Debout devant la fenêtre, j'admire le paysage automnal. Je n'ai pas envie de travailler. Mue par une envie subite, je m'habille chaudement avant de descendre les escaliers aussi vite que je peux. Les balades me manquent, surtout que j'adore cette saison. Les couleurs chaudes des feuilles, l'occasion de boire du thé ou du chocolat chaud à toute occasion, le cadre cocooning, tout ça me plaît énormément. J'adore également l'hiver mais l'ambiance se révèle différente. Je crois qu'au fond, ce qui me plaît le plus dans ces saisons, ce sont les fêtes. L'occasion de gâter ses proches et de manger comme quatre. Je souris à cette idée. J'ai toujours aimé manger, du plus loin que je me souvienne. Je parviens finalement au rez-de-chaussée et pousse la porte. Une rafale de vent s'infiltre dans mes cheveux, s'amusant avec, créant une symphonie, sitôt la porte franchie. Mes pas s'aventurent sur le sentier et je profite du charme de l'endroit autant que possible. Cette petite interlude est la bienvenue. Je ne me voyais pas continuer à réviser, la tête penchée sur mes bouquins, aussi intéressants soient-ils.


Je reste une heure à l'extérieur avant de me décider à remonter. Même chaudement couverte, je commence à bien sentir le froid sous les couches de vêtements. Je me dépêche de remonter dans la maison des Ethelred et m'aperçoit qu'une note m'attend sur la table. Je l'ouvre rapidement et hoche la tête à la lecture du message. Je dois rejoindre Reagan à 18h15 au salon de thé qu'on fréquente toutes les deux. Mon regard s'égare vers la pendule. 17h45. Je ne suis pas en retard. Heureusement, vu à quel point je déteste ça. Je ne me déleste pas de mes affaires et m'empare de mon sac. Direction le centre-ville. Je ne transplane pas, ce n'est pas très loin et j'aime bien marcher. Les mains dans les poches de mon manteau, je marche. Un quart d'heure, ce n'est pas beaucoup. Je peux profiter de la vue, au moins. Je finis par dénicher le salon de thé dans une petite artère fréquentée de la rue commerçante. La petite clochette tinte lorsque la porte s'ouvre et j'apprécie enfin la chaleur environnante. J'ai toujours aimé l'ambiance conviviale qui règne dans le salon de thé. C'est sans doute pour ça que j'y retrouve fréquemment Reagan pour nos séances de travail. Nous sommes rarement d'accord mais sur ce point, nous partageons la même opinion. L'établissement est excellent et tenu par une patronne adorablement excentrique.


Je m'avance d'un pas et cherche Reagan du regard. Je finis par la retrouver à notre espace habituel. Je soupire de soulagement. Je ne sais pas précisément l'heure mais je ne pense pas avoir trop traîné dans les rues. J'espère que je ne me trompe pas à ce sujet. Je parcours les allées en prenant soin de ne bousculer aucune table et rejoins la demoiselle rousse. « Bonsoir, Reagan. J'espère que je ne suis pas en retard. » Je n'attends pas sa réponse pour installer mes affaires et m'asseoir face à elle. Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je remarque que ma partenaire de travail a déjà commencé à dessiner. La passion de l'architecture nous anime toutes les deux, bien que nous soyons diamétralement opposées dans nos caractères.

La mine du crayon de Reagan glissait en de petits mouvements circulaires sur le papier, tandis qu'elle achevait tout juste de dessiner une horloge gothique monumentale dont l'idée lui était venue un peu plus tôt dans la journée. Par moment, Reagan visualisait des images diverses et variées dans son esprit – des choses qu'elle avait vu ou souhaiterait voir apparaître dans ses projets futurs. Parfois de simples futilités. Tout ce qu'elle pouvait faire, en attendant de mettre quoi que ce soit à profit ou non, c'était coucher le tout dans son carnet et en garder ainsi une trace. Ses pensées filaient parfois comme des étoiles filantes dans son esprit : elles étaient trop éphémères pour survivre à l'activité créative toujours croissante de la jeune femme. Derrière le cadran des aiguilles, la jeune femme avait machinalement tracé une rosace à peine perceptible, mais pourtant bien présente. C'était là que résidait réellement l'idée qu'elle voulait présenter à Louise. Cependant, tout dépendrait du lieu que les jeunes femmes finiraient par choisir pour le projet architectural qu'elles auraient à rendre.

