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Follow me we are together tonight
Mar 20 Avr 2010 - 19:06
- Ce jour-là je m’étais réveillée avec une excitation particulière, sans vraiment m’en rendre compte. Je m’étais levée plus tôt qu’à mon habitude, vers les 6 heures du matin alors que je me levais normalement maximum une demi-heure avant le début de mes cours. Je n’avais pas grand-chose à faire alors je décidais d’aller balader dans le château malgré l’heure matinale je verrais peut-être une tête connu et serait susceptible de me faire passer le temps. C’est donc avec mon IPod sur les oreilles que je sortis de ma chambre pour aller vagabonder, mes pas se faisaient au rythme de « I don’t care » des Fall out boys, un groupe Moldus que j’adorais. Hungcalf malgré l’heure assez matinale était déjà en effervescence, on s’agitait un peu partout, les décorations pour le bal qui avait lieu le soir même se baladaient dans les airs et sortaient d’un peu tous les côtés. Des premières années curieux étaient massées en petit groupe dans le couloir et faisaient des paris pour les festivités du soir. L’un d’eux qui semblait un peu moins débile que les autres prenait les paris. Je tendis l’oreille curieuse de savoir ce que les premières pensaient sur les couples de la soirée.
- Moi je dis que Penny à Lufkin finira avec Lucas le deuxième année super canon de Summerbee
Pari tenu… Moi personnellement je pense qu’il va sortir ou du moins coucher avec Alexandrine mais ce n’est que mon avis.
C’était assez drôle de voir ce que le bal provoquait chez les élèves, cette euphorie partagé qui nous animait en cette journée. J’allumai une cigarette, la première de la journée, la première d’une longue lignée, devant le regard désapprobateur d’un professeur.
Tout à coup je vis mon frère apparaitre dans le couloir avec toutes sortes de décorations pour le bal qui volaient devant lui. Je souris en constatant que cela ne semblait pas l’enchanter au vue de la tête de déterré qu’il faisait. Killian me vit et m’adressa un large sourire, voyant en moi une excuse pour ne pas assister à la décoration de la salle. Il s’approcha de moi et je retirai mes écouteurs.
- Hey sœurette ! Tu fais quoi déjà debout ?
Je me balade ça se voit pas ?!
Haha bien sûr et t’avais rendez-vous qui ?
Personne, je te jure !
Bien alors tu prendras bien un petit quelque chose dans mon bureau ?
J’acquiesçai d’un signe de tête et nous partîmes en direction de son bureau, il me prit par le cou chose que j’adorais et il me fit entrer dans son bureau. Je m’assis sur le fauteuil et lui sur celui d’en face. Il sortit deux tasses rouges vives de son service à thé et me servit un peu de boisson chaude. La fumée s’engouffra dans mes narines au moment où j’écrasais ma cigarette. Je portai la tasse chaude à mes lèvres justes après avoir un peu soufflé dessus.
J’avalai un peu de liquide… avant de tout recracher et afficha un air dégouté sur mon visage.
- Killian !! T’as mis quoi dans le thé ?!
Rien… dit-il, pourtant un sourire se dessinai sur son visage, J’ai juste rajouté un petit quelque chose.
Un petit quelque chose ?! Le thé était infect oui, j’inspirai de nouveau la boisson tentant de trouver ce qu’il avait rajouté. C’est alors que je sentis une odeur subtile mais prononcée de noix de coco.
Du Malibu ?! Killian t’as mis de l’alcool dans mon thé ?!
Oh Evy tu ne vas pas me faire une crise de nerf pour ça !!!
Il avait raison ma plus grande faiblesse était sans doute que je passais tout à mon frère, il pouvait tuer quelqu’un que je ne lui en voudrais pas, il était la personne que j’aimais le plus au monde sans aucun doute et me disputer avec lui était la pire chose qui puisse m’arriver.
Dis-moi plutôt… Tu vas au bal avec qui ?
Euh… Chaton je ne crois que ça te regarde non et puis même si je te le disais ça t’avancerais à quoi hein ?
A rien… Mais je le connais ?
Pff C’est Aldéric c’est bon t’es content ? Sur ce je me levai, je poussai ma chaise et m’avançai vers la sortie
Intéressant… tu vas où ?
