2 juin 2023
Il ne restait que quelques jours avant la fin de l'année scolaire.
Il ne restait que quelques heures d'étude avant les examens.
Il ne restait que quelques secondes avant qu'une Inès Saouli exaspérée ne franchisse le cadre de porte menant de la salle de cours de droit au corridor de l'aile sud du quatrième étage.

Son pas déterminé aurait fait résonner ses talons hauts sur les dalles et les murs de pierre. Ses cheveux défaits flotteraient à sa suite, propulsés par la vitesse à laquelle la Wright se déplacerait. Sa main droite serrée sur les livres de cours aurait les jointures blanchies par la pression exercée. Sa bouche formerait un pli horizontal. Son nez froncé soulignerait les taches de rousseur qui l'ornaient. Sa jupe de cuir, un peu trop courte au goût de certains, pas assez au goût d'autres, claquerait au rythme des longues enjambées.

Il y aurait dans l'air une odeur de changement et de révolte qui ferait s'écarter les autres élèves sur le passage de la jeune femme aux boucles d'oreille énormes. Il y aurait peut-être un camarade pour tenter de l'apostropher pour lui demander ce qui se passait ou si elle allait être au local de l'AECES pour la préparation de la Pride Week dans l'après-midi. Mais il n'y aurait personne vraiment pour l'intercepter. Son regard farouche découragerait toute tentative.

Quelque événement dramatique aurait-il provoqué la furie de la Saouli? Ou aurait-ce été une simple accumulation de frustration au gré des dernières semaines ou même des derniers mois? Qu'est-ce qui aurait pu pousser la présidente de l'AECES à franchir le pas qu'elle n'avait jusque là pas osé franchir, par respect pour sa mère, par crainte de sa grand-mère? Et, peut-être, si Inès avait osé se l'avouer elle-même, par peur de l'échec?

Les livres auraient pesé lourd entre les bras de l'Écossaise, mais elle n'aurait pas fléchi dans sa décision toute neuve. Sous aucun prétexte à présent, Inès ne se serait arrêtée pour réfléchir. Elle aurait au contraire allongé sa foulée pour quitter rapidement les alentours de la salle de classe, laissant derrière elle un professeur surpris, la craie en l'air, et des collègues de cours interloqués. Inès n'aurait eu aucune pensée pour eux, le menton haut et le dos droit, elle aurait marché jusqu'à l'escalier, pas même tendu la main pour attraper la rampe et les aurait dévalés jusqu'au hall d'entrée pour quitter l'université.

Enfin, c'est ce qu'elle aurait fait si, en quittant la classe de droit sans regarder où elle allait, Inès n'avait pas percuté de plein fouet [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], stoppée net dans son départ théâtral.

Les deux filles se retrouvèrent au sol, les membres emmêlés, les livres d'Inès éparpillés au petit bonheur la chance, et son genou gauche râpé par les dalles de pierre.

« Holly! Excuse-moi! Je t'ai pas vue! »

2 juin 2023

L'année scolaire touche à sa fin, et avec elle arrivent les examens, les fêtes estivales, et les célébrations en tout genre au cours de l'été. Autant dire qu'entre les rendus de création pour les cours de stylisme, la préparation du gala des Nymphes, les célébrations de mariages à finir d'organiser pour nombre de dates de plus en plus approchantes, je ne sais plus trop où donner de la tête. Ajoutons évidemment les événements scolaires de Fao, et mes maigres tentatives de continuer à voir Arthur de temps en temps pour jouer du violon, et d'avoir quelques soirées en "célibataire" pour sortir de mon rôle de mère, et mon emploi du temps se trouve particulièrement chargé en ce mois de juin.

Pourtant le sourire ne quitte pas mes lèvres, car tout ça, aussi chronophage cela puisse être, me remplit de joie. Et je n'en changerai rien, pour rien au monde. Certainement pas à présent qu'il me semble avoir trouvé un certain équilibre entre vie personnelle, professionnelle et maternelle.

Ca ne m'empêche pas, parfois, de devoir courir, et c'est le cas aujourd'hui, si bien que je ne vois pas Inès sortir de sa salle de cours en trombe et la percute allègrement. Me voilà à terre, emmêlée dans ses jambes, le dos ayant rudement cogné avec les dalles de pierre.

« Holly! Excuse-moi! Je t'ai pas vue! »
- Aoutch...

Très éloquent me direz-vous, et vous auriez bien raison. Je me redresse tant bien que mal, plus inquiète de l'état de ma consoeur que du mien en réalité.

- Je ne t'ai pas vue non plus. Ca va ?