Reagan ne s'était pas du tout rendue compte qu'une cliente était entrée dans le petit salon de thé. Et ce, malgré le son de la clochette à l'entrée et les exclamations bienheureuses de la gérante. À vrai dire, lorsqu'elle était plongée dans ses élucubrations mystérieuses, il était très ardu pour elle de percevoir quoi que ce soit d'autres. Elle faisait totalement abstraction de ce qui l'entourait – comme si le monde matériel se dérobait à son regard bleuté, faisant place à un monde d'idées envahissantes. Elle nota quelques remarques personnelles dans une marge de son carnet, avant de lever le nez vers la personne approchant vraisemblablement de sa table. Pendant une fraction de seconde, son regard dû paraître noir à la nouvelle arrivante. En revanche, ce dernier se radoucit considérablement lorsqu'elle reconnut Louise et un sourire aimable se dessina même sur ses lèvres rosées.

« Bonsoir, Reagan. J'espère que je ne suis pas en retard. »

Par réflexe, la Bale consulta sa montre dont le quartz japonais étincela à la lumière des réverbères de l'extérieur. L'aiguille des minutes venait tout juste de marquer 18h15.

« Pile à l'heure, comme d'habitude. » Répondit Reagan avec une moue satisfaite.

En effet, Louise avait toujours le don d'arriver non pas en avance, ni même en retard, mais bel et bien à l'heure précise de n'importe quel rendez-vous. La jeune pokeby étant parfois diablement en retard, jalousait quelque peu la maîtrise de timing parfaite dont faisait preuve sa camarade.

La gérante ne tarda pas à apparaître près de leur table pour prendre leur commande. Elle n'avait pas laissé cinq minutes à Louise pour se défaire, qu'elle l'observait d'ores et déjà avec un air plus avide que ne l'aurait été celui d'une assoiffée face à une cristalline fraîche. Nonobstant, ni l'une ni l'autre ne le prenait mal, bien au contraire : tous savaient que le seul plaisir de cette vieille dame, c'était de gâter sa clientèle.

« Je vais prendre comme d'habitude, un grand thé… Pomme-Cannelle et... Une jolie part de ta tarte aux noix de pécan s'il te plaît » Demanda-t-elle, tandis que la plume à papotte défraîchie de la vieille femme prenait en note les mots qu'elle venait de prononcer, à l'aspiration près.

Reagan laissa Louise commander ses petites envies à son tour. Lorsqu'elles étaient à la Mouffette Enchantée, les deux étudiantes ne se privaient pas de manger tout ce qui pouvait leur faire envie. Leurs sessions de travail durant parfois des heures entières, elles avaient rapidement constaté qu'elles étaient moins enclines à se jeter à la gorge de l'une ou de l'autre le ventre plein. Depuis, c'était devenu une sorte de pacte tacite.

« Alors, pour commencer... Pour le projet d'architecture, avais-tu déjà eu des idées, des préférences, concernant l'endroit sur lequel tu aimerais que nous travaillions ? » Demanda Reagan en redressant son carnet de dessins droit devant elle. « Personnellement, j'ai très envie de travailler sur le Ministère de la Magie. J'ai une idée plutôt intéressante concernant la circulation des employés au sein du ministère... » Le ton de la jeune femme était enthousiaste. Elle s'interrompit un instant, avant de poursuivre : «  … Enfin, parle d'abord et nous verrons ensuite ».

Reagan posa son regard vif d'intelligence sur Louise, attendant patiemment les initiatives auxquelles elle aurait éventuellement pensé.