Premier noël à Inverness. Les températures avaient drastiquement baissées, bien qu’elles n’étaient jamais très élevées en général. La neige avait réussi à percer dans la petite bourgade écossaisse et tenait désormais fermement aux pavés, marqués par des miliers de traces de pas. C’est ce qu’Alarik était en train d’observer en ce moment-même, une flûte de champagne à la main, par l’une des nombreuses fenêtres du château dans lequel il se trouvait. Il s’ennuyait déjà. Pourtant, l’immense salle de réception décorée de manière moyennageuse, cotoyant les flocons de neige magique qui se dispersaient sur les décorations de circonstance, était remplie de dizaines de sorciers. Tous invités pour ce gala de fin d’années, qui présageait plusieurs évènements qui avaient déjà fait grimacer le suédois, contrairement à sa génitrice, qui avait été tout excitée à l’idée de participer à une nouvelle soirée. C’était son pêché mignon. Un vrai jeu, pour elle. Elle s’amusait des rumeurs qui couraient à son sujet, remettait de l’huile sur le feu, partait à la chasse au nouveau mari. Le Grymm savait pertinnement que cela ne durerait pas longtemps avant que la Succube du Nord ne se repasse la bague au doigt. Il aimait sa mère, certes, mais tout ça le dégoutait. Surtout car elle entraînait toujours son fils à sa suite, dans ses combines et que, lié à elle par bien plus que les liens du sang, il ne pouvait faire autrement qu’accéder à toutes ses requêtes. Comme celle de se fiancer à l’une de ses nouvelles amies, par exemple.

Alarik détourna le regard de l’extérieur, qui s’assombrissait de toute façon, et le reporta sur l’assemblée qui continuait le jeu des alliances, des messes basses et des faux sourires. Sa mère se tenait non loin de lui, entourée de quelques couples suspendus à ses lèvres. Il leva les yeux au ciel. Que cette soirée s’annonçait longue… Il fallait qu’il trouve quelque chose pour se divertir. Son regard, lourd d’ennui, arpenta la pièce, alors que le crieur annonçait l’arrivée d’une nouvelle famille. Les Blackwood. Intrigué, le brun porta son attention sur les cinq nouveaux arrivants. Et écarquilla les yeux en reconnaissant la plus jeune d’entre eux. Cette fille.

Il l’avait croisée quelques fois. Dans les couloirs, entre les salles de classe, dans le grand parc. Il avait tout fait pour l’éviter, ne plus recroiser sa route. Pourquoi ? Parce que, malgré lui, il s’était plus affiché devant elle que devant n’importe qui. Tous deux s’étaient malencontreusement retrouvés enfermés dans la Salle du Désespoir la nuit d’Halloween, face à des épouvantards et autres créatures qui les avaient malmenés. S’il y avait bien une chose qu’Alarik détestait, c’était paraître faible. Et qu’on en sache trop sur lui. Deux points sur lesquels cette Emma se démarquait de la foule des monsieurs et madames tout le monde. Ce pourquoi il s’était tenu éloigné d’elle. Comme si ne plus la voir pouvait effacer cette nuit ainsi que tout ce qui en découlait. Pourtant, à chaque fois qu’il croisait sa route, il ne pouvait retenir un battement de coeur râté. Avait-elle parlé à quelqu’un de ce qu’il s’était passé ? Et quelles conclusions avait-elle pu en tirer ? Des questions qui restaient sans réponse.

Les Blackwood se dispersèrent chacun de leur côté, sans que le suédois ne quitte la brunette des yeux. Il sentit une présence à ses côtés, le parfum caractéristique fut assez pour deviner de qui il s’agissait. Sa mère, qui s’était donc éloignée de la foule de ses admirateurs. « The Blackwoods. », cracha-t-elle, des flammes hargneuses dansant au fond des yeux. Rik haussa un sourcil, tournant à demi son buste pour l’observer. Elle comprit sa question silencieuse. « Old enemies of the family. May they burn in hell. » L’expression surprise d’Alarik ne fit que s’accentuer. Il n’avait pas l’habitude d’entendre sa mère parler en ces termes. Néanmoins, cela ne semblait pas être l’endroit adéquat pour en discuter, puisqu’elle lui assura qu’elle lui raconterait toute l’histoire plus tard, avant de s’éclipser de nouveau. Sauf que Rik, lui, voulait en savoir plus tout de suite. Il lui faudrait bien adresser la parole à cette fille un jour ou l’autre, ne fut-ce que pour assurer ses arrières. De plus, ce que venait de lui dire sa mère ajoutait à l’intérêt qu’il éprouvait déjà pour la jeune femme. D’humeur rebelle, le cran retrouvé, sans doute par la largeur de la foule qui le couvrirait de tout débordement, Alarik décida que c’était le bon moment pour aller accoster celle avec qui il avait partagé bien plus qu’il ne voulait l’admettre.