L'inquiétude d'Holly pour Inès n'avait d'égale que celle d'Inès pour Holly, toutes deux se dépêtrant l'une de l'autre pour rassembler leurs affaires et se remettre sur leurs pieds. Inès s'employait déjà à évaluer les dégâts d'un rapide coup d'oeil, mais rien ne semblait brisé, sinon quelques pages de livre à la dignité froissée. Mais de ça, Inès n'en avait cure. Elle balaya du plat de la main la poussière qui aurait pu s'incruster dans la chair râpée de son genoux, où perlait de minuscules gouttes de sang. Inès se remit debout dans s'en soucier et tendit la main pour aider Holly à en faire de même.

« So so so sorry, sahbi, I wasn't looking straight.Ça va, pas de casse, et toi? »

Inès tira légèrement sur sa jupe courte pour la remettre droite et éviter qu'un bout de ses fesses se balade à l'air libre. Ça n'aurait probablement pas déplu à un éventuel passant, mais Inès préférait attirer les regards quand elle le souhaitait et pas par accident. Elle replaça également ses livres de droit dans son classeur. Elle les aurait bien laissés au sol, un geste comme un autre pour signifier qu'elle en avait assez de la vie académique, mais il lui restait une part suffisante de crainte envers la réaction de sa grand-mère pour ne pas risquer en plus d'aggraver la situation par trop de "je m'en foutisme".

Elle sourit à Holly, heureuse tout compte fait de cette rencontre fortuite et distraction bienvenue. « Tu t'en allais où de si bons pas, dis donc? En retard pour un cours de stylisme?

J’accueille la main tendue avec un sourire, et me relève sans trop de mal. Quelques bleus et bosses tout au plus, rien de dramatique. Le genou d’Ines est écorché, mais là aussi, il semble qu’il ne s’agisse que de plus de peur que de mal. D’ailleurs, elle s’empresse de se tourner vers moi.

« So so so sorry, sahbi, I wasn't looking straight.Ça va, pas de casse, et toi ? »

Sahbi ? Aucune idée de ce que ça signifie, mais je la rassure immédiatement.

- Tout va bien, au pire j’aurai un bleu ou deux, ça n’est rien !

Un sourire aimable sur le visage, je la vois tirer sur sa jupe courte, toujours aussi admirative de son look quelque peu provocateur. Assez radicalement opposé à la robe jaune d’or joliment fleurie, mais autrement plus sage que j’arbore.

« Tu t'en allais où de si bons pas, dis donc ? En retard pour un cours de stylisme ? »
- J’allais dans les jardins. Je ne fais que courir en ce moment, mais je compter y passer un moment pour relaxer justement… Sans avoir pris le temps de ralentir le pas, cependant…

Un comble presque, puisque l’idée initiale était justement de prendre un peu de temps de calme, et que j’y allais au pas de course.

- Tu te joins à moi ?

Je lui propose naturellement, quoi qu’elle avait elle aussi l’air pressée.

- Sauf si tu dois courir toi aussi, bien sûr…

Ines n’est pas du genre à se sentir obligée de quoi que ce soit, mais j’aime autant la mettre à l’aise quant à un éventuel refus : je comprendrais très bien qu’elle ait autre chose à faire, après tout, avec la fin de l’année, je crois que nous sommes tous un peu surchargés… Non ? Pour ma part, quoi que je l'ignore encore, ça ne risque pas de s'arranger dans le courant de la semaine, avec une journée off de plus pour enfant malade, retardant mes avancées sur mes trop nombreux projets en cours...

« Aren't we all? Aren't we all? » fit Inès en soupirant en réponse à la remarque de Holly sur la course perpétuelle de ces derniers jours de l'année scolaire. Elle passa la main sur son front et dans sa frange bien droite, se demandant illico si elle ne passerait pas chez le coiffeur en après-midi pour raser le tout. ÇA, ça marquerait une coupure nette avec l'école (et peut-être que sa grand-mère serait plus fâchée par la coupe de cheveux que par la nouvelle qu'elle quittait les bancs de l'université). Un tout petit frisson de crainte lui remonta le long de la colonne vertébrale.

