Une soirée beaucoup trop forte en émotions et me voilà en train de me tourner et retourner dans mon lit. Toute cette tension était difficile à évacuer. Entre les révélations de Scylla, les cris et menaces à peine déguisées au dîner, je ne savais plus comment gérer mes émotions, et je me retrouvais perdu. Perdu dans quelque chose de bien plus gros que moi. Je fermais les yeux, soupirant bruyamment. Dors, Marius. Mais c'était impossible. Mon coeur battait beaucoup trop fort. A chaque fois que mes paupières étaient closes, je revoyais le film de la soirée, je ressentais au centuple les émotions qui m'avaient assaillies et je ne voulais pas à nouveau me mettre en colère ou me mettre à pleurer. C'était le risque de vouloir tout casser dans ma chambre. Oh non. Bref. Après avoir essayé une énième fois de tomber dans les bras de la belle Morphée, je me levais d'un bond. Mon oreiller dans les bras, je pris directement la direction d'une chambre familière, à peine à quelques mètres de la mienne. Arrivé devant la porte de la délivrance, je grattais un peu le bois, comme un chat qui voulait signifier son envie d'entrer dans la pièce. Un chat qui voulait ronronner contre sa soeur.

Une fois laissé passer quelques secondes, j'ouvrais doucement la porte. Mes yeux s'habituèrent doucement à l'obscurité qui régnait dans la pièce. L'odeur familière de ma soeur emplit mes narines et déjà, je m'apaisais. Un doux sourire sur les lèvres, je m'approchais du lit à pas de loup. AIE. Putain, je venais de me prendre quoi dans le pied, là? Ah un bouquin. Pas étonnant, la chambre d'Helga était un vrai champ de mine... "Helgaaaa, tu dors?" que je chuchotais un peu trop fort. Mais bien sûr qu'elle ne dormait pas idiot, pas avec le boucan que j'avais fait en entrant. Sans gêne, je me glissais sous la couette avec elle, installant mon oreiller. Je me retrouvais alors couché sur le côté pour lui faire face. Ma main vint naturellement replacer des mèches de ses cheveux derrière son oreille. "Je n'arrive pas à dormir... Et toi?" Un seul regard et je saurais ce qu'il en était. Elle pouvait utiliser le langage des signes aussi. Mais entre nous, ce n'était presque pas utile. Je soupirais doucement. J'aurais voulu revenir en arrière. Au temps où enfants, nous nous amusions à faire des batailles d'oreiller et nous nous cachions sous la couette pour lire des livres ensemble. Perdant alors mon sourire, j'ajoutais avec une pointe de tristesse dans la voix: "Je ne pensais pas que ça me toucherait autant... que Scylla perde un bébé." C'était vrai. Je n'avais pas vu le bébé, je n'avais même pas vu Scylla enceinte. Et pourtant, j'avais l'impression d'avoir perdu quelqu'un de proche de moi, et ça me travaillait énormément. Plus que je ne pourrais l'admettre.

Tu viens de passer une semaine assez épuisante avec la révélation du mariage avec un certains Eustache, dans un premier temps, tu pensais que ce problème ne regardait que Scylla, mais rapidement ça t’a rattrapé. Si elle ne l’épouse pas, c’est toi qui vas devoir le faire et tu n’as aucune envie de te marier avec un homme que tu ne connais pas et en plus de ça pour qui tu n’as pas un seul sentiment. Et aujourd’hui tu apprends que ta grande sœur était enceinte et qu’elle est en couple avec le concierge de l’école, il ne manquerait plus que tu tombes et te fasse mal à la tête pour que se soit l’action de trop, mais c’est impossible. Tu n’arrives pas à ferme l’œil alors que sur le dos, tu regardes le plafond depuis plus d’une heure maintenant, il va falloir pourtant trouver le sommeil à un moment si tu veux être en forme demain pour la sortie organisé en famille. Tu vas devoir comme toujours porter une belle robe, être souriante et faire tout ce que les parents demandes si tu ne veux pas avoir de problèmes. Scylla qui tombe enceinte et perd son bébé, c’est vraiment douloureux et tu penses que dans d’autres circonstances, tu pourrais être marraine d’un petit bébé tout mignon, une idée qui te plaît énormément, mais qui n’est pas pour tout de suite. Ta sœur ne risque pas de remettre le couvert avant un moment, c’est totalement normal. Tu fermes les yeux et essayes quand même de trouver le sommeil alors qu’un grattement se fait entendre à l’entrée de la chambre, tu relèves la tête en souriant, pas besoin d’aller chercher bien loin pour savoir qui vient jusqu’à toi. La porte s’ouvre et tu entends ton frère se faire mal avec un objet encore au sol, tu grimaces légèrement pourtant, il sait très bien que tu es quelqu’un de plutôt bordélique même si ça ne se voit pas une seule seconde sur toi.