En cours cher frère !
Sur ce je sortis du bureau et m’engouffra dans le couloir qui s’était remplie depuis que je l’avais quitté. Les élèves affluaient de tous les côtés et parlaient tous d’un même et seule chose : Le bal. Certaines filles paradaient au bras de leurs futurs cavaliers, d’autres encore demandaient à ces fameux cavaliers de quel couleur serait leur costume pour accorder leur robe. Choses futile si vous voulez mon avis, personnellement je me contre fichais de ne pas avoir la même couleur de chaussette que son cavalier, tout ça était bien insignifiant et inutile. J’allai simplement aux cours prévu de la matinée avant de se rendre dans la grande salle pour déjeuner, là encore tout le monde parlait du bal de la robe que les filles allaient portées avec qui elles allaient finir la soirée. Je commençai à ne plus pouvoir respirer toutes ces conversations me fatiguaient plus qu’autre chose surtout qu’on m’avait demandée une bonne trentaine de fois avec qui je me rendais au bal, au point où j’avais pensé faire flotter le nom d’Aldéric dans les airs le reste de la journée.
Vers 17 heures je regagnai ma chambre dans le but de me préparer pour le fameux bal. Après être passé à la douche et à la coiffure, j’avais d’ailleurs opté pour un chignon sage avec plusieurs serre tête rouge, je m’habillai, la robe que j’avais choisi était beige pale, parsemé de sorte de plumes bleus nuit et descendais jusqu’à mes chevilles.
Je sortis enfin de ma chambre perché sur des talons d’une dizaine de centimètre qui me faisait atteindre péniblement les un mètre soixante-sept. Je me dirigeai donc doucement vers la grande salle endroit où Aldéric et moi nous étions donné rendez-vous. J’avais quelques minutes d’avance tant pis, je l’attendrais. Mon cœur battait la chamade et j’avais un peu de mal à le calmer. Une ombre s’avançait dans le couloir, une silhouette que je pouvais reconnaitre facilement, je souris, il arrivait.
- InvitéInvité
Re: Follow me we are together tonight
Jeu 29 Avr 2010 - 23:20
Jouer avec son passé était un jeu très dangereux, mais une expérience tout à fait édifiante. Enfin, édifiante...Tout était relatif. Depuis des années, je ne m'y risquais plus, craignant de toute façon de replonger dans les heures sombres de mon histoire, lesquelles savaient si bien me hanter. Le passé était une de mes grandes angoisses, mon épouvantard de toute façon était une immense horloge, allégorie du temps qui passe, inexorablement, sauf que cette fois, les aiguilles n'accéléraient pas à toute vitesse, mais au contraire semblaient aller en reculant. Retourner dans le passé en somme. En théorie, il était si facile d'oublier. Il suffisait de fermer les yeux, d'évincer de notre champ de vision les éléments qui choquent, qui dérangent, comme pour une retouche photo où on supprimait les détails gênants. En pratique, les choses n'étaient pas si simples, dans la mesure où tout ce qui se passait ne dépendait pas de ma seule volonté. Vivre en société, c'était ça, la confrontation avec les autres, avec, par extension, autant d'éléments qui pourraient faire en sorte que le passé débarque au grand galop, se rappelant à notre bon souvenir. Je revoyais des visages familiers, que j'avais déjà connus à Poudlard, des visages qui s'invitaient dans le flou que constituait ma mémoire, des personnes qui se rattachaient à un événement X ou Y de ma vie, que je m'étais pourtant efforcé d'oublier. Parfois, les lieux se mêlaient de la partie. Des détails savaient interpeller, rappeler qu'à un moment M, j'étais là. Je me revoyais sans cesse avec ma petite amie du moment, ou encore les potes. Les potes à qui j'ai fini par tourner le dos, me murant dans une sorte d'arrogance qui paraissait immuable. Ma façon de me protéger du monde extérieur.
