années à Beauxbâtons, de voir l'une d'elle débarquer. Skye Vollanges. Si ma scolarité au collège magique n'était pas facile, sa présence a adouci les quelques années que nous avons pu partager (au point que des rumeurs sur la véritable nature de notre relation voient le jour, vous savez comment sont les ados). Et puis elle était parti. Et les choses n'ont fait qu'empirer, d'années en années. Celui que j'étais il y a encore un an aurait rapidement décrété que c'était de sa faute à elle si ma situation était devenue aussi merdique.
Oh, euh ... merci. Tu veux entrer ? Fais pas attention au bazar ... Il faut dire qu'une pièce partagée par trois mecs n'est pas l'endroit le plus rangé du monde. Le bureau de @Alexander Gold croûle littéralement sous les ouvrages, à croire qu'il a ouvert une succursale de la bibliothèque dans la chambre. Du côté de @Ciaran O'Donnell, c'est un joyeux chaos composé de carnets, de fusains ou de palettes d'aquarelle. Il n'y a finalement que dans la zone qui m'est allouée que cela semble à peu prêt rangé, mais sincèrement je n'ai aucun mérite. La grande majorité de mes affaires ayant migrées dans notre appartement en ville, elle ne reste ici que les strict minimum pour passer la nuit sans avoir à taxer les affaires de mes compagnons de chambré. Je prends la boîte de chocolat qu'elle me tend alors qu'elle entre, et je me sens encore plus mal à l'aise. Elle a bien fait de ne pas opter pour les géraniums malodorants, et encore plus pour les chrysanthèmes dont la symbolique aurait été d'un humour noir qui sincèrement aurait pu me faire rire venant de quelqu'un de proche. Mais l'idée de vouloir m'offrir des fleurs, ou à défaut, du chocolat, me met particulièrement mal à l'aise, car j'ai l'impression qu'il s'agit d'un présent d'excuses, et si cela se confirme ... j'ignore totalement comment je pourrais réagir. À quel point j'ai changé depuis l'année dernière ? Je suppose que je le saurai bien assez vite. En attendant, j'attrape un tee-shirt trainant par là, probablement l'un de ceux d'Alex, et l'enfile rapidement, provoquant une pluie de confettis arc-en-ciel sur le sol.
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Re: Long time no see. (Luka & Skye)
Sam 28 Mai 2022 - 20:28
Long time no see
Luka & Skye
Il y avait un temps où le poids sur sa poitrine n’existait pas, où le sentiment de culpabilité n’était qu’une légende racontée par les adultes en proie à la mélancolie. Un temps où elle pouvait croiser le regard de Luka, sans ressentir cette boule dans la gorge. Sensation abjecte qu’elle redoutait avant de venir ce soir. Un temps que Skye pensait à jamais révolu. Mais ce soir, alors qu’il lui ouvre... c’est étrange, presque irréel, inespéré même, ce fardeau semble être sur le point de prendre son envol, en jeune ailé quittant le nid confortable de sa poitrine. Elle ne pensait pas que franchir ce pas apporterait la légèreté à son coeur. Mais peut-être est-ce simplement la joie de le revoir qui vient alléger ses peines ? Parce qu’au fond, il n’est toujours pas parti, ce sentiment détestable. Il n’a pas ouvert les ailes et regarde simplement l’horizon.
Il a changé @Luka Agreste . C’est ce que se dit la Lufkin en le détaillant de la tête aux pieds. Elle s’attendait à le voir plus amaigri, les muscles un peu plus saillants de son torse donnent tort à ses souvenirs. Une preuve sans doute que l’âme jadis tourmentée de son « ancien ? » ami se sent plus apaisée depuis quelques temps. La paix du corps rejoint souvent celle de l’esprit, lui a-t-on dit. Le maquillage sur son visage est coloré, comme, elle l’espère, le sont sans doute davantage ses pensées depuis qu’il se sent mieux. Et alors qu’il lui demande ce qu’elle fait là, Skye sourit, parce que la surprise qu’elle voit dans ses yeux est un sentiment qu’elle préfère à ceux perfides qui devaient le ronger au moment où tous l’avaient vu, ou presque, commettre cet acte désespéré qui attire tout personnage de tragédie vers ce gouffre qu’est le destin funeste. Ses salamalecs un peu brutaux ne la choquent pas, parce qu’il a raison au fond d’être décontenancé par sa venue, trop tardive à l'évidence . Elle n’a pas le temps de lui répondre qu’il se reprend, peut-être plus par politesse que par véritable amitié pour elle. Car pourquoi ressentirait-il encore cette fraternité pour celle qui n’a pas été là quand il en avait le plus besoin ?