« Helgaaaa, tu dors ? » Tu tapes plusieurs fois des mains alors qu’il est impossible pour toi de lui répondre avec des mots, comment tu pourrais dormir après la journée de dingue que vous venez tous de passer ?! C’est impossible même si tu penses que Lilas et Octave en ce moment même dorment comme des gros bébés en rêvant de plus de pouvoir. Cette quête ne va les mener nul part, mais ils s’en rendront comme tout seuls comme des grands et viendront vers vous à ce moment-là. Enfin, tu penses. Marius arrive et se met face à toi en replaçant une mèche de cheveux, tu lui offres un sourire et fait une petite mou pour lui montrer que tu es contente de le voir en te dandinant de gauche à droite. Vous ne dormez plus dans la même chambre depuis quelques années déjà, mais aller retrouver l’autre dans sa chambre, c’est assez souvent que ça arrive, vous avez besoin l’un de l’autre et les parents ne sont évidemment pas au courant. Ils ne seraient pas d’accord avec ce genre de pratique précisant qu’un Muller peut dormir tout seul, pas de place pour la faiblesse dans ce monde, c’est comme ça que votre père voit les choses.

« Je n'arrive pas à dormir... Et toi ? » Tu viens tapoter sa joue avec tendresse pour lui faire comprendre que c’est la même chose et qu’il peut rester toute la nuit s’il veut, c’est l’une des seuls personnes avec qui les mots ne sont pas essentiels. Avec Scylla ou encore Lya, c’est exactement la même chose. « Je ne pensais pas que ça me toucherait autant... Que Scylla perde un bébé. » Tu baisses doucement les yeux en perdant aussitôt ton sourire, tu es entièrement d’accord avec lui, mais tu ne peux absolument rien y faire, vous pouvez juste attendre que la pilule passe et être là pour votre grande sœur quand elle a besoin de vous, elle est assez présente dans votre vie pour que vous puissiez lui rendre la pareille. Le silence s’installe pendant un long moment alors que sans prévenir, tu éternues de manière totalement improbable en couinant presque te surprenant toi-même, tu regardes ton frère pour lui faire comprendre qu’il n’a pas le droit de se moquer avant de te mettre à rire de ton côté, sa simple présence peut régler tous les problèmes.

J'avais besoin de la présence de ma jumelle pour me sentir bien, pour m'apaiser. Elle était la seule, avec Scylla, à savoir faire disparaître mes angoisses d'un sourire ou d'un regard. Alors, quand les choses s'envenimaient dans la famille, c'était vers elle que je me tournais pour trouver du réconfort. Elle était là, dans son lit, entourée par des mines disséminées un peu partout au sol. Je le savais pourtant, mais ça ne m'avait pas empêché de me prendre un truc dans le pied. Bref, une fois dans le lit, je plongeais mon regard clair dans le sien, cherchant des réponses dans ses pupilles magnifiques. Bon, avec l'obscurité, je ne voyais en réalité pas grand chose mais peu importait. Je la trouverais où qu'elle soit. Je devinais son sourire alors que je lui demandais si elle dormait. Elle se dandinait pour me répondre, ce qui m'arracha un doux sourire. Sa main, si douce, fit l'effet d'un baume sur ma joue et sur mon coeur. Elle était là. Elle serait toujours là. Perturbé par cette soirée, j'avais le besoin vital d'exprimer mes émotions face à ma jumelle, pour crever l'abcès et ne pas m'endormir sur des angoisses. En vérité, je craignais les cauchemars. Ces démons de la nuit qui venaient hanter nos rêves et nous empêchaient de nous reposer. Je soupirais doucement alors que je sentais que mes sombres pensées prenaient possession de ma soeur. Même son sourire semblait avoir disparu. A mon tour, je vins passer ma main sur sa joue. Je suis là. On s'en sortira ensemble.

