Les talons d'Evangeline retentissaient sur le carrelage froid du couloir menant au dortoir des Lufkin. Plusieurs années maintenant qu'elle était directrice de cette maison, et elle ne se lassait pas de son rôle. Qui aurait pu croire un jour qu'une femme aussi froide et sèche aurait pu être si protectrice envers ses étudiants. Son propre frère doutait de ses capacités à ce poste. Elle se rappelait encore très bien les mots qu'il avait eu quant lors d'un repas dominical elle leur avait annoncé la bonne nouvelle. Evangeline, je sais bien que le ministère te manque mais tu ne crois pas que tu en fais déjà assez avec cette école ? Comment vas-tu faire pour les gérer ces gosses ? Tu n'as jamais eu d'enfant, comment pourrais-tu les aider et les comprendre ? Non oublie cette idée si tu veux mon avis, toi tu es faite pour donner des ordres pas pour écouter les plaintes d'étudiants préférant forniquer qu'étudier. Les temps ont changé malheureusement ma chère sœur. Tel était toujours le discours du frère d'Evangeline. Elle n'avait jamais eu d'enfant donc elle ne pouvait pas savoir comment en éduquer ou même comment gérer des jeunes, elle qui n'avait jamais eu que des employés à sa botte, et qui jamais n'avait eu de contact avec la jeune génération. Pourtant, en tant qu'enseignante, elle savait se faire respecter et même craindre, son côté ultraconservateur y étant pour beaucoup. Le directeur de l'établissement ne lui aurait pas donné le poste de Directrice de la Maison des Lufkin s'il ne lui avait pas fait confiance après tout. Et puis son frère Gabriel ignorait une chose : elle avait eu un enfant. Elle ne l'avait jamais éduqué c'est sûr, préférant l'abandonner dans une clinique française juste après l'accouchement, et jamais elle ne l'avait revu. Qui sait ce que ce petit garçon était devenu ? Avait-il survécu ? Avait-il été dans une bonne famille d'accueil ? Etait-il un sorcier comme ses parents ? Tant de détails qu'Evangeline ignorait et parfois elle le regrettait. Elle savait qu'à l'époque elle ne pouvait pas gérer un enfant, mais aujourd'hui elle se disait qu'elle avait raté une étape importante dans sa vie, se construire une famille. Certes il y avait son frère et sa belle-soeur, sa nièce, ou encore ses deux meilleures amies mais c'était à peu près tout... Malheureusement, le nom des Rosebury semblait destiné à disparaître avec sa nièce...

Malgré les mots très durs de son frère, elle n'avait pas baissé les bras et aujourd'hui les Lufkin étaient dirigés d'une main de fer dans un gant de velours par l'élégante Evangeline. Et comme il lui arrivait souvent de le faire, elle allait faire un tour dans leur salle commune, où certains étaient sûrement en train d'étudier ou de faire des expériences propres à leur mentalité. Pourtant, quand le bruit de ses talons se tue une fois arrivé dans la salle commune, elle ne la trouva pas pleine bien au contraire. Il n'y avait que quelques élèves de présent, les autres devant sûrement être en cours ou à la bibliothèque à son humble avis. Il n'y avait que deux jeunes filles, en train de tenter une potion dans un coin de la pièce, autour d'un chaudron d'où s'échappaient d'étranges volutes bleus, et un jeune homme dans un fauteuil, le corps arc-boutait sur un vieux livre qu'il avait dû emprunter à la bibliothèque. Evangeline ne voyait pas de quoi traitait l'ouvrage mais elle savait qui était ce jeune homme, un jeune homme pour qui elle avait une affection particulière vu l'horrible histoire qu'il porte sur les épaules. Milaan Vogel avait failli être refusé à Hungcalf, l'université ne voulant pas d'un meurtrier dans ses rangs. Mais Evangeline l'avait pris sous son aile et avait assuré au directeur qu'elle le surveillerait. La chance était avec elle car il fut reçu chez les Lufkin, sa propre maison, sa mission serait bien plus facile. La dame se rapprocha alors du jeune homme et s'assit dans le fauteuil à côté du sien.

Alors Monsieur Vogel, qu'êtes-vous en train d'étudier de beau ?

Oui, Evangeline ne parvenait à se résoudre à l'appeler par son prénom. Cela aurait impliqué une proximité trop intime pour elle, sa vieille éducation la maintenait prisonnière des convenances...