Mais il n'y avait pas que des lieux et des personnes qui généraient des souvenirs. Des objets pouvaient avoir cette fonction également. Pour certains, c'était un bijou ayant appartenu à une aïeule, une chevalière qui venait du grand père, n'importe quoi qui puisse venir d'une personne et qui quand on regardait cet objet, nous faisait immanquablement penser à elle. J'étais assis sur mon lit, clope au bec, un petit coffre en bois sur les genoux, la minuscule clé dorée entre mes mains tremblantes. Le coffre avait été à l'époque fabriqué par Lena. On voyait les assemblages maladroits des planches qui laissaient parfois un jour entre elles, les petits clous qui sortaient par moments, un brin tordus par des coups de marteau imprécis, la peinture bleue qui s'écaillait par endroits. Une horreur, nous étions d'accord. Mais même si c'était laid, j'adorais ce truc. Parce que ma soeur s'était donnée du mal pour le faire. Parce que merde, c'était l'intention qui comptait, et j'avais été, à l'époque, touché par ce présent. Oui, j'avais dit à Lenny que c'était super, alors que je n'en pensais pas un mot. Mais j'aurais jamais cru qu'un jour ce truc me ferait peur, à tel point de le planquer dans un endroit difficile d'accès, tout en gardant l'idée que si je m'en séparais, il arriverait une catastrophe. Ce n'était pas le contenant qui m'effrayait en lui même, étant d'une banalité à pleurer. C'était plutôt le contenu. Des souvenirs, des vieilleries. J'avais trouvé une utilité à cette boîte, elle allait renfermer tout un pan de mon passé. Je l'ai retrouvée ce matin, en faisant un brin de ménage. Enfin, ménage, c'était vite dit. J'avais perdu un truc, qui avait roulé sous mon lit. Et en cherchant parmi des trucs pas nets, j'étais tombé sur cette boîte, que je ne me rappelais pas avoir mise là. A présent, j'étais confronté à un dilemme. Je ne savais pas s'il était raisonnable d'ouvrir ou non ce fichu coffre. Le geste était a priori simple mais pour le coup me semblait inhumain. Je me voyais insérer la clé dans le cadenas afin d'en déjouer le mécanisme mais ma main refusait d'exécuter cet ordre. J'avais peur de ce que j'aurais pu, en ce temps lointain, entreposer là dedans. Mais il n'y avait aucun moyen de savoir si je n'ouvrais pas. Alors j'ouvris.
La boîte contenait tout un bordel. J'étais bordélique, jusque dans les menus endroits susceptibles de recueillir un certain nombre de choses. Il y avait essentiellement de la paperasse. Des photos aussi, purement moldues, qui ne bougeaient pas d'un poil. Celle dans le salon, avec père et mère, frère et soeur. Sur cette image, nous avions l'air enfin d'une famille, chose qui n'avait jamais été exacte en réalité. L'apparence, toujours l'apparence. L'apparence qui suffisait à me broyer le coeur, l'apparence qui venait de me flinguer d'un bon coup au plexus. L'apparence de ce que j'aurais dû avoir et que je n'ai jamais eue. Ou jamais cherché à avoir. Je n'étais pas la victime de cet éclatement de ma famille, j'en étais l'un des acteurs. Tout le monde était coupable chez nous. Maman de s'être laissée sombrer dans l'alcool et de ne pas avoir de gueule face à mon père. Mon père, qui était trop violent avec Maman, qui me méprisait de tout son être, qui vouait justev de l'indifférence aux deux autres. Len' qui s'était barrée en France pour ses études, et qui semblait bien plus heureuse sans nous. Jimmy qui était mort, six pieds sous terre parce qu'un jour il avait cru pouvoir voler. Un instant je fus tenté de tout remettre là, n'ayant pas les couilles de poursuivre l'investigation. Je voulais faire machine arrière, et tout planquer sous le lit, sans savoir. Mais ma curiosité pour une fois prima sur tout le reste. Je pris ainsi une profonde inspiration, avant de continuer à fouiller. D'autres photos. Je me revoyais sourire, en compagnie de Jimmy et de Lena. Il y avait notamment le jour où nous avions piqué la voiture des parents pour s'offrir une virée près d'un lac plus au sud. Je fixai un instant la photo, la trouvant parfaite. Avant de tout poser sur le matelas nu parce que les draps avaient été valser par terre, et de faire une chose que je n'avais jamais faite auparavant: punaiser la photo sur la planche de liège qui surplombait mon bureau trop encombré pour être utile. Pour la simple et bonne raison qu'aucune photo ne décorait mes murs, envahis par des affiches de concerts ou photos découpées dans les journaux. Une fois ma mission accomplie, je m'en retournai dans mes souvenirs, et tombai sur des vieilles lettres.