Le silence s'empara de la chambre, mais la savoir à côté de moi m'apaisait et je me sentais doucement m'endormir. Seulement, ma moitié choisit précisément ce moment pour sortir un truc improbable. Un truc qui devait se situer entre l'éternuement chelou et le couinement adorable d'une souris. Je clignais des yeux, un brin interdit, avant de pouffer de rire. Son rire suivit presque aussitôt, et on se retrouvait de nouveau comme deux gamins. Un sourire taquin sur le visage, je lui lançais alors: "Oh bah c'était super sexy, ça! J'espère que tu feras pas ça devant ton futur copain..." Ma voix était un brin moqueuse, j'aimais bien l'emmerder. Mais fallait quand même pas pousser. Alors je rajoutais vite fait: "Enfin, pour ça, faudrait qu'un mec te mérite, et c'est pas prêt d'arriver. Je veille!" J'étais presque sérieux. Ma soeur, prunelle de mes yeux méritait le meilleur. Et j'aurais énormément de mal à accepter n'importe quel mec à son bras. Oh non. Il allait devoir faire ses preuves le petit... Bien sûr, je n'aurais sûrement pas mon mot à dire si ma soeur trouvait quelqu'un. Je n'irais pas jusqu'à ruiner son histoire, mais je tuerai le mec qui la ferait souffrir, c'était clair et net. Baillant bruyamment, je soupirais ensuite, calant ma tête sur l'oreiller sans lâcher Helga du regard. "N'empêche, peut-être qu'un jour, je me retrouverai dans un lit avec une fille qui ne sera pas toi." que je lançais avant de rire doucement, amèrement.

C’est impossible de mettre des mots sur ce qui constitue la relation que tu as avec Marius, vous avez ouvert les yeux pratiquement au même moment pour la première fois découvrant le monde ensemble comme si vous étiez une seule et même personne. Sûrement chacun gardant une moitié d’âme pour que l’autre puisse en obtenir la totalité, un amour bien au-delà des possibilités que la science a de pouvoir comprendre ce phénomène dont la seule source d’énergie et une dévotion à toute épreuve que rien ne pourra venir ébranler. Les jumeaux de la famille Muller. Ce n’est pas la première fois qu’il vient dans ta chambre en pleine nuit et ce n’est sûrement pas la dernière, c’est exactement la même chose pour toi. D’ailleurs, ça pourrait être toi en ce moment même dans son lit, peut-être que tu aurais décidé dans la nuit de faire la même chose et de passer son propre champ de mines pour ne pas terminer cette nuit seule avec tes démons. Il pose sa main délicatement sur une de tes joues, un geste si simple et pourtant avec tant d’informations, plus rien ne peux te faire peur dans ce genre de situation ou ta famille est là pour prendre soin de vous. Une chance dont vous avez conscience, il faut en profiter un maximum et ne laisser personne briser ce lien si particulier qui vous unis. Arrive alors l’éternuement capable de détendre l’atmosphère, un sourire sur les lèvres, tu sais que ton frère ne se moque pas réellement, mais il ne peut pas s’empêcher de faire une remarque concernant ce bruit improbable qui vient de sortir de ton nez et de ta bouche en même temps. « Oh, bah, c'était super sexy, ça ! J'espère que tu feras pas ça devant ton futur copain… » Tu n’as pas envie de dormir, mais tu veux plutôt rigoler encore un moment et oublier ce qu’il vient de se passer, alors tu places ton corps en tailleur pour te retrouver devant ton frère avec un léger rictus. Un copain ? Tu hausses les épaules avant de commencer à converser avec tes mains sachant qu’il pourrait suivre un minimum, puis il peut te comprendre d’un simple regard en plus de ça. J’espère que tu vas l’apprécier. Tu commences à rougir à l’idée d’en avoir un, tu as au fond de toi envie de connaître l’amour même si personne n’a encore réveillé la chaleur de ton cœur capable de te faire perdre la tête. Peut-être bientôt, qui sait. « Enfin, pour ça, faudrait qu'un mec te mérite, et ce n'est pas prêt d'arriver. Je veille ! » Tu commences à rigoler un moment, ce ne sont pas nouvelles les femmes de