S’avançant vers la demoiselle, qui était abordable de par l’absence de compagnie, Rik se saisit d’une nouvelle flûte de champagne, pour la lui proposer, arrivant dans son dos. « May I offer you a drink ? » Il attendit qu’elle se retourna, la dominant malgré lui d’une bonne dizaine de centimètres. Sa silhouette filiforme et son air blafard pouvaient intimider, néanmoins, après ce don’t ils avaient été témoins, tous les deux, il doutait qu’elle soit impressionnée par lui, ce soir. Le ton égal qu’il utilisait devait également contraster avec l’inquiétude qui avait transpercé dans sa voix, cette nuit-là. Comme s’il y avait deux facettes en lui. Ce qui était le cas. « And maybe some company ? » Comme si rien ne s’était passé.

Alors qu’Alarik proposait sa deuxième flûte de champagne à la jeune Blackwood, qui lui tournait le dos, la réponse mit un moment à lui parvenir. La brune prit le temps, un moment, avant de se retourner vers lui. Et bien que le vert se serait attendu à quelques remarques acerbes ou même un refus poli, il n’en fut rien. C’est un sourire enjoleur, bien que prude, qui accueillit sa proposition. Étrange, il la trouvait étrange. Ainsi qu’intriguante. Où était-ce lui qui avait cotôyé de mauvaises personnes pendant toute sa vie, celles qui se laissent dicter par leur orgueil et le mépris d’autrui ? Les joues de son interlocutrice rosirent, sous le regard et sourire satisfaits du suédois. Se rendait-il compte qu’il lui rendait la grimace ? Rien n’était moins sûr. Voyant l’air accueillant et prévoyant qu’elle adoptait envers lui, il continua sur sa lancée, proposant, en plus du verre qu’elle avait accepté, de lui tenir un peu compagnie, ce soir, bien que son ton ne fut pas des plus amicaux.

« Company would be much appreciated. » Le brun accueillit cette réponse d’un signe de tête appréciatif, chose qu’il avait apprise grâce à de nombreuses soirées comme celle-ci, en compagnie de nombreuses dames – pas comme celle qui se trouvait devant lui, cependant. Pourtant, bien qu’ils semblaient tous deux enclins à partager un bout de la nuit ensemble, le silence grapilla de l’espace entre eux. Il était difficile de discuter de tout et de rien, lorsque des sujets importants vous brûlaient les lèvres. « Cheers ? », proposa-t-elle, brisant ainsi la glace qui se formait lentement eux eux, ce que le Grymm apprécia. Il approcha son verre du sien, faisant tinter doucement les extrémités de leurs deux contenants. « Cheers », répondit-il, sans la lâcher du regard. Sans attendre, il porta la boisson à bulles à ses lèvres, en goûtant une nouvelle gorgée, tandis que l’une de ses mains plongeait dans la poche de son smoking ; geste habituel, pur réflexe. Il s’apprêtait à parler, pour rendre la pareille, mais la Blackwood fut plus rapide. « For some reason, I had the feeling your were… Avoiding me. Sounds silly, right ? » Rire cristallin qui s’échappa de ses lèvres pouponnes. « I’m glad I was wrong. » Contrairement à elle, Rik ne riait pas. Il gardait un air pensif, sérieux. Décida de dire la vérité, pour changer. « You weren’t. I was avoiding you. » Son ton était catégorique. Alarik n’avait jamais fait dans la dentelle, ni ne savait ou ne voulait prendre des pincettes. « You see… It was one of the strangest nights of my life. Maybe, just the strangest. I didn’t know how to deal with it. Nor with you. At first, I thought it was an awful nightmare, but seeing you in the hallways… Or anywhere, it made it real. And I didn’t want it to be. I guess you neither. » La supposition était peut-être trop avancée. Mais après ce qu’il s’était passé, après ce qu’il lui avait fait, aussi… Il ne comprenait pas pourquoi ou comment elle tenait encore à lui parler. « Anyway, I think I’m ready to let it go, now. » De nouveau, le verre porté à ses lèvres, la gorgée détachée, comme s’il ne faisait que parler politique. « I’m glad to see you are okay. » La main de la jeune femme se posa sur son avant bras, geste qui le surprit, pourtant, il ne s’en recula pas. « So am I. That night was rough on you. » Sur les deux. Rik se demandait encore comment il était possible de garder une chose pareille dans une université. Porter plainte serait pourtant déclarer publiquement qu’il en avait été victime, et il s’y refusait.

