Bien que feutrée, l’atmosphère du cabaret restait bien plus lumineuse que celle du confessionnal qu’elle quittait à l’instant. Papillonnant des yeux pour s’habituer à la lumière, la Blackthorn jeta un coup d’oeiil à son reflet dans un des nombreux miroirs baroques qui tapissaient la pièce. Ses cheveux assombris tiraient sur le roux étaient rassemblés en une queue de cheval despérément haute tandis que sa robe noire laissait voir plus jambes que necessaire. Elle avait finit par se faire à cette version d’elle même mais elle tira quand même un peu sur le bas de sa tenue.

La soirée battait son pleins et bien que la muse ne sache l’heure qu’il était, elle devinait que minuit était passé. Elle n’avait ni le temps ni l’envie de s’entretenir avec un nouveau client, même si l’un des rabatteur lui désigna de la tête une femme d’une quarantaine d’année qui sirotait un martini. Elle ignora l’érote pour s’approcher du bar dans l’espoir de quémander un verre d’eau.

Elle s’installa sans s’attarder sur les clients puisque son regard s’accrocha à @Joeïa Yoon qui dansait sur l’estrade qui lui était dédiée. Elle était… hypnotique. Diviine, comme toujours. Et bien des regards se perdaient en contemplation. L’on déposa sur l’acajou un verre d’eau si fraiche qu’une légère buée couvrait la surface libre de liquide. Sans arrêter de regarder son amante d’un soir, elle bu une gorgée, se promettant de rentrer chez elle une fois que la musique s’achèverait.

Si l’allure de Vasile Velkan étaient toujours mue d’une désinvolte nonchalance, elle tenait en ce soir de juin une étrange irrégularité. Quelque part sans doute, elle avait pris un aspect plus traînant, parfois piqué par une douleur qui lui redressait aussitôt le dos avant de s’effondrer de nouveau dans un grondement étouffé. Blessé, rafistolé tant bien que mal par son expériences et des soins primaires mais primitifs, le loup avait échoué sur le bar du styx pour se redonner un peu de courage avant de ramper jusqu’au fond de son lit et mordre dans les coussins. On l’avait pourtant redirigé vers Sainte Marie après cet accident évitable, mais le “lycanthrope” placardé en gros sur son dossier avait tôt fait éveiller au mieux l’hésitation palpable des médicomages, au pire un dédain si insupportable qu’il ne prenait plus même la peine d’y foutre les pieds. Plus encore la veille d’une pleine lune : personne ne prendrait le risque de le garder en observation. Habitué aux combats, il avait apprit à remettre ses chaires en place, quand bien même il avait maudit toute la soirée durant son inattention quand pourtant il savait ses stagiaires maladroit. Lui qui était pourtant d’un naturel attentif et prudent avait baissé sa garde quand pourtant tout dans le discours rappelait à ceux qu’il entraînait ô combien c’était là deux mots maîtres en mission. Attention et prudence. Quelle putain de farce. Son collègue avait soufflé au karma et il en avait rit jaune, mais la vérité c’est que le front abattu sur ses bras croisés, il douillait sévèrement. La douleur le vrillait jusqu’aux côtes et le dissuadait de tendre la main jusqu’à son whisky depuis trois bonnes minutes déjà, pourtant c’est dans un effort plein d’orgueil qu’il s’y essaya à deux reprises avant d’y parvenir. Peut être que jurer en roumain pendant tout le processus l’y avait aidé. A moins que ce ne soit les muscles, déjà tordue sous l’influence de la lune, qui s’étaient éclatés devant la frustration de l’âme.

-Putain de mentorat.

Il peste et ça ne lui ressemble pas, mais à la veille d’une lune au ventre gras le Velkan pourrait dresser son majeur à quiconque oserait lui dire qu’il fait vachement la gueule, monsieur sourire. Il trouve tout de même la force de redresser le visage, et puisque c’est @Joeïa Yoon qui est sur la piste de danse, la gueule se tourne dans l’autre sens. Juliet Blackthorn. Génial. S’il ne l’a pas reconnue à la vue, le parfum ne trompe pas. Il serait bien tenté de balader les yeux le long de sa robe mais n’y trouve pas même le courage, s’effondrant de nouveau dans un grondement contenu.

-“Aucun commentaire, ça serait impoli.”

« Putain de mentorat. » Avec une lenteur infinie, le regard de la Muse s’arrache à la contemplation des ondulations de @Joïena pour se poser sur l’origine de la complainte entendue. On ne peut pas dire qu’elle a reconnu la vox du fonctionnaire, non, mais elle sait qu’elle l’a déjà entendu quelque-part et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne lui rappelle pas de doux souvenirs.

