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Do you recognize me ? [Evan]
Mer 23 Jan 2019 - 11:20
Aujourd’hui était enfin le premier jour de repos que je m’autorisais à prendre. Voilà une vingtaine de jours que j’étais arrivée comme responsable du secteur des urgences à Sainte Marie, et je ne m’étais pas accordé un seul instant pour moi. Entre les visites de mes fournisseurs, la répartition des tâches de mon équipe, les patients qui affluaient tous les jours, gérer les stocks, comprendre et dresser les dossiers, j’avais eu du pain sur la planche. Perfectionniste, je n’avais rien laissé au hasard, et c’est enfin maintenant que je sentais que j’avais les choses bien en main que je m’accordais de reprendre un rythme moins soutenu. Je prenais mon allure de croisière pour à présent travailler vite et bien, comme je le faisais toujours. Mon parcours était sans faute, et ça n’allais pas commencer à Sainte Marie, cette place, j’avais travaillé dure pour l’avoir, même si je ne l’avais jamais visée. Je devais montrer et prouver que j’étais à la hauteur, et davantage parce que j’étais une femme. Dans le monde, tout semblait toujours bien plus accessible pour les hommes hélas.
En parlant de sexe masculin, je pouvais enfin me rendre à Hungcalf pour aller voir une vieille connaissance. Je lui avais signalé mon retour, mais nous manquions de temps tous les deux. Enfin lui, je ne savais pas trop en quoi, il avait trouvé une bonne cachette en devenant professeur à l’université. Professeur… Evan, professeur. Si on m’avait dit ça alors que j’étais adolescente, je me serai gaussée. Non pas que je doute du talent de pédagogue du sorcier, mais davantage de … de ce qu’il était… de sa manière d’être… enfin, de lui quoi.
Puisque je trouvais la situation particulièrement amusante et ironique, c’était donc ainsi que je voulais le retrouver. Comme enseignant. Nous étions des élèves la dernière fois que nous nous sommes vus en ces lieux, et pour moi, c’était il y avait une éternité. Pourquoi diable avait-il fallu qu’il s’en aille ? Voilà des années que je me posais cette question alors que j’étais en possession de la réponse. Je n’arrivais toujours pas à me faire à l’idée, et j’étais obligée maintenant de constater avec amertume que le temps s’était enfui, que de l’eau avait coulé sous les ponts. Pourtant, j’avais attendu. Inlassablement, j’avais attendu. Tout ça pour quoi ? Pour rien sans doute. M’aurait-il oublié ? Notre amitié se serait-elle tarie ? Ne me verrait-il plus comme la femme que j’étais à vingt ans ? Sans doute avait-il à présent des secrets, peut-même avait-il trouvé une autre âme sœur que la mienne ? Notre dernière rencontre datait du début du mois de décembre, et pourtant je n'arrivais pas à trouver réponses à toutes ces interrogations.
J’en avais un goût immonde en bouche rien que de me l’imaginer. Pour moi, rien n’avait pu le remplacer. Rien. Je n’étais pourtant pas une personne qui manquait de confiance en soi, mais j’avais la désagréable sensation que j’avais constamment été mise de côté pendant tout ce temps, malgré nos échanges réguliers par écrit. Correspondre ou se voir tous les jours et échanger de vive voix, c’était deux situations bien différentes et bien distinctes. Aujourd’hui, j’étais fatiguée de coucher de l’encre sur du papier alors que maintenant nous étions presque voisins. Il était temps d’enfoncer la porte close. J’avais des choses à lui dire, et j’étais à peu près certaine qu’il en allait de même pour lui. Inutile de procrastiné davantage.
Chaudement vêtue, à cause de ce temps froid et mordant de la saison, je sortais de l’hôpital pour me rendre à l’université d’un pas décidé et déterminé. Lors d’une visite avec une enseignante dans la salle des professeurs, j’en avais profité pour observer le tableau de leur emploi du temps, et j’avais pu trouver celui de Wakefield. J’étais donc presque certaine qu’à présent, il donnait son cours. Instant parfait pour revenir dans sa vie, par la grande entrée. Je n’allais pas me gêner. Je ne me gênais jamais.
Une fois entrée dans le grand hall d’entrée, je déboutonnais mon manteau noir, laissant place à mon chemisier blanc, partiellement camouflé sous mon épaisse écharpe saumon. Mon pantalon était lui aussi noir et mes chaussures claquaient dans les escaliers au rythme de mes pas alors que je gravitais jusqu’au troisième étage. Ici, j’étais presque comme chez moi. Avoir passé dix ans ici m’avait permis de connaître les moindres recoins de Hungcalf, et rien n’avait changé. Je retrouvais donc mes repères sans la moindre difficulté.
Une fois devant la porte de la salle que je cherchais, je baissais la poignée et l’ouvrais sans la moindre hésitation, ne cherchant même pas à me faire particulièrement discrète. Alors que je pénétrais dans la salle, interrompant un court instant le cours donné par monsieur Wakefield, mon regard se planta dans le sien tandis que je fermais le battant derrière moi. Par le grand Merlin ses tenues étaient toujours aussi étranges. Comment était-il possible de se vêtir d’un complet trois pièces et de le massacrer avec une cravate rose à points verts ? Sans doute un vieux réflexe de provocations destinées à l’époque à son père. Non sans un petit sourire ironique, je roulais mes yeux dans leurs orbites, mais, montrant que je ne voulais pas prendre la parole ou interrompre davantage l’enseignement, je me contentais de faire quelque pas tout en croisant les bras, faisant un signe du menton au professeur tout en ignorant avec superbe les élèves qui se trouvaient entre nous.
En parlant de sexe masculin, je pouvais enfin me rendre à Hungcalf pour aller voir une vieille connaissance. Je lui avais signalé mon retour, mais nous manquions de temps tous les deux. Enfin lui, je ne savais pas trop en quoi, il avait trouvé une bonne cachette en devenant professeur à l’université. Professeur… Evan, professeur. Si on m’avait dit ça alors que j’étais adolescente, je me serai gaussée. Non pas que je doute du talent de pédagogue du sorcier, mais davantage de … de ce qu’il était… de sa manière d’être… enfin, de lui quoi.
Puisque je trouvais la situation particulièrement amusante et ironique, c’était donc ainsi que je voulais le retrouver. Comme enseignant. Nous étions des élèves la dernière fois que nous nous sommes vus en ces lieux, et pour moi, c’était il y avait une éternité. Pourquoi diable avait-il fallu qu’il s’en aille ? Voilà des années que je me posais cette question alors que j’étais en possession de la réponse. Je n’arrivais toujours pas à me faire à l’idée, et j’étais obligée maintenant de constater avec amertume que le temps s’était enfui, que de l’eau avait coulé sous les ponts. Pourtant, j’avais attendu. Inlassablement, j’avais attendu. Tout ça pour quoi ? Pour rien sans doute. M’aurait-il oublié ? Notre amitié se serait-elle tarie ? Ne me verrait-il plus comme la femme que j’étais à vingt ans ? Sans doute avait-il à présent des secrets, peut-même avait-il trouvé une autre âme sœur que la mienne ? Notre dernière rencontre datait du début du mois de décembre, et pourtant je n'arrivais pas à trouver réponses à toutes ces interrogations.
J’en avais un goût immonde en bouche rien que de me l’imaginer. Pour moi, rien n’avait pu le remplacer. Rien. Je n’étais pourtant pas une personne qui manquait de confiance en soi, mais j’avais la désagréable sensation que j’avais constamment été mise de côté pendant tout ce temps, malgré nos échanges réguliers par écrit. Correspondre ou se voir tous les jours et échanger de vive voix, c’était deux situations bien différentes et bien distinctes. Aujourd’hui, j’étais fatiguée de coucher de l’encre sur du papier alors que maintenant nous étions presque voisins. Il était temps d’enfoncer la porte close. J’avais des choses à lui dire, et j’étais à peu près certaine qu’il en allait de même pour lui. Inutile de procrastiné davantage.
Chaudement vêtue, à cause de ce temps froid et mordant de la saison, je sortais de l’hôpital pour me rendre à l’université d’un pas décidé et déterminé. Lors d’une visite avec une enseignante dans la salle des professeurs, j’en avais profité pour observer le tableau de leur emploi du temps, et j’avais pu trouver celui de Wakefield. J’étais donc presque certaine qu’à présent, il donnait son cours. Instant parfait pour revenir dans sa vie, par la grande entrée. Je n’allais pas me gêner. Je ne me gênais jamais.
Une fois entrée dans le grand hall d’entrée, je déboutonnais mon manteau noir, laissant place à mon chemisier blanc, partiellement camouflé sous mon épaisse écharpe saumon. Mon pantalon était lui aussi noir et mes chaussures claquaient dans les escaliers au rythme de mes pas alors que je gravitais jusqu’au troisième étage. Ici, j’étais presque comme chez moi. Avoir passé dix ans ici m’avait permis de connaître les moindres recoins de Hungcalf, et rien n’avait changé. Je retrouvais donc mes repères sans la moindre difficulté.
Une fois devant la porte de la salle que je cherchais, je baissais la poignée et l’ouvrais sans la moindre hésitation, ne cherchant même pas à me faire particulièrement discrète. Alors que je pénétrais dans la salle, interrompant un court instant le cours donné par monsieur Wakefield, mon regard se planta dans le sien tandis que je fermais le battant derrière moi. Par le grand Merlin ses tenues étaient toujours aussi étranges. Comment était-il possible de se vêtir d’un complet trois pièces et de le massacrer avec une cravate rose à points verts ? Sans doute un vieux réflexe de provocations destinées à l’époque à son père. Non sans un petit sourire ironique, je roulais mes yeux dans leurs orbites, mais, montrant que je ne voulais pas prendre la parole ou interrompre davantage l’enseignement, je me contentais de faire quelque pas tout en croisant les bras, faisant un signe du menton au professeur tout en ignorant avec superbe les élèves qui se trouvaient entre nous.
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Re: Do you recognize me ? [Evan]
Jeu 24 Jan 2019 - 2:45
« There's broken silence by thunder crashing in the dark »
Si on lui avait demandé, plus jeune, ce qu'il ferait un jour, enseigner n'aurait jamais fait partie de sa liste de possibilités. Auror, forcément - un incontournable, avec le "choix" de carrière qu'il avait fait lors de son entrée à Hungcalf. Acteur, peut-être? Avec ses tendances théâtrales, personne n'aurait réellement été surpris. À l'époque de ses études universitaires, il avait été placé dans des cours deux grades plus haut que sa cohorte en métamorphose - sa professeure lui avait prédit un brillant avenir dans cette discipline. Mais enseigner? Jamais. Adoptant la vie d'errance qui avait été la sienne pendant ces longues années, il n'aurait jamais pensé tenir un emploi stable, dans le cadre duquel il aurait des responsabilités régulières à honorer. Bon, pour les honorer régulièrement, c'est une autre question - vraiment, toutes ces réunions pour se donner des tapes dans le dos ... pourquoi faire? Surpris, il l'avait été, quand Cléopatra lui avait suggéré de postuler pour l'emploi de professeur de musique - non pas qu'il n'ait pas eu les qualifications, Evan avait de quoi faire pâlir d'envie tout autre musicien qui aurait pour ambition d'enseigner à Hungcalf, mais ne se serait jamais vu dans une position d'autorité de ce genre. Le pianiste avait été encore plus étonné d'accepter le défi et de postuler ... et d'être retenu comme professeur. Un an et demi qu'il enseignait, maintenant - comme ça, par hasard, parce qu'au détour d'une conversation avec une vieille amie, Evan avait avoué son ennui léger. L'Écossais n'aurait jamais cru se prendre d'une passion aussi instantanée et profonde pour l'enseignement - ses débuts avaient été plus qu'hésitants (il fallait les préparer d'avance, les cours?) et hasardeux (gérer les étudiantes en pâmoison, ça faisait pas partie du manuel, ça), mais le pianiste avait appris et était désormais convaincu qu'il se trouvait exactement où il devait être. Quelle ironie. Désormais devenue son refuge et sa maison, à l'époque, à certains égards, l'université avait été une prison pour lui - cage dorée et magnifique, au sein de laquelle il avait appris énormément ... sur un sentier qu'il n'avait pas choisi. Jeune adulte, étudiant, ses répits avaient été la musique, ses envolées d'animagus, mais, surtout, Ariadne.
Ariadne, qu'il savait revenue à Inverness pour son nouvel emploi. Comment gérerait-il son retour? Leur retour ... Leur était-il possible de faire comme s'ils avaient ving ans à nouveau? Ses lèvres se serrèrent alors qu'il ajustait sa cravate, observant son reflet dans le miroir de son appartement adjacent à sa salle de classe. Avait-il réellement changé? Les pattes d'oies creusées aux commissures de ses paupières, signe qu'il n'avait pas perdu son caractère rieur. Le pli entre ses sourcils - soucis en vieillissant. Son père. Ses fiançailles arrangées. Quitter Hungcalf. Elena. L'incendie. L'attaque. Les cruelles cicatrices qu'il portait au dos et aux bras, héritées des deux derniers événements. Sa chevelure était toujours aussi indisciplinée, couleur de feu. Un fin réseau de cicatrices marquait ses mains - accordant lui-même tous ses instruments, il s'était pincé et avait provoqué de petites écorchures sur ses doigts plus d'une fois. La mâchoire, toujours en angles - les années n'y avaient rien changé. Les yeux d'un vert forêt, amusés et expressifs, teintés de plus de sagesse - il l'espérait. Evan ajusta le gilet de son trois-pièces, y glissant une de ses cravates préférées, attrapant ses partitions et une pomme au passage avant de se glisser dans sa salle de classe. De jeunes étudiants, ce matin: le cours de musique de deuxième année. L'Écossais avait déposé son veston sur sa chaise en entrant dans la classe, et avait invité les étudiants à pratiquer en solitaire dans les isoloirs lors de la première moitié du cours. Sonnant un coup de trompette pour annoncer la fin de la période de pratique, il observa tranquillement ses étudiants se réinstaller alors qu'un mouvement à l'arrière de sa salle de classe attira son regard. Mouvement élégant, entrée silencieuse mais remarquée, elle ficha son regard dans le sien alors qu'elle avançait. Evan s'en trouva presque hypnotisé, passant à un cheveu de perdre ses moyens. Il lui semblait la revoir, étudiante, le rejoignant dans cette même salle alors qu'elle ne suivait pas l'option de musique.