« Pas de problème, je comprends. J’aurais pu te prévenir aussi, c’est de ma faute. »
Cet aveu de culpabilité est biaisé parce que le crime dont elle s’accuse vraiment est plus profond que cette simple infraction à la bienséance. Plus profond, plus sinistre, plus perfide : celui de l’abandon. C’est un lâche forfait que celui qui est commis par passivité et elle en a conscience, ça la ronge de l'intérieur. Et alors qu’il l’invite à rentrer en prenant la boîte de chocolats qu’elle lui tend, Skye ne peut s’empêcher de se demander si elle ferait pas mieux de laisser Luka continuer sa vie sans elle, parce que finalement, que peut apporter une étrangère au monde qu’on s’est efforcé de reconstruire, une étrangère qui n’a même pas participé au brainstorming de sa construction. ?
« Pourquoi pas. » répond-t-elle enfin en acceptant cependant l’offre, après tout, elle est venue, autant assumer jusqu’au bout. Peut-être cet échange retrouvera t-il sa chaleur d’antan à mesure que les mots justes ou familiers leur auront permis de regagner ce foyer commun, celui d’une amitié qu’elle voudrait revoir ressurgir de l’ombre, tel le phénix qui renaît de ses cendres. Un lien que la jeune femme espère ne pas avoir tranché par sa maladresse.
« T’en fais pas pour le bordel, dans la chambre que je partage c’est pas le palace de la maniaquerie non plus... »
C’était même le contraire. Skye étant un peu bordélique, laissant traîner ses bouquins et ses affaires de Quidditch un peu partout, comme un petit poucet, mais une version alternative cherchant plus à s’y perdre qu’à retrouver son chemin. Et elle revoit un peu de son œuvre d’art dans les affaires éparpillées d’Alexander que la jeune femme a déjà croisé, ou de Carian que Skye ne connaît que de nom lorsqu’elle entre. Le coin de son hôte est plus ordonné cependant. Errant dans sa contemplation de l’endroit assez hétéroclite, Skye ne remarque pas tout de suite le malaise de Luka face à la boîte de chocolats, mais alors qu’elle se retourne après avoir jeté un coup d’oeil curieux à la pièce, la Lufkin aperçoit la lueur troublée dans celui du jeune homme qui fixe le cadeau, qui était peut-être déplacé.
« C’est trop, c’est ça ? Je ne voulais pas venir les mains vides, jme suis dit que ça se faisait pas, mais je savais vraiment pas quoi prendre... ce qui ferait sincère tout en étant approprié. »
L’impression de s’enfoncer et la réalisation que ce présent est peut-être malvenu. La sincérité, lorsqu’elle règne, siège seule sur son trône, si le pouvoir est partagé, son autorité s’en trouve diminuée.
« C’était pas vraiment un message que je voulais faire passer, plus une politesse. » tente-t-elle de se justifier, défense d’un enfant paniqué qui cherche refuge dans le moindre prétexte qu’il soit vérité ou mensonge. Perdue entre les deux, Skye ne sait plus ce que sont ses intentions, et ses paroles peinent à mettre en mots ce qu’elle ne peut mettre en esprit. « Tu peux les jeter si tu veux. Le plus important, c’est que ça te fasse plaisir, si c’est pas le cas, tu trouveras bien quelqu’un pour les manger, y’a de tout. »
Et parmi ses pérégrinations langagières, la jeune femme n’a toujours pas répondu à la question originelle de son ami qui fait écho à celle soufflée au creux de son âme par son coeur et sa raison, confus tout deux : Que fait-elle ici ?