Le visage quant à lui, n’est pas aussi reconnaissance qu’il aurait pu l’être puisqu’un vilain hématome avait fait enfler ses traits et coloré son grain de peau. Le sourcil s’arque face à cette image et le regard de la Blackthorn se perd dans le Styx. Tenue correcte exigée en ces lieux, elle ne comprenait définitivement pas pourquoi personne ne l’avait gentiment conduit vers la sortie.

- Difficile de rester de marbre.

Elle jete un coup d’oeil sur le whisky on the rock presque terminé face à lui.

- C’est assez pathétique.

Constate-t-elle, d’un ton neutre. Pourtant le jugement n’est pas loin dans l’esprit de l’écossaise.

- Vous vous êtes cogné sur un tiroir que vous avez oublié de fermer ?

Elle s’interdit le moindre sourire moqueur pour ne pas trahir la blancheur de sa voix. Elle se souviendrait toute sa vie ce bureau étriqué. Ces innombrables tiroirs qui tapissaient le mur dans le dos du brigadier. Ces questions auxquelles il n’avait eut aucune réponse satisfaisante.

Et elle l’est, impolie, alors le loup redresse de nouveau la tête, puis le dos. Affronte la douleur dans un grondement que musèle la fierté mais arrondit déjà le dos pour tenter de se libérer des tensions qui enchaînait ses muscles sur le point de se déchirer. La délivrance ne venant pas, Vasile écorche un rire étouffé sous ses canines trop grandes lorsqu’elle le qualifie de pathétique, mais étire son sourire sous des airs purement carnassier lorsqu'elle s'essaye à trouver une explication. Il est loin monsieur sourire, mais il étouffe l’envie de répliquer sous une nouvelle gorgée de whisky. Ne joue pas à ça, Juliet . La maîtrise de Vasile était grande mais pas illimité, et il serait dommage de se brouiller avec @Elizabeth Blackthorn parce qu'il aurait effrayé cette petite soeur chérie qui s'acharnait pourtant à tendre la main entre la gueule d'un loup. De plusieurs, à dire vrai, puisqu'elle avait fourré sa langue dans celle d'un autre il y avait à peine plus d'un mois. C'était donc ça. Lui en voulait-elle, à lui, agent administratif qui avait pourtant fait l'effort de l'aiguiller quand pourtant elle jouait les grands caprices ? Le rire s'élève alors en un ricanement saccadé par la douleur, infime et léger. Ca, c'était vraiment pathétique.

-A la veille d'une pleine lune, Blackthorn, je ne m'y risquerais pas. Blessé ou non, je suis en mesure de te plaquer au bar avant même que tu ne puisses ciller.

Si la menace pose doucement ses griffes entre eux, c’est sous une voix qui ne laisse transparaître aucune animosité aucune. Il énonce des faits, Vasile, puisqu’il se sait bien plus rapide que le barman, que la muse, ou bien encore que les vigiles qui rodaient non loin comme des chiens de berger. Il serait cependant stupide de se faire chasser de l’endroit pour un sursaut d’aigreur et quelques vives douleurs. C'est qu'il appréciait son couvert et ses sirènes, le roumain. D'un vague geste de la main il commande un second whisky qu'il fait glisser devant la blonde pour la faire taire avant de faire effroyablement craquer ses os sous un long et douloureux étirement.

-Soit mes élèves ont un niveau déplorable et Hungcalf devrait revoir son système de notation... Entame t'il en guise d'explication, soit j'ai été trop distrait pour voir venir un racisme ordinaire. Et ça, c'est pitoyable. Bien plus que insultant.

Parce que s'il avait bien sentit qu'il se tramait quelque chose, le roumain avait fait l'erreur de se sentir suffisamment intouchable pour baisser pleinement sa garde. Ca n'avait pas raté, il s'était mangé un sort "par inadvertance" et pas des moindres. Si celui-ci avait touché son partenaire d'entraînement, alors Smith aurait été renvoyé.

-Donc laisse moi réitérer, "Putain de mentorat".

Piqué, le fonctionnaire se redresse mais semble aussitôt le regretter amèrement puisqu’une grimace de douleur s’épanche sur le visage déjà tuméfié. Elle devinait sous la chemise une ou deux côtes cassées et il lui suffirait d’effleurer sa peau pour en avoir le coeur net. Toute médicomage qu’elle était, elle ne pourrait pas grande chose en ces lieux pour lesdîtes côtes mais elle pourrait sans mal arranger ce visage et apaiser les douleurs. Pourtant, elle éprouve une étrange satisfaction à le voir souffrir puisqu’il en avait été de même.

