Soigner l'incurable - Kerr Fraser
Jeu 3 Aoû 2023 - 2:17
Soigner l'incurable, avec @Kerr Fraser
La fumée bleue enveloppait Lucas dans la cour de l’hôpital. Il prenait là l’une de ses pauses habituelles entre deux rendez-vous ou entre deux urgences, ça l’aidait à se calmer. Il aurait pu, comme il le conseillait à nombre de ses patients, s’enfermer dans une pièce ensoleillée avec de nombreuses plantes et des huiles essentielles, mais il n’avait pas vraiment le temps, il réservait cette salle, cette safe place, pour des pauses plus longues. La cigarette était chez lui une véritable addiction, il en fumait au moins un paquet par jour, qu’il neige ou qu’il vente, peu importe. C’était vraiment sa drogue, ça et le café bien sûr, mais le café, il pouvait aisément en boire dans son bureau ou quand il travaillait, alors que le tabac, même magique, était interdit dans l’enceinte de l’hôpital. Le médicomage frotte sa cigarette terminée contre une grille avant de jeter le mégot éteint à la poubelle. Il n’a déjà que trop traîné. Aujourd’hui, Lucas était de consultation. Il salua donc les infirmières et autres membres du personnel jusqu’à la salle d’accueil où il récupéra une pile de dossiers de patients, ceux de l’après-midi. Pour la plupart il s’agissait de suivi d’opération ou de traitement, des patients qui un jour avaient été les victimes de graves accidents matériels et qui aujourd’hui encore avaient du mal à s’en sortir et n’avaient pas totalement guéri. Attaché au bien-être mental de ses patients, Lucas donnait une importance particulière à ces consultations. Et la première concernait un patient qu’il n’avait pas lui-même traité lors de son accident. Kerr Fraser, un homme qui avait été victime d’un grave accident au sein d’un élevage de dragons et qui avait failli en mourir. Le dos brûlé et lacéré, l’homme en avait développé une peur phobique des dragons, alors qu’il les chérissait auparavant. C’était la première consultation que ferait Lucas avec ce patient, mais il avait bien étudié son dossier, et l’homme était décrit comme peu loquace. Il allait devoir ruser d’ingéniosité pour l’aider à guérir non pas seulement physiquement mais aussi mentalement.
C’était l’heure. Lucas sortit dans le couloir pour appeler le patient. Un homme de haute stature, au cheveu roux et au regard clair, se présenta face à lui. Il était impressionnant, difficile à croire qu’il avait subi tant d’épreuves.
M. Fraser, je vous en prie, installez-vous.
Re: Soigner l'incurable - Kerr Fraser
Mer 8 Nov 2023 - 17:23
Kerr n’aime pas être ici. Tout cela lui rappelle de trop mauvais souvenirs, il n’a jamais eu par le passé de problèmes avec l’hôpital, mais tout a changé le jour où il a eu son accident, et depuis, tout est devenu extrêmement compliqué. Il a passé des mois allongés dans un lit, sans savoir s’il en sortirait un jour vivant, ou tout simplement valide. Les cicatrices que le dragon a laissé dans son dos sont encore douloureuses, alors même que cela fait maintenant des années que cet accident s’est produit. A croire que son corps ne veut pas se remettre de cette blessure. Il aurait pu, comme le lui conseillait son médecin de l’époque, prendre de nombreux médicaments et potions contre la douleur, mais ce n’était pas quelque chose d’entendable pour lui. Les seules drogues qu’il acceptait de prendre étaient son tabac à pipe et le whisky pur feu qu’il affectionnait tant les longues d’hiver devant son feu de cheminée. Mais il refusait d’être dépendant à des potions analgésiques. Il avait lu trop de témoignages d’accoutumances à ces potions, et il préférait souffrir que de devenir un véritable zombie. Mais il savait qu’il ne pouvait pas continuer ainsi à vie, et il avait entendu parler de ce médicomage un peu spécial, qui venait d’arriver à Hungcalf pour enseigner à ses côtés, lui et ses méthodes très étranges. Selon les rumeurs, il n’aimait pas prescrire de médicaments et favorisait plutôt des méthodes singulières. C’est convaincu par sa sœur Isalynn et avec le soutien d’Ian que Kerr s’était laissé convaincre à prendre un rendez-vous avec ce Lucas Bennett. Il n’était pas forcément confiant, et c’est avec un visage dur et impénétrable qu’il avait attendu dans la salle d’attente. Attendre ici semblait d’ailleurs avoir ravivé sa mémoire et il sentait son anxiété monter d’un cran. Heureusement, le médicomage finit par arriver. Il avait l’air jeune, ce qui pouvait expliquer ses méthodes, et surtout, il avait l’air d’être un homme à l’écoute. Il fallait dire que ses mèches blanches dans ses cheveux ajouter un certain professionnalisme au soignant. Kerr se leva, le dos un peu raide, pour suivre le docteur dans la salle d’examen. Il prit place devant le bureau, et s’assit, en attendant de voir à quelle sauce il allait être mangé. Après avoir été rejoint par Bennett, il prononça ses premiers mots.