Il toussota pour se refaire une contenance, et s'approcha de ses étudiants, mystère et suspense dans la voix. « Mes chers, nous avons droit à une visite de grande qualité aujourd'hui. Je ne voulais pas vous en parler en début de cours car il s'agit d'une musicienne renommée et, vous connaissez mon sens de l'organisation pour le moins légendaire ... j'avais égaré sa lettre de confirmation. Veuillez chaleureusement accueillir Ariadne Eberhart, je vous prie! » fit-il, goguenard, lançant le bal des applaudissements en adressant un sourire rempli d'une sublime ironie à son amie. La voir, ainsi, au milieu des étudiants, lui semblait surréel - une apparition du passé, presque. Evan ne parvenait pas à détacher son regard d'elle, fasciné. Avait-elle vieilli? Ils s'étaient revus depuis son départ de l'université, pourtant ... « Miss Eberhart nous fait l'honneur de nous accompagner, aujourd'hui. Une trompettiste de renom qui nous arrive tout droit de Stuttgart. Toutefois, plutôt que de lui faire faire une démonstration, nous avons plutôt convenu qu'elle vous écouterait. Mais vous commencez à me connaître un brin, j'ai voulu la sortir de sa zone de confort un peu. Donc elle va jouer du triangle aujourd'hui, pour remplacer O'Reilley, qui est malade. Elle vous épatera avec ses talents de trompettiste une prochaine fois », conclut-il, adressant un air entendu à l'Allemande. My class, my rules. Diablotine. Roulant sa chemise aux coudes comme il avait l'habitude de le faire, il croqua sa pomme, se dirigeant vers la section des vents de son orchestre de deuxième année. « Williams, redressez-vous un peu. Le seul qui peut s'affaler ici, c'est moi », dit-il à un étudiant en lui lançant un clin d'oeil, le wright se redressant prestement sur sa chaise et lui adressant un sourire penaud. Faisant signe à Ariadne de s'approcher, il lui désigna sa place et lui tendit son triangle en exécutant une demie-courbette, air d'une délicieuse ironie au visage, ses yeux verts pétillant de malice. Ça, ça n'avait pas changé. « Bon. Reprenons au début du second mouvement, je vous prie », dit-il, s'installant derrière son lutrin, levant les bras tel un oiseau en vol. Au naturel, Evan l'était - en contexte musical, il était gracieux et terrible, déchaîné et contrôlé à la fois. Quelle étrange sensation - Ariadne l'avait déjà vu jouer du piano, certes. Mais dans ce contexte? Il n'aurait pas pu être davantage dans son élément.
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Re: Do you recognize me ? [Evan]
Jeu 24 Jan 2019 - 15:13
Était-ce une impression ou l'atmosphère était devenue plus électrique à mon entrée, aussitôt que nos regards s'accrochèrent l'un à l'autre ? Comme si la terre s'était dérobée sous nos pas, ils se rattrapèrent aux bords, à ses souvenirs d'il y a quinze ans, à peine palpables à mon esprit toujours bien trop préoccupé et bien trop rempli de visions. Il m'arrivait même de confondre mes souvenirs et ce que m'offrait à voir mon don, tant tout était devenu habituel, même si désagréable, ça l'était toujours.
Si Evan était hypnotisé, je l'étais tout autant que lui, mais au moins, je ne bénéficiais pas de la surprise de ma venue, ce qui me permettait d'avancer jusqu'à la dernière rangée des élèves alors que le temps était suspendu un court instant. Jusqu'à ce qu'il réussit à se redonner contenance, me faisant sourire imperceptiblement. Avait-il changé ? Son allure alors qu'il furetait entre ses élèves, les coups d'œil si malicieux qu'il me lançait, ce sourire en coin. Tout m'indiquait le contraire, mais ce n'était pas suffisant pour endormir la méfiance qui régnait en maître chez moi. Evan, je ne le connaissais que trop bien, mais était-ce toujours le cas ? Toujours d'actualité ? Quels étaient les secrets cachés derrière ce regard émeraude pétillant ? Tapis dans l'ombre de ces paroles si goguenardes ?
La présentation, théâtralement menée, m'amusa légèrement alors que je penchais légèrement la tête sur le côté en élargissant un sourire répondant à l'ironie de celui de mon ami tandis que mon menton se baissait légèrement. Mon regard gris balaya la salle en attendant que les applaudissements cessent, pour venir à nouveau terminer sa course sur le professeur. Ici, tout me rappelait à lui, tout en moi était magnétiquement attiré par lui.
Il me fallut pourtant un self contrôle impressionnant pour ne pas éclater de rire lorsqu'il m'inventa une vie à ses crédules élèves de deuxième année. Trompettiste. Sérieusement ? Avais-je l'allure d'une trompettiste de renom ? Le pli qui vint se former aux coins de mes yeux trahissait le fou rire que je contenais. Le fait de venir durant la leçon de Wakefield avait été parfaitement prévu et calculé, je m'attendais donc très bien à ce genre de plaisanteries de sa part. Pour être totalement honnête avec moi-même, je l'avais même espéré. Car le fait qu'il réagisse ainsi me prouvait qu'il n'avait pas tant changé. Qu'il y avait toujours quelque chose entre nous, cet étrange sentiment de complicité qui nous unissait reprit vie à l'instant, comme si l'esprit vif du sorcier roux vint redonner eau et soleil à cette fleur flétrie depuis des années. Depuis son départ.
Mais voilà, les pétales tombés restaient au pied de la tige.
Avec une nonchalance bien à moi, je me rapprochais alors du chef d'orchestre sans la moindre hésitation, filant droit, comme une flèche voulant se figer en plein dans son cœur. Pourtant, une fois non loin, je m'arrêtais et, d'un mouvement vif et gracieux, fit un quart de tour sur moi-même afin de faire face aux étudiants. J'adoptais alors une mine un peu gênée qui, pour le professeur, allait être particulièrement comique, pour les adolescents, sérieuse.
- Merci à monsieur Vakefyld pour m'être… introduite ? Ja ? Je jetais un coup d'œil à mon ami tout en exagérant mon accent allemand, cachant alors mon bilinguisme parfait. Cheu parle ein… petit peu votre langue aber… ce n'est pas très bien. Es tut mir leid. Joignant mes mains devant moi, je vins déambuler entre les rangs des élèves pour aller rejoindre, docile, mon minuscule instrument métallique, sans rechigner une seule seconde. Ce n'était pas au vieux singe qu'on apprenait à faire la grimace. Cheu suis heureuze d'être avec fous, danke de m'accueillir.
Une fois à ma place, j'attrapais le triangle et la tige pour émettre le son de ce dernier en fixant Evan d'une œillade pétillante de victoire. Your class, your rules, my pleasure. Schaf.
L'observant rouler les manches de ses chemises, mes yeux se firent toutefois plus soupçonneux. Qu'était-ce donc que ces cicatrices que je voyais là ? La médicomage attentive et avisée que j'étais ne pouvais pas passer à côté d'un détail aussi flagrant, surtout que ce corps, pour l'avoir dessiné un nombre incalculable de fois, je le connaissais par cœur. Comme une vieille toile que je ne me lassais jamais de regarder et d'en vouloir encore et encore esquisser les contours.
Alors que la mélodie s'élevait dans la pièce, que je le voyais battre la mesure, comme un possédé qui avait le parfait contrôle de son démon, je ne pouvais m'empêcher de le fixer avec tant d'émotions contradictoires que je n'arrivais pas à en définir une seule précisément. Joie, peur, colère, amusement, inquiétude, calme… ? Aucune idée.
Ho Evan… que nous était-il arrivé à tous les deux ? Nous serions nous tout de même perdus malgré les apparences ?
Pourtant, en le voyant ainsi porter la musique, mais aussi emporté par elle, je constatais presque avec soulagement que ça au moins, il ne l'avait pas perdu. Cette vivacité dont il faisait preuve lorsqu'il devenait le compositeur de ses propres partitions, de sa vie en somme. Ses bras s'élançaient de bas en haut comme ce rossignol qu'il était sous son autre forme. Ça, ça n'avait pas été un hasard, et maintenant que je le découvrais ainsi, l'évidence me frappait. Tout comme j'avais rencontré ce mur de béton qui m'avait fracassé le crâne alors que le goût amer du sang s'insinuait dans ma bouche. Cette horrible sensation de regret, de tristesse et de mélancolie.
Ho Evan… pourquoi avait-il fallu qu'il nous arrive ce qui nous était arrivé ?
Mais, bien trop professionnelle et capable de trop de réflexion, je réussissais enfin, après de longues minutes, à baisser les yeux sur le parchemin me faisant face. Je n'étais pas une grande musicienne, et les rudiments que je connaissais étaient grâce au sorcier se tenant là-bas, devant la scène, à guider ses élèves à la baguette avec une facilité qui, au final, me surprenait que peu.
En revanche, le second mouvement, j'ignorais de quoi il s'agissait. D'autant plus que ma partition était noircie de traits, décorés de chiffres, qui n'étaient pas des notes. Sans doute le nombre de mesure que je devais attendre avant de jouer. Heureusement, je comprenais, de ce que j'arrivais à lire, que les quelques notes que je devais sortir étaient davantage du rythme que des variations de son. Prenant tout de même mes repères rapidement, car mon sens d'adaptation n'était plus à refaire, je réussissais à trouver ce qui devait correspondre à ce fameux second mouvement. Douée en calcul de par mon métier, je parvenais donc à retrouver presque exactement la mesure où l'orchestre se trouvait. Qui plus est, je ne lâchais jamais vraiment mon ami du regard, et lorsque je vis son mouvement me désignant, je n'hésitais pas et vint frapper délicatement le triangle, sa sonorité venant me frapper les tempes. Quel objet bien peu raffiné…
Toujours en assumant ma venue impromptue, je suivais les indications de l'enseignant jusqu'à ce que l'heure retentisse et qu'il ne vide la salle. Enfin seuls, je me rapprochais de lui, abandonnant l'instrument qui m'avait été désigné. Souplement et lestement, je venais attraper sa cravate ridicule tout en le tirant dans ma direction, nos visages se rapprochant alors. Ainsi si proche de lui, je parvenais à retrouver mes repères. Son odeur, les traits de son visage, la malice dans son regard, les boucles de ses cheveux et son souffle contre ma peau.
D'un air extrêmement sérieux, je me perdais dans ses prunelles avant de commenter, d'un ton grave.
- Trompettiste. Tu n'avais pas mieux franchement ?
Mes doigts libérèrent leur emprise alors que je pouffais de rire devant lui tandis que je me redressais, remettant de la distance entre nous.
Si Evan était hypnotisé, je l'étais tout autant que lui, mais au moins, je ne bénéficiais pas de la surprise de ma venue, ce qui me permettait d'avancer jusqu'à la dernière rangée des élèves alors que le temps était suspendu un court instant. Jusqu'à ce qu'il réussit à se redonner contenance, me faisant sourire imperceptiblement. Avait-il changé ? Son allure alors qu'il furetait entre ses élèves, les coups d'œil si malicieux qu'il me lançait, ce sourire en coin. Tout m'indiquait le contraire, mais ce n'était pas suffisant pour endormir la méfiance qui régnait en maître chez moi. Evan, je ne le connaissais que trop bien, mais était-ce toujours le cas ? Toujours d'actualité ? Quels étaient les secrets cachés derrière ce regard émeraude pétillant ? Tapis dans l'ombre de ces paroles si goguenardes ?
La présentation, théâtralement menée, m'amusa légèrement alors que je penchais légèrement la tête sur le côté en élargissant un sourire répondant à l'ironie de celui de mon ami tandis que mon menton se baissait légèrement. Mon regard gris balaya la salle en attendant que les applaudissements cessent, pour venir à nouveau terminer sa course sur le professeur. Ici, tout me rappelait à lui, tout en moi était magnétiquement attiré par lui.
Il me fallut pourtant un self contrôle impressionnant pour ne pas éclater de rire lorsqu'il m'inventa une vie à ses crédules élèves de deuxième année. Trompettiste. Sérieusement ? Avais-je l'allure d'une trompettiste de renom ? Le pli qui vint se former aux coins de mes yeux trahissait le fou rire que je contenais. Le fait de venir durant la leçon de Wakefield avait été parfaitement prévu et calculé, je m'attendais donc très bien à ce genre de plaisanteries de sa part. Pour être totalement honnête avec moi-même, je l'avais même espéré. Car le fait qu'il réagisse ainsi me prouvait qu'il n'avait pas tant changé. Qu'il y avait toujours quelque chose entre nous, cet étrange sentiment de complicité qui nous unissait reprit vie à l'instant, comme si l'esprit vif du sorcier roux vint redonner eau et soleil à cette fleur flétrie depuis des années. Depuis son départ.
Mais voilà, les pétales tombés restaient au pied de la tige.