Il sourit alors qu’elle se moque sur l’étroitesse de son bureau. Bien que déformé le sourire du brigadier est contagieux et se propage sur les lèvres de Juliet qui s’amuse de sa propre spiritualité autant que de la situation présente. Il rit, mais d’une manière si pathétique que Juliet ne peut pas le suivre. « A la veille d'une pleine lune, Blackthorn, je ne m'y risquerais pas. Blessé ou non, je suis en mesure de te plaquer au bar avant même que tu ne puisses ciller. »

Elle connait le calendrier lunaire aussi bien qu’un brigadier. Elle avaitt l’habitude que l’angoisse ne l’étreigne en ces nuits pourtant plus lumineuses que la moyenne. Nuit blanche. En attendant le patronus de @James Blackthorn qui lui annonçait que tout allait bien. C’était déjà difficile mais elle n’avait même pas envisager dormir la nuit prochaine, s’inquietant du sort de Jolan sans que personne ne puisse jamais la rassurer. Aurait-il au moins une tue-loup acceptable à Azkaban ? Ou serait il contraint de vivre 1040 nuit de souffrance et de folie pure ?

- Certainement. Mais ça risquerait de vous empêcher de finir ce verre ou d’un commander un autre…

D’un léger mouvement de tête, elle désigne l’une des têtes de Cerbère. Si anger n’est pas très épais, il a la tête de celui qui ne laisse pas la moindre deuxième chance. Il commande un autre whisky comme pour donner raison à la brune. Voulant bien faire, l’érote lui verse un verre de tequila limonade qu’elle se sent obligée d’accepter. Tout comme elle est obligée d’écouter les complaintes du Velkan.

- Ou alors vous êtes un enseignant déplorable et c’est le Ministère qui devrait revoir sa copie.

Un charmant sourire se meurt alors que les lèvres se pincent pour aspirer une gorgée. Elle repose son verre et s’adosse au bar avant de proposer, mue par un serment prononcé il y a quelques années de cela :

- Je pourrais vous arranger le visage. Je doute que ça ne vous offre la moindre chance avec l’une de nos sirènes mais au moins ça contribuera à faire de cet endroit un lieux plus agréable. Navrée mais cet hématome est vraiment très laid.  

Le doigts ne se pose pas vraiment, mais il pourrait effleurer la paupière tuméfiée s’il s’avançait de quelques millimètres.

Une affreuse nonchalance au corps, quand bien même la douleur vrillait autant qu’elle ankylosait les muscles, Vasile haussa les épaules devant une menace qui n’en était pas une. S’il s’estimait mériter mieux que s’aviner seul chez lui, il y avait du bon à siroter sa bière sur son balcon, le nez levé vers les étoiles. Privés des consommations au Styx, son épargne ne s’en porterait que mieux. Penchant lourdement sa chaise en arrière pour suivre le regard de la blonde afin d’observer sans grande conviction les pseudo cerbère qui veillait les rives de cet enfer, le Loup trouva finalement l’audace détirer sous ses canines trop longues un sourire suffisant. Peut être péchait-il par orgueil mais il avait la conviction d’échapper sans trop de mal aux statures -certes édifiantes- de ces colosses puisqu’elle semblait plus présager un peu de gonflette à la salle qu’une réelle expérience martiale. Rien d’étonnant : ils étaient là pour dissuader. Et si l’un dardait déjà sur lui un froncement de sourcil alourdi par le poids du monte qu’il supportait, force fut d’admettre que le roumain ne vint y répondre que par une moue dubitative.

-Sans doute que je le suis, en effet.

Loin de se vexer des morts bordés de ronces que la Blackthorn lui jetait au visage, Vasile pencha pourtant dangereusement sur les deux pieds de sa chaise quand les doigts de celle-ci s’essayèrent à approcher.

-“Je me préfère laid qu’aux griffes d’une femme éplorée ; médicomage oblige, tu serais en mesure de m’empoisonner” Et le brun ne doutait en rien du fait qu’une femme qui avait remué ciel et terre pour combattre sa destiné n’aurait aucun scrupule à glisser une simple bulle dans la perfusion de l’un de ceux qui l’avait quasis condamné au veuvage.

-Enseignant déplorable, mais pas cinglé.

“Je me préfère laid qu’aux griffes d’une femme éplorée ; médicomage oblige, tu serais en mesure de m’empoisonner” Elle le voyait accepter. Supplier même. Et en lieu et place… ça ? Vile accusation de celui qui -véritablement- ne la connaît pas. Elle manque de se vexer douce Juliet. De lui dire d’aller au diable avec ses bleus et ses souffrance. De lui dire à quel point il est ridicule de s’afficher ainsi amoché alors qu’un sortilège simple d’un étudiant en deuxième année de médicomagie saurait le rendre présentable. Elle manque de lui dire qu’il a l’air pathétique au possible et que ce refus de soin est plus pathétique encore.