la famille Muller ne peuvent pas être amoureuses sans avoir une armée de garçons sur le dos prêts à tout pour casser des dents au moindre faux pas venant du prince charmant. Il faudra quelqu’un capable de supporter l’interrogatoire de Sasha, ton lien avec ton jumeau et surtout l’idiotie de ton père ce qui représente sûrement 50 % du problème, si ce n’est pas plus. « N'empêche, peut-être qu'un jour, je me retrouverai dans un lit avec une fille qui ne sera pas toi. » Il commence alors à rigoler, mais toi, tu poses une main sur ton menton comme pour réfléchir à cette hypothèse, c’est vrai qu’il va aussi avoir une copine un jour. Une autre fille que toi dans son lit, tu n’es pas jalouse et c’est normal, mais tu ne veux pas que sa copine à venir t’empêcher de voir ton frère. Tu ne pourrais pas t’en remettre dans ce genre de situation. Tu attrapes le téléphone, un objet moldu dont tu n’arrives plus à te passer maintenant, il faut dire que c’est vraiment utile pour rester en contact avec les copines. Tu vas dans le bloc note, c’est quand même plus simple pour communiquer. Tu veux que je te présente mes copines ? Tu lui montres et rigole un instant sans lui montrer si tu dis la vérité ou si tu rigoles.

Petit à petit, l'ambiance se détendait, et j'arrivais même à un peu oublier le pourquoi de mon insomnie. Ma jumelle avait ce côté apaisant qui me canalisait et m'offrait un repère réconfortant. Je savais qu'un jour, nos chemins se sépareraient, mais pour le moment, j'avais encore besoin d'elle. J'avais besoin de savoir qu'elle n'était pas loin et que je pourrais me réfugier auprès d'elle. C'était une réaction clairement puérile, enfantine. Pourtant, je ne pouvais pas m'e empêcher. Helga finit par s'assoir en face de moi en tailleur pour pouvoir converser dans la langue des signes. Avoir pris des cours en même temps qu'elle était une chance, je pouvais aisément la comprendre. Même si dans le fond, je n'avais jamais eu à trop forcer pour être sur la même longueur d'onde qu'elle. Le fait qu'elle rougisse me fit sourire d'autant plus. Ma soeur croyait au grand amour, et elle avait raison. Moi-même, j'espérais un jour tomber sur celle qui saura m'ouvrir son coeur -et accessoirement me supporter, je pouvais être épuisant. Mon coeur, que je cachais derrière l'humour que je mettais dans mes tentatives de drague, était celui d'un enfant, non d'un adulte. Aisément corruptible. Aisément abimé. Helga se mit à rire de ma remarque protectrice à son encontre. Elle devait bien se douter que son futur copain aurait à passer mes tests... Personne ne touchait ma soeur sans mon consentement. Helga sembla alors pensive. Qu'est-ce que j'avais dit...encore? Elle pianote sur son portable avant de me montrer l'écran, et je restais interdit quelques secondes. Sérieusement? Elle se foutait de ma gueule, non? Genre, elle me laisserait approcher ses copines. Je savais très bien que ça la ferait chier que je le fasse... Même si ouais, certaines d'entre elles étaient carrément craquantes. "Hey! Arrêtes de te moquer!" que je lui lançais en rigolant à moitié, avant de lui envoyer un coussin. Bien fait! "Je sais très bien que tu le feras pas! Tes copines, c'est genre sacré pour toi, non? Mais t'inquiète pas, je vais me débrouiller tout seul..." Je me tournais sur le dos, avant de mettre mes mains derrière la nuque. Je soupirais doucement, jetant un regard amusé à ma jumelle. J'hésitais un moment, puis je finis par ajouter avec une pointe de rêverie dans la voix: "Ou alors, je demanderais à Emy... C'est une experte, tu sais! Je suis sûr qu'elle me trouvera quelqu'un..." Oh bien sûr, je finissais par croire que ma coach m'intéressait plus que les filles qu'elle voulait me présenter, mais ça, je ne me l'avouais déjà pas, je n'allais certainement pas le dire à voix haute. Puis, c'était vrai qu'elle était douée. Moi, à côté, je foirais tout ce que je tentais. Un vrai désastre ambulant comme elle disait...

