L’annonce du retour d’Emmy fait sa marque dans le quotidien d’Arthur. Dorénavant trop accaparé par son travail, ses recherches et la garde de deux adolescents boutonneux, il laisse le temps filer à une vitesse folle jusqu’à réaliser qu’il y a plusieurs mois que la rouquine a quitté le continent pour ses propres aventures personnelles. Peut-être l’a-t-il envié pendant un temps, avant de se rappeler ses obligations. Leurs retrouvailles, elles, sont une évidence qu’aucun des deux protagonistes n’a cherché à esquiver. Pas même l’ours roumain, déjà bien fatigué par ses journées à rallonge. C’est Emmy, c’est différent. De toutes les personnes qu’il côtoie de manière régulière sur cette fichue île, elle est l’une des rares à partager sa passion des fouilles archéologiques, même si leurs objectifs diffèrent souvent et que, par le passé, il a pu se montrer arrogant et inutilement méchant avec elle. Le fait qu’elle le contacte et lui demande un rendez-vous est la preuve que toute cette histoire appartient au passé et qu’il n’est pas utile de revenir dessus. Chacun avait ses raisons d’être en colère ce jour-là, surtout qu’Arthur n’est pas en mesure de lui donner des explications sans trahir sa cause.

L’été aura été étrange cette année mais le temps reste agréable malgré tout, voilà pourquoi il opte pour un pantalon aux teintes foncées - comme à son habitude - supplanté d’une chemise légère aux trois premiers boutons détachés, ainsi qu’une veste qu’il pend à son bras gauche. Arthur ne connaît pas le lieu indiqué par Emmy et s’en étonne même. En s’approchant, il est tout d’abord perturbé par les bruits qui sortent de l’enseigne lorsque la porte s’ouvre au gré des clients. Trop de bruit à son goût. Puis, il repère Emmy en pleine discussion avec deux adolescents - mais des vrais, eux. Des emmerdeurs, devine-t-il presque aussitôt. Dans le plus grand silence - et parce que c’est sa spécialité - il s’approche du petit trio dans le dos de la jeune femme, offrant aux deux jeunes hommes face à elle un regard terrifiant. Il est bien plus grand qu’eux d’une bonne tête, deux fois plus large et son regard ne laisse aucun doute sur ce qu’il est prêt à écarteler s’ils ne décampent pas aussitôt.

« Bonsoir, Emmy. »

Pour elle, il esquisse un semblant de sourire. C’est la moindre des politesses, non ? Bien sûr, son regard s’attarde quelques secondes sur sa tenue, raison de son sourire. Elle a toujours été belle et l’instant présent lui prouve qu’elle le restera encore longtemps. Ses yeux lui laissent savoir le compliment qu’il lui fait intérieurement.

« C’est mon passe-temps favori, en ce moment. »

Les plaisanteries aussi, il ne les garde que pour de rares personnes. Emmy le connaît suffisamment pour savoir qu’il n’est pas vraiment porté sur l’humour ; mais cela n’empêche pas ses interlocuteurs d’en user. Il lui présente son bras, attendant qu’elle s’y accroche avant de jeter un œil à la bâtisse. Ah oui, il avait oublié le bruit qui en venait.

« Est-ce bien un restaurant ? Il a l’air d’y avoir un vacarme pas possible. »


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La réponse d’Emmy soulève sa suspicion. Elle n’est pas assez frontale pour ne pas contenir une entourloupe. Or, Arthur est réputé pour les sentir venir à l’avance… sauf à certaines occasions sur lesquelles il ne s’attardera pas. Il porte sur l’archéologue un regard réprobateur. Elle sait pourtant qu’il n’est pas bon de jouer avec ses nerfs, non ?

Les pas d’Arthur s’arrêtent à l’instant même où il voit les micros sur la scène, et cette personne chanter. Son cerveau lui hurle instantanément de fuir le plus loin possible, et vite. Il bloque même son corps, refusant d’avancer. Le piège a été élégamment tendu par Emmy, il aurait dû s’en douter… Leurs rencontres ne se passent jamais sans leur lot de surprises.