- Détrompez vous. J’ai soigné celui qui a tué mon enfant alors que j’aurais pu l’observer agoniser.

Elle se recula de quelques centimètres et en vérité, elle semblait elle-même étonnée d’avoir énoncé cela à voix haute. C’était Cataleya la déesse des déclarations dramatiques et indiscrète alors que Juliet avait plutôt l’habtide e se faire toute petite et de ne surtout pas s’épancher sur sa vie privée. C’était peut-être l’alcool ou plus certainement le besoin stupide de lui prouver qu’il avait tort sur toute la ligne.

- Alors vous voyez, j’ai déjà été bien plus éplorée que ça.

La perte de Jolan était terrible mais il avait été clair, la page devait se tourner. Et elle essayait. Elle essayait vraiment. Elle n’en voulait pas au Ministère. Elle lui en voulait à lui. Elle en voulait à Cataleya et à ses sbires. Elle s’en voulait à elle. Parce qu’elle savait qu’une relation amoureuse avec Jolan serait compliqué. Elle n’avait juste pas deviné à quel point.

- Alors ? Vous changez d’avis ? Je vous préviens, cette proposition tient tant que ce verre est remplit. Après, je ne me risquerais plus au moindre soin de cette nature.

Si le roumain ne s’offusque pas de cette subite confidence, il en prend pourtant soigneusement note dans son carnet interne. Entourant à l’encre rouge un traumatisme plus vif encore que la perte de son petit ami. Enfant, soin, meurtrier. Il était pourtant certain que si le nom Blackthorn était sorti dans une affaire de meurtre, alors il en aurait été avertit du fait de sa proximité avec Elisabeth. De même si l’engeance nécrotique et nécrosée des blondes avait tenté d’étouffer l’affaire. Coulant une oreille attentive aux mots d’une médicomage qui s’essayait à le convaincre, le loup pose ses doigts écorchés sur son verre mais ne le termine pas. Il laisse un fond, à peine, et offre un air de petit con à la trop sage Juliet pour se jouer de sa condition. Il serait capable de l’emporter, ce verre, et le conserver en haut de son armoire pour conserver ce soin en réserve des années durant. Sans doute aurait-il mieux fallut poser pareille condition sur quelque chose de périssable. Révulsant son corps en arrière pour jouer déséquilibre sur les postérieurs de sa chaises, le brigadier croise les bras derrière sa nuque un carnassier rictus aux bouts des lèvres ;

-Alors que faisons nous ? Tu m’entraînes dans un coin sombre pour mieux me dépouiller de ma dignité ? Les zygomatiques s’étirent à peine à cette image. C’est que ça l’amuse d’imaginer la dernière née de Tiberius jouer les grandes méchantes quand il se sait pourtant capable de la renverser, qu’importe les os pétés. Le soubresaut de suffisance qui s’essayait à s’installer s’écroule pourtant sous les contours d’une moue faussement plaintive. Boo hoo, pauvre loup que voilà. “Ce n’est pas très gentil.”

La chaise retombe pourtant sur ses quatre pieds, ou du moins, tourne d’un quart avant de le faire puisque c’est désormais face à elle que le brigadier Velkan est tourné. Jouer ainsi de la situation le détourne un peu de la douleur qui lui vrille les muscles jusqu’à résonner contre ses os. L’éloigne un peu de la douleur puisque l’esprit se fraie un chemin contre la peau de l’étudiante pour y planter les crocs. L’enfant de la lune n’en fait pourtant rien, suffisamment patient et sage pour réprimer les sursauts hardies qui courent sur son instinct anthropophage. Juliet collectionnait-elle les drapeaux rouge pour s’en faire une robe ou ne voyait-elle véritablement pas que son pas la rapproche inéluctablement de quelques meurtriers ? Le rire rauque du lycanthrope semble aussi tamisé que la lumière du styx et s’efface avec la même aisance qu’il lui avait fallu pour poindre.

-“Allez, va, fait de moi ce que tu veux Blackthorn.”

C’était la première fois qu’elle en parlait sans y être obligée. La première fois qu’elle en parlait d’elle même. En pleine volonté. Presque sans souffrir. Il était évident qu’il demeurerait à jamais un vide dans sa vie mais… pas de souffrance à cet instant précis où elle parle de ce bébé qu’elle n’a jamais vu. Pas même nommé. Et c’était doux que de constater cela. Constater qu’elle était en paix avec cet aspect de sa vie. Qu’elle aussi résiliente qu’on pouvait le croire.