Il a changé @Luka Agreste . C’est ce que se dit la Lufkin en le détaillant de la tête aux pieds. Elle s’attendait à le voir plus amaigri, les muscles un peu plus saillants de son torse donnent tort à ses souvenirs. Une preuve sans doute que l’âme jadis tourmentée de son « ancien ? » ami se sent plus apaisée depuis quelques temps. La paix du corps rejoint souvent celle de l’esprit, lui a-t-on dit. Le maquillage sur son visage est coloré, comme, elle l’espère, le sont sans doute davantage ses pensées depuis qu’il se sent mieux. Et alors qu’il lui demande ce qu’elle fait là, Skye sourit, parce que la surprise qu’elle voit dans ses yeux est un sentiment qu’elle préfère à ceux perfides qui devaient le ronger au moment où tous l’avaient vu, ou presque, commettre cet acte désespéré qui attire tout personnage de tragédie vers ce gouffre qu’est le destin funeste. Ses salamalecs un peu brutaux ne la choquent pas, parce qu’il a raison au fond d’être décontenancé par sa venue, trop tardive à l'évidence . Elle n’a pas le temps de lui répondre qu’il se reprend, peut-être plus par politesse que par véritable amitié pour elle. Car pourquoi ressentirait-il encore cette fraternité pour celle qui n’a pas été là quand il en avait le plus besoin ?
« Pas de problème, je comprends. J’aurais pu te prévenir aussi, c’est de ma faute. »
Cet aveu de culpabilité est biaisé parce que le crime dont elle s’accuse vraiment est plus profond que cette simple infraction à la bienséance. Plus profond, plus sinistre, plus perfide : celui de l’abandon. C’est un lâche forfait que celui qui est commis par passivité et elle en a conscience, ça la ronge de l'intérieur. Et alors qu’il l’invite à rentrer en prenant la boîte de chocolats qu’elle lui tend, Skye ne peut s’empêcher de se demander si elle ferait pas mieux de laisser Luka continuer sa vie sans elle, parce que finalement, que peut apporter une étrangère au monde qu’on s’est efforcé de reconstruire, une étrangère qui n’a même pas participé au brainstorming de sa construction. ?
« Pourquoi pas. » répond-t-elle enfin en acceptant cependant l’offre, après tout, elle est venue, autant assumer jusqu’au bout. Peut-être cet échange retrouvera t-il sa chaleur d’antan à mesure que les mots justes ou familiers leur auront permis de regagner ce foyer commun, celui d’une amitié qu’elle voudrait revoir ressurgir de l’ombre, tel le phénix qui renaît de ses cendres. Un lien que la jeune femme espère ne pas avoir tranché par sa maladresse.
« T’en fais pas pour le bordel, dans la chambre que je partage c’est pas le palace de la maniaquerie non plus... »
C’était même le contraire. Skye étant un peu bordélique, laissant traîner ses bouquins et ses affaires de Quidditch un peu partout, comme un petit poucet, mais une version alternative cherchant plus à s’y perdre qu’à retrouver son chemin. Et elle revoit un peu de son œuvre d’art dans les affaires éparpillées d’Alexander que la jeune femme a déjà croisé, ou de Carian que Skye ne connaît que de nom lorsqu’elle entre. Le coin de son hôte est plus ordonné cependant. Errant dans sa contemplation de l’endroit assez hétéroclite, Skye ne remarque pas tout de suite le malaise de Luka face à la boîte de chocolats, mais alors qu’elle se retourne après avoir jeté un coup d’oeil curieux à la pièce, la Lufkin aperçoit la lueur troublée dans celui du jeune homme qui fixe le cadeau, qui était peut-être déplacé.
« C’est trop, c’est ça ? Je ne voulais pas venir les mains vides, jme suis dit que ça se faisait pas, mais je savais vraiment pas quoi prendre... ce qui ferait sincère tout en étant approprié. »
L’impression de s’enfoncer et la réalisation que ce présent est peut-être malvenu. La sincérité, lorsqu’elle règne, siège seule sur son trône, si le pouvoir est partagé, son autorité s’en trouve diminuée.
« C’était pas vraiment un message que je voulais faire passer, plus une politesse. » tente-t-elle de se justifier, défense d’un enfant paniqué qui cherche refuge dans le moindre prétexte qu’il soit vérité ou mensonge. Perdue entre les deux, Skye ne sait plus ce que sont ses intentions, et ses paroles peinent à mettre en mots ce qu’elle ne peut mettre en esprit. « Tu peux les jeter si tu veux. Le plus important, c’est que ça te fasse plaisir, si c’est pas le cas, tu trouveras bien quelqu’un pour les manger, y’a de tout. »
Et parmi ses pérégrinations langagières, la jeune femme n’a toujours pas répondu à la question originelle de son ami qui fait écho à celle soufflée au creux de son âme par son coeur et sa raison, confus tout deux : Que fait-elle ici ?
©️Matilde
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