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Se faire épauler
Mer 22 Juil 2020 - 13:40
Se faire épauler. Feat Aedan |
Août 2018 ~ Six mois après le décès de Joy
La librairie était encore déserte à cette heure-ci de la journée. Les jeunes employés avaient pris leurs congés, pas parce qu'Ignatus voulait fermer boutique, mais parce que, justement, son souhait était de la rouvrir. Lui-même. Cela faisait six mois que le lieu était occupé par les employés à mi-temps et autres apprentis. Quelques amis de la famille Hickey était venus prêter main forte au couple, tandis que celui-ci était occupé à lécher ses plaies, dans l'intimité de leur appartement, au dessus de la librairie. Ignatus revoyait les poignées de cheveux de sa fille, qui tombaient sans cesse. Il revoyait la tombe descendre en terre et les sanglots de sa femme. Celle-ci avait décidé de quitter son lit pour celui de sa fille, ce qu'Ignatus n'encourageait pas. Mais en voyant sa femme si vide, il ne pouvait que la border, l'embrasser sur sa tempe humide de larmes et de redescendre en pleine nuit, dans la librairie déserte.
Le petit libraire comptait reprendre sa boutique en main. Pour s'occuper, pour penser à autre chose, pour ne pas rester enfermé. Il avait encouragé Margaret à reprendre son travail également, à retourner au Ministère. La pilule était tout aussi difficile à avaler pour cette mère qui venait de perdre l'enfant qu'elle avait mise au monde. Ignatus éprouvait une douleur tout aussi forte mais bien différente, teintée de frustration et d'un fort sentiment d'impuissance face à la situation. Il était à peine sept heures du matin quand Ignatus descendit dans la librairie, tout habillé, d'une chemise ample à cordon et d'un pantalon en toile légère, pour supporter la lourde journée d'été qui allait s'abattre sur ce monde.
Il ouvrit les battants de la librairie, à l'extérieur, et vit dépasser de la fenêtre de l'étage, la tête de sa femme, décoiffée et endormie. « Chéri... » Gémit-elle avant de l'observer quelques secondes. Ignatus avait le nez levé vers la fenêtre et fixait sa femme, son adorable et magnifique femme. « Je vais ouvrir un peu, juste quelques heures. » Margaret acquiesça en arrivant à esquisser un léger sourire en coin, plein d'affection pour son petit mari. « Je t'aime. » Dit-il d'une voix à peine audible de l'étage, avant d'acquiesçer et de retourner à l'intérieur. Les plantes avaient été entretenues par les employés, mais certains d'entre elles étaient en fin de vie. « C'est pas vrai... » Dit-il d'un air absent en s'en occupant quelques minutes avant de jeter un oeil aux feuilles de route que laissaient ses employés à son adresse. Ils n'étaient pas obligé mais se sentaient concerné par le deuil de leur patron et ne souhaitaient qu'une seule chose : le voir redescendre à la boutique pour s'occuper de ses clients, parler avec passion de littérature et déambuler dans les rayons en glissant sur son petit chariot comme il avait l'habitude de le faire. Cela faisait rire Joy, qui voyait son père comme le Charlot habile qu'il pouvait être parfois, lui ressemblant même de part ses traits menus et fins.
À huit heures et demi, Ignatus laissa délibérément la porte ouverte en se plançant derrière le comptoir comme un employé plus que comme un gérant. Il voulait sentir le bois du comptoir sous ses doigts pour se donner de la force.« Allez. Quelques heures. Ok. » Se dit-il à lui-même en fixant la porte d'entrée, soufflant un coup pour refouler une envie de pleurer. Il s'était rasé pour l'occasion, offrant d'impressionnantes rouflaquettes et laissant son menton parfaitement nu. Mais il n'attendait personne. Après tout, il était bien trop tôt pour que des clients viennent dans la librairie et il n'avait pas annoncé celle-ci comme ouverte. Mais elle l'était : pour lui. Pour se donner du courage.