“Alors que faisons nous ? Tu m’entraînes dans un coin sombre pour mieux me dépouiller de ma dignité ?” Radieuse de sincérité, elle rit. Elle ne sait pas exactement ce qu’à voulu sous entendre le Velkan mais ce qu’elle imagine la fait rire à cet instant. Il n’y a pas la moindre chance qu’il puisse se passer autre chose entre eux que ce qu’elle avait énoncer. Un soin.

- Parce qu’il en reste ?

Demande-t-elle, feignant l’étonnement pur. Non ce n’était pas très gentil. Sursaut d’équilibriste, il finit par orienter sa chaise vers elle, ce qui la pousse à se redresser et à abandonner la paille dans le verre avec laquelle elle jouait. “Allez, va, fait de moi ce que tu veux Blackthorn.”

- Ne fais donc pas de vœux dont tu ne souhaites pas réellement la réalisation.

Ils étaient passés du vouvoiement au tutoiement dans une déconcertante facilitée. Elle lève lentement les mains, les montre en évidence comme pour rassurer l’agent du gouvernement avant de les posées, doigts savamment écartés, sur le visage du Velkan.

- Ça va me prendre quelques secondes. Essaye de ne pas bouger.

Elle ferme les yeux et impulse doucement la magie dans ses mains. Elle visualise les poches de sang sous l’épiderme. Les os fracturés. Se dit qu’il devait souffrir le martyr. Elle commence par traiter les fractures. Puis les bleus. Il faut bien quelques minutes pour qu’elle puisse le soigner complètement.

- Alors ? Charmé par mes talents finalement ?

Douée d’un peu plus de répartie qu’il ne le croyait, Juliet se joue du Brigadier avec tant de désinvolture que l’attitude prise pique ses zygomatiques d’un rictus amusé. De l’étonnement joué aux fausses menaces dissimulées, la blonde trouve un peu d’intérêt aux yeux d’un loup qui minauderait presque sous ses mains. “Aoutch.” Il le mime du bout des lèvres plus qu’il ne le souffle, comme pour pointer du doigts une indélicatesse qui n’existait pas. Jouer au pauvre petit lapin, lui qui s’était pourtant trop bien habitué aux fractures et déchirures musculaires. La mine se défait pourtant de toute notion de jeu à peine la Blackthorn ferme t’elle les yeux, cherchant à ressentir au mieux la magie qui pulsait entre ses doigts fins et ses propres ecchymoses ; elle oeuvre vite, méticuleuse, et ce qui pesait si sordidement sur la peau du Velkan s’en voit rapidement chassé. Sans doute devrait-il l’en remercier puisqu’il se sentait à présent frais comme un gardon mais, puisque Juliet préfère partir à la pêche aux compliments, c’est d’une main douce mais ferme qu’il noue ses doigts aux siens pour les ôter de sa peau.

-N’est-ce pas là le B.a-ba pour les médicomages ? S’il répond au tac-au-tac, il prend tout de même la peine de ramener la main de la jeune femme à ses lèvres pour chastement baiser le creux de son poignet en guise de remerciement. Mais je ne doute pas de tes talents, Miss Blackthorn. Plus d’un membre de mon unité a fini aux urgences et complimenter le travail de Sainte Marie.

Doucement il relâche la main de la blonde pour étirer dans un craquement effroyable ses bras vers les lumières tamisés du Styx, déliant ses muscles ankylosés dans une grimace contenue. Ses côtes souffraient encore, mais rien qu’il ne saurait lui-même panser une fois jeté sous sa douche. C’est pourtant son regard qui coule, et non pas l’eau, en direction de la Blackthorn pour guetter ses gestes. Fuirait-elle maintenant qu’elle avait embrassé son vœu d’Hypocrate ? A moins que la fuite ne s'articule sous les prochains mots du loup, glissé d'une voix suave et tamisé par la proximité :

-Mais s'il vous est habituel de consulter hors de l’hôpital, je serais peut être enclin à faire de vous mon medecin préféré, Docteur. Puis-je acheter vos faveurs et votre numéro au travers d'un nouveau verre ou une victoire aux jeux ?

“N’est-ce pas là le B.a-ba pour les médicomages ?” Elle ne peut s’empêcher de grimacer face à l’évidence. Il a parfaitement raison et c’est assez agaçant. Il est vrai que pour une médicomage, elle n’avait rien fait d’exceptionnel. Mais pour le commun des mortels, c’était quand même quelque-chose non ? Elle avait parfaitement réparé les os et drainé les hématomes. Le voilà qui avait retrouvé toute sa beauté et sa fraîcheur. Et puis, elle n’était encore qu’interne. Bientôt résidente, certes. Et puis, c’était trop compliqué pour lui d’être un peu sympa et de dire merci ?