Avec une nonchalance bien à moi, je me rapprochais alors du chef d'orchestre sans la moindre hésitation, filant droit, comme une flèche voulant se figer en plein dans son cœur. Pourtant, une fois non loin, je m'arrêtais et, d'un mouvement vif et gracieux, fit un quart de tour sur moi-même afin de faire face aux étudiants. J'adoptais alors une mine un peu gênée qui, pour le professeur, allait être particulièrement comique, pour les adolescents, sérieuse.
- Merci à monsieur Vakefyld pour m'être… introduite ? Ja ? Je jetais un coup d'œil à mon ami tout en exagérant mon accent allemand, cachant alors mon bilinguisme parfait. Cheu parle ein… petit peu votre langue aber… ce n'est pas très bien. Es tut mir leid. Joignant mes mains devant moi, je vins déambuler entre les rangs des élèves pour aller rejoindre, docile, mon minuscule instrument métallique, sans rechigner une seule seconde. Ce n'était pas au vieux singe qu'on apprenait à faire la grimace. Cheu suis heureuze d'être avec fous, danke de m'accueillir.
Une fois à ma place, j'attrapais le triangle et la tige pour émettre le son de ce dernier en fixant Evan d'une œillade pétillante de victoire. Your class, your rules, my pleasure. Schaf.
L'observant rouler les manches de ses chemises, mes yeux se firent toutefois plus soupçonneux. Qu'était-ce donc que ces cicatrices que je voyais là ? La médicomage attentive et avisée que j'étais ne pouvais pas passer à côté d'un détail aussi flagrant, surtout que ce corps, pour l'avoir dessiné un nombre incalculable de fois, je le connaissais par cœur. Comme une vieille toile que je ne me lassais jamais de regarder et d'en vouloir encore et encore esquisser les contours.
Alors que la mélodie s'élevait dans la pièce, que je le voyais battre la mesure, comme un possédé qui avait le parfait contrôle de son démon, je ne pouvais m'empêcher de le fixer avec tant d'émotions contradictoires que je n'arrivais pas à en définir une seule précisément. Joie, peur, colère, amusement, inquiétude, calme… ? Aucune idée.
Ho Evan… que nous était-il arrivé à tous les deux ? Nous serions nous tout de même perdus malgré les apparences ?
Pourtant, en le voyant ainsi porter la musique, mais aussi emporté par elle, je constatais presque avec soulagement que ça au moins, il ne l'avait pas perdu. Cette vivacité dont il faisait preuve lorsqu'il devenait le compositeur de ses propres partitions, de sa vie en somme. Ses bras s'élançaient de bas en haut comme ce rossignol qu'il était sous son autre forme. Ça, ça n'avait pas été un hasard, et maintenant que je le découvrais ainsi, l'évidence me frappait. Tout comme j'avais rencontré ce mur de béton qui m'avait fracassé le crâne alors que le goût amer du sang s'insinuait dans ma bouche. Cette horrible sensation de regret, de tristesse et de mélancolie.
Ho Evan… pourquoi avait-il fallu qu'il nous arrive ce qui nous était arrivé ?
Mais, bien trop professionnelle et capable de trop de réflexion, je réussissais enfin, après de longues minutes, à baisser les yeux sur le parchemin me faisant face. Je n'étais pas une grande musicienne, et les rudiments que je connaissais étaient grâce au sorcier se tenant là-bas, devant la scène, à guider ses élèves à la baguette avec une facilité qui, au final, me surprenait que peu.
En revanche, le second mouvement, j'ignorais de quoi il s'agissait. D'autant plus que ma partition était noircie de traits, décorés de chiffres, qui n'étaient pas des notes. Sans doute le nombre de mesure que je devais attendre avant de jouer. Heureusement, je comprenais, de ce que j'arrivais à lire, que les quelques notes que je devais sortir étaient davantage du rythme que des variations de son. Prenant tout de même mes repères rapidement, car mon sens d'adaptation n'était plus à refaire, je réussissais à trouver ce qui devait correspondre à ce fameux second mouvement. Douée en calcul de par mon métier, je parvenais donc à retrouver presque exactement la mesure où l'orchestre se trouvait. Qui plus est, je ne lâchais jamais vraiment mon ami du regard, et lorsque je vis son mouvement me désignant, je n'hésitais pas et vint frapper délicatement le triangle, sa sonorité venant me frapper les tempes. Quel objet bien peu raffiné…
Toujours en assumant ma venue impromptue, je suivais les indications de l'enseignant jusqu'à ce que l'heure retentisse et qu'il ne vide la salle. Enfin seuls, je me rapprochais de lui, abandonnant l'instrument qui m'avait été désigné. Souplement et lestement, je venais attraper sa cravate ridicule tout en le tirant dans ma direction, nos visages se rapprochant alors. Ainsi si proche de lui, je parvenais à retrouver mes repères. Son odeur, les traits de son visage, la malice dans son regard, les boucles de ses cheveux et son souffle contre ma peau.
D'un air extrêmement sérieux, je me perdais dans ses prunelles avant de commenter, d'un ton grave.
- Trompettiste. Tu n'avais pas mieux franchement ?
Mes doigts libérèrent leur emprise alors que je pouffais de rire devant lui tandis que je me redressais, remettant de la distance entre nous.
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Re: Do you recognize me ? [Evan]
Ven 25 Jan 2019 - 0:50
« There's broken silence by thunder crashing in the dark »
Elle en avait presque ri, Evan l'avait bien vu, alors qu'il lui composait sa nouvelle identité comme s'il s'agissait d'un voile qu'il pouvait glisser sur le corps de son amie à sa guise, la modelant telle une statue de cire. Deviendrait-il Pygmalion, s'éprenant de son chef d'oeuvre? Pas aujourd'hui, l'Allemande se prenant au jeu en caricaturant lourdement l'accent germanophone qu'elle n'avait pourtant pas en anglais. Au tour du professeur de se retenir de rire alors qu'elle massacrait la langue - il se contenta de croquer dans sa pomme, lui adressant un regard entendu, se pinçant les lèvres. N'avaient-ils pas changé? Et pourtant, n'étaient-ils pas capables de se rejoindre, simplement, là où ils étaient? En cet instant. Ariadne prit le triangle cérémonieusement offert, Evan s'inclinant vers elle en ne la quittant pas des yeux, lueur de malice dans le regard. Il fit mine de l'ignorer pour se concentrer sur ses étudiants, mais, en vérité, comment l'aurait-il pu? Elle avait été le centre de son univers si longtemps, et chaque fois qu'il la revoyait, le temps semblait s'arrêter autour d'elle. Parce que personne d'autre ne répondait autant à ses facéties - même avec les années qui avaient passé, lors de ces précieux instants échangés face à face. Il lui semblait avoir sous les yeux une statue, l'air altier et inchangé. Une apparition. D'un instant à l'autre, le vrai professeur de musique allait lui taper sur l'épaule et lui demander ce qu'il faisait dans son cours alors qu'il aurait dû être en cours de métamorphoses. Le moment ne vint jamais et il le brisa lui-même, faisant signe à l'orchestre. Avec le temps, ces gestes devenaient si naturels pour lui qu'il pouvait presque les faire en automate, déchaînant rage, furie, joie et douceur du bout de ses doigts lorsqu'il indiquait les accents et nuances dont devaient faire preuve ses musiciens.
Il ne la quittait pas du regard, la médicomage qui tentait de suivre le rythme. C'était acceptable, décida-t-il, pour quelqu'un qui n'avait probablement pas prévu jouer du triangle ce jour-là. Dirigeant l'orchestre, il ne parvenait pas à détacher son attention de la musicienne improvisée. Peu importe où Evan regardait, les reflets d'ambre semblaient attirer ses prunelles, le sorcier ayant une conscience aiguë de sa présence. Quelle situation surréelle. Le pianiste n'aurait jamais imaginé pouvoir partager ainsi sa nouvelle passion avec la médicomage. Lorsqu'ils étaient étudiants, leurs conversations tournaient davantage autour de la carrière de l'ex Grymm, et pour cause: contrairement à Evan, elle étudiait à l'époque dans une filière qui lui correspondait. Le professeur se l'avouait à demi : il faisait un peu le paon, fier de se montrer sous son meilleur jour à son amie. Fier et gracieux, le chef d'orchestre menait son ensemble, grand sourire aux lèvres. Si on lui avait demandé, en cet instant, le pianiste aurait avoué être heureux. Le morceau achevé, il donna congé à ses étudiants, et reprit sa pomme, qu'il croqua d'un air distrait. La magie de l'instant musical était rompu, et une adversaire formidable l'attendait. Prenant une grande inspiration, Evan la regarda alors qu'elle s'avançait vers lui. Il lui sembla voir un grand chat, souple et patiente alors qu'elle se dirigeait vers sa proie. Un sourire étira ses lèvres - le musicien n'y pouvait rien, il souriait toujours comme un idiot quand il voyait Ariadne, surtout depuis son retour en Grande-Bretagne. Relation tendue de non-dits, malgré l'apparente facilité de leurs échanges - mais qu'est-ce que le déni sinon un magnifique pays dans lequel s'installer? Il lui avait caché tant de choses - ou omis de lui dire. Ce serait du pareil au même pour elle, il le savait.
Pour l'heure, il n'y pensa pas, happé par la sorcière qui l'attrapa par sa magnifique et superbe cravate. « Trompettiste. Tu n'avais pas mieux franchement ? » Evan rit avec elle, avant de faire mine de l'observer, portant une main à sa bouche pour appuyer son geste de réflexion. « J'ai des flûtistes particulièrement motivées, je craignais qu'elles n'exigent une représentation. Et tu es un peu menue pour tenir un tuba. Quoique, tu aurais pu tomber dans un tuba, petite comme tu es », dit-il, peinant à garder un air sérieux. Il réajusta sa cravate, la remettant dans son gilet pour que seul le nœud paraisse, son veston toujours posé sur le dossier de sa chaise. « Attention à la cravate - j'ai des standards très hauts à maintenir, s'il vous plait, miss Eberhart. Vous comprenez certainement, ja? » Éclat de malice, il prit une nouvelle bouchée de sa pomme, la regardant toujours. « C'était bien joué, en tout cas. Tu m'as presque désarçonné, je croyais voir une apparition », admit-il avec sincérité. Il tenta de détailler ses traits, y cherchant la trace des années qui avaient passé depuis leur dernière rencontre au sein de l'université. Certes, une certaine fatigue dans les traits fins et superbes - comment en aurait-il été autrement, avec la rigueur dont elle faisait preuve dans son métier? Pourtant, malgré cette légère preuve tangible, Evan ne demeurait pas convaincu. Le professeur tendit une main légère vers son visage, sans le toucher, comme s'il tentait de tenir une figure d'éther.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Ven 25 Jan 2019 - 11:44
La plaisanterie du professeur m'arracha un nouveau sourire. Voilà qui n'avait pas changé, il avait toujours autant de répondant, et il était le seul capable de me tirer ce genre d'expressions aussi sincères et spontanées. Alors, qu'est-ce qui avait changé entre nous ? Ses avant-bras. Première observation, et pas des moindres, et en tant que médicomage chevronnée, je me doutais que ce n'était que le sommet de l'iceberg. Qu'était-il arrivé ? Surtout, pourquoi me cachait-il tout cela ? Avais-je donc à ce point perdu de la valeur à ses yeux ? Je sentais mon cœur se déchirer en deux à cette pensée, la hache frappant exactement au même endroit qu'il y a une quinzaine d'années, lors de son départ. Blessure toujours ouverte qui ne s'était jamais totalement refermée. J'avais eu la prétention de croire qu'il allait revenir, mais non. Il avait rencontré Elena, puis, je ne fus plus qu'un souvenir, pâle et perdu dans les méandres de son esprit si dissipé. Seules subsistaient nos correspondances, d'abord assidues, puis diffuses. Cette rencontre, je l'avais provoquée aujourd'hui parce que je l'avais vue, mais surtout parce que j'avais besoin de réponses.
Peut-être… que ce serait ma dernière valse avec Evan.
- Tomber dans un tuba ou dans l'oubli, quelle différence, mmh ?
Mon sourire et mon air amusé, répondant à l'euphorie de mon ami, cachait avec brio tout le mal que je ressentais à cet instant, toute cette peine accumulée pendant si longtemps. Incertaine qu'il puisse détecter quoique ce soit, après tout, il restait Evan, le volatil et le si peu palpable Evan, je gloussais légèrement. C'était un homme… et les hommes qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Aucun n'avait été digne de moi, même encore aujourd'hui. Aucun, et pas même lui.
Croisant les bras devant moi, je roulais mes yeux dans leurs orbites tout en accentuant mon sourire en coin.
- Certes, excusez-moi d'avoir froissé ce si beau tissu, même s'il est en désaccord total avec votre teint, sieur Wakefield.
Reposant mon regard sur lui, ce gris si neutre, parfait équilibre entre le bien et le mal, l'ignorance et le savoir, je me surprenais presque à envier cette pomme qu'il était en train de croquer à pleine dent. Ses mots m'arrachèrent quelques battements de cils alors que je revenais à moi, mon esprit s'étant évaporé en images troubles, sans doute les élucubrations d'un désir idiot et trop longtemps refoulé.
Œillade pétillante de malice, les commissures droites de mes lèvres s'élevèrent sensiblement, narquoises et sournoises. Mais encore une fois, c'était un poignard qu'il enfonçait à mon cœur. Je hurlais.
- Presque. Mmh. Dommage, je dois être rouillée dans ce cas.
Un peu amer, j'élargissais un sourire ironique avant de détourner un instant les yeux de l'enseignant pour observer la salle et m'assurer que nous étions toujours seuls. Je le sentais sincère, pourtant, j'avais la désagréable sensation que la moindre de ses paroles allaient me blesser. Trop de non-dits, trop de souffrance, trop de jalousie, trop d'envie. Je reposais mon regard sur lui uniquement lorsque je vis sa main s'élever vers mon visage, comme un artiste découvrant enfin la finalité d'un tableau peint des années durant. D'abord hésitante, je me décidais à venir lui attraper les doigts avec douceur et délicatesse. Cette même attitude qu'il me connaissait si bien des années auparavant alors que je m'occupais de lui, que je le dessinais.