La main d’Emma le relâcha aussi vite qu’elle s’était posée sur lui. Maintenant qu’il avait ouvert la voie, la Lufkin s’y engouffrait, tenant sans doute à en connaître d’avantage sur les pensées de son acolyte d’une nuit. « Listen, I… I have been thinking a lot about what happened that night. I am well aware I told we did not have to talk about it anymore, but… Maybe we should. Someday. To move on… » Malgré lui, son regard arpenta la foule massée dans la salle. Personne ne prêtait attention à eux. Sa mère n’était plus en vue, l’orchestre symphonique alimentait les oreilles d’un air mélodieux et il y avait du mouvement du côté de l’action de charité. Les organisateurs pouvaient toujours se gratter pour qu’Alarik dépense une mornille pour ces bons à rien de cracmols, cela dit. Sans doute le moment était opportun. Le regard se posa de nouveau sur la brune, comme pour la jauger du regard, voir si elle était digne de confiance, digne qu’ils en discutent ensemble. « Fine. You must be right. But know this : this whole conversation, it’s gonna have to stick between us. Do you understand ? » Le ton grave et sérieux employé était destiné à bien lui faire comprendre qu’il ne prenait pas ça à la légère. Pourtant, dès qu’elle eut marqué son accord, il se détendit, reprenant une voix plus légère. « Ok then. What do you want to talk about, exactly ? Or what do you want to know ? I am completely yours to answer your interrogations. » Lui qui s’ennuyait, un moment plus tôt, venait de trouver une occupation assez intéressante pour le tenir dans ces lieux encore un bon moment.

Musique agréable, odeur de petits fours et bulles élégantes qui dansaient dans des flûtes de cristal. Mensonges, hypocrisie et faux sourires. Voilà ce qui entourait Emma et Alarik, bien que ce dernier avait désormais totalement occulté son environnement. Ne restait plus que la Lufkin, ses grands yeux innocents et son silence expressif. Malgré le choix du Grymm d'opter pour la véracité des propos, plutôt que de partir sur un camouflage doré comment il en avait pris l'habitude, il remarqua que ce n'était clairement pas là ce que la brune avait attendu de lui. Elle pensait, sincèrement, que les détours qu'il avait entrepris pour éviter son chemin n'étaient que le fruit du hasard. Elle se berçait d'illusions. Il n'avait aucune raison de venir lui parler, ou de la confronter, et pensait également de son côté qu'elle ne le désirait pas plus que lui. Visiblement, ils se trompaient tous les deux. « I needed this night to be real, sensible and factual. I guess I needed… You ? To help me understanding this mysterious episode, to tell me I wasn’t becoming completely insane… » Les sourcils du brun se froncèrent. Il devait l'avouer, il ne comprenait pas vraiment. Encore une fois, ils n'avaient pas perçus les choses de la même façon. Lui, se sentait plus vulnérable face à elle que l'inverse. Fuir cette situation avait été sa façon de l'affronter, alors qu'elle, semblait avoir besoin de s'appuyer sur quelqu'un. Chose que le suédois n'avait jamais fait, pouvait à peine comprendre. Il pouvait, toutefois, faire un effort, pour elle. « I did not see things this way. » Alarik marqua une pause, comme s'il réfléchissait. La cicatrice qui ornait sa main gauche lui semblait assez factuelle pour le conforter dans cette idée qu'il n'avait rien imaginé. Croiser Emma, aussi. Sans doute n'était-ce pas assez, pour elle. « Well, you're not insane. If it can still help. » Regard détourné sur la foule, nouvelle gorgée de champagne, air détaché. Conforter, ce n'était pas réellement lui, au moins, il essayait.