Au lieu de ça, il se saisit de l’une de ses mains pour y déposer un baiser. Les manières désuètes du brigadier lui arrachent un sourire mi-flatté, mi-gené. C’est qu’il est bien plus beau avec ce visage qu’avec la face à demi éclatée. L’espace d’une seconde, elle se demande quel âge il a. Il n’a pas d’âge. Il a les traits fatigués de ceux que la quarantaine a grignoté. Mais son regard azuré lui donne des airs d’adolescents. En réalité, elle devine qu’il a une toute petite trentaine, tout comme @Elizabeth Blackthorn . Elle accepte docilement le compliment fait à Sainte Marie.

Il lui rend sa main et elle ne manque pas d’observer les bleus qui tapisse sa peau, alors que son étirement remonte sa chemise. Elle était sur le point d’en faire un commentaire mais le fonctionnaire la devance et cette fois encore elle ne peut s’empêcher de répondre en ajoutant un peu d’épices.

- Je ne paie pas mes verres ici et ta victoire a un quelconque jeu en ces lieux ne peut être qu’hypothétique. Très hypothétique même. Il va falloir proposer quelque-chose de plus intéressant pour acheter mon temps libre. Il est rare vous savez.

Petit secret qu’elle n’avait pas le droit de divulguer, mais les croupiers du Styx étaient les meilleures compteurs de carte que le monde ait connu, c’était d’ailleurs une des principales sources de revenu des enfers.

- Vous complimentez les urgences mais vous ne voulez pas vous y rendre.

Elle récupère son verre et boit une gorgée à la paille avant d’ajouter :

- Pourquoi donc ?

Un temps rare et précieux. Pris entre les dernières gouttes de son verre, le loup pouffa une seconde mais fit un effort poli pour ne pas la vexer quand pourtant une répartie bien cruelle s’armait sous ses dents. La Blackthorn avait-elle sombré dans le travail sans loisir pour compenser le manque de son compagnon ? S’il ne doutait pas une seconde du train de vie éreintant qu’était celui des médicomagie, force était d’admettre qu’il doutait de l’innacessibilité de la jeune femme puisqu’elle était assise à ses côtés quand pourtant son lit aurait pu -dû- la rappeler. Sans doute le brigadier devrait-il lui enseigner que lorsqu’on avait besoin de défendre aussi tristement sa valeur, c’est qu’on en doutait. A quoi bon perdre son temps à soigner quelques hématomes et os brisés si la belle courait après ses minutes ? L’éthique était belle mais sans grand intérêt puisque Vasile n’était en rien en danger. Abattant nonchalamment son coude sur le bar pour mieux écraser sa joue dans le creux de sa main, le roumain lorgna tour à tour sur le verre, puis le visage de Juliet pour lui faire comprendre qu’elle se trahissait elle-même en posant des questions ; il n’avait nul besoin d’acheter son temps puisqu’elle le lui jetait déjà au visage. Vasile n’ayant cependant pas grand chose à faire de sa soirée et étant prompt à parler de sa condition sans grand mal, il étira finalement un sourire en coin.

-Lycantropie. Les brigadiers de sa section ne mourrait pas tous en service et s’il était aisé de déterminer le nombre d’année donné à la chasse au loup en mesurant l’aigreur fiché sur le visage de ceux qui avait survécu, force était d’admettre qu’il y avait dans les tiroires du trop grand nombre d’Homme et Femmes qui avaient préférés se retirer une caste bien précise, celle des mordus ou blessés que l’on avait gentiment poussé à la porte. Vasile, lui, était un emmerdeur de première ; de ce qu’on avait maintes et maintes fois poussé et qui demeurait pourtant assis en tailleur dans l’encadrement de la porte. Baillant si largement que Ivan le décapitait sans doute mentalement chaque fois qu’il croisait la démarche nonchalante de son collègue trop souriant. Hélas, si les emmerdes du Loup se cantonnait au travail, sa vie serait assurément une partie de plaisir. Par delà les difficultés à trouver un logement puisque, parfaitement recensé, les bailleurs avait connaissance de sa condition et lui refusait souvent un dossier de peur que les pleines lunes ne ravage l’appartement, force était d’admettre que se soigner n’était pas toujours facile. Même dans les deux semaines du mois où il pétait la forme, on ne laissait pas souvent les internes l’approcher et il devait souvent crapahuter jusqu’à Sainte Mangouste pour soigner des conneries puisqu’ils avaient une unité dédiée “aux gens de sa condition”. Il est plus rapide d’acheter une potion ou demander à des amis de jeter un oeil plutôt que débattre à l’accueil de sainte marie. Et puis, j’ai un corps qui récupère bien plus vite que la moyenne.