Elles avaient toutes le même expéditeur. Everleigh. Il fut une époque où je lui avais beaucoup écrit après qu'elle soit retournée à Beauxbâtons au terme de l'échange qui avait eu lieu entre nos deux écoles, l'année de nos treize ans. Le souvenir était d'autant plus fort que j'étais allé au bal avec elle, le tout premier que j'avais fréquenté. J'étais un gamin à l'époque, et je n'avais pas vraiment froid aux yeux, étant plutôt effronté et frondeur, même si je couchai pour la première fois avec une fille quand j'avais environ quatorze ans. Quoiqu'il en soit, c'était ce soir là que j'avais sypathisé avec Everleigh, et qu'on avait su s'éclater, munis de l'insouciance de la jeunesse, là où le Destin ne nous avait pas encore frappés de son sceau funeste. Du moins, en ce qui me concernait. Après ce fameux soir, nous sommes devenus amis, de très bons amis même. Je n'étais même plus certain que j'avais le béguin pour elle, mais ça n'a jamais été plus loin. Elle est partie à la fin de l'année, et on a gardé contact, par hiboux. Si au départ nous nous étions écrit plutôt régulièrement, nos lettres au fil des années ont fini par s'espacer, pour devenir presque inexistantes, ce qui correspondait à peu près à la période où Jimmy est décédé. J'achevai bientôt la lecture de la dernière lettre, où le ton avait déjà changé. Elle s'inquiétait pour moi, le contenu de ma missive n'avait pas dû être particulièrement réjouissant. Je n'ai jamais répondu à cette lettre, ayant décidé de rompre le contact. Je ne me souvenais même pas l'avoir lue, c'est pour dire.
Je ne savais pas pourquoi j'avais accepté d'aller au bal avec elle. Tant de choses avait changé, à commencer par nous. L'Everleigh de l'époque et l'Aldéric que j'avais été n'étaient plus là, ou s'ils subsistaient, ils étaient bien cachés. Nous étions trop différents, le changement était plus que flagrant. Je ne savais même pas si on pourrait avoir une chance de recoller les morceaux, de revivre une soirée telle celle que nous l'avions vécue des années auparavant. Je n'étais même pas sûr de le vouloir, c'est pour dire. Mais n'empêche que j'avais accepté d'y aller. De l'accompagner. Peut-être qu'au fond, j'avais l'espoir de retrouver celui que j'avais été à mes treize ans, quand nous étions jeunes et insouciants. Peut-être était-ce qui manquait, le côté sordide de la vie ayant repris le dessus avec aisance, occultant tout le reste. Mais là encore, je ne pensais pas être prêt. Que ce soit psychologiquement ou même physiquement. J'étais encore en jeans baskets, chemise ouverte, clope au bec, quatre autres cadavres de cigarette gisant dans le cendrier. Le coup d'envoi du bal était dans deux heures. Largement suffisant pour m'habiller plus correctement et y aller. J'enfilais une bête chemise bleu pâle entrouverte sur un ou deux boutons, et un pantalon de costard noir, avec de fines rayures grises un chouïa plus claires, sans que ça fasse zèbre pour autant. J'arborais aussi des bretelles, façons années 50. J'avais des pompes toutes bêtes, sans fioriture. Mon but n'était pas de ressembler à une gravure de mode, j'étais un anarchiste, merde, et le côté bling-bling de ces soirées ne m'intéressait guère. Je savais que j'allais mourir d'ennui parmi les super costards cravates et les robes somptueuses, me sentant toujours de trop, l'ambiance cocktail n'étant visiblement pas de mon milieu.