- Je ne suis pas une apparition… mais si tu le souhaites, alors je peux prendre congé.
Inutile de tourner autour du pot, c'était du temps gâché pour nous deux. Trop aigrie à cause de tout ce que j'avais accumulé, je ne pouvais m'empêcher de siffler entre mes dents en parlant, comme le serpent qui avait été le symbole de mes études durant sept ans, l'époque où nous nous sommes connus. À croire que tout nous ramenait à cette époque. Restait à savoir si notre relation pouvait encore perdurer.
Sans prévenir, ma poigne se fit bien plus étroite, ferme et sévère sur les doigts du sorcier tandis que je tirais son bras dans ma direction alors que mes prunelles grises, initialement rieuses et douces, se firent soudainement sévères et inquiètes. Désignant les marques que j'avais repérées plus tôt, je grognais presque.
- Ça en revanche, ce n'est pas une apparition. Bon sang Evan, qu'est-ce donc ??!
Peut-être… que ce serait ma dernière valse avec Evan.
- Tomber dans un tuba ou dans l'oubli, quelle différence, mmh ?
Mon sourire et mon air amusé, répondant à l'euphorie de mon ami, cachait avec brio tout le mal que je ressentais à cet instant, toute cette peine accumulée pendant si longtemps. Incertaine qu'il puisse détecter quoique ce soit, après tout, il restait Evan, le volatil et le si peu palpable Evan, je gloussais légèrement. C'était un homme… et les hommes qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Aucun n'avait été digne de moi, même encore aujourd'hui. Aucun, et pas même lui.
Croisant les bras devant moi, je roulais mes yeux dans leurs orbites tout en accentuant mon sourire en coin.
- Certes, excusez-moi d'avoir froissé ce si beau tissu, même s'il est en désaccord total avec votre teint, sieur Wakefield.
Reposant mon regard sur lui, ce gris si neutre, parfait équilibre entre le bien et le mal, l'ignorance et le savoir, je me surprenais presque à envier cette pomme qu'il était en train de croquer à pleine dent. Ses mots m'arrachèrent quelques battements de cils alors que je revenais à moi, mon esprit s'étant évaporé en images troubles, sans doute les élucubrations d'un désir idiot et trop longtemps refoulé.
Œillade pétillante de malice, les commissures droites de mes lèvres s'élevèrent sensiblement, narquoises et sournoises. Mais encore une fois, c'était un poignard qu'il enfonçait à mon cœur. Je hurlais.
- Presque. Mmh. Dommage, je dois être rouillée dans ce cas.
Un peu amer, j'élargissais un sourire ironique avant de détourner un instant les yeux de l'enseignant pour observer la salle et m'assurer que nous étions toujours seuls. Je le sentais sincère, pourtant, j'avais la désagréable sensation que la moindre de ses paroles allaient me blesser. Trop de non-dits, trop de souffrance, trop de jalousie, trop d'envie. Je reposais mon regard sur lui uniquement lorsque je vis sa main s'élever vers mon visage, comme un artiste découvrant enfin la finalité d'un tableau peint des années durant. D'abord hésitante, je me décidais à venir lui attraper les doigts avec douceur et délicatesse. Cette même attitude qu'il me connaissait si bien des années auparavant alors que je m'occupais de lui, que je le dessinais.
- Je ne suis pas une apparition… mais si tu le souhaites, alors je peux prendre congé.
Inutile de tourner autour du pot, c'était du temps gâché pour nous deux. Trop aigrie à cause de tout ce que j'avais accumulé, je ne pouvais m'empêcher de siffler entre mes dents en parlant, comme le serpent qui avait été le symbole de mes études durant sept ans, l'époque où nous nous sommes connus. À croire que tout nous ramenait à cette époque. Restait à savoir si notre relation pouvait encore perdurer.
Sans prévenir, ma poigne se fit bien plus étroite, ferme et sévère sur les doigts du sorcier tandis que je tirais son bras dans ma direction alors que mes prunelles grises, initialement rieuses et douces, se firent soudainement sévères et inquiètes. Désignant les marques que j'avais repérées plus tôt, je grognais presque.
- Ça en revanche, ce n'est pas une apparition. Bon sang Evan, qu'est-ce donc ??!
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Dim 27 Jan 2019 - 1:22
« There's broken silence by thunder crashing in the dark »
« Tomber dans un tuba ou dans l'oubli, quelle différence, mmh ? » Le sourire amusé d'Ariadne aurait pu le laisser dupe si Evan avait eu l'intention réelle de rester dans le déni ... Le souhaitait-il? Le sorcier aurait pu tenter de maintenir l'illusion encore longtemps. Il tenta une réponse désinvolte, chassant les reproches sous-entendus d'un mouvement de main et d'une réplique en l'air. « Beaucoup plus dur de sortir d'un tuba que de l'oubli », dit-il avant de défendre l'honneur de sa royale cravate, l'air faussement pompeux. « Certes, excusez-moi d'avoir froissé ce si beau tissu, même s'il est en désaccord total avec votre teint, sieur Wakefield ». En désaccord avec son teint?! Elle osait? Faux air offensé, théâtralement appuyé comme si elle lui avait transpercé le coeur d'une lance, les deux mains sur la poitrine, avant de lui jeter un léger coup d'oeil, pour voir si elle le suivait dans ses bêtises. « Vous saurez que toutes mes cravates remplissent parfaitement leur fonction, qui n'a aucun lien avec mon teint, gente dame », dit-il, l'air hautain. Quelle fonction remplissaient-elles vraiment? Autrefois ... pour agacer son père, de façon générale, et son frère, de façon spécifique. Aujourd'hui ... la plus totale frivolité, pour citer Devon Wakefield. Un mal pour un bien. Evan ne s'était jamais pris très au sérieux et, dans cet univers où ses étudiants semblaient prêts à se jeter du haut de la tour d'astronomie pour avoir obtenu un E plutôt qu'un O, un peu de frivolité ne faisait pas de mal. L'insoutenable légèreté de l'être.
Léger, il l'avait toujours été, en apparence, cet homme qui dissimulait ses blessures sous des habits éclatants. Caparaçonné de lumière, à jamais. Evan n'y pouvait rien - le professeur se précipitait sur la vie avec son rire pour seule armure, ses facéties pour épée. Se précipiter sur l'univers, sans être désarçonné. Qui d'autre qu'Ariadne aurait pu le jeter à terre? Presque désarçonné. « Presque. Mmh. Dommage, je dois être rouillée dans ce cas ». Evan entendit l'amertume - l'ignora. Combien de temps pourrait-il esquiver les mots d'Ariadne, tourner autour du pot, sans s'y écraser et y laisser ses plumes? Une fois de plus, décida-t-il, funambule hésitant au-dessus du vide. « Aucunement. Je suis simplement plus adroit que toi ». Puis, l'honnêteté. « C'était bien joué, en tout cas. Tu m'as presque désarçonné, je croyais voir une apparition », avant de glisser les doigts vers elle, qu'elle attrapa délicatement. « Je ne suis pas une apparition… mais si tu le souhaites, alors je peux prendre congé. » La perspective qu'elle s'en aille si rapidement et la sécheresse de son ton lui plantèrent un doute au coeur. Evan se doutait qu'il s'agissait là de la limite à ne pas franchir. S'il répondait par la moquerie, la médicomage le quitterait vraiment, le professeur en était convaincu. Risquerait-il sa présence pour le plaisir de gagner une joute verbale? Plus jeune, il l'aurait peut-être fait. Il l'avait fait, plus d'une fois. L'amusement qui avait teinté ses traits se décomposa et, doucement, sa voix aux riches accents quitta à nouveau ses lèvres. « Ce n'est pas ce que je voulais dire, Ariadne ». Instant de pause. Voulait-elle qu'il la supplie? Je ne marcherai jamais au pas, lui avait-il dit, jadis naguère. « Ne t'en vas pas, s'il te plait ». Le ton, sincère - et un besoin réel dans les yeux verts. S'il te plait. La sorcière l'attira vers lui pour examiner ses avant-bras. Aïe, pris sur le fait. Il n'avait même pas songé à ses cicatrices, le professeur ayant l'habitude machinale de rouler ses manches aux coudes, sans accorder une pensée aux traits indélébiles marquant sa peau. « Ça en revanche, ce n'est pas une apparition. Bon sang Evan, qu'est-ce donc ??! »
Se râclant la gorge, il s'éloigna un peu, Ariadne libérant son poignet. Il s'écarta de deux pas, et se passa une main dans les cheveux, incertain de savoir comment expliquer la situation à son amie. « Ça? C'est ... Alors. » Quel début éloquent, Wakefield, vraiment. 2/10 pour la performance. Lange déliée, esprit vif argent ... Tu m'étonnes. « Comment dire ... » Encore un dérapé. Décidément, il n'était bon à rien lorsque venait le temps de parler de l'incident. Le fait qu'il aurait probablement dû prévenir Ariadne plus rapidement n'aidait pas sa loquacité. La prévenir? Comment écrire cette lettre? Très chère et estimée amie, alors que tu n'étais pas encore en place aux urgences pour t'occuper de moi, j'ai été déchiré et rabiboché dans tes futures urgences. Bisous, hâte de voir l'hôpital dans ta poigne de fer, Evan. Le professeur avait donc repoussé le moment, se promettant d'admettre l'attaque à la sorcière lorsqu'ils se retrouveraient face à face. Il cracha enfin le morceau, se résignant à le prononcer sans ses habituelles fioritures verbales. « Cadeau d'un rapace, au mois de décembre. J'étais sous ma forme animagus et ... j'aurais dû faire attention », admit-il, jetant un regard penaud à la médicomage, portant sa main à sa bouche en un geste de réflexion, comme s'il ne savait plus gérer sa propre expression - c'était le cas de le dire. « Je suis certain que les urgences de Sainte-Marie fonctionnent beaucoup mieux depuis ton arrivée, mais les médicomages présents m'ont traité avec énormément de diligence », ajouta-t-il, petite pointe de supplication dans la voix.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Dim 27 Jan 2019 - 14:19
La désinvolture dont faisait preuve le professeur face à mes mots m'exaspérait presque, et ça aurait pu être le cas si je ne le connaissais pas aussi bien… mais, le connaissais-je encore dans le fond ? Je reconnaissais bien là sa manière bien pu subtile d'éloigner les sujets sensibles pour mieux les éviter. Mais voilà des années que nous le faisions ensemble, car pour le peu de présence que j'avais pu avoir de lui, j'avais toujours préféré profiter de lui en mettant de côté mes douleurs. À présent que nous étions réunis à nouveau, je ne pouvais plus me le permettre.
J'aurai pu, continuer d'entrer dans son jeu, jouer les mimes, sourire et répondre à ses plaisanteries. J'en avais la force et je sentais l'envie bouillir au fond de moi. Seulement, l'heure n'était plus à ces plaisanteries, et lorsqu'il fallait être sérieux, je le devais plus que de raison. Je souffrais depuis trop longtemps, et je ne voulais pas gâcher une belle et légère discussion, autant la plomber immédiatement. S'envoler à nouveau serait difficile, mais pas impossible au moins. Ce serait moins douloureux, tout du moins, j'avais la prétention de le croire.
Pourtant, une fois sa main dans la mienne, à la sincérité de ma voix je voyais ses traits se décomposer. Aurait-il peur ? Ou alors le doute aurait-il enfin pris le pas sur son comportement juvénile et taquin ? Enfin un peu de sérieux… Et étrangement, je ne le regrettais pas. J'aimais cet Evan solaire, qui prenait tout à la légère, il était l'eau qui coulait inexorablement et qui trouvait toujours un moyen de s'échapper. C'était ce dont j'avais toujours eu besoin. Mais cette fois, aujourd'hui, je ne pouvais pas me permettre de ployer devant lui. Il y avait trop de non-dits.
Non je n'étais pas prétentieuse pour pousser le vice jusqu'à ce qu'il me supplie, je souhaitais simplement qu'il soit sincère et sérieux un instant, qu'il puisse prendre en considération ce que je disais. La sincérité de sa voix qui s'éleva me foudroyait et m'enserra le cœur. Je m'en voulais de lui infliger tout ceci, de faire un retour si violent. Je me mettais moi-même au supplice. J'aurai préféré que les conditions soient davantage entre notre faveur. J'allais presque me radoucir, et une lueur de tendresse traversa mes yeux gris alors que je le fixais avec sincérité. Soit, j'allais rester et me calmer, mais il y avait des choses à tirer au clair.
Comme ces cicatrices qui maculaient ses bras.
Sa réaction penaude et hésitante me fit froncer les sourcils. Était-ce donc si grave ? Ou alors que craignait-il ? Une remontrance de ma part ? J'en faisais sans doute déjà beaucoup trop alors que je n'avais même pas élevé la voix, alors que je ne hurlais pas mon désarroi et ma détresse. Je me faisais violence pour obstinément garder ce masque calme et ce contrôle sur moi. Mais au fond, que voudrais-je faire ? Hurler, mais pour dire quoi ? Lever la main sur lui était impensable. Pleurer pour évacuer ? C'était ridicule.