Ce fut donc avec empressement et de grands yeux ronds sous le maquillage épais qu'elle accepta la proposition de sa camarade. « Merlin's Beard YES! J'te suis avec grand plaisir. Tout ce qui peut m'éloigner des salles de classe, je dis OUI! J'en peux plus! »

Inès s'était mise en marche, grimaçant au premier pas en sentant la peau de son genou écorché la tirailler. Tout en parlant avec Holly, elle avait rapidement pris les devants, de plus en plus pressée de sortir de l'université. Même l'air lui semblait pesant ce jour-là. « Mate, it's so damn HEAVY here. I need to breath. J'ai juste envie de balancer un sort et d'envoyer tout péter en criant FUCK YOU!!! » Elle s'arrêta un bref instant après avoir crié et fait tourner quelques têtes. Dès qu'Holly la rattrapa, Inès la saisit par le coude pour qu'elles descendent les escaliers côte à côte. « T'as pas l'impression que ça sert à rien tout ça? » ajouta la présidente de l'AECES de manière plus posée.

Plus elles approchaient de l'entrée menant aux jardins, plus Inès sentait l'air frais se glisser entre les murs de l'université. Pour la dixième fois depuis le matin, elle regretta son choix de minijupe. La belle saison était si courte à Inverness qu'elle souhaitait en profiter au maximum, mais chaque année, elle troquait ses vêtements d'hiver pour ceux d'été beaucoup trop tôt, non qu'il y ait une vraie longueur de différence entre les deux garde-robes, pour tout dire, mais le tissu léger coupait nettement moins la brise que le cuir.

« Aren't we all? Aren't we all? »

Je hoche la tête, clairement consciente que je ne dois pas être la seule à courir partout en cette fin d'année scolaire. Et encore, donc, je n'ai pas tant d'épreuves à passer que ça. J'allais rejoindre les jardins suspendus sur les toits de l'école dans l'optique de prendre un peu de temps off mais au vu de l'enthousiasme de la brune à mes côtés pour s'extirper des murs du château, je reviens sur ma décision. Dehors, et l'air frais extérieur, assurément.

« Merlin's Beard YES! J'te suis avec grand plaisir. Tout ce qui peut m'éloigner des salles de classe, je dis OUI! J'en peux plus! »

Et d'ailleurs, elle fuse, la Wright, clairement pressée de sortir, manifestant physiquement ce qu'elle vient d'énoncer. Morgane, les examens lui mettent-ils à ce point la pression ? Elle prend de l'avance, pourtant continue de s'adresser à moi, qui presse le pas derrière elle.

« Mate, it's so damn HEAVY here. I need to breath. J'ai juste envie de balancer un sort et d'envoyer tout péter en criant FUCK YOU!!! »

Des têtes se tournent sur son passage et je ne peux m'empêcher de rire. Cette fille est un sacré phénomène ! Dès que j'arrive à sa hauteur, elle m'enlace le bras, afin que nous poursuivions notre route côte à côte.

« T'as pas l'impression que ça sert à rien tout ça? »
- Non pas vraiment... Qu'est-ce qui te fait penser ça ?

L'air frais extérieur nous enveloppe avant même les lourdes portes franchies, et je ressens presque le frisson de ma consoeur. D'un coup gracile de ma précieuse baguette, je lance un sortilège de réchauffement afin de la préserver de la bise écossaise. Les températures montent doucement, mais on est loin des chaleurs tropicales, ici, et ma camarade assez court vêtu, il faut bien le dire.

- Tu parles à quelqu'un qui a entamé volontairement un second cursus, tout repris à zéro. Heureusement pour moi que ça ne me semble pas inutile...

Je ris quelque peu en prononçant ces mots : il serait triste, en effet, que je m'acharne encore aujourd'hui sur les bancs de l'université si je n'y voyais pas d'intérêt. D'aucuns pourraient avancer que c'est un peu le cas avec les cours de potions que je m'échine à poursuivre alors que je ne parviens toujours pas à faire quelque chose de correct niveau pratique, mais passons...

- Tu songes à arrêter ?

La main d'Inès balaya l'air d'un côté puis de l'autre sans dire rien de particulier. « Ah I dunnae, mate, juste une impression générale, ya know? » Signe certain que l'énervement d'Inès ne se calmait pas encore, son épais accent écossais continuait de prendre le dessus. Même en creusant, la jeune étudiante n'aurait pas su dire pourquoi l'université lui pesait autant en cette fin d'année scolaire. Elle aurait pu tenir le coup encore quelques semaines et profiter des vacances pour se changer les idées, entre deux services au Cochon à plumes. C'est ce qu'elle avait fait les deux années précédentes, mais cette fois, elle sentait que ça ne passerait plus. Elle avait atteint la limite de sa motivation pour les cours de droit.

Une petite onde de chaleur l'enveloppa, et elle sourit à son amie dont le sortilège de réchauffement faisait des merveilles contre la bise écossaise. Elles marchèrent.