Je renonçai au vélo comme moyen de locomotion ce soir là, le but n'étant pas d'arriver trempé de sueur. Aller à pied me ferait tout autant de bien. J'arrivai bientôt à Hungcalf et sa grande salle, où les premières valses commençaient à jouer. Je n'étais ni trop à la bourre, ni trop ponctuel, en fait c'était nickel. Etre à la bourre revenait à faire croire qu'on s'en foutait, être trop en avance faisait trop mec desespéré. J'appréciais mon timing, honnêtement. Il fallait savoir se faire désirer. J'aperçus Everleigh, à l'endroit où nous nous étions donnés rendez-vous. Elle était superbe dans sa robe, mais ça ne faisait plus aucun doute désormais, plus rien n'était pareil, le bon vieux temps n'était qu'un concept, qu'on ne pouvait pas retrouver. Plutôt que de s'épancher sur le passé il valait parfois mieux aller de l'avant, créer de nouvelles choses. C'était en partie pour cela que j'étais là ce soir, pour réparer une amitié qui n'avait peut-être pas dit son dernier mot. J'avais dans l'idée de redécouvrir Everleigh, apprendre à connaître cette nouvelle-elle, même si je n'étais pas certain de vouloir lui montrer mon nouveau moi. Légèrement tendu, je la saluai de loin, ne sachant pas vraiment comment me comporter. Je n'étais pas assez gentleman pour m'autoriser un baisemain, j'avais cependant assez d'éducation pour ne pas arriver les mains dans les poches et la saluer d'un coup de tête. J'optai finalement pour la bise, simple, efficace, et passe-partout. Je regardai celle qui fut un temps mon amie, avant de désigner d'un coup de tête la grande salle.
« - Prête? »
Un mot, un seul. Des dizaines de possibilités. J'aurais bien voulu dire quelque chose du style Prête à faire un saut dans le passé? mais cela aurait été bien trop audacieux, et je n'étais pas sûr de vouloir, pas dans l'immédiat en tout cas. N'empêche que j'avais à présent le coeur dans les talons, et une foutue boule dans la gorge, l'anxiété ayant finalement raison de moi, moi qui n'étais pas habitué à ressentir énormément de choses. Quelque chose, ce soir, allait se passer. Je le savais. Je le sentais. C'était inéluctable. Presque autant que le temps qui passe.
Mais il n'y avait pas que des lieux et des personnes qui généraient des souvenirs. Des objets pouvaient avoir cette fonction également. Pour certains, c'était un bijou ayant appartenu à une aïeule, une chevalière qui venait du grand père, n'importe quoi qui puisse venir d'une personne et qui quand on regardait cet objet, nous faisait immanquablement penser à elle. J'étais assis sur mon lit, clope au bec, un petit coffre en bois sur les genoux, la minuscule clé dorée entre mes mains tremblantes. Le coffre avait été à l'époque fabriqué par Lena. On voyait les assemblages maladroits des planches qui laissaient parfois un jour entre elles, les petits clous qui sortaient par moments, un brin tordus par des coups de marteau imprécis, la peinture bleue qui s'écaillait par endroits. Une horreur, nous étions d'accord. Mais même si c'était laid, j'adorais ce truc. Parce que ma soeur s'était donnée du mal pour le faire. Parce que merde, c'était l'intention qui comptait, et j'avais été, à l'époque, touché par ce présent. Oui, j'avais dit à Lenny que c'était super, alors que je n'en pensais pas un mot. Mais j'aurais jamais cru qu'un jour ce truc me ferait peur, à tel point de le planquer dans un endroit difficile d'accès, tout en gardant l'idée que si je m'en séparais, il arriverait une catastrophe. Ce n'était pas le contenant qui m'effrayait en lui même, étant d'une banalité à pleurer. C'était plutôt le contenu. Des souvenirs, des vieilleries. J'avais trouvé une utilité à cette boîte, elle allait renfermer tout un pan de mon passé. Je l'ai retrouvée ce matin, en faisant un brin de ménage. Enfin, ménage, c'était vite dit. J'avais perdu un truc, qui avait roulé sous mon lit. Et en cherchant parmi des trucs pas nets, j'étais tombé sur cette boîte, que je ne me rappelais pas avoir mise là. A présent, j'étais confronté à un dilemme. Je ne savais pas s'il était raisonnable d'ouvrir ou non ce fichu coffre. Le geste était a priori simple mais pour le coup me semblait inhumain. Je me voyais insérer la clé dans le cadenas afin d'en déjouer le mécanisme mais ma main refusait d'exécuter cet ordre. J'avais peur de ce que j'aurais pu, en ce temps lointain, entreposer là dedans. Mais il n'y avait aucun moyen de savoir si je n'ouvrais pas. Alors j'ouvris.