« Trop d’animation. Je ne suis pas un très grand fan de ce type d’établissement, je pensais cela évident. »

Surtout pour elle, qui le côtoie depuis suffisamment longtemps pour le savoir, n’est-ce pas ? A croire qu’elle n’a saisi aucun des indices laissés en chemin sur sa personnalité. Le Roumain jette un coup d’œil vers l’arrière mais déjà, Emmy les fait avancer jusqu’à une table qui aura pour seul mérite d’être le plus éloignée de la scène possible. Merci pour ses oreilles. L’interdiction qui y est soufflée ne lui échappe pas, mais provoque une grimace sur son visage. Ce qui devait être une bonne soirée se transforme en enfer personnel. Presque pire que lorsqu’il s’est retrouvé de l’autre côté de ce miroir, affublé du pire costume possible. Pourquoi cherche-t-on systématiquement à jouer avec ses nerfs ? Tapas excellentes ou non, il se sent très inconfortable dans cette ambiance.

« J’aime les restaurants ennuyeux. Ils viennent avec de la bonne nourriture et le respect des limites d’autrui. »

Son regard dévie jusqu’à un couple très occupé à se faire des avances.

« Mais tu as raison, j’aurais dû m’attendre à une telle surprise de ta part. C’est de ma faute, j’ai baissé ma garde. »

Il a envie d’ajouter “cela n’arrivera plus” mais l’objectif n’est pas de lui miner le moral. Après tout, elle est seulement de retour dans la capitale anglaise. Ainsi, Arthur fait de son mieux pour lisser les contours de sa rustre personnalité. De là à tenir une heure comme ça ? Faut pas rêver !

« Pourquoi aimes-tu ce type d’endroit, exactement ? »


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Bien sûr, Arthur grimace. Amusant, ça ? Une torture oui. Ce qui est amusant, c’est de faire des recherches, d’enquêter, d’espionner ou de résoudre une situation complexe par la seule force de sa conviction ! Rien à voir avec le ridicule qui se met en place autour de lui. Il ne voit pas l’intérêt de brailler dans un micro pour tenter d’impressionner une galerie qui n’est venue que pour le plaisir de la moquerie. Peut-être s’amusera-t-il à faire partie des moqueurs… Le diplomate considère la proposition avec beaucoup trop de sérieux. Une heure ? Autant dire une éternité… Mais il finit par lever les yeux au ciel, signe de son accord qu’il s’attarde tout de même à donner verbalement.

« Très bien. Une heure, pas une seconde de plus. »

Ce faisant, il lève son poignet et règle un timer sur sa montre enchantée. 59 minutes et 59 secondes. Il peut le faire ! S’il a pu combattre Isabelle et en sortir indemne, chuter dans une grotte et se relever ou encore passer toute une soirée avec Cataleya et Cameron réunis et au top de leur forme, alors il pourra endurer une heure de chant. L’espère-t-il.

La laissant passer commande, il se demande si Emmy cherche à l’alcooliser dans l’unique but de le faire chanter. Mais trois shooters de vodka ne suffiront pas à baisser sa garde, pour qui le prend-elle au juste ? Un p’tit gamin de quinze ans ? Il existe en Roumanie des alcools bien plus forts que ceux servis en Ecosse et il les a tous déjà testés. Domptés, peut-être pas, mais il lui en faudra plus pour qu’elle obtienne de lui ce qu’elle souhaite. Ce, s’il ne fait pas fausse route sur ses intentions. Elle aurait plus tôt fait de chercher à le séduire elle-même plutôt que via la boisson…

« Il est vrai que tu ne manques pas de ressources quand il s’agit… d’innover. » Son regard balaye la salle puis revient sur elle. « D’où t’es venue cette idée ? »