Bonjour Docteur, cela peut paraître un peu inhabituel, mais je viens vous consulter pour une ancienne blessure, qui malgré les soins apportés à l’époque, continuent de me faire souffrir. Je voulais donc voir avec vous s’il y avait des solutions autres que médicamenteuses à ce problème…
D’ordinaire peu bavard, l’homme aux traits de granit n’avait pas le choix que d’expliquer la raison de sa venue. Le médicomage avait sûrement lu son dossier, mais il n’était pas devin. A part s’il avait loupé cette rumeur au détour d’un couloir !
Briseann an dúchais tri shúile an chat
Terre de cuivre couverte par un manteau de verdure et d'émeraude. Beauté juvénile d'un royaume ancestral. Panser ses blessures, masquer ses fêlures ▵ le chant des sirènes.
Re: Soigner l'incurable - Kerr Fraser
Jeu 9 Nov 2023 - 1:23
Soigner l'incurable, avec @Kerr Fraser
Lucas sert la main de son patient, et il sent tout de suite que l’homme n’est pas très à l’aise, bien au contraire. Il sent une tension dans cette poignée de main, un regard lointain et un visage fermé. C’est la première fois qu’il rencontre ce patient, mais il sent que l’homme doit être allergique aux hôpitaux, ou en tout cas il n’y est pas habitué. L’un des deux. Mais une chose est sûre, l’entretien ne sera pas facile. Quoiqu’il en soit, Lucas laisse passer son patient devant lui et ferme la porte derrière lui. Il le laisse s’installer et s’installe à son tour à son bureau, prêt à écouter ce qu’a à lui dire ce patient si spécial. Il prend des notes le médicomage : une ancienne blessure, une douleur continue qui n’a jamais cessé, et le souhait de combattre cette douleur autrement que par les médicaments. Intéressant.
Bien, est-ce que vous pouvez me dire en quoi consistent précisément ces blessures et me les montrer ? J’ai lu votre dossier, mais je préfère constater par moi-même ce que je dois soigner.
Demander à un patient déjà stressé de se dévoiler aussi vite est peut-être un peu brut, alors Lucas tempère immédiatement ses propos quand il constate que le patient se tend face à lui.
Si vous êtes pudiques, n’hésitez pas à me le dire, mais je dois vous avouer qu’il sera plus facile pour moi en voyant les cicatrices si la douleur touche uniquement votre corps et donc vos terminaisons nerveuses ou si le psychique est également impacté, ce qui pourrait expliquer qu’elles aient du mal à guérir. Vous le savez d’ailleurs, les blessures magiques ont toujours beaucoup plus de mal à guérir… Encore plus quand c’est un dragon qui en est à l’origine… Et si vous m’expliquiez ce qu’il s’est passé et comment vous le vivez pendant que vous ôtez votre haut et que je vous examine. La communication orale est souvent bénéfique pour la relation patient-médicomage, et cela ne rendra que l’examen plus efficace et moins traumatisant.
La médecine psychique était une des spécialités de Lucas. Il en était persuadé, il faut parfois guérir l’esprit avant de guérir le corps, car parfois c’est là que se situe la vraie blessure, et il a l’intime conviction que cela doit être le cas de l’homme en face de lui. Il a pu lire dans le dossier médical que cet accident était arrivé pendant son temps de travail. Mais le dossier n’en disait pas beaucoup plus, Lucas ne disposait que des détails des soins, la durée de l’hospitalisation et un examen clinique des blessures causées par les griffes et crocs du dragon. Discrètement, le médicomage augmente la température de la salle d’examen pour éviter que son patient n’ait froid.
Re: Soigner l'incurable - Kerr Fraser
Lun 8 Jan 2024 - 16:02
Poignée de mains. Kerr n’est pas des plus à l’aise, comme à chaque fois qu’il doit parler de son accident et de la blessure qui en a découlé. Il aurait pu mourir ce jour-là, et la douleur est si forte certaines nuits qu’il lui arrive de se demander si cela valait la peine de se battre. Mais il ne laissait jamais tomber, il persistait, et il tentait de vivre avec cette blessure. L’écossais ne connait pas le docteur Bennett, il l’a croisé, parfois, à l’université, mais cela s’arrêtait là. Il avait l’habitude de voir son médecin habituel, qui lui prescrivait toujours les mêmes onguents à base d’essence de dictame, pour calmer la douleur et permettre aux cicatrices de se résorber quelque peu, mais ce n’était pas suffisant. Les blessures magiques sont les pires, car elles ne guérissent jamais, et parfois, Kerr a l’impression d’encore sentir les griffes de l’animal dans sa chair, comme si ces dernières la labouraient encore et encore. C’était extrêmement désagréable. Une douleur qu’il portait comme un fardeau. Kerr grogne un peu à la question du médicomage, mais il n’a pas le choix. Il va devoir parler de cette blessure, la montrer, exhiber ces lambeaux de chair qui lui font si mal, à voir et à supporter.
