Le soleil pointe enfin le bout de son nez, perçant à travers le volet après s'être frayé un chemin entre les branches d'arbre planté devant la fenêtre. C'était ce dernier qui avait décidé Jeremiah à louer cet appartement en premier lieu, l'idée de pouvoir bloquer les rayons matinaux le plus longtemps possible avait participé au coup de cœur et bien qu'il aurait pu changer les volets, ça n'avait pas été dans ses plans de dénaturer le charme des lieux. Le soleil lui était parvenu vers onze heures du matin, ce qui était un peu tôt encore pour lui, qui était rentré deux jours plus tôt après moult péripéties.

Cette semaine passée auprès des siens lui avait fait énormément de bien. Ses adelphes étaient tous venus pour l'occasion et se retrouver tous les cinq était assez rare pour que leurs parents prennent un nombre incalculable de photos. L'amour qui régnait faisait oublier les longs mois d'absence et le fait que le peintre était parti du Caire pour rejoindre directement l’Écosse sans aucune note. Les cadettes de Jeremiah semblaient avoir tellement grandi, lui faisant réaliser qu'elles étaient majeures à présent, la plus jeune venant de se fiancer du haut de ses dix-neuf ans. Si ça c'était pas de l'engagement !
Bien entendu, le brun passa beaucoup de temps avec ses aînés, sa grande sœur désireuse de savoir ce qui se passait dans sa vie et surtout où il en était avec cet homme qui l'avait fait quitter le Caire pour le climat Écossais. Jeremiah leur raconta tout ce qu'il pouvait sur James et cet amour qui avait pu renaître de ses cendres après une lutte acharnée, une lutte de tous les jours pour ses beaux yeux... Mais également sur ses autres rencontres, parlant de sa danseuse avec autant d'étoiles dans les yeux que celles du ciel ce soir-là.

Les quitter fut un déchirement certain pour l'artiste qui déteste les au revoir. Il leur promet de les contacter plus souvent, mais chacun sait – même lui – qu'il ne le fera pas, parce qu'il est dans son monde, son esprit fonctionnant comme sur un autre fuseau horaire. Ce n'est pas contre eux, il les appelle de temps à autre, mais c'est souvent à eux de faire la démarche s'ils veulent des nouvelles. Une fois qu'on a compris son processus, il est plus facile de ne pas s'offusquer. On ne le changera pas. Quand il y pense, il envoie un mot, mais il doit bien admettre ne pas avoir beaucoup eu le temps de prendre de nouvelles de ses amis d'Inverness chez lui, et il fera de même avec les gens de Londres une fois rentré dans son appartement. C'est ainsi.

Ce « matin » du 21 août, il se frotta les yeux comme un enfant, avant de se lever. Son premier réflexe est toujours de fumer une cigarette en faisant couler son café, le soleil de la cuisine réchauffant son corps à moitié nu. Là où d'autres regardent leurs portables pour consulter les réseaux sociaux, lui se contente de feuilleter un vieux journal qu'il a laissé traîner là depuis la in de son exposition. Son prochain projet est de continuer d'exposer non loin d'Inverness, afin de garder un pied en ville, l’appréciant fortement et ne pouvant se défaire de ses nouvelles attaches. Il se sentait bien dans cet endroit, avec des gens un peu décalés comme lui, sortant d'un autre monde sans qu'il ne parvienne à mettre le doigt dessus encore. Billie était sa plus fidèle amie, une jeune femme aussi haute en couleurs que le peintre. Les deux s'accordaient bien.

Un petit message de maman Shenton lui fit se rappeler qu'en effet, il devait penser à faire quelques courses pour se nourrir. Elle le jugeait trop mince bien qu'il mange en quantité raisonnable, la faute à son imagination qui l'emporte sur les besoins vitaux. Jeremiah se mit donc en chemin pour l'épicerie un peu après que midi sonna. Il devait recevoir en plus, ce qui lui donnait le sourire rien que de s'imaginer serrer James dans ses bras. Enfilant quelques habits « vite fait » façon Shenton, le brun se maquilla en riant de lui, ses motifs écossais pour sa première sortie en ville étant plus qu’approprié !
Il ne fallut pas longtemps pour rassembler tous ses produits et payer avant de rentrer chez lui. Ce qui avait changé le plus ces derniers mois étaient les étagères montées et la présence de meubles en général, dont ce vieux sofa chiner aux puces un jour de juin. Il s'accordait à la perfection avec le décor. Une plante à moitié morte trônait sur une des bibliothèques, qui ferait sûrement grimacer James car elle ne tenait le choc que grâce à un stratagème de goutte à goutte lui permettant d'être arrosé, que Jeremiah avait trouvé sur internet pour son départ en vacances. Peut-être que le blond l'aiderait à lui redonner vie...

En parlant de ce dernier... Un tambourinement à la porte indiqua au peintre que son compagnon venait d'arriver et il traversa l'appartement en souriant, découvrant une œuvre d'art derrière la porte. « Jamie... » souffla-t-il en prenant le temps de l'admirer une seconde, d'un œil appréciateur au vu de cette décontraction feinte dans ses vêtements, avant de le serrer dans ses bras, son nez dans la nuque de son petit ami, respirant son odeur. Ses lèvres vinrent se plaquer contre celles du blond, tendrement. « Je suis heureux de te retrouver mon ange... » Il lui caresse la joue, avant de le laisser entrer, après tout ils n'ont pas prévu de camper dans l'entrée.
« Désires-tu boire quelque chose ? Je viens de faire des coures. » Cette phrase était presque surréaliste dans sa bouche, tant il semblait être une créature ne ressentant pas la faim. Ils se oyaient plus souvent pour peindre que pour manger, bien que cette étape arrive parfois... Peut-être pas avec James, mais avec d'autres oui. Avec ceux qu'il pouvait afficher en public quand on y réfléchit bien... Oh il n'en tenait pas rigueur à son amant, il comprenait sa situation et prenait le temps de l'apprivoiser, appréciant leur petit cocon. « Ton été s'est bien passé ? » s'enquit-il en le rejoignant sur le canapé, boissons en mains.