awkward moment

D’habitude, Lucy était plutôt du genre prévoyante : surtout aux fêtes, elle savait pertinemment que s’y prendre à la dernière minute signifiait les ruptures de stock, les files à n’en plus finir et la foule qui vous faisait suffoquer. Malheureusement, cette année, il manquait encore quelques présents à la rousse pour offrir à ses amis, c’est pourquoi elle se trouvait aujourd’hui à Norwich, accompagnée de quelques amies qui se trouvaient dans la même situation qu’elle. Le pire du pire, c’était quand on ne savait pas quel cadeau faire : il fallait entrer dans tous les magasins et avoir une illumination en voyant un produit ou l’autre, qui pourrait plaire à untel. Arf. L’année prochaine elle s’y prendrait en octobre, c’est promis.

Ses pas la menèrent jusque chez Lacorne & Fils, le magasin de Farces et Attrapes. C’est qu’elle devait vraiment être désespérée pour venir jusqu’ici chercher le dernier gadget du moment. Elle soupira, tandis que ses amies se dispersaient dans le magasin à la recherche de la perle rare, tout comme elle. Lançant un regard alentour, la rousse décida de se diriger vers un lot de Rêves Eveillés qui étaient soldés à moitié prix. Moui. Elle pourrait toujours opter pour ça, si elle ne trouvait rien de mieux…

C’est alors qu’un « hey » plutôt enjoué se fit entendre derrière elle. Nul doute qu’il lui était adressé. Étonnée, elle reconnut sans peine la voix, et se retourna pour faire face à Kélian, avec qui elle était sortie il y avait de cela un moment, lorsqu’ils étaient encore à Poudlard. C’était étrange qu’il vienne lui parler comme ça tout à coup, quand on savait qu’ils ne s’étaient presque pas adressé la parole depuis leur rupture…

Un sourire poli se dessina sur ses lèvres, tandis qu’elle répondait d’un « salut ! », un peu timide face à la démarche du jeune homme. Celui-ci se retourna pour échanger un regard avec quelqu’un, geste que Lucy suivit des yeux d’un air curieux. Elle ne connaissait pas du tout la personne à qui Kélian venait d’adresser un geste. La rousse ne pouvait s’empêcher de se demander ce qui l’avait poussé à venir la voir. Cependant, il lui posa une question sur la banalité de ses achats, à laquelle elle répondit d’un haussement d’épaules.

- À vrai dire, pas vraiment… Peut-être que je suis trop exigeante, mais j’ai l’impression qu’on nous ressort les mêmes babioles année après année. Elle baissa les yeux sur ses doigts agités, avant de les reposer sur son visage, gardant un sourire sur les lèvres. Ça lui faisait vraiment bizarre de le retrouver et de lui adresser la parole comme ça, comme si de rien n’était. Et toi ? Elle ne pouvait s’empêcher de culpabiliser en se souvenant de la façon dont s’était terminée leur histoire. Mais c’était le passé, et elle espérait que le jeune homme ne lui en tenait plus rigueur à l’heure actuelle…

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Face au jeune homme, Lucy se sentait toute petite, presqu’intimidée. Toute petite, elle en avait l’habitude, avec son mètre 60 que presque tous ceux qu’elle connaissait dépassaient. Intimidée au contraire, ça ne lui arrivait pas souvent. La rousse avait souvent repensé à Kélian, mais elle se raisonnait à chaque fois en se disant que c’était mieux pour eux d’avoir arrêté leur histoire avant que ça ne devienne trop sérieux, avant qu’elle ait à lui avouer des choses qui auraient probablement tout changé entre eux. Oui, c’était mieux ainsi. Et puis, il y avait cet autre garçon qui ne quittait jamais réellement ses pensées… Elle se devait d’être sincère avec elle-même avant de pouvoir l’être avec quelqu’un d’autre. Sauf qu’elle avait du mal à y parvenir.

Elle fut agitée d’un petit rire lorsqu’il qualifia tout ça de « commerce ». Il avait raison et c’était triste.

- Oui, malheureusement… Je sens que mes cadeaux ne vont pas être très personnels, cette année.

Lucy remit en place la boite de Rêve Eveillé dont elle s’était saisie, un peu dépitée. Ne pas avoir d’idée la contrariait, elle qui d’ordinaire ne manquait pas de ressource. Kélian, lui, chanceux ou débrouillard, avait déjà fini ses achats. Ne manquait plus qu’un présent pour ses sœurs.

- Je suis certaine qu’elles seraient très contentes rien qu’avec une photo de vous trois. Elles t’adorent ! Après, tu peux toujours tenter les miroirs à double sens, sauf si tu crains de ne plus avoir de répit et d’être sollicité toute la journée…, ajouta-t-elle avec un sourire malicieux, connaissant les deux sœurs du Grymm. Enfin, elle ne les avait pas fréquentées très longtemps. Mais il ne fallait pas les côtoyer des années pour se rendre compte de l’amour qu’elles portaient à leur grand frère.