Ce n’est pas que Marius est un garçon repoussant autant sur le plan physique que sur son côté moral, il n’a juste pas la patience qu’il faut pour trouver la personne qui lui correspond réellement. Il faut comprendre qu’un homme presque parfait, ça fait peur aux femmes et elles pensent le plus souvent sans vraiment le savoir qu’elle ne sont pas à la hauteur. Ne pas trouver, ça ne veut pas dire que l’on est pas attirant, mais seulement qu’il faut faire preuve de patience parce que tout arrive quand on ne s’y attend pas du tout. Tu sais ce genre de choses et tu aimerais vraiment que ton frère puisse s’en rendre compte sans se faire du mal et se poser des centaines de questions qui ne devrait pas être là. Alors, tu prends plaisir à l’embêter avec pour objectif de lui changer un minimum les idées alors que ton téléphone reprend place sur le lit. Tu prends un coussin dans la tête sans vraiment comprendre ce qu’il se passe et reste bête l’espace d’un instant avant de te mettre à rigoler, il commence à jouer à un jeu dangereux sachant très bien que tu es une véritable bête sauvage quand on trouve la petite bête. Tu attrapes ce même coussin et lui donne un coup direct en pleins dans la tête, avec une certaine fierté dans le regard, car personne, pratiquement, le sait, mais une pointe d’orgueil est présente en toi. Tu possèdes des défauts et pour certains est la seule à réellement le savoir, ce n’est pas une chose dont tu aimes te vanter, il faut dire et c’est plutôt une bonne chose. L’attaque se termine avec des rires et des gestes pas plus haut les uns que les autres alors que Marius commence à parler d’une certaine Emy, tu ne sais pas qui est cette personne, mais tu connais son nom pour l’avoir entendu à plusieurs reprises. Apparemment, c’est une amie de ton frère, mais d’après ce qu’il dit elle n’est rien de plus et ce n’est pas une petite amie potentielle ou alors c’est que tu as raté un chapitre entier. Tu pointes les pouces sur ta propre poitrine en redressant légèrement le torse, regardant ton jumeau droit dans les yeux comme pour lui envoyer un message simple et pourtant avec beaucoup de précision. Je suis là moi. Une façon encore une fois sûrement de le rassurer, ce n’est pas la même forme d’amour, mais n’empêche que tu aies raison, il n’a pas à s’en faire vu que tu seras toujours là pour prendre soin de lui du mieux que tu peux. C’est le travail de toute une vie, mais dans cet immense aquarium tu seras quand même capable de pouvoir nager librement à ses côtés éternellement ou du moins pendant de longues années avant que chacun soit dans l’obligation d’aller vers un chemin différent. Il va se marier et avoir des enfants et tu vas sûrement en faire de même, mais il pourra quand même téléphoner à n’importe quel moment de la journée et venir te voir quand l’envie lui prendra. Il le sait. Tu commences à rire à nouveau et entend des bruits de pas dans le couloir, ce qui vient calmer directement l’ambiance. Tu prends la couverture et la mets sur Marius en l’obligeant à s’allonger et commences à faire semblant de dormir, si ce sont les parents y a intérêt à ce qu’ils ne puissent pas comprendre que ton jumeau continue à venir dans ta chambre la nuit ou vous allez avoir des soucis tous les deux.