Inès aurait aussi pu, comme Holly pour laquelle elle avait beaucoup d'admiration, reconsidérer son choix de cursus et entreprendre d'autres études. Un décision qui aurait probablement fait grogner sa yemma et Zahia, mais qui passerait certainement mieux que celle qu'Inès allait devoir leur annoncer si elle passait de la pensée aux actes. La question de sa camarade laissait sortir au grand jour ce qu'Inès retournait encore et encore dans sa tête depuis la reprise de cours en janvier sans oser le formuler jusqu'à ce jour-là. Voulait-elle arrêter?

Un soupir sembla lui fendre l'âme en deux tandis qu'elle s'accrochait un peu plus fermement à Holly, sans toutefois cesser de marcher sur le chemin. Elle inspira ensuite profondément avant de répondre avec une voix bien plus posée que celle qu'elle avait employée pour envoyer tout le monde se faire voir dans les escaliers quelques minutes plus tôt. Même son maquillage sembla moins flamboyant pendant un moment.

« J'crois que l'uni, c'est pas pour moi. Tous ces profs avec leur Grand Savoir là, encrassés dans leur vision du monde, et nous le cul vissé sur nos chaises, les heures d'études et les travaux à rendre qui n'en finissent plus... Alors que le monde, le vrai monde, il est là dehors » fit-elle en poursuivant le vague mouvement de la main entamé plus tôt. « Et il attend qu'on fasse quelque chose de lui. » Inès s'arrêta devant la fontaine au bout de l'allée.

« Étudier ici, c'est comme être lentement ensevelie par le sable. » Elle posa de grands yeux sur Holly, pas certaine que l'autre la comprendrait.

« Ah I dunnae, mate, juste une impression générale, ya know? »

Je laisse passer l'information, pas très certaine que ça soit si général que ça. Inès a l'air d'en avoir gros sur le coeur, et je me demande à quel point elle a besoin de verbaliser ce qui la travaille et a généré le coup d'éclat d'il y a quelques instants. En attendant, je cherche à améliorer son confort, et le sourire qu'elle me renvoie en génère un sur mes lèvres en retour. Merci. Y a pas de quoi. Parfois, les mots n'ont pas besoin d'être voisés pour passer dans les attitudes et les regards.

Alors nous poursuivons notre route, mais la question que je finis par poser fait visiblement mouche, produisant un profond soupir chez ma consoeur.

« J'crois que l'uni, c'est pas pour moi. Tous ces profs avec leur Grand Savoir là, encrassés dans leur vision du monde, et nous le cul vissé sur nos chaises, les heures d'études et les travaux à rendre qui n'en finissent plus... Alors que le monde, le vrai monde, il est là dehors. Et il attend qu'on fasse quelque chose de lui. »

Inès s'est arrêtée devant la fontaine, là, au bout de l'allée et je l'invite à s'asseoir avec moi sur la margelle.

« Étudier ici, c'est comme être lentement ensevelie par le sable. »
- Je vois.

Je ne partage pas cet avis, pour ma part ravie de poursuivre mon cursus, mais ce qu'elle soulève ici est parfaitement éloquent.

- Alors c'est que ce n'est peut-être pas ta place, en effet. Mais qu'est-ce que tu voudrais faire, donc, de ce monde qui attend, là-dehors ?

Nul jugement dans ma voix, simplement une tentative de faire avancer sa réflexion, et de l'aider à voir clair dans ce qu'elle souhaite réellement faire de sa vie. Après tout, si elle doit arrêter l'université, c'est peut-être le bon moment : il serait inutile de rempiler pour une année supplémentaire à la rentrée, pour tout lâcher quelques semaines après... Autant élaborer dès à présent son programme à venir...

À l'invitation de Holly, Inès se glissa à ses côtés près de la fontaine. La pierre était un peu mouillée, mais en cet instant, la bouillante Écossaise avait bien d'autre chose en tête; la sensation humide et froide au contact de sa peau contre la pierre atténuée par le sortilège de réchauffement de l'étudiante en mode.

La question de sa collègue la plongea à nouveau dans un tourbillon de pensées qu'Inès n'avait jusqu'alors pas vraiment pris le temps de classer. Il aurait fallu, pourtant, mais comme toujours, Inès ne réagissait que lorsqu'elle atteignait le point de rupture, ce qui était rarement une bonne stratégie pour prendre une décision éclairée.

Toutefois, quelque chose émergeait de cette agitation intérieure, une pensée plus forte et bruyante que toutes les autres, qui apparaissait de plus en plus comme une évidence à la Wright. Au point où elle secoua la tête, déclenchant une vague dans sa chevelure sombre, qui tranchait tant avec la blondeur d'Holly.