Il lui demanda ensuite ce qu’elle faisait à Noël, si elle le fêtait avec sa famille ou son petit-ami. Bizarre. Enfin, elle n’était pas contre prendre des nouvelles de lui, mais ses questions étaient plutôt spécifiques. Et l’ami du brun qui s’agitait toujours derrière… Elle plissa les yeux en regardant le zigoto, puis rangea l’une de ses mèches rousses derrière son oreille avant de reporter son attention sur Kélian.

- Je rentre à Pompey le fêter avec mes parents et ma famille. La question du petit ami, elle l’éluda. Elle qui avait enchaîné les histoires sans importance à une époque, ne s’affichait plus au bras de personne depuis un moment. Enfin, il n’était sûrement pas au courant et s’en fichait probablement, ce qui ne lui donnait pas pour autant envie de répondre. Surtout vu la démarche qu’il avait envers elle avec ses questions directes et les regards envers son ami, elle se demandait bien ce qu’ils traficotaient. Au fait, qu’est-ce qu’il a à s’agiter, ton pote ?, finit-elle par demander, sans passer par quatre chemins, tout comme lui.

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- Je ressortirai cette excuse à mes potes si jamais mes cadeaux leurs plaisent pas. Tu dis ça en réponse à sa remarque sur le geste qui compte, d’un ton amer malgré toi. Comment ça se fait que ça soit si facile de trouver un cadeau pour des filles que t’as à peine fréquentées et que d’un autre côté tu ne sois même pas capable de trouver une babiole convenable pour des gens qui font partie de ta vie au quotidien ? Mystère et boule de cristal.

Ton regard est attiré par tes copines qui te font des grands signes, demandant ce que tu peux bien faire là au milieu du magasin en compagnie du Grymm, et si t’as besoin de renfort pour te filer un alibi et déguerpir de sa présence. Tu réponds vite fait, d’un vif geste de la main qu’elles peuvent y aller et que tu les rejoindras plus tard. Tu ne sais pas pourquoi mais Kélian a réussi à retenir ton attention et même si tu sens le coup fourré, t’as envie de voir jusqu’où il va aller et en quoi ça va résulter, cette histoire.

T’attends la réponse concernant le comportement de son ami avec un sourcil arqué, le bonhomme toujours en vue semblant s’être calmé en remarquant que votre attention à tous les deux est désormais portée sur lui. Bah ouais mon grand, à force de faire le mariole, tu ne vas pas passer inaperçu longtemps…  Mais c’est bel et bien la réponse du brun qui t’étonne le plus, dans toute l’histoire.

- Pardon ? T’articules en détachant les syllabes, en te demandant intérieurement si c’est une blague. Ça fait que tu lui parles bien gentiment en pensant qu’il venait prendre des nouvelles de toi, que tu lui conseilles un cadeau pour ses sœurs et lui, il te… Quoi, vends auprès de ses potes ? Tu te sens bien naïve pour le coup Lucy, et le pli entre tes sourcils indiquent clairement que ça ne te plait pas, cette façon qu’il a de te percevoir.

- Parce que tu pensais sincèrement que ça allait être possible ? Tu reprends, le ton de ta voix s’étant radicalement modifié par rapport au début de votre conversation. C’était normal de se montrer polie, surtout après comment tu t’étais comportée avec lui, mais t’allais pas accepter tout et n’importe quoi parce que t’éprouvais de la culpabilité quelque part dans ton cœur. Non, certainement pas. Tu peux aller lui dire que c’est pas la peine de continuer à me regarder en chien de faïence. À moins à ce qu’il tienne à faire ma connaissance, mais pas dans les conditions qu’il aimerait.

Tu secoues la tête, t’es abasourdie de la raison de sa venue jusqu’à toi. Oui, c’est un Grymm, oui c’est un sang-pur élevé dans l’idéologie de la primauté du sang, mais avec toi il avait toujours été différent. Et qu’il te voie comme un morceau de viande à refiler à ses amis quand ceux-ci en font la demande, ça te blesse et ça te met hors de toi. Tu rehausses ton sac sur ton épaule comme une carapace, tu soulèves ton menton pour le regarder bien en face. Soudainement, ton mètre 60 n’est plus un obstacle, et l’intimidation de se présence s’est évanouie avec ses dernières paroles.

- Sur ce, c’était un plaisir de converser avec toi Kélian. Et passe un joyeux Noël. Tu lui dis avant de te diriger vers la sortie, le secouant de ton épaule en passant à côté de lui. T’allais même pas prendre la peine de lui expliquer pourquoi ça ne se faisait pas, ou pourquoi il avait manqué de tact. Et depuis quand les mecs aimaient refiler leurs ex-copines ? T’as vraiment l’impression que les mâles de ton entourage te traitent à leur bon vouloir, mais ça va pas se passer comme ça.