Arthur ne se risquera pas à confirmer ses propos, au risque que ses chevilles enflent trop et qu’elle doive retirer ses chaussures pour plus de confort. Elle n’a pas tort, cependant. Il est le premier à l’admettre silencieusement : elle apporte un vent de fraîcheur et de nouveauté, ainsi qu’un bon lot d’irritation. Les trois vont de trio. D’une certaine façon, il salue le risque qu’elle est prête à prendre. Cette soirée pourrait très mal se passer et leur relation se détériorer, à elle de faire en sorte que les événements ne prennent pas cette tournure… En le poussant à faire ce qu’il ne veut pas, par exemple ? Le Roumain se gratte l’arrière de l’oreille, passablement agacé par les “chants” aka cris sur la scène.

« Noroc ! »¹

Le contenu du shooter part directement dans sa gorge. Comme il le pensait, celle-ci est à peine perturbée par la vodka et réchauffe à peine sa peau.

« Comment étaient ces derniers mois pour toi ? »


¹ Santé !


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Emmy est tout de même fatigante avec toutes ces histoires de s’amuser, de faire n’importe quoi… Si elle y voit un intérêt, celui-ci n’est pas partagé par le diplomate qui peut d’ors-et-déjà dresser une liste de tâches en attente beaucoup plus importantes que de s’égosiller sur une scène devant de purs inconnus, alcoolisés de surcroît. Malheureusement pour lui, elle a compris ce qu’il voulait faire et qui lui est refusé. Une discussion lui aurait permis de gagner du temps, Emmy ne s’y pliera pas. Arthur ne cache pas son soupir. Tant pis pour elle, elle n’ira pas dire ensuite qu’il ne s’intéresse pas à sa vie.

« Je connais quelques noms, sans plus. Je ne suis pas très musique populaire. »

Est-ce le moment de lui dire qu’il préfère l’instrumental ? La musique à l’état pur, jouée par des instruments tangibles plutôt que des sons informatisés ? Meh, il passera encore pour le rabat-joie et il en a un peu marre de se prendre les réflexions de la jeune femme en pleine tête. Elle le dit peu ouvert d’esprit et il veut bien la croire, mais force est d’admettre qu’elle ne l’est pas plus elle-même vu qu’elle se refuse à se plier à ses goûts. Ils sont pourtant simples, bien plus simples que ce qu’il y a autour d’eux.

Arthur s’attarde sur le sourire quémandeur d’Emmy. Il reste un peu plus de 57 minutes au compteur. S’il ne veut pas finir la soirée sur un fiasco, il va devoir faire un effort. Que c’est ennuyant ! Il aurait préféré être dans un endroit plus à son aise. A croire qu’ils n’ont vraiment rien à voir l’un avec l’autre une fois l’archéologie mise de côté.

« Va pour un duo, si tu y tiens. Mais rien de trop extravagant, tu peux au moins me concéder cela n’est-ce pas ? Une chanson calme, avec un peu de tenue et de classe. Je refuse de me dandiner là-bas. »

De toute façon, même si elle le mettait sous le fait accompli, il ne s’y plierait pas. Hors de question qu’il aille bouger les hanches comme un fou… Il n’est pas de ces gens-là.


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« Je connais le jazz, ne t’en fais pas. Ce serait un bon choix, j’approuve. »

Il comprend que c’est le mieux qu’elle puisse faire, que son adaptation n’ira pas plus loin. Ils se retrouvent sur ce choix sans empiéter sur les limites de l’autre et cela, Arthur peut l’accepter. Il tend le bras pour empêcher le tabouret de tomber à sa suite mais elle s’en charge sans lui, rendant son geste inutile. Il reprend son bras et regarde les shots près de lui dans un soupir. Avant d’en ingurgiter un. Avec un peu de chance, cela l’aidera à encaisser les minutes à venir un peu mieux.

« Je ne bouge pas » répond-il, levant exagérément les yeux au ciel.