Alors voilà que je m'essayais à rester au maximum impassible alors qu'à chacune des hésitations du roux, je me sentais davantage transpercée au cœur par la lance de la vérité. La crue, celle qui me signifiait qu'il avait des secrets et qu'il ne me faisait plus confiance. Il n'avait même pas fait appel à moi pour lui venir en aide. N'étais-je donc plus qu'un souvenir fané ? À ses vagues explications, je me contentais de fermer lentement mes paupières tout en poussant un profond soupir. Combien de fois avais-je tremblé pour lui aussitôt que j'avais appris sa forme animagus ? Des soins, je lui en avais déjà procuré, pourquoi était-ce si terrible aujourd'hui de me le dire ?
En rouvrant lentement mes yeux, je le voyais confus et en proie à certaines réflexions.
- Combien de fois t'avais-je dit à l'époque de rester prudent ?
Ses airs d'excuses avaient le mérite de me permettre de rester calme et maitresse de mes émotions pour le moment. Bien trop professionnelle depuis des années, parler de médicomagie et de blessure me canalisais.
Voilà pourquoi ma question avait été simple et sur un ton léger, rappelant alors les paroles que j'avais eue lorsque nous étions plus jeunes. Souvent il m'avait comparé à sa mère dans ces moments, mais tel est pris qui croyait prendre, preuve en est aujourd'hui. Après tout, je ne me refaisais pas, j'aimais lui rabâcher les oreilles, toutefois, je gardais un air sérieux et concerné.
Désarçonnée par la flatterie à laquelle il s'essayait en comparant les urgences avant et après ma venue, je réussissais à rester impassible. Seuls les clignements frénétiques de mes paupières et le léger mouvement de tête trahissaient ma confusion.
- Ils ont eu intérêt, sinon j'irai leur tirer les oreilles dès que j'y retourne.
Un peu froide à ses mots, je démontrais que j'étais véritablement capable de le faire dans le cas contraire, mais aussi, j'invitais le sorcier à ne pas aller trop loin en tirade. Décidément, je n'étais pas d'humeur, et ce n'était pas parce que j'étais soumise aux effets cycliques de mes hormones.
Un nouveau soupir traversa mes narines alors que j'essayais toujours de rester maitresse de mes émotions, ce dont j'avais bien du mal. J'aurai aimé pouvoir lui pardonner en un claquement de doigts, j'aurai aimé pouvoir le prendre dans mes bras et tout oublier. Au fond, c'était peut-être aussi simple que ça, mais hélas, je n'arrivais pas à faire la paix.
Déglutissant un peu nerveusement, je balayais à nouveau la salle de cours de mon regard gris, laissant un temps de flottement entre nous.
- Quels autres secrets me caches-tu Evan ?
Du coin de l'œil, je revenais sur le jeune homme en le regardant de biais. Le menton baissé et une mèche de cheveux de feu venant me barrer le visage, je montrais mon sérieux, mais cette lueur dans mes prunelles trahissait ma confusion et mes peines.
J'aurai pu, continuer d'entrer dans son jeu, jouer les mimes, sourire et répondre à ses plaisanteries. J'en avais la force et je sentais l'envie bouillir au fond de moi. Seulement, l'heure n'était plus à ces plaisanteries, et lorsqu'il fallait être sérieux, je le devais plus que de raison. Je souffrais depuis trop longtemps, et je ne voulais pas gâcher une belle et légère discussion, autant la plomber immédiatement. S'envoler à nouveau serait difficile, mais pas impossible au moins. Ce serait moins douloureux, tout du moins, j'avais la prétention de le croire.
Pourtant, une fois sa main dans la mienne, à la sincérité de ma voix je voyais ses traits se décomposer. Aurait-il peur ? Ou alors le doute aurait-il enfin pris le pas sur son comportement juvénile et taquin ? Enfin un peu de sérieux… Et étrangement, je ne le regrettais pas. J'aimais cet Evan solaire, qui prenait tout à la légère, il était l'eau qui coulait inexorablement et qui trouvait toujours un moyen de s'échapper. C'était ce dont j'avais toujours eu besoin. Mais cette fois, aujourd'hui, je ne pouvais pas me permettre de ployer devant lui. Il y avait trop de non-dits.
Non je n'étais pas prétentieuse pour pousser le vice jusqu'à ce qu'il me supplie, je souhaitais simplement qu'il soit sincère et sérieux un instant, qu'il puisse prendre en considération ce que je disais. La sincérité de sa voix qui s'éleva me foudroyait et m'enserra le cœur. Je m'en voulais de lui infliger tout ceci, de faire un retour si violent. Je me mettais moi-même au supplice. J'aurai préféré que les conditions soient davantage entre notre faveur. J'allais presque me radoucir, et une lueur de tendresse traversa mes yeux gris alors que je le fixais avec sincérité. Soit, j'allais rester et me calmer, mais il y avait des choses à tirer au clair.
Comme ces cicatrices qui maculaient ses bras.
Sa réaction penaude et hésitante me fit froncer les sourcils. Était-ce donc si grave ? Ou alors que craignait-il ? Une remontrance de ma part ? J'en faisais sans doute déjà beaucoup trop alors que je n'avais même pas élevé la voix, alors que je ne hurlais pas mon désarroi et ma détresse. Je me faisais violence pour obstinément garder ce masque calme et ce contrôle sur moi. Mais au fond, que voudrais-je faire ? Hurler, mais pour dire quoi ? Lever la main sur lui était impensable. Pleurer pour évacuer ? C'était ridicule.
Alors voilà que je m'essayais à rester au maximum impassible alors qu'à chacune des hésitations du roux, je me sentais davantage transpercée au cœur par la lance de la vérité. La crue, celle qui me signifiait qu'il avait des secrets et qu'il ne me faisait plus confiance. Il n'avait même pas fait appel à moi pour lui venir en aide. N'étais-je donc plus qu'un souvenir fané ? À ses vagues explications, je me contentais de fermer lentement mes paupières tout en poussant un profond soupir. Combien de fois avais-je tremblé pour lui aussitôt que j'avais appris sa forme animagus ? Des soins, je lui en avais déjà procuré, pourquoi était-ce si terrible aujourd'hui de me le dire ?
En rouvrant lentement mes yeux, je le voyais confus et en proie à certaines réflexions.
- Combien de fois t'avais-je dit à l'époque de rester prudent ?
Ses airs d'excuses avaient le mérite de me permettre de rester calme et maitresse de mes émotions pour le moment. Bien trop professionnelle depuis des années, parler de médicomagie et de blessure me canalisais.
Voilà pourquoi ma question avait été simple et sur un ton léger, rappelant alors les paroles que j'avais eue lorsque nous étions plus jeunes. Souvent il m'avait comparé à sa mère dans ces moments, mais tel est pris qui croyait prendre, preuve en est aujourd'hui. Après tout, je ne me refaisais pas, j'aimais lui rabâcher les oreilles, toutefois, je gardais un air sérieux et concerné.
Désarçonnée par la flatterie à laquelle il s'essayait en comparant les urgences avant et après ma venue, je réussissais à rester impassible. Seuls les clignements frénétiques de mes paupières et le léger mouvement de tête trahissaient ma confusion.
- Ils ont eu intérêt, sinon j'irai leur tirer les oreilles dès que j'y retourne.
Un peu froide à ses mots, je démontrais que j'étais véritablement capable de le faire dans le cas contraire, mais aussi, j'invitais le sorcier à ne pas aller trop loin en tirade. Décidément, je n'étais pas d'humeur, et ce n'était pas parce que j'étais soumise aux effets cycliques de mes hormones.
Un nouveau soupir traversa mes narines alors que j'essayais toujours de rester maitresse de mes émotions, ce dont j'avais bien du mal. J'aurai aimé pouvoir lui pardonner en un claquement de doigts, j'aurai aimé pouvoir le prendre dans mes bras et tout oublier. Au fond, c'était peut-être aussi simple que ça, mais hélas, je n'arrivais pas à faire la paix.
Déglutissant un peu nerveusement, je balayais à nouveau la salle de cours de mon regard gris, laissant un temps de flottement entre nous.
- Quels autres secrets me caches-tu Evan ?
Du coin de l'œil, je revenais sur le jeune homme en le regardant de biais. Le menton baissé et une mèche de cheveux de feu venant me barrer le visage, je montrais mon sérieux, mais cette lueur dans mes prunelles trahissait ma confusion et mes peines.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Lun 28 Jan 2019 - 23:14
« There's broken silence by thunder crashing in the dark »
S'il l'avait vraiment souhaité, il aurait pu l'attirer à lui à nouveau, Evan en était convaincu. La prendre contre lui, comme ce jour d'automne il y avait si longtemps de cela. Poser le menton sur sa tête, envahi par la senteur de lavande de la jeune femme, et lui assurer que tout irait bien, en mentant à moitié. Persuasif, le professeur l'était - n'avait-il pas été élevé par un redoutable politicien, dont il alliait l'éloquence à une compassion qui avait toujours si cruellement manqué à son paternel? L'Écossais avait presque été tenté de le faire en voyant l'éclat de tendresse dans les yeux de l'Allemande, et s'était retenu in extremis. Serais-je en train de m'assagir? Lui qui pouvait être glissant et fuyant comme une anguille n'avait pourtant jamais été lâche. Presque jamais. Il y avait eu cette fois, un jour d'août, au cours duquel il n'avait pu lui faire face pour lui annoncer qu'il partait. Aussi se retint-il de calmer la sorcière par la force de sa douceur. La tempête qu'il devinait sous le calme apparent d'Ariadne se déchaînerait contre lui s'il le fallait - le contraire ne leur permettrait que de reconstruire une amitié factice et fragile. Un univers de miroirs aux alouettes. Il n'en voulait pas, si magnifiques puissent être ses tentations.
Il la regarda fermer les yeux - chez la sorcière, ça n'avait jamais été bon signe. Trait qu'elle contenait de l'agacement, de la colère? Evan sentait la violence du raz de marée arriver sous le calme de l'océan, la menace sous la calme douceur. Le musicien était prêt, « Combien de fois t'avais-je dit à l'époque de rester prudent ? » Trop de fois. Assez de fois pour qu'il intègre la sagacité de ses conseils. Mais si le rouquin avait intégré les rangs des gris à Hungcalf, il n'avait pas été placé chez les rouges par hasard, à Poudlard. Faire attention? Et puis quoi encore. Mettre un casque pour rossignol, peut-être?, se disait-il à l'époque. Aujourd'hui, toutefois, il savait qu'elle avait eu raison, toutes ces années auparavant. « Assez de fois pour que tu me traites d'imbécile en sachant que j'ai été attaqué », admit-il sincèrement, avant de parler de la qualité des soins qu'il avait reçus auprès du personnel médicomagique de Sainte-Marie.
« Ils ont eu intérêt, sinon j'irai leur tirer les oreilles dès que j'y retourne ». Un sourire léger étira les lèvres d'Evan. Tantôt serpent, tantôt lionne, cette femme complexe. Parviendrait-il à survivre à leur échange? « Je n'en doute pas une seconde ». Elle aurait fait un excellent amiral, cette femme. Ambitieuse et décisive - et désensibilisée à la mort, après toutes ces années ... Mais elle semblait perdre patience, soupirant et déglutissant avec nervosité. « Quels autres secrets me caches-tu Evan ? » Aie. Evan fit entièrement face à la jeune femme. Que voulait-elle de lui? Qu'il s'offre à elle, la laissant l'écarteler autant qu'elle le voudrait, le disséquer pour analyser ses moindres réactions? Voulait-elle qu'il se mette à nu, là, tout de suite, et faire comme s'il n'avait pas souffert, pendant ces années? Il soupira, et lui lança un regard désemparé. « Que veux-tu de moi, Ariadne? » Il s'approcha d'un pas, et ouvrit les bras, prenant une position de quasi-martyr. « Que veux-tu que je te dise? » Un soupir échappa à ses lèvres, à nouveau, et une pointe de douleur se faufila dans son regard. « Qu'est-ce que c'est que cette question? » Comme s'il était un enfant fautif à qui elle devait taper les doigts. Bien sûr qu'il avait omis certaines informations au cours de toutes ces années. L'incendie. Pour ne pas qu'elle s'en veuille, de ne pas avoir pu l'aider. Comment aurait-il pu faire autrement? Il avait été à des milles de tout sorcier, sans moyen de la contacter, suspendu entre vie et mort alors que les médecins moldus traitaient son dos. Comment aurait-il pu lui partager l'enfer qu'il avait vécu, lui faire porter le poids de cette douleur? « Toi, que me caches-tu? » Après tout ce temps, toutes ces années à se voir occasionnellement et à se donner des nouvelles via leurs lettres ... d'où venait cette question?
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Re: Do you recognize me ? [Evan]
Mar 29 Jan 2019 - 8:24
Imbécile, ça oui il l'était. Il l'avait toujours été, tout du moins dès lors que j'avais fait sa connaissance, mais c'était ce que j'appréciais chez lui. C'était ce qui avait entretenu notre relation, ça, et tant d'autres choses. Fut un temps, nous avions besoin l'un de l'autre pour trouver un équilibre parfait, se tenir au sommet du monde, car nous le dominions de toute notre grandeur. Nous regardions les petites gens demeurer là en bas, à nos pieds, et nous éclations de rire de leurs jalousies et leurs airs courroucés.
Mais il a fallu qu'il glisse et dévale la pente. Le tout volontairement en plus.
Bien que forte et solide, je n'avais pas les épaules pour rester maitresse de notre univers seule, et je n'en avais absolument plus l'envie. Alors je m'étais assise, là, tout en haut, et je le fixais du regard vivre sa vie, par nos correspondances et nos brèves et occasionnelles rencontres. C'est à ce moment que j'ai appris à mes dépends que lorsque nous sommes seule au sommet, personne ne lève la tête pour regarder. Malgré tout, j'avais été oubliée. Il m'avait tant et si bien passée, qu'il ne savait même pas comment me répondre.
Me voilà bien désemparée et navrée. Ho Evan… que nous est-il arrivé ?
