Mon front contre la porte, je sens un élève passer derrière moi, mais je n’en ai que faire qu’il me voit ainsi. Je me suis enfermé dans une bulle de détresse. Je sens la catastrophe se faufiler, je sens la douleur me brûler, me consumer. Pitié, ouvres moi la porte. Je prie je ne sais quelle divinité qu’il ou elle entende mes prières. J’ai été trop loin, beaucoup trop loin et j’en suis parfaitement conscient. J’ai fait le con et là, je m’en mordais furieusement les doigts. Je n’avais pas appris à vivre sans lui, comment pourrais-je le faire après vingt-six ans d’existence ? J’en étais littéralement incapable. La porte se déverrouille et je sursaute légèrement. Main sur la poignée, j’entre sans pour autant m’approcher. Je me contente de rester près de la porte, comme un intrus dans son espace vital. Il ne me regarde pas, ce qui fait d’autant plus mal. Lui qui me trouvait d’ordinaire si parfait…je venais de tomber de haut dans son estime. Je sens ma gorge se serrer et pourtant, je ne vais pas tarder à déchanter, à crever sur place. Il se met à parler et je me sens vaciller dangereusement contre la porte, le visage en proie à une peine intense.

Ses mots claquent comme un fouet brutal, s’enfoncent dans ma chair comme une lame chauffée à blanc. Attends…il est vraiment en train de dire que tout est terminé ? Je réalise alors que ça souffrance date de bien avant notre duel, de bien avant ce sort lancé, elle date de trois ans. Sentiments brutaux que voilà, alors que les larmes recommencent à couler le long de mes joues. J’ouvre la bouche mais un simple gémissement s’en échappe, je n’arrive plus à articuler quoi que ce soit. C’est la fin, nous sommes arrivés au bout de ce chemin à deux. J’avais été égoïste, j’avais été aveugle et à présent, mon cœur partait en fumée. Il avait souffert à cause de moi bien trop longtemps, je ne pouvais continuer ainsi, pas avec lui et ce, même si je devais m’en aller, le laisser partir. Idée oppressante, idée que je n’arrivais pourtant pas à envisager. « Non…pitié non. » Je le supplie comme une enfant, comme si mon monde s’écroulait en face de moi. Non, il ne pouvait pas m’abandonner, pourtant, je savais qu’il pensait ses paroles aussi douloureuses soient-elles. Je n’avais jamais voulu jouer avec ses sentiments, simplement parce que je l’aimais tout autant qu’il m’aimait.

Alors, je fini par fermer la bouche en posant mon regard sur lui, les lèvres tremblantes, le cœur prit de soubresauts. J’étouffes, je suffoque et j’ai du mal à reprendre mes esprits. La meilleure façon de prouver à quelqu’un qu’on l’aime, souvent, c’est de la laisser partir. « Je…je suis désolé si je t’ai fait souffrir, ça n’a jamais été mon intention…je suis désolé… » Mon cœur, J’ai l’impression qu’il ne bat plus dans ma poitrine, comme figé dans le temps, comme si plus rien ne pouvait le relancer. Je baisse les yeux, je vacille de nouveau alors que la réalité des choses me fonce en pleine poire. Mes mots, je vais en crever de les dire, je vais me laisser m’effondrer par la suite, mais après tout, si il pensait vraiment tout ce qu’il disait c’est que nos chemins devaient se séparer. « Je t’aime Xavier…je t’aime de la plus belle des façons, de la plus douloureuses. Et…et c’est pour ça que je peux plus accepter ça. Je m’en vais…mais pas pour retourner avec Neo, je ne comptais pas le faire…je te libère de tes obligations, de tes souffrances continuelles à mes côtés. »

Je ricane froidement, alors qu’une certaine colère s’empare de moi, aussi bien tournée vers ma propre personne que vers lui. « Mais si tu crois que y a que ma relation qui comptait à mes yeux, c’est que t’as jamais rien pigé. T’es à présent libre de ne plus souffrir à cause de ma petite personne. » Cette fois-ci, je le regarde, le cœur en miette. Si il c’était levé pour me l’arracher de ma poitrine, ça aurait été moins douloureux, j’en suis sûr. Et maintenant ? Comment je fais ? Que dois-je faire ? Partir…sûrement. C’est la seule solution qui s’offre à moi alors que les larmes ne cessent de couler et que, pour la première fois de ma putain de vie, je me sens incomplet, vide. Si il est capable de supporter notre séparation, moi, je n’étais pas sûr de l’être. Plus fragile que lui, je ne sais pas trop ce qu’il adviendra par la suite, mais rien de bon en tout cas. « On se verra en cours. » Et, doucement, je me tourne vers cette porte qui va devenir la rempart entre moi et nos souvenirs aujourd’hui devenu plus que précieux.