Ma soeur, je la connaissais par coeur. Ses petites manies, ses qualités, ses défauts, ce qu'elle aime, ce qu'elle déteste. Certes, elle avait son jardin secret, tout comme j'avais le mien. Mais en vérité, il y avait peu de choses que j'étais capable de lui cacher. De toute façon, elle le verrait directement sur ma tête. Et dès qu'une émotion forte nous prenait, l'autre le sentait presque instantanément. Ainsi se déroulait le lien entre deux jumeaux. Parce qu'on avait tout partagé depuis notre naissance. Je serais toujours là pour elle, comme elle le serait toujours pour moi. C'était instinctif. Dès que l'un se sentait mal, l'autre arrivait pour consoler, rassurer. Je m'amusais à lancer une petite bataille de coussin, à laquelle Helga réagit presque immédiatement, ripostant à l'aide du coussin que je lui avais envoyé. Ce qui me fit rire, bien évidemment. Alors comme ça, elle ne se laissera pas faire? Je ripostais à nouveau, partant dans un fou-rire contrôlé, histoire de ne pas réveiller le manoir. Nos petits moments à deux étaient essentiels pour relâcher cette pression que nous nous mettions inconsciemment sur nos épaules. J'eus un moment de flottement pendant lequel j'évoquais mon Emy, probablement l'amie sur laquelle je comptais le plus. Celle que j'avais appris à connaître au fur et à mesure des années. Cela sembla perturber ma jumelle, ou peut-être la rendre jalouse, puisqu'elle me fit signe qu'elle était présente pour moi. Un sourire tendre se révéla sur mon visage tandis que doucement, je me redressais pour la prendre dans mes bras. "Je sais bien que tu seras toujours là... T'es ma moitié, Helga, jamais personne ne nous séparera vraiment..." Bien sûr, on allait tous les deux se marier, peut-être même avoir des enfants. Mais cela ne nous empêchera pas de garder notre complicité. Alors que je la gardais tout contre moi encore un peu, des bruits dans le couloir nous stoppèrent net. Je me raidis brusquement, me laissant faire par Helga qui m'incita à me coucher avant de me recouvrir de la couverture. Si quelqu'un me trouvait là, j'aurais encore des soucis, tout comme ma jumelle... C'était hors de question. Quand j'entendis la porte de la chambre s'ouvrir doucement, je retenais ma respiration, fermant les yeux dans l'attente du verdict. Une voix que je reconnaîtrais entre toutes s'éleva alors dans la pièce faussement silencieuse: "Marius, je sais que tu es là et tu n'as rien à faire dans cette chambre. Quand est-ce que vous vous comporterez enfin en adultes? Sors de là. Tout de suite." Le ton de ses derniers mots ne souffraient aucune opposition. Et le repas de ce soir avait déjà été le théâtre de trop de provocations... Ah shit. A tous les coups, il avait du aller dans ma chambre avant de venir ici... Et s'il a entendu des voix dans la chambre d'Helga... Cela ne pouvait venir que d'une autre personne. Je soupirais doucement, avant de sortir de sous la couverture. Prenant le temps d'embrasser le front de ma jumelle avant de lui chuchoter un "Bonne nuit ma belle", je finis par sortir du lit, sous le regard mauvais de notre père. Il ne supportait pas notre proximité. Ne supporter pas qu'on puisse se faire des démonstrations d'affection aussi facilement. Au fond, il devait être jaloux. Parce que lui était, selon moi, incapable d'aimer. Après un dernier regard jeté à Helga, je passais à côté du paternel qui ne se gêna pas pour me foutre une claque derrière la nuque, histoire que j'accélère le pas. "Dépêches-toi! File dans ta chambre." qu'il me lança, sa voix vibrante d'agacement. Me retenant de riposter, je filais dans ma chambre, le coeur cependant apaisé par mon moment de complicité avec ma soeur...