L'épée de Damoclès qui trônait au-dessus de ma tête depuis des années céda enfin pour venir se fracasser sur mon corps et me faire voler en éclat.
Pivotant pour lui faire tout à fait face à mon tour, je plantais mon regard neutre dans le sien, si verdoyant. Mes prunelles trahissaient la colère qui grondait en moi mais que je contenais tant bien que mal. De toute ma hauteur, je me redressais, ma voix trahissant alors mon désarroi tandis qu'un sourire désemparé vint barrer mes lèvres une fraction de seconde.
- Tu me demandes ça à moi ? Regarde toi, tu fais le martyr alors que ton départ, il en allait de ta propre décision.
Ce n'était pas un concours de qui était le plus blessé, mais était-il véritablement en position de faiblesse ? Ce que je soulevais là datait, je le savais, mais fut arrivé le jour où, trop esseulée au toit du monde, j'avais moi aussi envie de redescendre, pour lui rappeler. Soulever mon propre souvenir, et lui signifier que j'étais toujours vivante.
- Tu n'avais même pas été assez courageux pour venir m'annoncer ton départ en face alors que nous n'avions aucun secret l'un envers l'autre. C'est toi qui as commencé, mais tu me jette la première pierre ? Je l'ai accepté, parce que je suis ton amie, parce que je savais à quel point tu allais être détruit si je te retenais, car je savais avoir le pouvoir de te retenir. Mais voilà, en glissant entre les mains de ton père, tu t'es aussi échappé des miennes.
À la lueur de colère dans mon regard vint se mêler cette profonde tristesse qui s'était accumulée depuis tout ce temps. Mon cœur devint lourd comme un tank. Ma voix, elle, restait aussi désemparée et blessée, tremblante légèrement sous le coup de l'émotion, mais à aucun moment je ne laissais l'agressivité l'emporter. Après tout, nous étions des adultes à présent, n'est-ce pas ?
- Tu m'as oublié. Suis-je la seule à ne pas avoir été pleinement satisfaite de nos correspondances et de nos rares entrevues ? Si tel est le cas, me voilà bien naïve. Mais dis-moi, comment aurai-je pu te réclamer quoique ce soit sachant que si je te demandais de revenir, c'était te demander de te briser ? Puis il y a eu Elena… et de fumée, tu t'es totalement dissipé. Et tu as disparu.
La joie que j'avais ressentie à son mariage avait été réelle, car je savais que c'était un mariage d'amour, qu'il allait être heureux. Quel genre d'amie aurai-je été en lui souhaitant l'inverse ? Oui mais voilà, le décès de la jeune femme n'avait fait que renfermer sur lui-même cet Evan que j'avais déjà du mal à atteindre. Que je signifie qu'il ait totalement disparu n'était pas uniquement qu'un écho à sa longue transformation en animagus. C'était aussi à l'image de l'éloignement qu'il avait lui-même gérer avec moi durant tout ce temps. À présent totalement hermétique, il en venait à me demander comment il devait agir avec moi. L'avais-je donc à ce point perdu ?
- Tu me demandes ce que j'attends de toi, ce que je veux que tu me dises, alors que c'est toi qui ne me dit pas qu'il a été attaqué et qui me met ses cicatrices sous le nez ? Je secouais légèrement la tête alors qu'un sourire ironique se peignit sur mon visage tandis que mon regard se fit d'autant plus navré. D'une amitié fusionnelle, parfaite et sans la moindre imperfection, tu souhaites à présent que nous nous basions sur de faux semblants et des non-dits ?
Je laissais planer de très lentes secondes avant de conclure.
- Ohne mich. Ich habe dich verloren Evan Wakefield.
Enfin je quittais ses prunelles pour l'observer de haut en bas comme si je souhaitais me graver ce nouvel Evan en mémoire, pour le comparer à celui de mon adolescence, et je le trouvais bien fade.
Avec un petit rictus dégoûté, d'une œillade affligée, je me détournais de ce souvenir que j'aurai tant aimé retrouver. Mes cheveux suivant mon mouvement furent le rideau de feu qui mettait fin à l'acte "Ariadne Eberhart" dans la scène de théâtre s'intitulée "Evan Wakefield".
C'est avec un profond regret que je me dirigeais vers la porte close de la salle de musique, pour sortir et ne plus jamais y revenir.
Mais il a fallu qu'il glisse et dévale la pente. Le tout volontairement en plus.
Bien que forte et solide, je n'avais pas les épaules pour rester maitresse de notre univers seule, et je n'en avais absolument plus l'envie. Alors je m'étais assise, là, tout en haut, et je le fixais du regard vivre sa vie, par nos correspondances et nos brèves et occasionnelles rencontres. C'est à ce moment que j'ai appris à mes dépends que lorsque nous sommes seule au sommet, personne ne lève la tête pour regarder. Malgré tout, j'avais été oubliée. Il m'avait tant et si bien passée, qu'il ne savait même pas comment me répondre.
Me voilà bien désemparée et navrée. Ho Evan… que nous est-il arrivé ?
L'épée de Damoclès qui trônait au-dessus de ma tête depuis des années céda enfin pour venir se fracasser sur mon corps et me faire voler en éclat.
Pivotant pour lui faire tout à fait face à mon tour, je plantais mon regard neutre dans le sien, si verdoyant. Mes prunelles trahissaient la colère qui grondait en moi mais que je contenais tant bien que mal. De toute ma hauteur, je me redressais, ma voix trahissant alors mon désarroi tandis qu'un sourire désemparé vint barrer mes lèvres une fraction de seconde.
- Tu me demandes ça à moi ? Regarde toi, tu fais le martyr alors que ton départ, il en allait de ta propre décision.
Ce n'était pas un concours de qui était le plus blessé, mais était-il véritablement en position de faiblesse ? Ce que je soulevais là datait, je le savais, mais fut arrivé le jour où, trop esseulée au toit du monde, j'avais moi aussi envie de redescendre, pour lui rappeler. Soulever mon propre souvenir, et lui signifier que j'étais toujours vivante.
- Tu n'avais même pas été assez courageux pour venir m'annoncer ton départ en face alors que nous n'avions aucun secret l'un envers l'autre. C'est toi qui as commencé, mais tu me jette la première pierre ? Je l'ai accepté, parce que je suis ton amie, parce que je savais à quel point tu allais être détruit si je te retenais, car je savais avoir le pouvoir de te retenir. Mais voilà, en glissant entre les mains de ton père, tu t'es aussi échappé des miennes.
À la lueur de colère dans mon regard vint se mêler cette profonde tristesse qui s'était accumulée depuis tout ce temps. Mon cœur devint lourd comme un tank. Ma voix, elle, restait aussi désemparée et blessée, tremblante légèrement sous le coup de l'émotion, mais à aucun moment je ne laissais l'agressivité l'emporter. Après tout, nous étions des adultes à présent, n'est-ce pas ?
- Tu m'as oublié. Suis-je la seule à ne pas avoir été pleinement satisfaite de nos correspondances et de nos rares entrevues ? Si tel est le cas, me voilà bien naïve. Mais dis-moi, comment aurai-je pu te réclamer quoique ce soit sachant que si je te demandais de revenir, c'était te demander de te briser ? Puis il y a eu Elena… et de fumée, tu t'es totalement dissipé. Et tu as disparu.
La joie que j'avais ressentie à son mariage avait été réelle, car je savais que c'était un mariage d'amour, qu'il allait être heureux. Quel genre d'amie aurai-je été en lui souhaitant l'inverse ? Oui mais voilà, le décès de la jeune femme n'avait fait que renfermer sur lui-même cet Evan que j'avais déjà du mal à atteindre. Que je signifie qu'il ait totalement disparu n'était pas uniquement qu'un écho à sa longue transformation en animagus. C'était aussi à l'image de l'éloignement qu'il avait lui-même gérer avec moi durant tout ce temps. À présent totalement hermétique, il en venait à me demander comment il devait agir avec moi. L'avais-je donc à ce point perdu ?
- Tu me demandes ce que j'attends de toi, ce que je veux que tu me dises, alors que c'est toi qui ne me dit pas qu'il a été attaqué et qui me met ses cicatrices sous le nez ? Je secouais légèrement la tête alors qu'un sourire ironique se peignit sur mon visage tandis que mon regard se fit d'autant plus navré. D'une amitié fusionnelle, parfaite et sans la moindre imperfection, tu souhaites à présent que nous nous basions sur de faux semblants et des non-dits ?
Je laissais planer de très lentes secondes avant de conclure.
- Ohne mich. Ich habe dich verloren Evan Wakefield.
Enfin je quittais ses prunelles pour l'observer de haut en bas comme si je souhaitais me graver ce nouvel Evan en mémoire, pour le comparer à celui de mon adolescence, et je le trouvais bien fade.
Avec un petit rictus dégoûté, d'une œillade affligée, je me détournais de ce souvenir que j'aurai tant aimé retrouver. Mes cheveux suivant mon mouvement furent le rideau de feu qui mettait fin à l'acte "Ariadne Eberhart" dans la scène de théâtre s'intitulée "Evan Wakefield".
C'est avec un profond regret que je me dirigeais vers la porte close de la salle de musique, pour sortir et ne plus jamais y revenir.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Mer 30 Jan 2019 - 21:56
« There's broken silence by thunder crashing in the dark »
Comment mesure-t-on un ensemble de croyances commençant à se fissurer? Les certitudes construites dans le déni depuis quinze ans? Les choses qu’on se répète comme une litanie, sans même en avoir conscience, parfois, tissu de demi-vérités et d’approximation tirées ensembles formant une tapisserie monumentale? Chaque vérité qu’Ariadne lui assénait brisait ses certitudes et lui fissurait l’âme. Chaque mot le transperça comme une lance et, pour une rare fois dans son existence, Evan ne put qu'écouter, sans même chercher à en placer une, sous le choc. Le sorcier vit la tempête d'émotions à demi contenues dans le regard de la sorcière, le venin qu'elle crachait pour lui traduire sa peine et sa déception - Ariadne avait toujours été l'aune à laquelle il se mesurait et, en ces courtes minutes qui lui parurent durer une éternité, Evan réalisa qu'il avait lamentablement échoué. Quelle stupidité, quelle naïveté dont il avait fait preuve ... Croire, pendant toutes ces années, qu'elle avait eu moins besoin de lui que lui d'elle. Que parce que personne ne lui arrivait à la cheville, pas même lui, Ariadne pourrait aisément vivre sa vie sans le rouquin; sans sa présence quotidienne qui avait été la constante de leurs vies académiques. Evan observa celle qui avait été sa meilleure amie, son égale, sa moitié pas tendre et le regard qu’elle lui jeta, comme s’il passait un examen. Pas un examen médical, malgré la profession de la belle. Pas un examen académique, malgré l’endroit où ils se tenaient - et c’était lui qui était examiné, bien qu’il soit le professeur. Un examen pour son âme, pour sa valeur, semblait-il.
« Sans moi. Je t'ai perdu, Evan Wakefield. »
Échec à l’examen.
Il se sentait petit, tout à coup. Petit, indigne et décevant … pour la première fois en trente-huit ans. Le fiel d’Ariadne, le méritait-il vraiment? Oui, en partie à tout le moins - il le savait fort bien. La voilà qui se détournait de lui, le quittant la tête haute. On fait ça comme ça? Pas de droit de réplique, juste une longue tirade d’accusations, de mépris et de peine … Aucune chance qu’il la laisse le quitter ainsi, air impérieux et nez relevé. Si Ariadne partait, elle le ferait après qu’il lui ait répondu - tant pis pour son effet de toge. Evan se précipita derrière elle, la dépassant alors qu’elle était à deux pas de la sortie. Il s’appuya contre la porte, l’empêchant de sortir. C’était injuste, se dit-il, de s’interposer ainsi - Ariadne ne pouvait pas transplaner hors de la salle … et il espérait que la déception, la colère et le dégoût décelés dans ses paroles et son regard ne se traduiraient pas par une envie tellement vive de le quitter qu’elle oserait faire usage de sa baguette.
Un univers de tristesse le gagna, habitant son regard et son expression. Ses sourcils se haussèrent en une expression peinée, et il inclina le torse et l’échine pour que leurs yeux soient au même niveau. Sa voix lui parut rauque. Rauque de surprise, rauque de peine. « Quinze ans … quinze ans que tu gardes ça pour toi? », demanda-t-il doucement, presque en chuchotant, comme s’il n’osait pas croire que ces reproches dataient d’aussi longtemps. « Quinze ans … que tu ne me dis rien …? » Quelle éloquence. Aucun reproche dans la voix. Que de la douceur et de la tristesse. « Je croyais … » sa voix s’étrangla. « Je serais mort à petit feu, tu le sais, mais merde, Ariadne … » Il se passa une main dans les cheveux, perdu. « Par Merlin … Au début, j’avais besoin de partir, tu le sais. Rompre mes fiançailles, briser les liens avec mon père, suivre mes instincts pour la première fois de ma vie … Mais je pensais … j’étais sûr … » Ses yeux se fichèrent dans le regard d’acier de la jeune femme. « Tu es tellement … » Tellement tout. Tellement forte, tellement indépendante … « Si haut au sommet … je n’aurais jamais pensé que je pouvais t’atteindre ainsi », avoua-t-il. « Je ne t’ai rien caché pour le plaisir de te le cacher, tu sais … Mais comment aurais-je pu miner nos rencontres par de mauvaises nouvelles? Comment aurais-je pu t’imposer leur poids, alors que c’est moi qui suis parti … ? » Soupir, lèvres pressées l’une contre l’autre. « J’ai été lâche. Si tu veux vraiment partir, je ne te retiens pas plus longtemps », dit-il, s’écartant de la porte, avant d’ajouter « mais j’espère que tu resteras ici, avec moi ». Espoir, presque supplique. S’il te plaît, Ariadne.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Dim 3 Fév 2019 - 20:52
J'étais sur le point de m'effondrer. Tant de déceptions, d'espoirs envolés, de mensonges et de douleurs. Ce n'était pas nous, ce n'était plus nous. Qu'avions-nous fait, qu'est-ce qui nous est donc arrivés pour qu'on en arrive là ? Devoir me séparer de lui de cette manière, est-ce que tout allait véritablement prendre fin ainsi ? Sur tant de maux, plutôt que l'une de nos morts respectives ? Jamais je n'aurai pu imaginer un tel scénario et pourtant, j'y étais à présent.