«Tu vas croire que c'est débile comme idée. Futile...» Elle jeta un regard à la dérobée à sa camarade, de plusieurs années son aînée, mais ne voyant dans ses yeux aucun jugement, elle poursuivit, cherchant ses mots comme on la voyait rarement les chercher. Non pas qu'elle douta de la valeur de son projet et de son importance, mais ce n'était certainement pas quelque chose de commun, et le genre de sujet qui déclenchait des réactions parfois surprenantes...

«Y a trop de gens qui pensent encore que la sexualité féminine doit être propre, douce, gentille, discrète. J'veux lancer une ligne de produits érotiques pour qu'on devienne la jeunesse féline qu'on mérite d'être : libre et assumée!»

Je n'ai d'ordinaire pas de souci particulier sur les sortilèges, surtout ornementaux. Bien moins, à l'évidence, que sur les potions. Et tandis que les rouages de l'esprit de ma camarades semblent fumer d'agitation, je cherche à dessiner quelques formes graciles du bout de ma baguette, volutes d'or et fleurs délicates. Tout au moins est-ce l'idée de départ... Oh ! Je vois bien le regard en coin qu'elle m'adresse, mais d'un calme tout mesuré, je la laisse poursuivre sans jugement, poursuivant mon oeuvre. Sauf que ses mots perturbent légèrement ma concentration...

« Tu vas croire que c'est débile comme idée. Futile... Y a trop de gens qui pensent encore que la sexualité féminine doit être propre, douce, gentille, discrète. J'veux lancer une ligne de produits érotiques pour qu'on devienne la jeunesse féline qu'on mérite d'être : libre et assumée ! »

Exit les jolies roses et pivoines, j'ai presque un hoquet de surprise à ses derniers mots, et là où les volutes d'or auraient dû se relier, voilà que deux anguilles sombres se forment, s'emmêlent et se tortillent.

- Douce Viviane !

D'un geste de ma baguette, je tente d'amener les deux créatures aquatiques dans la fontaine, presque par réflexe.

- Excuse-moi ! Je ne m'y attendais tellement pas !

Et je ne doute pas un instant que ma réaction puisse la refroidir dans ses confidences, si bien que je reprends aussitôt.

- Ne te méprends pas, je ne juge pas du tout ton intention. Je suis juste... Surprise. A vrai dire, je fais complètement partie de celles qui a longtemps pensé comme ça, la faute à nos éducations je suppose... Mais...

Mais hé, ne suis-je pas justement en train d'évoluer sur ce point, et ce, grandement du fait de ma relation avec [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ?

- Mais je pense que c'est un projet particulièrement ambitieux, et plus que nécessaire. Regarde-moi, je commence juste à le découvrir.

J'en ris un peu, mais la vérité est bel et bien là : cette liberté, nous ne l'avons pas, et ça n'a rien de juste. Et en tant que Nymphe et défenseuse des droits des femmes de manière générale, je ne peux qu'abonder dans son sens.

- Tu sais comment t'y prendre ? Par quoi commencer ? Tu vas avoir besoin d'un statut juridique solide, d'un local, j'imagine... Et comme c'est une projet qui risque de t'attirer les foudres de certains, tu ne pourras pas vraiment te permettre le moindre faux pas. Tu sais vers qui chercher du soutien ?

A l'évidence, et vu l'intérêt que je manifeste pour son projet, elle a déjà le mien, aussi peu utile pour l'heure puisse-t-il être...

La réaction de surprise de sa camarade, et surtout les répercussions sur les volutes qu'elle dessinait de sa baguette, firent s'évanouir la légère anticipation d'Inès. Elle contint un début de fou rire devant l'air ahuri de Holly en se mordillant les lèvres, ce que l'étudiante en mode parut confondre avec de la gêne.

Inès la laissa parler tout son saoul, heureuse de constater que Holly elle-même avait conscience de ses blocages et à priori. L'Écossaise s'en était rendue compte rapidement en commençant ses études à Hungcalf. Elle avait déjà noté quelques injustices à Poudlard dans les perceptions des sexualités féminine et masculine (une fille qui n'était plus vierge à 16 ans était une Marie-couche-toi-là alors que les garçons pouvaient collectionner les conquêtes et en tirer une certaine gloire), mais c'était à l'université que ça lui avait sauté au visage. Entre adultes consentants, il y avait encore cette idée qu'une femme devait dissimuler sa vie sexuelle. C'était une telle aberration! Même Le Chineur alimentait cette vieille façon de penser.