La boîte contenait tout un bordel. J'étais bordélique, jusque dans les menus endroits susceptibles de recueillir un certain nombre de choses. Il y avait essentiellement de la paperasse. Des photos aussi, purement moldues, qui ne bougeaient pas d'un poil. Celle dans le salon, avec père et mère, frère et soeur. Sur cette image, nous avions l'air enfin d'une famille, chose qui n'avait jamais été exacte en réalité. L'apparence, toujours l'apparence. L'apparence qui suffisait à me broyer le coeur, l'apparence qui venait de me flinguer d'un bon coup au plexus. L'apparence de ce que j'aurais dû avoir et que je n'ai jamais eue. Ou jamais cherché à avoir. Je n'étais pas la victime de cet éclatement de ma famille, j'en étais l'un des acteurs. Tout le monde était coupable chez nous. Maman de s'être laissée sombrer dans l'alcool et de ne pas avoir de gueule face à mon père. Mon père, qui était trop violent avec Maman, qui me méprisait de tout son être, qui vouait justev de l'indifférence aux deux autres. Len' qui s'était barrée en France pour ses études, et qui semblait bien plus heureuse sans nous. Jimmy qui était mort, six pieds sous terre parce qu'un jour il avait cru pouvoir voler. Un instant je fus tenté de tout remettre là, n'ayant pas les couilles de poursuivre l'investigation. Je voulais faire machine arrière, et tout planquer sous le lit, sans savoir. Mais ma curiosité pour une fois prima sur tout le reste. Je pris ainsi une profonde inspiration, avant de continuer à fouiller. D'autres photos. Je me revoyais sourire, en compagnie de Jimmy et de Lena. Il y avait notamment le jour où nous avions piqué la voiture des parents pour s'offrir une virée près d'un lac plus au sud. Je fixai un instant la photo, la trouvant parfaite. Avant de tout poser sur le matelas nu parce que les draps avaient été valser par terre, et de faire une chose que je n'avais jamais faite auparavant: punaiser la photo sur la planche de liège qui surplombait mon bureau trop encombré pour être utile. Pour la simple et bonne raison qu'aucune photo ne décorait mes murs, envahis par des affiches de concerts ou photos découpées dans les journaux. Une fois ma mission accomplie, je m'en retournai dans mes souvenirs, et tombai sur des vieilles lettres.
Elles avaient toutes le même expéditeur. Everleigh. Il fut une époque où je lui avais beaucoup écrit après qu'elle soit retournée à Beauxbâtons au terme de l'échange qui avait eu lieu entre nos deux écoles, l'année de nos treize ans. Le souvenir était d'autant plus fort que j'étais allé au bal avec elle, le tout premier que j'avais fréquenté. J'étais un gamin à l'époque, et je n'avais pas vraiment froid aux yeux, étant plutôt effronté et frondeur, même si je couchai pour la première fois avec une fille quand j'avais environ quatorze ans. Quoiqu'il en soit, c'était ce soir là que j'avais sypathisé avec Everleigh, et qu'on avait su s'éclater, munis de l'insouciance de la jeunesse, là où le Destin ne nous avait pas encore frappés de son sceau funeste. Du moins, en ce qui me concernait. Après ce fameux soir, nous sommes devenus amis, de très bons amis même. Je n'étais même plus certain que j'avais le béguin pour elle, mais ça n'a jamais été plus loin. Elle est partie à la fin de l'année, et on a gardé contact, par hiboux. Si au départ nous nous étions écrit plutôt régulièrement, nos lettres au fil des années ont fini par s'espacer, pour devenir presque inexistantes, ce qui correspondait à peu près à la période où Jimmy est décédé. J'achevai bientôt la lecture de la dernière lettre, où le ton avait déjà changé. Elle s'inquiétait pour moi, le contenu de ma missive n'avait pas dû être particulièrement réjouissant. Je n'ai jamais répondu à cette lettre, ayant décidé de rompre le contact. Je ne me souvenais même pas l'avoir lue, c'est pour dire.