Il reporta son attention sur Emma, cet aparté désormais derrière eux. « Anyway, I think I’m ready to let it go, now. » Des efforts, certes, cependant, il ne pouvait en faire trop d'un coup. Ça ne lui ressemblait pas. Et pour cause, sans doute, puisque la Lufkin se sentait désormais assez en confiance pour continuer sur cette voix. Elle voulait parler de cette nuit-là, elle était en quête d'explications. Un soupir lui avait échappé. Personne ne prêtait attention à eux, et maintenant qu'il s'était approché d'elle, l'avait abordée, avait cherché la discussion... Il ne pouvait plus l'éviter. Très bien. Ils en discuteraient donc. Néanmoins, il l'avertit, avant toute chose. Cette conversation ne devait jamais remonter aux oreilles de quiconque, il espérait que le ton sérieux qu'il avait employé rendait justice à la gravité de la situation. La réaction ne fut pas celle escomptée. Violemment, il se retrouva avec la flûte qu'il lui avait apportée entre les doigts. Emma ne prenait pas son avertissement très au sérieux. Partagée entre l'envie de partir et celle d'entendre ce qu'il avait à dire, son visage laissa deviner le dilemme, avant qu'elle ne s'adresse à lui, d'un murmure véhément. « After what happened, what you did… I mean, be realistic ! Do you really think you would be here, wandering around in your tuxedo, if I had talked to anyone about that night ? »

Le visage d'Alarik prit une expression dédaigneuse. Pour ne pas être acerbe, il reprit une gorgée de champagne, directement dans la flûte qu'elle venait de lui rendre. Il n'en avait que faire. « What I did ? What, being possessed by a fucking demon ? » Murmuré également, le ton emporté. Il hocha la tête de droite à gauche, ne ressentant pas la culpabilité de la chose alors qu'elle le mettait sur le fait accompli. « Go ahead, tell the world if you want. I was not myself. I would still be wandering around in my tuxedo even if I had been. » La menace était peut-être subtile, mais il n'aimait pas ce ton accusateur de la Blackwood. Et se pensait peut-être trop intouchable. Il s'était déjà excusé pour ce qu'il avait fait. Ce n'était pas ce qu'il avait fait, qui lui importait. « I don't think you really understand... » C'était plutôt les explications qu'il allait lui donner, qu'il tenait à garder entre eux. Il commençait à ne plus vouloir le faire, du coup. Néanmoins, Emma qui restait face à lui et soutenait son regard en reprenant sa flûte lui fit en faire autant. Très bien. Ils allaient donc avoir cette conversation. « Ok then. What do you want to talk about, exactly ? Or what do you want to know ? I am completely yours to answer your interrogations. » Ton sarcastique et faussement enjoué mis en route. Il avait encore un goût amer des mots échangés dans la bouche. « Could you please just tell me what... What were the rumors you made allusion to ? And don’t even try to mislead me ! You were far too convincing to come up with that tale. » « The rumors ? » Il mit un temps à comprendre à quoi elle faisait allusion. Tout cela lui semblait si évident, ce qui n’était pas le cas pour tout le monde. « You mean... You don’t know ? » Moue de réfléxion, il lança un regard vers une porte ouverte qui menait aux jardins du château. « Would you like to go outside ? Get some fresh air, to discuss. » Emma marqua son accord, et ils s’extirpèrent de la foule pour se plonger dans le calme environnant de la nuit, désormais tombée. Alarik inspira une bouffée d’air frais, se retint de sortir une cigarette en la présence de la Lufkin. « I’m surprised you did not overhear anything. There are many rumors around me and my family. I wouldn’t know by which to start. » Alarik lança un regard distrait sur les jardins, que l’on pouvait aisément voir de la balustrade sur laquelle ils se tenaient. « Let’s just say : everyone thinks I’m a cold-bloodsucker. »

Cette jeune femme continuait à représenter une énigme sans nom, aux yeux du suédois. Sans qu'il ne sache pourquoi, cependant, il avait envie de la résoudre. Lui qui s'était évertué, depuis son arrivée en Angleterre, depuis qu'il avait quitté sa terre natale, à ne faire aucun mauvais pas, à ne rentrer dans aucun travers, à ne pas s'attacher outre mesure, voyait ses bonnes résolutions voler en éclats rien qu'en la présence de la brune. Il ne savait d'où provenait ce sentiment, celui qui le faisait flancher face à ses demandes de réponse, celui qui lui donnait envie de répondre, par ailleurs. Peut-être s'étaient-ils liés plus que de raison, durant cette fameuse nuit. Ils avaient partagé beaucoup, cette nuit-là, en avaient appris plus que de raison sur l'autre, sans même le vouloir. Alarik ne savait pas encore très bien s'il tenait simplement à ce qu'Emma tienne sa langue à l'avenir, ou s'il voulait véritablement régler les choses entre eux, lui dire la vérité, peut-être. Il n'allait pas tarder à le découvrir, de toute façon.