Le temps des quelques pas qui me menaient jusqu'à la porte, j'avais la sensation de mourir, je revoyais ma vie défiler, ma vie avec lui. Il était mon âme sœur, je n'étais rien sans lui… mais voilà, ça faisait quinze ans que je n'étais plus rien. Une sorte de fantôme qui errait sans but, et qui allait devoir continuer de la sorte. La porte qui se tenait là, devant moi, allait marquer la fin d'une époque, et bien trop plongée dans mes pensées, je n'entendais pas les pas rapides dans mon dos. C'est pourquoi j'étais surprise en voyant l'écossais s'interposer entre moi et la sortie. Mon regard interrogateur se posa alors sur lui, et toutes les émotions qui gagnaient son attitude m'effondraient davantage. J'avais l'impression de me disloquer un peu plus à chacun de ses faits et gestes et à chacune de ses paroles.
C'est silencieuse que je croisais les bras, comme si j'essayais de mettre une barrière entre lui et moi, de ne pas craquer à ses yeux de chats, rester forte et moi-même. En inspirant profondément, j'écoutais et accueillais ce qu'il avait à me dire. Après tout, j'en avais fait de même, il était normal que ce soit son tour. Alors qu'il s'écartait, je restais silencieuse encore un instant, mes yeux se perdant dans le vague. Je réfléchissais à la meilleure manière de lui répondre, ce qui n'était pas évident. Pour une fois, parler à Evan n'était pas évident. Était-ce que parce que quelque chose avait changé, ou parce que quelque chose s'était rompu entre nous ? Il était peut-être encore un peu trop tôt pour le dire.
- Nous étions ensemble à ce sommet que tu mentionnes. Tu as juste… décidé de descendre sans me demander de t'accompagner. Merlin sait à quel point je t'ai attendu, aujourd'hui encore.
Ce que je devais dire ensuite me fit légèrement soupirer. Pourtant femme exigeante et très pointilleuse, si mes longues études m'avaient apprises quelque chose, c'était bien de reconnaître mes torts. En tant que médicomage au parcours sans faute, laisser ma fierté de côté et admettre avoir mal gérer mes doses ou mes émotions m'avait permis de m'améliorer jour après jour jusqu'à être diplômée. Ce n'était pas avec lui que j'allais commencer à hausser le menton par caprice, ce n'était pas non plus la situation idéale. Déglutissant, nerveuse, je tendais la main sur la poignée de la porte.
- Je suis sûrement responsable aussi… car nos quelques retrouvailles étaient si précieuses pour moi que je ne voulais pas te parler de tout ça. J'ai préféré le garder pour moi… parce que je savais que sinon je te condamnais.
Concentrant ma force sur ma main, j'abaissais la poignée alors que le métal dans mes yeux se posa avec regret sur la peau de mes doigts.
- Peut-être… que quelque chose s'est brisé entre nous ce jour-là, il y a quinze ans… et tes cachotteries n'ont pas aidé. Je les considère comme une trahison, toi qui sais tout de moi. Je coulais mes prunelles sur lui. Tu… m'as mise de côté, négligée, et tu continues encore maintenant. À toi de voir ce que tu veux faire de nous.
D'un geste décidé, j'ouvrais la porte et retournais dans le couloir en m'éloignant de quelque pas du sorcier. Je finis par m'arrêter pour me retourner à moitié en le reluquant.
- Alors, tu viens ?
J'étais son amie. Je l'avais toujours été. Je n'allais donc pas l'abandonner de la sorte, pas comme il l'avait fait avec moi, je ne voulais pas reproduire le même schéma. La balle était dans son camp, il savait ce qu'il avait à faire. Il lui faudrait sans doute à présent le courage, mais ça, je ne pouvais pas le lui donner.
Le temps des quelques pas qui me menaient jusqu'à la porte, j'avais la sensation de mourir, je revoyais ma vie défiler, ma vie avec lui. Il était mon âme sœur, je n'étais rien sans lui… mais voilà, ça faisait quinze ans que je n'étais plus rien. Une sorte de fantôme qui errait sans but, et qui allait devoir continuer de la sorte. La porte qui se tenait là, devant moi, allait marquer la fin d'une époque, et bien trop plongée dans mes pensées, je n'entendais pas les pas rapides dans mon dos. C'est pourquoi j'étais surprise en voyant l'écossais s'interposer entre moi et la sortie. Mon regard interrogateur se posa alors sur lui, et toutes les émotions qui gagnaient son attitude m'effondraient davantage. J'avais l'impression de me disloquer un peu plus à chacun de ses faits et gestes et à chacune de ses paroles.
C'est silencieuse que je croisais les bras, comme si j'essayais de mettre une barrière entre lui et moi, de ne pas craquer à ses yeux de chats, rester forte et moi-même. En inspirant profondément, j'écoutais et accueillais ce qu'il avait à me dire. Après tout, j'en avais fait de même, il était normal que ce soit son tour. Alors qu'il s'écartait, je restais silencieuse encore un instant, mes yeux se perdant dans le vague. Je réfléchissais à la meilleure manière de lui répondre, ce qui n'était pas évident. Pour une fois, parler à Evan n'était pas évident. Était-ce que parce que quelque chose avait changé, ou parce que quelque chose s'était rompu entre nous ? Il était peut-être encore un peu trop tôt pour le dire.
- Nous étions ensemble à ce sommet que tu mentionnes. Tu as juste… décidé de descendre sans me demander de t'accompagner. Merlin sait à quel point je t'ai attendu, aujourd'hui encore.
Ce que je devais dire ensuite me fit légèrement soupirer. Pourtant femme exigeante et très pointilleuse, si mes longues études m'avaient apprises quelque chose, c'était bien de reconnaître mes torts. En tant que médicomage au parcours sans faute, laisser ma fierté de côté et admettre avoir mal gérer mes doses ou mes émotions m'avait permis de m'améliorer jour après jour jusqu'à être diplômée. Ce n'était pas avec lui que j'allais commencer à hausser le menton par caprice, ce n'était pas non plus la situation idéale. Déglutissant, nerveuse, je tendais la main sur la poignée de la porte.
- Je suis sûrement responsable aussi… car nos quelques retrouvailles étaient si précieuses pour moi que je ne voulais pas te parler de tout ça. J'ai préféré le garder pour moi… parce que je savais que sinon je te condamnais.
Concentrant ma force sur ma main, j'abaissais la poignée alors que le métal dans mes yeux se posa avec regret sur la peau de mes doigts.
- Peut-être… que quelque chose s'est brisé entre nous ce jour-là, il y a quinze ans… et tes cachotteries n'ont pas aidé. Je les considère comme une trahison, toi qui sais tout de moi. Je coulais mes prunelles sur lui. Tu… m'as mise de côté, négligée, et tu continues encore maintenant. À toi de voir ce que tu veux faire de nous.
D'un geste décidé, j'ouvrais la porte et retournais dans le couloir en m'éloignant de quelque pas du sorcier. Je finis par m'arrêter pour me retourner à moitié en le reluquant.
- Alors, tu viens ?
J'étais son amie. Je l'avais toujours été. Je n'allais donc pas l'abandonner de la sorte, pas comme il l'avait fait avec moi, je ne voulais pas reproduire le même schéma. La balle était dans son camp, il savait ce qu'il avait à faire. Il lui faudrait sans doute à présent le courage, mais ça, je ne pouvais pas le lui donner.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Lun 4 Fév 2019 - 14:16
« There's broken silence by thunder crashing in the dark »
Le professeur observa silencieusement celle qui avait été son amie la plus chère, la moins tendre et la plus essentielle à sa vie, qui semblait considérer ses options. Resteraient-ils ainsi, entre sa salle de classe et le couloir? Entre amitié et abandon? Entre vérité crue, nue, et demi-mensonges? Éclat de tristesse, de lassitude, de peine, alors qu'Ariadne reprenait la parole. Il avait presque eu espoir, lorsqu'elle n'avait pas immédiatement franchi la porte, mais ne souhaitait-elle que le transpercer davantage avant de l'abandonner à son sort? Ce ne serait que justice, comprit Evan. Comme moi je l'ai fait, sans comprendre. Wakefield, pour quelqu'un de prodigieusement vif d'esprit, tu es exceptionnellement imbécile. « Mais je suis là, je suis ici ... » À peine un murmure, une supplication, qui ne freina pas la sorcière dans sa lancée. Il jeta un regard presque horrifié à la main qu'elle posa sur la poignée de porte, mais se surprit de la voir déglutir. De nervosité? Que pouvait-elle donc lui dire de plus? « Je suis sûrement responsable aussi… car nos quelques retrouvailles étaient si précieuses pour moi que je ne voulais pas te parler de tout ça. J'ai préféré le garder pour moi… parce que je savais que sinon je te condamnais. » Les sourcils levés bien haut, Evan jeta un oeil surpris à la sorcière. Son ton accusateur employé plus tôt ne lui avait donné aucune indication qu'elle fléchirait ainsi - et elle n'avait pas à le faire. L'expression d'Evan s'assombrit. S'il devait faire face à son jugement, il le ferait, et accepterait sa part infiniment plus lourd de responsabilité. Plus jeune, il se serait peut-être défilé, il le savait bien. L'Evan qu'Ariadne avait connu, jeune adulte glissant comme une anguille à travers les mailles de tous les filets qu'on tentait de lui lancer. Mais le musicien avait vieilli, bien qu'il doutât parfois de s'être assagi - il était prêt.
« Peut-être… que quelque chose s'est brisé entre nous ce jour-là, il y a quinze ans… et tes cachotteries n'ont pas aidé. Je les considère comme une trahison, toi qui sais tout de moi. Tu… m'as mise de côté, négligée, et tu continues encore maintenant. À toi de voir ce que tu veux faire de nous. » Il soupira. Cachotteries? Peut-être. Pas exactement, il lui avait expliqué, mais soit, libre à elle d'utiliser les expressions qu'elle souhaitait. « Tu as raison, Ariadne ». Admission simple. Lasse. Désespérée, de savoir qu'elle s'en allait et qu'il la voyait peut-être pour la dernière fois, alors que la sorcière faisait enfin tourner la poignée. Un son étranglé quitta sa gorge alors qu'elle sortait pour de bon. Sa vie, qui défilait, qui s'éloignait. Ne restait qu'à en recueillir les morceaux, brisés et éparpillés au vent. Des confettis. Il baissa l'échine, ses yeux verts s'attachant au sol, eau iodée les gagnant. Evan résista à l'impulsion de prendre sa forme d'oiseau pour simplifier la gestion de ses émotions. Il ne le méritait pas. « Alors, tu viens ? »
Le pianiste releva prestement la tête, ses yeux incrédules s'attachant à ceux, d'acier, d'Ariadne, comme s'il souhaitait s'y perdre. L'incompréhension vient teinter son regard. « Après tout ce que tu as dit? » Question rhétorique, posée doucement. Après tout ce qu'Ariadne lui avait balancé, elle voulait encore de lui? « Tu avais raison, toutes ces années auparavant », dit-il, faisant référence à cette soirée d'octobre teintée de peine et de danse. Personne ne la méritait. Pas même lui. Evan avança de quelques pas prudents, comme si la foudre s'apprêtait à s'abattre sur sa tête maintenant qu'il avait baissé la garde. Pris dans la comparaison, le professeur jeta même un oeil prudent vers le plafond, comme s'il s'attendait à ce qu'il lui tombe sur le crâne. Il s'arrêta le plus naturellement du monde près d'Ariadne, et, glissant ses mains dans ses poches d'un geste presque adolescent, qu'elle l'avait vu faire des centaines de fois, commença à marcher avec la sorcière rousse. Ils s'étaient revus, depuis son embauche comme professeur, mais, occupé qu'il avait été à s'habituer à sa nouvelle profession l'année précédente, ses histoires n'avaient pas toujours été glorieuses. « Je n'aurais jamais cru que l'université puisse devenir ma maison », lui confia-t-il, avançant à ses côtés à un rythme de ballade dans le couloir quasi-désert. « J'ai passé tellement de temps à maudire ces murs de pierre, comme s'ils étaient responsables de mon destin... » Son regard se perdit vers le fond du couloir, comme s'il pouvait les imaginer, tous deux à vingt ans, assis dans tel cadre de fenêtre à discuter ou attendant devant une porte que le cours d'Ariadne commence avant qu'Evan ne se précipite vers sa propre salle de cours, à un cheveu du retard comme à son habitude. « Quel sentiment étrange que celui d'avoir l'impression d'être précisément où on devrait être », fit-il remarquer à la sorcière, lui glissant une oeillade couleur forêt en ne sachant pas s'il parlait de son poste de professeur ou d'eux, arpentant le couloir comme ils l'avaient fait tant de fois pendant leur jeunesse. Les deux, probablement. « Je sais que j'ai des choses à te dire, Ariadne, et je le ferai, promis », dit-il avec une voix sérieuse, ayant la ferme intention de ne pas avoir provoqué ce cruel et sincère début de conversation pour rien. « Mais ... Si ça te va, bien sûr, j'aimerais d'abord te parler de ma vie, ici ».