Pour dire les choses simplement, je me suis interposé entre un employé du ministère et un dragon femelle qui voulait protéger ses œufs. Dans sa furie, elle m’a lacéré le dos à plusieurs reprises et en partie brûlé. Depuis, je conserve de larges cicatrices dans le dos, les chairs ne guérissant jamais tout à fait. Comme si le feu continuait de brûler mes chairs. Je vous préviens, ce n’est pas beau à voir.
La pudeur, Kerr n’en a pas spécialement. Enfin, sauf pour cette partie-là, pour son dos. Même à Ian, il a du mal à montrer cette partie-là de lui, il en a honte, il n’assume pas cette partie de lui, comme s’il s’agissait d’un poids mort accroché à son corps. Mais il savait. Il savait que le médicomage avait besoin d’examiner la plaie pour le soigner, ou en tout cas pour soulager la douleur. La communication orale… Kerr n’aime pas ça, il parle toujours très peu, le minimum à vrai dire, il s’est muré dans le silence il y a bien des années maintenant, ce n’est pas évident pour lui d’être joyeux quand sa vie n’est que souffrance et douleur. Alors il prend sur lui, se force, en exposant son dos au médicomage. Il grimace à chaque mouvement, c’est insoutenable.
Le dragon a d’abord lacéré mon dos de haut en bas. En diagonale. De la gauche vers la droite et inversement. J’étais au sol sous la douleur à ce moment-là. Puis j’ai senti le feu du dragon carboniser mes chairs. L’odeur était insoutenable. La douleur aussi. Je me suis évanoui. Je sais, on m’a raconté, que le dragon m’a encore donné quelques coups de griffes et si mes collègues n’avaient pas été là j’aurais fini en chair à dragon…
J’ai honte de cette blessure… elle me fait souffrir continuellement.
Et chose qu’il ne dit pas, ce qui le fait le plus souffrir c’est que ce soit un dragon qui en est à l’origine, lui qui avait toujours aimé ces bêtes, il en avait depuis développé une peur phobique… Même l’odeur du crottin de dragon le rendait parfois malade…
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Terre de cuivre couverte par un manteau de verdure et d'émeraude. Beauté juvénile d'un royaume ancestral. Panser ses blessures, masquer ses fêlures ▵ le chant des sirènes.
Re: Soigner l'incurable - Kerr Fraser
Mer 14 Fév 2024 - 17:29
Soigner l'incurable, avec @Kerr Fraser
Lucas le sait, les traumatisés sont les patients les plus difficiles car la blessure n’est pas que physique, elle est mentale, et il est un spécialiste de l’approche holistique de ce genre de pathologies. Lui-même ayant souffert du syndrome du cœur brisé, il peut en parler. Son but est simple, sortir ses patients de leur état en les habituant à reprendre goût à la vie. Mais pour le moment, la première des étapes avant de penser au traitement, c’est d’écouter le patient, et comprendre son vécu, son ressenti. Lucas ne prend aucune note, il ne veut pas rentrer dans cette relation formelle entre le patient et son médicomage, non il veut de l’authenticité et de la confiance, et un bout de papier avec une plume qui gratte n’est pas un élément facilitant. Néanmoins, le médicomage retient tout, et prendra note des informations importantes après le rendez-vous. Les propos sont clairs, et l’homme à la mèche argenté comprend rapidement que la douleur est psychique aussi bien que physique. Une griffure ou une brûlure de dragons font partie de ces blessures magiques qui ne guérissent jamais tout à fait… sauf amputation du membre lésé, mais c’est une pratique qui ne s’opère plus, et Lucas le refuse nettement. Il a trop vu pendant ses études des sorciers avec une jambe en bois parce qu’ils avaient été mordus par un dragon, et que la plaie s’était infectée. En général, c’était l’amputation ou une douleur lancinante à vie. Comme ce que vivait Kerr.
Vint le moment de l’examen. La pudeur était une notion bien délicate, mais Lucas était professionnel. Il observe attentivement chaque cicatrice, sans y toucher, il demandera d’abord l’accord de son patient pour le faire. Les chairs semblent encore vives, comme si la brûlure avait eu lieu il y a moins d’une’ semaine. Un feu de dragon, c’est inarrêtable…
Bien, vous pouvez vous rhabiller si vous le souhaitez, mais il faudra que j’examine ces vestiges plus en profondeur par la suite. Dans un premier temps, il faut que vous compreniez qu’il n’y a aucune honte à avoir, cette blessure est la preuve d’un immense courage et d’une abnégation sans pareille. La douleur vous le rappelle, et même si je ne peux pas vous promettre de la faire disparaître, je peux l’atténuer au niveau psychique et avec des onguents qui travailleront de concert avec cette thérapie comportementale.
Lucas marque une pause, pour laisser à Kerr le temps de bien comprendre que non il ne ferait aucun miracle.
A part ces traces de griffures et de brûlures et la douleur, y a-t-il d’autres symptômes dérivés de l’accident ? Êtes-vous sujet à des cauchemars récurrents ? A des phobies nouvelles ? Votre comportement a-t-il changé ? Le corps et l’esprit sont bien plus reliés qu’on ne le pense.
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