Je ne savais pas pourquoi j'avais accepté d'aller au bal avec elle. Tant de choses avait changé, à commencer par nous. L'Everleigh de l'époque et l'Aldéric que j'avais été n'étaient plus là, ou s'ils subsistaient, ils étaient bien cachés. Nous étions trop différents, le changement était plus que flagrant. Je ne savais même pas si on pourrait avoir une chance de recoller les morceaux, de revivre une soirée telle celle que nous l'avions vécue des années auparavant. Je n'étais même pas sûr de le vouloir, c'est pour dire. Mais n'empêche que j'avais accepté d'y aller. De l'accompagner. Peut-être qu'au fond, j'avais l'espoir de retrouver celui que j'avais été à mes treize ans, quand nous étions jeunes et insouciants. Peut-être était-ce qui manquait, le côté sordide de la vie ayant repris le dessus avec aisance, occultant tout le reste. Mais là encore, je ne pensais pas être prêt. Que ce soit psychologiquement ou même physiquement. J'étais encore en jeans baskets, chemise ouverte, clope au bec, quatre autres cadavres de cigarette gisant dans le cendrier. Le coup d'envoi du bal était dans deux heures. Largement suffisant pour m'habiller plus correctement et y aller. J'enfilais une bête chemise bleu pâle entrouverte sur un ou deux boutons, et un pantalon de costard noir, avec de fines rayures grises un chouïa plus claires, sans que ça fasse zèbre pour autant. J'arborais aussi des bretelles, façons années 50. J'avais des pompes toutes bêtes, sans fioriture. Mon but n'était pas de ressembler à une gravure de mode, j'étais un anarchiste, merde, et le côté bling-bling de ces soirées ne m'intéressait guère. Je savais que j'allais mourir d'ennui parmi les super costards cravates et les robes somptueuses, me sentant toujours de trop, l'ambiance cocktail n'étant visiblement pas de mon milieu.
Je renonçai au vélo comme moyen de locomotion ce soir là, le but n'étant pas d'arriver trempé de sueur. Aller à pied me ferait tout autant de bien. J'arrivai bientôt à Hungcalf et sa grande salle, où les premières valses commençaient à jouer. Je n'étais ni trop à la bourre, ni trop ponctuel, en fait c'était nickel. Etre à la bourre revenait à faire croire qu'on s'en foutait, être trop en avance faisait trop mec desespéré. J'appréciais mon timing, honnêtement. Il fallait savoir se faire désirer. J'aperçus Everleigh, à l'endroit où nous nous étions donnés rendez-vous. Elle était superbe dans sa robe, mais ça ne faisait plus aucun doute désormais, plus rien n'était pareil, le bon vieux temps n'était qu'un concept, qu'on ne pouvait pas retrouver. Plutôt que de s'épancher sur le passé il valait parfois mieux aller de l'avant, créer de nouvelles choses. C'était en partie pour cela que j'étais là ce soir, pour réparer une amitié qui n'avait peut-être pas dit son dernier mot. J'avais dans l'idée de redécouvrir Everleigh, apprendre à connaître cette nouvelle-elle, même si je n'étais pas certain de vouloir lui montrer mon nouveau moi. Légèrement tendu, je la saluai de loin, ne sachant pas vraiment comment me comporter. Je n'étais pas assez gentleman pour m'autoriser un baisemain, j'avais cependant assez d'éducation pour ne pas arriver les mains dans les poches et la saluer d'un coup de tête. J'optai finalement pour la bise, simple, efficace, et passe-partout. Je regardai celle qui fut un temps mon amie, avant de désigner d'un coup de tête la grande salle.
« - Prête? »
Un mot, un seul. Des dizaines de possibilités. J'aurais bien voulu dire quelque chose du style Prête à faire un saut dans le passé? mais cela aurait été bien trop audacieux, et je n'étais pas sûr de vouloir, pas dans l'immédiat en tout cas. N'empêche que j'avais à présent le coeur dans les talons, et une foutue boule dans la gorge, l'anxiété ayant finalement raison de moi, moi qui n'étais pas habitué à ressentir énormément de choses. Quelque chose, ce soir, allait se passer. Je le savais. Je le sentais. C'était inéluctable. Presque autant que le temps qui passe.
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