Il ne semblait pas au Grymm qu'il avait déjà rencontré quelqu'un d'aussi doux que la Lufkin. Bien qu'elle essayait parfois de sortir les crocs, d'être féroce, sa nature tranquille refaisait, malgré elle, surface. Quelque chose qui étonnait, intriguait, le brun. Il n'en avait pas l'habitude, l'habitude de ce genre d'agissements, sans que la personne à l'origine de ceux-ci n'attendent quelque chose en retour. Il ne savait pas si c'était le cas de la jeune femme. Il en doutait. Mais sa nature craintive, à lui, prenait le dessus sur une quelconque confiance qu'il pouvait lui accorder, pour le moment.

Emma avait peur de l'avoir blessé, à l'entendre. Alarik ne s'était plus soucié de ses sentiments depuis longtemps, seule la réputation comptait, désormais, autrement, il serait resté en Suède. Il éluda donc la question, continua la conversation, qui dévia sur les rumeurs qui tournaient depuis toujours autour de Rik et sa famille. L'homme décida de s'isoler, de se mettre au calme des rumeurs incessantes qui les entouraient et emmena Emma, après son accord, à l'extérieur. L'hiver était palpable, la nuit était tombée, ils se tenaient sur la balustrade, supérieurs aux jardins qui accordaient à leurs regards la joie d'une architecture travaillée. Pourtant, Alarik n'y prêtait pas attention. Emma lui avoua qu'elle n'était pas très portée rumeurs, ce qu'il salua. Il était difficile de s'en préserver, surtout dans un environnement scolaire. Pourtant, elle voulait savoir, alors, voici ce qu'il lui dit : « Let’s just say : everyone thinks I’m a cold-bloodsucker. » Il ne savait comment la bleue allait réagir. Si elle allait prendre la chose à la légère, ou le regarder différemment, jaugeant de la véracité de ces propos. « That’s ridiculous ! Why would they think that ? It's not like you killed someone. » Un bruit dédaigneux s'échappa des narines du vert. L’innocence dont elle faisait preuve relevait presque d'une insouciance suicidaire. « Well. Not totally true. » La coupe portée aux lèvres, légère gorgée. « Don't get me wrong », ajouta-t-il en jetant un coup d'oeil à Emma. Il la connaissait à peine, juste assez pour savoir qu'il aurait pu l'effrayer avec ses paroles. « My mother has had several husbands... All dead or mysteriously gone. People don't need that much to start talking. » Le regard du suédois se posa sur la brune, qui le scrutait. Elle sembla se rendre compte de son intrusion, baissa les yeux. « Stay away from the Swedish… », articula-t-elle d'une voix lointaine. « Hm ? » « Reinhold… Right? I heard about your family. We… We do not get along very well. We shouldn't be seen together. » Un sourire fade s'étira sur les lèvres du brun. Ses doigts s'approchèrent de ceux d'Emma, d'un geste travaillé, les frôlant sur la balustrade. « Shouldn't we ? What could happened ? » Il ne s'attendait néanmoins pas à la réaction de la brune.

Elle se saisit de ses doigts et l'approcha de lui, dans un geste précipité. Une sensation familière le saisit au niveau du nombril et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ils se retrouvaient désormais au beau milieu des jardins. Alarik recula d'un pas, lança un regard hagard. Il pouvait voir la balustrade sur laquelle ils se tenaient, un instant auparavant, à une bonne distance d'eux, désormais. Les hautes haies et leurs fleurs tombantes formaient autour d'eux comme un havre, éloigné du protocole de l'étage. « I panicked... », l'informa-t-elle, sans intention aucune de laisser partir ses doigts, visiblement. « It's okay... », répondit-il, encore embrumé. « What made you do this ? » Tout de même pas le geste qu'il avait pu avoir envers elle, une simple caresse perdue. Vu comme elle s'accrochait à ses doigts, ce n'était sûrement pas ça qui l'avait dérangé.

Alarik décida de reprendre là où ils s'étaient arrêtés, à la découverte de la Lufkin sur son identité. « I also know who you are... Emma Blackwood. » Par chance, il avait gardé, dans sa main libre, sa coupe de champagne, presque vide. Il la vida d'une traite. « I don't know why our families don't get along, but frankly... I couldn't care less. » Il marqua une pause. Sa mère l'avait défendu de s'approcher des Blackwood, encore quelques minutes avant qu'il ne se dirige vers Emma. La bienséance, il l'envoyait paître, mais ce n'était qu'un point de vue personnel. « Do you ? » La question portait à la fois sur les différends familiaux, mais également sur le fait de savoir si elle s'en souciait, ou pas. Alarik espérait que non, ou bien cela signifierait que leur entrevue serait bien vite mise à terme.