Ce qu’elle peut être dramatique… même si l’idée de profiter de son absence pour prendre la poudre d’escampette lui a traversé l’esprit, il est vrai. En même temps, elle cherche non ? A lui imposer une situation dans laquelle il n’est pas du tout à l’aise et le forcer à rester pour son propre plaisir. Elle a de la chance qu’il soit dans de bonnes dispositions… et qu’elle soit tout de même très attirante. Sinon, l’histoire serait bien différente.

A son retour, il lui offre son meilleur sourire pour les circonstances. Un peu piqué, un peu sincère… un peu de tout ce qu’il est. Elle n’aura pas mieux tant qu’ils n’auront pas quitté cet endroit de malheur !

« Je suis si chanceux ! »

Difficile de ne pas percevoir l’ironie dans le ton de sa voix. Ou dans la façon dont ses lèvres se sont relevées en une petite grimace. Ou dans la manière dont ses yeux ont roulé dans leurs orbites. Il pose sa main sur celle d’Emmy et se penche vers elle, un faux air suspicieux sur le visage.

« Avoue, c’est une nouvelle espèce de torture c’est ça ? Tu cherches à me faire avouer quelque chose ? Ou tu en veux sincèrement à ma vie ? Parce que peu importe ton but, je crois que ça pourrait bien fonctionner. »

A ces mots, il prend un troisième shot. Ce n’était pas son intention première que d’ingérer autant d’alcool en si peu de temps. Arthur sait sa résistance efficace et sa patience à l’épreuve.


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« Mmmh, une expérience sociale… »

Il considère réellement la question et même s’il n’a pas prévu de lui faire faux bond, il veut bien se prêter au jeu lancé par l’archéologue. Son ton enjoué l’aide à se détendre, même s’il redoute plus que tout de monter sur cette scène. Qui l’aurait cru ? Lui, frileux d’une situation ? Il s’en sentirait bien honteux mais ce serait admettre une faiblesse. Or, ce n’est pas ressemblant à Arthur que d’opérer de cette façon.

« Ce ne sont pas des masques. J’aime être diplomate. Bien moins les soirées mondaines, je dois te l’accorder. » Il a un bref sourire. « Je peux t’assurer pourtant que défendre une position face à des dignitaires est bien plus aisé que de se donner en spectacle devant des inconnus ayant un peu trop bu… mais soit, je m’y plierai. »

Il n’a pas vraiment le temps de laisser à sa phrase l’opportunité de se décanter qu’ils sont déjà appelés. La grimace qui s’invite sur le visage d’Arthur pourrait figurer au Louvres tant c’est une œuvre d’art. Il pensait avoir un peu plus de temps pour se faire à l’idée de cette démonstration de ses talents de chanteur, mais il faut croire qu’il passera à la casserole plus tôt que prévu. Le diplomate se compose l’un de ses fameux visages d’austérité, lisse comme un vase en porcelaine. Hors de question de laisser transparaître l’horreur qui l’anime à l’idée de performer devant tous ces gens, de la plus horrible des manières…

En chantant.

Emmy fait preuve d’une excitation qu’il ne parvient pas à partager. Il se demande d’ailleurs d’où elle la tient. Cela lui semble bien étrange de se montrer aussi enthousiaste pour ce type d’activité, mais chacun ses hobbies n’est-ce pas ? Il se retrouve bien trop rapidement à son goût sur la scène. Tous ces regards se posant sur lui ne cessent de lui rappeler ceux dont il est témoin lors des réunions au Ministère de la Magie et c’est ainsi qu’il choisit de les considérer : des collègues qu’il doit convaincre en usant de ses talents. Il n’est tout de même pas ravi qu’Emmy s’acharne à le mettre sous les spotlights. Que cherche-t-elle à prouver ?

