Cochon emprunté

grogne toute l'année

Ft. @Zahia Saouli [01]

[10.09.24] Il semblait à Erawan que l’attribution de son mandat gagnait en plausibilité à chaque usage obligé de ce fameux réseau de Cheminette ayant fait la réputation du Département des transports magiques anglais à l’étranger ; certes les déplacement procurés étaient rapides, mais le tout s’effectuait au coût du confort et de la garantie d’arriver à bon port au terme d’un seul voyage. Plusieurs fois déjà, les traces d’une locution un peu bancale au niveau des consonnes germaniques occidentales l’avait fait atterrir dans un foyer au mieux inexact, au pire inhospitalier, mais surtout, chaque fois à des kilomètres du fil d’arrivée souhaité.

Ce midi-là, il avait donc bien fait valider à une secrétaire du Bureau que l’énonciation de sa destination était la bonne et après avoir rejoint le hall et s’être pourvu d’une bonne pincée de cette poudre verte aux coûts de production faramineux, il s'engouffra dans un foyer ouvert à Londres avant d’émerger dans un bureau de transit au coeur du quartier Myrddin Wyllt, à quelques 850 km de là. Son mandat d’audit du jour devait le conduire par-delà les frontières magiques de la capitale des Highlands, aussi s’y était-il préparé en adoptant des habits adaptés à la saison en plus de quelques outils au format le plus moldu qui soit ; chemise à soufflet, stylo-plume et même cette petite boîte à multiples boutons chiffrés qui complétait des équations par Ganesh seul sait quel enchantement, affichant ses résultats sur un écran dit à cristaux liquides ; une invention visant à romancer une vie dépourvue de magie sans doute. Un petit cahier défraîchi et absolument superflu avait également été glissé dans la mallette du fonctionnaire d’état, qui guettait désormais l’enseigne ― mais surtout l’entrée de service réservée aux sorciers deux jours chaque semaine ― du plus vieux pub de tout Inverness, le fameux Cochon à plumes. Après un coup d’oeil discret aux indications de localisation préalablement griffonnées sur un calepin, à la porte enchantée puis finalement aux rares regards malavisés de moldus égarés, le Thaïlandais traversa promptement le portail de l’entrée pour atterrir devant un écriteau qui demandait d’attendre qu’on vienne lui répondre.

À ce stade, Fourth avait consacré le plus clair de sa précédente semaine à l’étude d’un dossier comptable plus épais encore que la superposition de deux [2] grands bocks à bière, du type que la population estudiantine Écossaise affectionnait tout particulièrement et qui comptait pour pas moins du dixième des revenus de l’établissement. Pour ce qu’il avait pu en décoder, il y avait au moins trois décennies qu’aucun vérificateur n’eut osé approcher ― et encore moins remettre en question ― les livres de la maison autrefois exclusivement réservé aux lignées magiques, l’ancienne tenancière s’imposant en digne signataire d’une kyrielle de beuglantes à l’attention des administrateurs des finances publiques du Ministère pour la même période. Le rachat du fond de commerce ― ou en quelque sorte son legs ― s’était depuis accompagné de nouvelles demandes de permis et d’une opportunité certaine pour le gouvernement sorcier de réclamer sa part de chocogrenouilles tout en validant l’application faite des articles les plus importants du Code International du Secret Magique.

Si la venue d’Erawan se rapportait strictement à la première moitié d’un tel mandat, l’entièreté de son intérêt et sa curiosité était engagée à faire du sens de l’allure et de la clientèle bigarrée de l’endroit, qui n’étaient pas sans lui inspirer un certain dédain, de celui qu’un sorcier de son rang était heureusement apte à dissimuler derrière une façade polie de bienséance. Bientôt, une créature plus repoussante encore que le plus estropié des vieux macaques errant en banlieue de Bangkok sautilla joyeusement à sa hauteur pour lui proposer de le guider à une table.

« Merci, mais je ne suis pas ici en tant que client. Les propriétaires sont-ils présents aujourd'hui et si oui, est-il possible que je m’adresse à eux ? »

L’elfe de maison claqua des doigts et disparu dès lors sous son nez, le laissant sans réponse et seul avec l’expectative d’un entretien en compagnie de cette athlète dont il était certain d’avoir reconnu le nom sur un document prédatant le rachat de l’institution.