Fouillant dans sa poche pour tirer une sucette à la cerise, le loup l’engouffra dans sa bouche faute de se résoudre à prendre un nouveau verre d’alcool. Ce fut pourtant après une longue pause qu’il la pointa sur la blondinette : “Et toi, doc’. D’où te viens ton syndrome de l’infirmière ? Tu as l’air d’en cocher toute les cases.”

Il est vrai qu’ainsi accoudée au comptoir des enfers, elle ne paraissait pas tellement pressée par le temps. Minuit passé et elle traînait au Styx sans qu’il puisse deviner qu’elle n’occupait pas ses lieux par menu plaisir mais bien parce que des obligations la vissaient sur cette chaise trop haute pour pouvoir y être confortablement installée. Elle ne relève pourtant pas l’air du Velkan qui semble penser tout mieux savoir que tout le monde. Elle se moque bien de ce qu’il pense et si elle ne manque jamais une occasion de se justifier, ce n’est pas auprès de lui qu’elle envisage de le faire.

Alors pourquoi continuer cette causette ? Une curiosité mal placée sans doute qui vient être sanctionnée : “Lycantropie”. Aussitôt la gorge de la jeune femme se serre. Et si elle semble plus ou moins indifférente à la révelation en facade, il en est tout autre intérieurement. Elle a l’impression que son coeur vient de tomber dans sa poitrine sans savoir pourquoi. Peut-être parce qu’elle pensait de nouveau à Jolan dont elle n’avait pas la moindre nouvelle depuis des lustres. Ou alors était-ce son empathie naturelle qui lui mettait une claque alors qu’elle avait clairement sous-estimé les petits problèmes de santé du fonctionnaire.

- Ah.

Ses lèvres se pincent. Les arguments du Velkan se tiennent. Elle n’est pas sans savoir que cette condition rend la vie complexe, outre la nuit fatidique où la lune est à son apogée. Sans parler d’amitié, il était envisageable que la douce Blackthorn lui offre ses services. C’est ce qu’elle aurait pu lui dire s’il n’avait pas décidé de mordre là où ça faisait mal. “D’où te viens ton syndrome de l’infirmière ?”. De nouveau les lèvres se pincent mais cette fois c’est pour s’empêcher de sourire.

- On verse dans la psychologie de comptoir désormais ?

Elle n’est que trop consciente de ce besoin irrépressible de réparer tout ce qui l’entoure. Au point parfois de s’oublier elle-même. Naturellement empathique, elle est bien incapable parfois de fixer des limites. On lui avait déjà fait le reproche à demi mot mais jamais en ces termes si percutants.

- Peut-être en ai-je assez de constater tout ce qui est brisé autour de moi ? En plus, il parait que j’attire les problèmes alors c’est la moindre des choses que d’essayer d’en réparer quelques uns.

En général c’est ce qu’elle essayait de faire. Parfois, après avoir un peu arrosé d’huile le feu.

- Elle n’avait jamais prétendu être parfaite.

“Ah.” Il le répète Vasile, se marrant presque devant cette interjection qu’il avait trop entendue au même titre que “Désolé”. Loin de s’en offusquer pourtant, il joue avec comme le chat se joue de la souplesse de la souris, détaillant de son regard creusé par la fatigue mais encore étonnement vif les contours de la Blackthorn et de son sourire. Les similarités avec sa soeur aînée lui semble légion, à l’exception de cette fausse insouciance qui s’ourlait de douceur. Prudent, le Velkan ne s’y trompe pas, parfaitement conscient qu’il se tapissait sous les tripes de chaque Homme une bestialité qui ne demandait qu’à s’exprimer. Les caractères les plus retenus étaient parfois les plus cruellement encagés, rodant inlassablement derrière leurs barreaux dans l’attente d’exploiter leur plein potentiel. Qu’elle Bête pouvait donc se cacher sous la peau douce de Miss l’Infirmière, mmh ? D’un geste mesuré, Vasile fait tourner les derniers glaçon de son verre, l’attention pleinement porté sur les mots de la jeune femme mais, plus encore, sur tout ce que sussurait déjà son corps et langage. Il détaille les tensions de son visage, accroche les mimiques, se prend sur la posture de son dos, l’inclinaison légère de son corps, et s’il semble badiner avec le sujet l’air de rien, force est d’admettre que le brigadier n’a jamais perdu de vu son corps de métier. Encore moins coincé dans son foutu placard à balais.