L’air de jazz retentit dans la salle. La première pensée d’Arthur est de constater que l’acoustique n’est pas terrible. Le son se réverbère étrangement contre les murs. Il est le premier à chanter - pour ne rien arranger. Bien sûr, il racle sa gorge avant de faire résonner ses cordes vocales à travers la pièce via ce petit micro de malheur proche de ses lèvres. Il le tient fermement, s’y accroche peut-être, mais ne tremble pas. Sa voix est étonnamment stable, profonde, maîtrisée.

Il s’avère bon. Ou est-ce sa connaissance préalable de la chanson qui rend la torture plus aisée ?

Quand il baisse son micro, c’est au tour d’Emmy d’entrer en scène. Il s’attend, bien évidemment, à ce qu’elle fasse preuve d’autant d’enthousiasme…


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Arthur n’a aucune idée de l’effet qu’il a et en toute franchise, il dirait qu’il n’en a rien à faire. Il souhaite simplement que cette torture finisse au plus vite et qu’ils s’en aillent, même si ça n’arrivera pas tout de suite. Il a bien conscience qu’Emmy lui réserve d’autres “petites surprises” du genre et s’il ne chantait pas, il en grincerait des dents.

Quand c’est au tour de la jeune femme, il la regarde faire. Après tout, elle a demandé à venir ici, à faire cette activité, donc autant qu’elle s’y donne à fond. Et si elle chantait mal ? Ce serait pire que tout car qui mettrait autant d’effort pour, ensuite, sonner comme une casserole ?

Heureusement, c’est loin d’être le cas. Emmy offre douceur et finesse, jouant d’une musicalité qui lui ferait presque oublier qu’il n’aime pas être sur cette scène. Il finit par la rejoindre, conscient que faire l’adolescent bougon ne le mènera nulle part et qu’il risquerait de la blesser à trop faire sa tête de mule. C’est avec toute la bonne volonté dont il est capable qu’il passe les deux prochaines minutes à donner paisiblement de la voix. Si Emmy joue avec le texte, Arthur ne s’y aventure pas. Il ne souhaite pas se donner en spectacle et, de toute évidence, ne saurait pas comment s’y prendre pour y parvenir aussi bien qu’elle. D’autant plus que son numéro semble plaire au public.

À l’instant où la chanson se termine, ses pieds changent de trajectoire dans l’unique but de quitter la scène maudite mais, ne le connaissant que trop bien, Emmy anticipe cet acte et le maintient à sa place. Arthur dissimule un grommellement et, s’il ne sourit pas pour autant, reste sagement là où il est. Il s’occupe même à applaudir la jeune femme histoire que son orgueil se gonfle suffisamment pour qu’elle estime leur départ justifié.

Le prochain chanteur est annoncé. Arthur y voit là le glas de leur performance et tire Emmy à sa suite - ce qu’il s’empêchait de faire un peu plus avant, en bon gentleman. Il ne faut pas se leurrer : la prise de la sorcière sur lui n’avait d’impact sur ses mouvements que parce qu’il voulait bien lui en donner. Ils regagnent leurs verres. Arthur prend un shooters et se l’enfile sans émettre le moindre mot. Tout du moins, pendant les quelques secondes qui suivent sa déglutition.

« Etait-ce satisfaisant pour toi ? On ne pourra pas dire que je n’ai pas joué le jeu. »


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Peu étonnant qu’Emmy lui sorte une dinguerie pareille. Il faut toujours qu’elle fasse état de son attirance pour lui et si son ego s’en trouve fortement gonflé, il est forcé d’admettre qu’une telle démonstration en public n’est pas toujours à son goût. Mais c’est ainsi qu’est Emmy : sans filtre. Il n’a aucun contrôle là-dessus.

« Absurde. De toute façon, je ne l’ai pas fait dans ce but. »

Et puis quoi encore ! Son objectif de la soirée n’est clairement pas de séduire. S’il parvient à s’en sortir sans dommage, ce sera déjà un exploit en soi. Mais il s’est presque amusé, on peut dire ça comme ça.