Holly laissa tomber une succession de questions plus pertinentes les unes que les autres, dont certaines auxquelles Inès n'avait pas vraiment pensé.

« Un statut juridique, du soutien, tu crois? À ce point-là? It's legal to have fun, nay? Je vais commencer mes recherches de local cet été... et me trouver un job plus payant que serveuse à temps partiel au Cochon. Je vais avoir besoin de fonds. »

Un sourire mutin se dessina sur les lèvres d'Inès qui, avec ses taches de son bien apparentes ce jour-là, parut plus que jamais prête pour donner quelques pieds dans la fourmilière invernessoise.

« J'ai déjà quelques prototypes que j'ai fait tester par des clients ciblés. I've got good feedbacks so far! »

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] en particulier n'avait pas été avare de commentaires récemment. Et Inès jonglait avec l'idée d'envoyer un nouveau prototype "pour les garçons aventureux" à [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], qu'elle boudait depuis plusieurs mois maintenant, juste pour lui casser les pieds un peu.

« Mes pinces-papillons sont très populaires chez les Wright. Je t'en offre une paire, because you're so kind to me! » Et pour sa part, Inès eut soudain très envie d'une cigarette, ce qui lui était rarement arrivé ces derniers temps, mais elle fut heureuse d'en trouver une au fond de son sac.

« Un statut juridique, du soutien, tu crois? À ce point-là? It's legal to have fun, nay? Je vais commencer mes recherches de local cet été... et me trouver un job plus payant que serveuse à temps partiel au Cochon. Je vais avoir besoin de fonds. »
- Assurément. Mais pas seulement. Si tu as un local et reçois tes clients, il y a un certain nombre de législations à prendre en compte. Le droit des entreprises est un vaste sujet... Même mon cursus précédent ne me permet pas d'avoir directement réponse à toutes les questions qui peuvent se poser. Mais je peux me renseigner, et voir avec l'agence pour laquelle je travaille pour avoir des modèles des statuts et assurances nécessaires. Quant au soutien... Si les Nymphes sont capables d'avoir des détracteurs alors qu'il s'agit d'une association caritative somme toute assez... lisse, je crois qu'il faut se préparer à bien pire pour un sujet qui déliera de fait autant les langues...

Soyons réalistes, donner un tel coup de pied dans la fourmilière de la bienséance puritaine qui transparaît encore ça et là n'ira pas sans heurt et représailles. Mieux vaut être parées à toute éventualité. Mais... Suis-je réellement en train de m'impliquer dans son projet, là ? J'en rougis presque, quelque peu gênée - preuve que tout le travail est encore à faire, n'est-ce pas ?

« J'ai déjà quelques prototypes que j'ai fait tester par des clients ciblés. I've got good feedbacks so far! »
- C'est très encourageant en effet !
« Mes pinces-papillons sont très populaires chez les Wright. Je t'en offre une paire, because you're so kind to me ! »

Ok là je suis probablement en train de virer écrevisse. Je n'ai aucune foutue idée de ce dont elle est en train de parler. Mais l'évocation des Wright ramène invariablement le visage de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] à mon esprit, et presque trop subitement, me voilà en train de demander.

- Qu'est-ce que c'est ?

Le hasard avait voulu qu'au moment même où Inès prenait enfin une décision si longuement repoussée, elle tombait (littéralement) sur la meilleure personne pour l'orienter sur sa nouvelle voie. Après avoir eu si subitement envie de tout envoyer valser et de sauter sur son balai acrobatique pour faire quelques figures pour évacuer la pression, voilà que l'Écossaise avait envie de croire que quelque part, quelqu'un là-haut, peu importe le nom qu'on lui donnait, approuvait cette nouvelle direction. Dance, dance signora! Inès attrapa les mains de Holly entre les siennes pour la remettre sur ses pieds en même temps qu'elle, d'un seul bond.

« Bloody brilliant, mate! Yah so sweet!* » (*Absolument brillant, mon amie! Tu es si gentille!)

Inès se calma ensuite, le temps de porter la cigarette à ses lèvres et de trouver sa baguette, après avoir farfouillé dans son sac pendant quelques secondes. Elle alluma sa clope et en tira une longue bouffée, mais prit bien garde de souffler sa fumée le plus loin possible de Holly, ce qui fit qu'elle avait la tête tournée dans l'autre direction au moment où la Summerbee virait rouge tomate.