Quand il vit se dresser vers l'entrée une silhouette familière, Ignatus haussa ses sourcils tristes en une pure expressionde surprise, avant d'esquisser un sourire. « Aedan. »
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Re: Se faire épauler
Ven 7 Aoû 2020 - 13:38
Le portail de Hung se referme derrière moi pour m’accueillir de nouveau à la rentrée. Les fêtes, les amusements, c’est fini, terminé pour moi. J’ai assez profité de l’instant présent. J’avais besoin d’une bouffée d’oxygène d’une pause pour savoir où j’en étais et où je voulais aller. Je me suis enfermé dans mes études depuis bien trop longtemps sans me donner la permission de souffler. A présent je sais ce que je veux, finir mes études, devenir un médicomage. A présent je vagabonde, après avoir transplané, dans les rues de Myrddin. J’ai quelqu’un a allé voir aujourd’hui. Quelqu’un que je voudrais soutenir après cette épreuve tragique qu’il traverse auprès de sa femme. Cet enterrement auquel j’ai assisté m’a remis les pieds sur terre et m’a fait comprendre que l’heure était venue de revenir et soutenir mon ancien patron. Les mains dans les poches, je continue de marcher dans les rues calmes du quartier sorcier, certains ont dû partir en vacance étant donné que la foule se fait rare. Elle sera plus importante dans quelques semaines j’imagine lorsque les étudiants reviendront. La porte de ma destination est ouverte, surpris, j’hausse les sourcils, je m’attendais à trouver porte close. Pour autant j’entre et tombe nez à nez avec mon ancien patron, surpris, agréablement surpris, je le pensais dans son appartement, enfermé, refusant de retrouver la lueur du jour et les sourires des clients. Je ne peux m’empêcher de faire le tour du comptoir pour une accolade amicale, il était mon patron, certes, mais il est aussi et surtout un ami. Ami que je compte soutenir. Dos et épaule tapotés, je le regarde après m’être libéré étreinte. « Monsieur Hickey, avez-vous besoin d’un coup de main, c’est le jour des arrivages aujourd’hui, si cela n’a pas changé, vous voulez que je m’en occupe ? » Inutile de lui demander des banalités le « ça va ? », « êtes-vous en forme ? » cette question sera sans cesse demandée, pour avoir également perdu des proches, je sais que c’est ce que l’on me demandait le plus souvent puis ensuite « ça passera avec le temps » J’ai envie de dire à ces personnes que ça s’atténue avec le temps certes, mais la douleur restera constante, ainsi que le manque. Etre occupé aide. Occuper Monsieur Hickey, l’aider sera mon but.
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Re: Se faire épauler
Dim 9 Aoû 2020 - 11:56
Se faire épauler. Feat Aedan |
Revoir Aedan était une surprise pour Ignatus, surtout dans un moment comme celui-ci. Il pensait avoir à supporter cette journée tout seul, refusant de surcharger Margaret en quoi que ce soit : elle avait trop à faire, trop de choses à penser, trop de plaies à sutturer inconsciemment, petit à petit. Celles-ci suinteraient toujours, entâchant leur relation, mais elles étaient incurables : on ne se remet jamais complètement de la perte de son enfant. Hickey avait au moins la librairie, pour tenter d'entretenir le souvenir et ainsi peut-être espérer faire un jour son deuil. Il esquissa alors un sourire tout de même chaleureux même si teinté d'une habituelle mélancolie qui était la sienne désormais, en venait rendre son accolade à Aedan. Ils ne disaient rien, ils s'échangeaient, par le biais de ce geste, une sympathie profonde l'un envers l'autre et cela suffisait.
Quand Aedan proposa instinctivement de l'aider pour l'aider dans le tri des arrivages, Hickey reconnu lui-même une flamme de grattitude dans ses yeux. « Je... Oui... J'aimerais beaucoup, j'ai une liste énorme et les paquets doivent arriver d'ici... Euh... » ignatus jeta un oeil à l'horloge située sur l'escalier. « Trois minutes exactement. Comme d'habitude. » En effet, les nouveaux arrivages se présentaient par eux-même en général à l'entrée du magasin suivit d'une lettre parlante annonçant la date du jour et les différents éditeurs-expéditeurs. Ignatus leva le nez vers Aedan, devenu désormais un jeune homme accompli et plein d'ambition, et esquissa un sourire en passant le comptoir pour attendre devant la porte d'entrée, l'arrivée des fameux paquets.
Ceux-ci se présentèrent d'eux-mêmes comme convenu. Ignatus attrapa au passage la liste avant qu'elle n'ait le temps d'annoncer la date et les éditeurs et passa d'un air agacé ses lunettes sur son nez pour lire lui-même le contenu. « Très bien... Très bien... » Son esprit fonctionnait au ralenti, aussi fût-il heureux de constater que le jeune homme était disponible à ses côtés pour l'aider à porter le tout jusqu'au comptoir pour pouvoir faire le tri. Silencieusement, Ignatus se rendait compte que quelque chose manquait. Il ne s'agissait pas de Joy évidemment, mais de quelque chose qui manquait à l'atmosphère. D'ordinaire, le petit libraire mettait toujours de la musique, mais depuis la mort de Joy, la librairie restait désespérément silencieuse. Hickey toussota, gêné désormais de s'en rendre compte et leva le nez vers le jeune homme. « Les grands formats en tête de gondole, comme d'habitude... » Lui dit-il alors pudiquement en indiquant d'un faux air non-chalant, en désignant un premier carton. Il n'y avait pas de grandes instructions à donner au jeune homme qui avait travaillé ici, ce qui soulagea grandement Ignatus qui ne voulait s'encombrer de paroles creuses.
Seulement, il fonctionnait au ralenti et mettait du temps à tout déchiffrer sur le registre de commande, et mis un temps infini à retrouver son propre registre. Observant du coin de l'oeil Aedan, il esquissa un sourire en coin à peine perceptible et marmonna : « Merci Aedan... » Avant de s'asseoir sur la chaise haute qui se trouvait derrière le comptoir et tourner les pages du registre, fébrile. Là-dedans devait probablement se trouver quelques dessins de sa fille, gribouillés ici ou là dans les pages du registre. Ignatus le savait et se préparait à trésaillir à tout moment.
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