-Faire passer le bonheur des autres avant le sien pour nier ses problèmes, hein…

Les mots pincent pourtant bien plus que le regard acéré du Velkan qui se pose sur elle exempt de tout reproche. Il constate plus qu’il ne juge et ne saurait pas assez fou pour pointer du doigt quand il embrassait passionnément le syndrome du chevalier. Unis par le besoin de sauver, ils n’embrassaient pourtant pas la même stratégie de pensée. Son verre sonna doucement contre celui de la blonde avant de se reposer devant le loup qui se détourna de la jeune femme pour mieux observer les danseuses officier à la barre. Tour à tour muse et sirène, il se plaisait à les contempler sans jamais pourtant tomber dans leur filet, trop conscient de la connerie que pendait ces Autres à leur hanche pour s’y laisser tromper. Il n’était pourtant pas à l’abri de trébucher, terrible loup blanc, mais se sentait au bar mieux lottis que toute ces âmes en perditions qui priait silencieusement qu’un peu de beauté viennent à sacrer leurs lèvres.

-Résumons donc. Médico qui se coince au styx plutôt que se reposer en dépit de ses gardes,  Fiancée à… Ton cousin de mémoire ?  L’héritier, c’est ça ? Dépossédée de son enfant, son amant, et je suppose de bon nombre de ses liberté du fait de sa position de fille, dernière née qui plus est. Le regard se coula une poignée de seconde sur la jeune femme avant de retourner aux danseuses qui, superbes et conquérantes, hypnotisaient de leurs gestes la piétailles. Soit tu te noies dans le travail pour échapper au fait que tu es un poil cassée, soit tu es avide de hurler. Peut-être les deux à la fois. Aurais-je tord de le penser ou est-ce que tu me dois un verre pour cette expertise de qualité, ainsi que mes conseils de psy de comptoir ?

Se retournant finalement en direction du bar pour y poser les coudes et caler son menton sur ses doigts croisés, le Velkan affiche un sourire qui, s’il semblait hautement satisfait de sa connerie, était dénué de toute arrogance. Son index finit même par s’extraire pour poquer la délicate joue de Juliet, comme pour la rassurer.

-Personne n’est parfait Blackthorn, et nous sommes en constant apprentissage. Tu as l’air suffisamment pleine de ressource pour sauver ta peau ; il te manque juste l’ambition de claquer un peu des crocs.

Le soirée prenait une tournure à laquelle la Muse ne s’était pas préparée. Le silence s’installe quelques instants, laissant à la Blackthorn tout le loisir de dévisager celui dont elle vient d’apprendre la lycanthropie. Son regard clair tranche avec une barbe mal rasée et au dela des cernes, rien ne laisse présager une quelconque malédiction sur ses traits. Il pourrait même être charmant, s’il souriait. Il a la mine morose et en rien il ne ressemble à Jolan dont le visage était avenant et lumineux.

“Faire passer le bonheur des autres avant le sien pour nier ses problèmes, hein…” Elle dissimule une légère grimace avant de hausser les épaules et de retourner à la contemplation de son verre. Elle hausse les épaules, comme pour prétendre qu’il n’avait pas visé si juste qu’il ne pouvait le croire alors qu’en vérité… Disons qu’elle préférait s’en prendre à des problèmes qui avaient une solution, là où elle se lasser de chercher celles qui viendraient éclaircir son horizon.

A son tour, elle observe @Joeïa Yoon danser, aussi belle que sensuelle sur cette scène immense qu’elle comble pourtant de sa seule présence. Le spectacle est aussi beau que la description que le Velkan fait de sa vie terrible. Et affreusement pertinent. Cette fois, la grimace ne se laisse pas retenir. Il jouait à un jeu où il avait beaucoup plus de cartes en main qu’elle… Il connaissait sa soeur et c’était suffisant pour connaître sa famille toute entière, meneuse de ses tourments les plus intenses. “Aurais-je tord de le penser ou est-ce que tu me dois un verre pour cette expertise de qualité, ainsi que mes conseils de psy de comptoir ?”

- Je n’ai entendu aucun conseil, rien que des faits. Plutôt connus au demeurant. Ca ressemble plutôt à un article de chronique mondaine qu’à une véritable séance de psychanalyse à ce stade.

Elle ne précise pas qu’il a tort concernant sa présence au Styx pourtant.

- Pas de verre pour toi, donc.

Ajoute-t-elle dans un sourire. Il se rattrape en soulignant qu’il lui manquait le courage de ses ambitions.

- A mon tour. Voyons… Tu étais brigadier sur le terrain avant de devenir le genre de fonctionnaire que tout le monde déteste, toi y compris. Tu traînes au Styx pour tromper la solitude que tu mets sur le compte de la malédiction mais en réalité t’as toujours été trop auto-centré pour réellement t'intéresser aux autres. Ou alors tu ne le fait que dans un but précis. Ce qui m’amène à me demander… pourquoi moi ?