L’arrivée à l’université n’avait pas été une chose des plus simples pour Milaan. Il avait tout de même fait un acte grave, irréparable mais qui avait été nécessaire, ne serait-ce que pour sa sécurité mais surtout pour la sécurité de sa mère. Lynn ne méritait pas une vie aussi merdique que celle qu’elle avait pu vivre jusqu’à présent. Elle avait pris trop de coups et avait subi bien trop d’actes cruelles pour qu’elle puisse s’en sortir complètement indemne. Le jeune Lufkin ne regrettait pas son geste, il s’était débarrassé de son géniteur et c’était le principal. S’il fallait le refaire, il le ferait très certainement. Bien entendu, il ne le disait à personne et il n’avait jamais dit ça devant ses professeurs. Non, il ne voulait pas risquer sa place au sein de l’université Hungcalf. Il savait pertinemment qu’il avait galéré pour pouvoir entrer au sein du campus et d’ailleurs, il savait également qu’il pouvait remercier une personne, une professeure et surtout la directrice dans la maison où il avait été choisi, Evangeline Rosebury. Cette femme était tellement douce et gentille avec lui. Elle s’était pris d’affection pour lui et l’affection était réciproque d’ailleurs. Finalement, il avait suffi d’une seule personne pour que sa vie puisse continuer son cours de la façon la plus normale possible. Comme pour Poudlard, s’il n’y avait pas eu Evan et bien il serait peut-être en train de mendier dans la rue ou bien de voler pour pouvoir se nourrir et nourrir sa mère. Heureusement, il était à présent dans les quatre murs de cette université, il allait pouvoir faire de sa vie quelque chose de plus glorieux que sa vie passée au sein de sa famille. Il travaillerait dur pour ça, il ne voulait pas que la gentille dame soit déçue de lui et qu’elle se dise qu’elle n’aurait pas dû lui laisser une chance d’intégrer Hungcalf.
 
Milaan était dans la salle commune des Lufkin, il était en train d’étudier. Il avait été à la bibliothèque quelques minutes auparavant pour aller trouver un livre dans le domaine de la botanique. C’était une de ses matières obligatoires et il ne voulait pas se retrouver avec de mauvaises notes aux examens. Non, il en était hors de question. Il bûchait donc un maximum pour engranger un maximum de connaissances et pouvoir les restituer ensuite en cours. Il avait une mémoire plutôt visuelle qui lui permettait donc de retenir pas mal de choses. Ce n’était pas une mauvaise chose et puis ça lui permettait d’apprendre plus rapidement. Malgré le fait qu’il était captivé par sa lecture, il avait très rapidement entendu le bruit significatif des talons aiguilles d’Evangeline qui claquaient sur le sol. Il n’avait pu s’empêcher de sourire. Il était content d’entendre ce bruit parce qu’il savait exactement où elle se rendait et il savait également que si elle le remarquait, elle viendrait lui parler ce qui ne le dérangerait pas du tout. Il la connaissait que trop bien et il ne s’était pas trompé. Les talons avaient arrêté de faire du bruit une fois la porte de la salle commune ouverte pour de nouveau retentir une fois la petite inspection terminée. Le jeune étudiant avait ensuite rapidement senti une présence à ses côtés. Lorsque la jolie voix de madame Rosebury était sortie de la bouche de celle-ci, il avait toujours le sourire aux lèvres. Il aimait quand elle l’appelait Monsieur Vogel, pourtant, il s’agissait tout de même du prénom de son géniteur… Mais il s’était promis une chose, garder ce nom et faire en sorte qu’il retrouve une certaine gloire. Elle venait de lui demander ce qu’il était en train d’étudier.
 
« - Et bien chère Madame Rosebury, je suis en train d’étudier la botanique. Vous savez que c’est une de mes matières obligatoires et surtout vous savez à quel point je veux que vous soyez fière de moi. Je fais donc mon maximum pour étudier, étudier et encore étudier. Et vous ? Que nous vaut votre viste ici ? Rien de grave j’espère ? »
 
Il aimait la voir et discuter avec elle. Elle était un véritable petit rayon de soleil pour Milaan. Cela lui permettait d’oublier le quotidien qu’il avait vécu et surtout, son geste lui avait permis de fuir la demeure familiale devenue beaucoup trop glauque maintenant...