« Je peux au moins saluer ton imagination fertile. »

Il accompagne sa déclaration d’un sourire narquois. Arthur tape à son tour dans le bol d’olives, puis de tapas car la faim se fait sentir et aucun alcool ne saura la contenter. D’autant plus qu’il veut garder les idées claires au cas où Emmy ait d’autres plans pour lui.

« Atroce n’est pas le mot adéquat. Peu confortable, je dirais. Comme toute activité qui nous sort de notre zone de confort, qui nous demande des efforts. Je suis ravi que tu aies pu reconnaître les miens, ceci dit. »

Et il le pense vraiment. Au moins, cela lui donne la sensation de ne pas avoir fait tout ça pour “rien”. Qu’elle puisse apprécier ses efforts est important et le met de meilleure humeur. Des reproches sur sa conduite sur la scène auraient eu l’effet inverse… Mais Emmy le pratique depuis suffisamment longtemps pour savoir ce qu’il faut ou ne faut pas dire et, même si elle n’use pas toujours de ces connaissances à ses risques et périls, il est tout de même effrayant pour le Batthyány de le réaliser. Peut-être n’est-il plus aussi mystérieux qu’il le pense…


« Et toi, j’imagine que tu l’as plutôt bien vécu ? Vu l’air que tu affichais sur scène. Tu as l’air née pour faire cela. Peut-être devrais-tu envisager une nouvelle carrière… »


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« Mmmh, c’est vrai que tu l’as déjà évoqué. »

Il n’y a que devant des personnes comme Emmy qui, malgré lui, font partie intégrante de sa vie qu’il peut se permettre de reconnaître un tel oubli. Sûrement n’a-t-il pas jugé utile sur le moment de retenir cette information… Toujours est-il qu’elle a su faire bon usage de cet enseignement vu la performance qu’elle vient de délivrer devant un public inconnu. Il est surpris que, malgré son évidente aisance, elle ait tiré un trait sur cette vocation pour toujours. Ou, du moins, pour le temps présent. Vu son caractère extraverti, elle semble tout à fait correspondre au profil attendu.

« Et c’est un très bon travail, si tu veux mon avis. »

Comment pourrait-il dire le contraire étant donné son affection pour cette profession ? Pour son secteur d’activité ? C’est grâce à lui qu’ils ont eu le loisir de se rencontrer. De plus, l’aspect découverte offre au quotidien son lot de surprises.

Arthur pince les lèvres en tournant son visage vers Emmy. Est-ce si évident qu’il joue constamment un rôle ? Il faut croire que oui. Bien évidemment, il ne peut décemment pas mentir, elle n’y croirait pas, d’autant plus qu’elle est dans le vrai. Comme d’habitude, son sens de l’observation est mis à l’épreuve et elle s’en sort plutôt bien. Même si porter un masque n’est pas aussi évident qu’on puisse le croire. Savoir quand l’enlever est une toute autre problématique et il arrive parfois qu’Arthur vive de nombreux jours et semaines avec le sien vissé aux contours de visage.

« Tu n’as pas tort. C’est, souvent, toute une mise en scène et sortir du personnage peut coûter une négociation. Mais nous ne sommes pas tous de vils menteurs. Il n’y a pas toujours besoin de mentir pour convaincre. »

De quel côté de cette ligne se trouve-t-il ? Celui des menteurs, probablement. Il n’hésite pas à user de subterfuge pour pousser ses collègues à abonder dans son sens mais, contrairement à d’autres qui s’y prennent maladroitement, il s’arrange toujours pour que son mensonge puisse facilement devenir une vérité. Un étrange cocktail qui lui a bien servi dernièrement. Mais il arrive des jours où mentir n’apporte rien…

« Je suis certain que tu l’as déjà vue ! Tu ne l’as simplement pas réalisé parce que je suis très doué. » Et manquant de modestie. « Il est vrai que sur ce point, nous sommes deux opposés. Toutes tes émotions et pensées se lisent sur ton visage. N’as-tu jamais peur que cela te nuise ? »


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