Elle haussa un sourcil épais (quoique parfaitement épilé) quand elle remarqua le changement de couleur avant qu'un sourire fin se dessine sur ses lèvres. D'ordinaire, c'étaient les garçons qu'elle faisait rougir, mais la situation l'amusait beaucoup. Nettement plus que les cours qu'elle venait de placer derrière elle.

« Elles sont parfaites pour une petite soirée relaxe, même en solo. Imagine, ton gamin est couché depuis longtemps, tu as fini toutes tes tâches, tu t'allonges confortablement et tu sors tes pinces-papillons... Tu les places sur ton poitrail d'abord, le temps de relever ta chemise et de détacher ton soutif. Et puis tu attrapes un papillon et tu le fais glisser sur ton mamelon droit, la prise se referme doucement comme un cocon. Tu fais pareil avec l'autre papillon. Et tu prends une inspiration profonde en te relaxant. Et alors, les papillons déplient lentement leurs ailes et se mettre à s'ouvrir et se fermer au rythme de ta respiration. Chaque mouvement déclenche une légère pression de la pince sur tes mamelons, puis un relâchement, et une nouvelle pression, parfois plus forte, parfois plus douce, et le rythme se désynchronise, ralentit, s'accélère, faisant naître des sensations hmmm... »

Inès reporta la cigarette à sa bouche, l'embrassant de ses lèvres comme une délicieuse amie. Personnellement, elle aimait bien placer ses pinces-papillons à toutes sortes d'endroits et de varier les réglages de pression, mais connaissant un peu Holly, elle avait gardé la description du côté sage.

Tout en gardant les yeux fixés sur l'université, Inès coula un regard à sa camarade pour voir quel genre de réaction elle avait déclenchée. Inès s'était parfois surprise à ressentir une attirance pour la little miss perfect, mais elle savait que c'était le charme vélane qui faisait alors son effet. Ce jour-là, Inès avait surtout envie de jouir de sa liberté retrouvée.

Je suis un peu surprise du mouvement vif de ma camarade qui nous lève toutes deux d'un seul bond, à l'évidence ravie. Un sourire fleurit sur mes lèvres. Tout ça ne me met pas forcément à l'aise, loin s'en faut, mais la voir aussi radieuse me fait clairement plaisir.

« Bloody brilliant, mate! Yah so sweet!* » (*Absolument brillant, mon amie ! Tu es si gentille !)

Le suis-je vraiment ? Peut-être bien, au fond. Je n'arbore pas mes couleurs pour rien, finalement, et puis... Et puis la condition féminine a toujours été au coeur des préoccupations des Nymphes, quand bien même nous restons davantage dans le politiquement correct. Aider une camarade à affirmer son statut et à asseoir son indépendance, ça ne peut qu'aller dans le sens qui me tient à coeur. Même si à l'évidence, le sujet de sa future entreprise me plonge dans l'embarras, en témoigne la teinte carmine que prennent mes joues lorsqu'elle évoque ce présent qu'elle compte me faire. Et je regrette presque d'avoir demandé de quoi il s'agit ici, au coeur du domaine de l'université, mais c'est un peu tard...

« Elles sont parfaites pour une petite soirée relaxe, même en solo. Imagine, ton gamin est couché depuis longtemps, tu as fini toutes tes tâches, tu t'allonges confortablement et tu sors tes pinces-papillons... Tu les places sur ton poitrail d'abord, le temps de relever ta chemise et de détacher ton soutif. Et puis tu attrapes un papillon et tu le fais glisser sur ton mamelon droit, la prise se referme doucement comme un cocon. Tu fais pareil avec l'autre papillon. Et tu prends une inspiration profonde en te relaxant. Et alors, les papillons déplient lentement leurs ailes et se mettre à s'ouvrir et se fermer au rythme de ta respiration. Chaque mouvement déclenche une légère pression de la pince sur tes mamelons, puis un relâchement, et une nouvelle pression, parfois plus forte, parfois plus douce, et le rythme se désynchronise, ralentit, s'accélère, faisant naître des sensations hmmm... »
- Douce Viviane...

L'expression m'échappe comme j'imagine sans mal où elle veut en venir et que, clairement, je deviens plus rouge encore. Une part de moi a presque envie d'accepter l'offrande - parce que ça ne se refuse pas - et de la planquer au fin fond d'un tiroir fermé à double tour, éducation pour le moins puritaine oblige, mais... Mais la curiosité m'étreint clairement, et tandis qu'Ines tire sur sa cigarette, les images qui se forment dans mon esprit ne sont clairement pas chastes.
Et je me surprends à penser qu'elles pourraient probablement intéresser quelqu'un d'autre que moi aussi...
Je souffle en éventant mon visage d'une main, riant de moi-même aussitôt.

- Je crois que j'ai un peu chaud tout d'un coup... Comme quoi il y a vraiment du travail à faire sur ce vaste sujet.

Il vaut mieux en rire, n'est-ce pas ? Les moeurs de la société ne changeront pas en un jour, et même les principales concernées - dont je fais à l'évidence partie - ont un travail personnel à faire qui prendra un peu de temps. Mais j'ai envie d'aider mon amie dans son entreprise, et projette déjà de me renseigner dans les prochains jours pour toutes les parties réglementaires dont il faudra s'acquitter pour s'assurer la réussite de son projet.

À présent disparue toute trace de la mauvaise humeur qui l'avait poussée quelques minutes plus tôt à claque la porte de sa salle de classe, Inès semblait en effet rayonner, retrouvant l'énergie qui la caractérisait tant. Une Saouli ne demeurait jamais longtemps inactive, et celle qui ne serait bientôt plus la cadette de la branche écossaise ne comptait pas se morfondre une seconde de plus. Pas après avoir trouvé une nouvelle alliée pour approuver ses plans!

La réaction de Holly à sa description, certes un peu allumeuse, la fit éclater de rire. Voir les joues de la si sage mère de famille se colorer sous le coup d'une imagination titillée mettait un grand bonheur dans sa journée. Inès tira une fois de plus sur sa cigarette avant de l'écraser au sol, à peine à moitié consumée. Elle avait plus important à faire désormais. Et il fallait vraiment qu'elle diminue sa consommation de tabac.

« Ça me fera plaisir de t'aider à découvrir ce vaste univers, mate parce qu'il y a vraiment des taaaaaaaas de choses que tu soupçonnes même pas! » Sur un éclat de rire sonore qui fit tourner quelques têtes dans le jardin, sans qu'Inès y porte la moindre attention, la toute nouvelle ex-étudiante en droits reprit ses affaires, tout à fait prête à quitter les lieux.

« J'te tiens au courant. Thank you so much for the pep talk* » conclut-elle en français en enserrant les épaules de Holly d'un mouvement du bras droit. Elle avait soudain la tête remplie de choses à faire dès que possible pour assurer la mise en chantier de cet *hum* excitant nouveau projet.

Mais avant de partir, elle glissa la main dans son sac et en sortit un sachet bleu ciel qu'elle tendit, l'air complice, à Holly. Pour s'assurer de la faire rougir une dernière fois, elle lui fit un clin d'oeil en déposant le cadeau dans la paume de la main de la Bretonne, qu'elle referma dessus avec autorité. « Try it, you won't regret it.** » Sur ces derniers mots en français, Inès cavala presque par le sentier en direction de la ville.

*Un grand merci pour la discussion motivante.
**Essaie-le, tu ne le regretteras pas!

Je vois le sourire sur le visage de mon amie, qui se transforme en éclat de rire devant mon embarras, et je finis moi-même par rire. Oui, il vaut mieux prendre ceci à la légère, et puis ça ne fait que confirmer la nécessité de son entreprise.

« Ça me fera plaisir de t'aider à découvrir ce vaste univers, mate parce qu'il y a vraiment des taaaaaaaas de choses que tu soupçonnes même pas! »
- Oh je n'en doute pas ! répliqué-je en riant encore.

Comme elle récupère ses affaires et se prépare à partir, je me lève de même. Moi aussi, j'ai des choses à faire après tout, et ma pause auto-octroyée touche à sa fin.

« J'te tiens au courant. Thank you so much for the pep talk* »
- Avec plaisir, Ines.

J'accueille l'accolade sans mal, ravie d'entendre ma langue natale et lui répondant dans le même idiome. De mon côté aussi, l'esprit s'éparpille déjà vers les mille étapes à ne pas négliger pour cette nouvelle entreprise. Jusqu'à ce qu'un sachet bleu ciel n'atterrisse dans la paume de ma main, dont je ne doute pas un instant du contenu.

« Try it, you won't regret it.** »

Mes joues ne décolorent probablement pas, pourtant, la surprise à présent passée, c'est plus sereine que je regarde la brune dévaler déjà le sentier.
Oh je vais l'essayer, Ines... Ca je peux te l'assurer...
Peut-être pas forcément seule, d'ailleurs, songé-je en glissant précautionneusement le paquet dans mon sac à main avant de reprendre mes propres activités. La pause est terminée, il est temps de retourner à mon planning chargé.

– Terminé –

*Un grand merci pour la discussion motivante.
**Essaie-le, tu ne le regretteras pas!