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Re: Do you recognize me ? [Evan]
Lun 11 Fév 2019 - 12:32
Son murmure, son supplice devint le mien. Mon cœur déjà si lourd s'enfonça davantage dans ma poitrine. Encore un peu et bientôt il arrivera à mes pieds avec la légèreté d'un boulet que je serai condamnée à tirer pour l'éternité. Avec mon don, mon existence n'était déjà pas aisée, malgré tout le reste, alors sans Evan… Pouvais-je seulement imaginer ma vie sans lui ? Pour être tout à fait franche, non. En vérité, j'avais déjà presque vécu sans lui, n'avait-il pas été une sorte de rêve, ou plutôt, une chimère durant ces longues années ? Maintenant que nous pouvions enfin être réunis, il fallait que je le découvre changé, fatalement, mais aussi secret. J'avais bien saisi que ça n'avait pas été pleinement volontaire, mais l'agissement s'en rapprochait. Je lui avais dit moi, ce qui m'arrivait, mes difficultés rencontrées, mes aléas avec mes géniteurs, les rares conquêtes que j'avais pu avoir sans que réellement l'un puisse sortir du lot. Pas même Selim.
Mais même si mon esprit semblait s'amuser à sans cesse ressasser le passé pour le moment, j'arrivais à rester assez concentrée pour continuer à parler, et surtout, capter les différentes émotions de mon ami. Surpris puis assombrit. Triste et suppliant. Le Evan que j'avais connu des années auparavant aurait sans doute pris la fuite avec une tirade bien placée, ce qui m'aurait davantage vexée. Je l'attendais presque, histoire de pouvoir me donner raison, me pousser à l'excellence de mon geste et partir la tête haute. J'attendais une excuse pour avoir la force de le faire, car présentement, je ne l'avais pas, cette force. Ni le courage.
Parce que je ne pouvais pas me passer de lui.
Peut-être était-ce ça qui m'avait fait me retourner. Si accablé, l'avais-je déjà pu le voir ? Pas de souvenirs. Ça avait pu être le cas lors de la mort de sa femme, mais voilà, je l'ignorais, car il avait disparu. Dans un sens, je ne l'avais jamais mieux compris ce que cette fois-ci car sa trop longue absence m'avait à moi aussi donnée envie de me couper au monde. Ce que j'avais fait à moitié qui plus est. Le voir ainsi était une torture, je ne pouvais pas me résoudre à le laisser ainsi. Quel genre d'amie serais-je ?
À mon interpellation, sa surprise ne m'échappa pas également. Il en était presque abasourdi. Mais pour qui me prenait-il ? La première venue ? Une femme de bas étage ? Non, j'étais bien au-delà de tout ça, et même si je m'étais décidée à descendre de ce sommet car là-haut j'étais bien trop seule, je n'en restais pas moins digne.
Me contentant alors de croiser les bras en plantant mon regard sur lui, je le laissais avancer prudemment vers moi alors qu'il jetait un œil au plafond. Ça aussi, je ne le relevais pas. Bien souvent j'avais pu voir son regard émeraude s'en aller à droite et à gauche ou de bas en haut, suivant le cours de ses pensées. Quelles avaient-elles été à cet instant ? Que le ciel puisse lui tomber sur la tête ? Non je n'avais rien prédis de tel dans mes visions, néanmoins, moi, je pouvais toujours m'échouer sur lui, quand bien même venais-je déjà de le faire un peu.
Sans en attendre davantage, je reprenais ma marche avec lui à mes côtés. Comme à l'époque. Lui de sa démarche nonchalante, moi les bras croisés, l'air sévère et bien trop concentrée, même lors de mes heures de repos. Tout ce long silencieuse, je me contentais de me concentrer sur les bruits et les sons qui m'étaient si familier. J'avais bien trop parlé jusqu'à maintenant, et je n'avais plus rien à répondre à Evan face à sa culpabilité. J'attendais qu'il puisse avaler les informations avant de reprendre quoique ce soit. Même si je venais de le lanciner, je n'étais pas sadique au point de le saigner comme un porc. Mes cheveux de feu suivant le mouvement calmement par-dessus mes épaules et dans mon dos, planant comme des flammes magiques, je l'écoutais se perdre en pensées toutes hautes. Lui coulant un léger regard circonspect, je lâchais un rapide soupir par le nez, non pas agacé, mais de résignation.
- Oui, c'est étrange de revenir ici après tout ce temps, même si contrairement à toi, ici, je ne suis pas là où je devrais être. Peut-être était-ce le cas à l'époque. Plus maintenant.
Décroisant lentement les bras, je les laissais à présente pendre le long de mes flancs. Ma place à l'université n'avait été que temporaire. Elle avait toujours été destinée à être dans un hôpital. Avec des gens à soigner, de nouveaux défis à relever tous les jours, pour occuper mon esprit bien trop vif, pour faire face aux pires situations et pouvoir utiliser pleinement les rouages de mes nombreuses réflexions. Certains devenaient dépendants au sport qu'ils pratiquaient. Moi c'était de mon métier et de l'activité mentale qu'il me procurait.
Alors que sa promesse se gravait en moi tandis que je coulais un regard sur un tableau, ses occupants me saluant de la main, je leur rendais avant de regarder à nouveau le sorcier écossais. Je n'arrêtais pas notre rythme de promenade pour autant.
- J'imagine que ça en fait partie, en un sens. Alors je t'écoute volontiers.
Mais même si mon esprit semblait s'amuser à sans cesse ressasser le passé pour le moment, j'arrivais à rester assez concentrée pour continuer à parler, et surtout, capter les différentes émotions de mon ami. Surpris puis assombrit. Triste et suppliant. Le Evan que j'avais connu des années auparavant aurait sans doute pris la fuite avec une tirade bien placée, ce qui m'aurait davantage vexée. Je l'attendais presque, histoire de pouvoir me donner raison, me pousser à l'excellence de mon geste et partir la tête haute. J'attendais une excuse pour avoir la force de le faire, car présentement, je ne l'avais pas, cette force. Ni le courage.
Parce que je ne pouvais pas me passer de lui.
Peut-être était-ce ça qui m'avait fait me retourner. Si accablé, l'avais-je déjà pu le voir ? Pas de souvenirs. Ça avait pu être le cas lors de la mort de sa femme, mais voilà, je l'ignorais, car il avait disparu. Dans un sens, je ne l'avais jamais mieux compris ce que cette fois-ci car sa trop longue absence m'avait à moi aussi donnée envie de me couper au monde. Ce que j'avais fait à moitié qui plus est. Le voir ainsi était une torture, je ne pouvais pas me résoudre à le laisser ainsi. Quel genre d'amie serais-je ?
À mon interpellation, sa surprise ne m'échappa pas également. Il en était presque abasourdi. Mais pour qui me prenait-il ? La première venue ? Une femme de bas étage ? Non, j'étais bien au-delà de tout ça, et même si je m'étais décidée à descendre de ce sommet car là-haut j'étais bien trop seule, je n'en restais pas moins digne.
Me contentant alors de croiser les bras en plantant mon regard sur lui, je le laissais avancer prudemment vers moi alors qu'il jetait un œil au plafond. Ça aussi, je ne le relevais pas. Bien souvent j'avais pu voir son regard émeraude s'en aller à droite et à gauche ou de bas en haut, suivant le cours de ses pensées. Quelles avaient-elles été à cet instant ? Que le ciel puisse lui tomber sur la tête ? Non je n'avais rien prédis de tel dans mes visions, néanmoins, moi, je pouvais toujours m'échouer sur lui, quand bien même venais-je déjà de le faire un peu.
Sans en attendre davantage, je reprenais ma marche avec lui à mes côtés. Comme à l'époque. Lui de sa démarche nonchalante, moi les bras croisés, l'air sévère et bien trop concentrée, même lors de mes heures de repos. Tout ce long silencieuse, je me contentais de me concentrer sur les bruits et les sons qui m'étaient si familier. J'avais bien trop parlé jusqu'à maintenant, et je n'avais plus rien à répondre à Evan face à sa culpabilité. J'attendais qu'il puisse avaler les informations avant de reprendre quoique ce soit. Même si je venais de le lanciner, je n'étais pas sadique au point de le saigner comme un porc. Mes cheveux de feu suivant le mouvement calmement par-dessus mes épaules et dans mon dos, planant comme des flammes magiques, je l'écoutais se perdre en pensées toutes hautes. Lui coulant un léger regard circonspect, je lâchais un rapide soupir par le nez, non pas agacé, mais de résignation.
- Oui, c'est étrange de revenir ici après tout ce temps, même si contrairement à toi, ici, je ne suis pas là où je devrais être. Peut-être était-ce le cas à l'époque. Plus maintenant.
Décroisant lentement les bras, je les laissais à présente pendre le long de mes flancs. Ma place à l'université n'avait été que temporaire. Elle avait toujours été destinée à être dans un hôpital. Avec des gens à soigner, de nouveaux défis à relever tous les jours, pour occuper mon esprit bien trop vif, pour faire face aux pires situations et pouvoir utiliser pleinement les rouages de mes nombreuses réflexions. Certains devenaient dépendants au sport qu'ils pratiquaient. Moi c'était de mon métier et de l'activité mentale qu'il me procurait.
Alors que sa promesse se gravait en moi tandis que je coulais un regard sur un tableau, ses occupants me saluant de la main, je leur rendais avant de regarder à nouveau le sorcier écossais. Je n'arrêtais pas notre rythme de promenade pour autant.
- J'imagine que ça en fait partie, en un sens. Alors je t'écoute volontiers.
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Re: Do you recognize me ? [Evan]
Lun 11 Fév 2019 - 12:35
Regard glissé en coin vers la silhouette sévère qui l'accompagnait, qui soupira. « Oui, c'est étrange de revenir ici après tout ce temps, même si contrairement à toi, ici, je ne suis pas là où je devrais être. Peut-être était-ce le cas à l'époque. Plus maintenant. » Allait-il éternellement marcher sur des oeufs avec elle? Que n'aurait-il pas donné en cet instant pour avoir droit à un peu de la légèreté d'antan. Pourtant, le professeur ne serait pas revenu en arrière, et ce, peu importe si Ariadne trouvait la version trentenaire (et dont la quarantaine approchait à trop grands pas ...) d'Evan fade comparée au jeune homme de vingt ans qu'elle avait connu sur une base journalière. Le musicien se savait plus sage (enfin, il l'espérait), plus patient, plus compréhensif que l'impulsif Ethelred avait été. Perdu, c'était ce qu'il avait été - et Evan était tout sauf perdu, à présent. « Je sais que j'ai des choses à te dire, Ariadne, et je le ferai, promis. Mais ... Si ça te va, bien sûr, j'aimerais d'abord te parler de ma vie, ici. » La sorcière décroisait les bras - signe d'ouverture? D'abandon? De résignation? « J'imagine que ça en fait partie, en un sens. Alors je t'écoute volontiers. » L'Écossais n'y pouvait rien, un sourire chaleureux vint étirer ses lèvres alors qu'il tissait son histoire entremêlée de petites anecdotes qui n'avaient véritablement de sens que pour lui. La passion habitait pourtant sa voix, comme elle y était née, tant d'années auparavant, quand il s'était enfin permis de caresser les touches d'un piano.
« Je t'ai un peu fait part de mes premiers balbutiements de l'an dernier », commença-t-il, trace d'amusement dans la voix.« Certains ont été plus glorieux que d'autres, comme tu sais ». Et c'était peu dire - naïf, le nouveau professeur l'avait été, croyant qu'un professeur ne fait qu'enseigner, ayant la certitude de pouvoir improviser ses cours et, surtout, ne s'étant pas attendu au caractère entreprenant de plusieurs étudiants qu'il avait repoussés aussi gentiment que possible. « Mais cette année ... Je commence vraiment à me retrouver, entre les cours à donner, les cours privés et ... bon je ne suis pas le champion de la présence aux réunions du corps enseignant, mais je ne peux pas avoir que des qualités, que veux-tu ». Pli ironique dans la voix - jadis, quand il formulait ses défauts ainsi, il avait droit à des coups de cahier derrière la tête ... aussi appuya-t-il la remarque d'un léger clin d’œil vers la médicomage. Il lui expliquerait, plus tard, lui dirait tout ce qu'elle voulait savoir. Mais pour l'heure ... Evan avait besoin de faire comprendre à Ariadne ... quoi, donc? Je suis encore là. Qu'il n'avait pas véritablement changé. Qu'il n'était pas un étranger. Le jury n'avait pas encore rendu son verdict en la matière, et sa porte-parole était la plus exigeante de tous.
« Le secrétaire et moi nous détestons très cordialement, mais c'est de bonne guerre, @Dhan Chaffinch est un gentleman et un homme de lettres à l'extérieur de l'université. Mais tu devrais le voir lorsqu'il me parle, on croirait que je suis la huitième plaie d'Égypte incarnée ». Léger ricanement avant de se ressaisir, se souvenant à qui il avait affaire. « Enfin, bon, vous vous apprécierez probablement, avec ta rigueur organisationnelle ... », admit le pianiste, haussant les épaules comme s'il venait d'annoncer à Ariadne sa plus grande tare. « mais j'ai embauché une assistante! Une ancienne membre de la chorale, une sorcière adorable. Je lui ai donné une cravate à la blague et elle la porte presque tous les jours », fit-il, grande satisfaction dans la voix, ajustant à son cou la cravate dont la sorcière s'était saisie plus tôt, lui adressant un sourire en coin. « J'ai aussi découvert un talent, en décembre ... Bon enfin, découvert est peut-être un terme exagéré, comme si cette voix n'attendait que ma glorieuse présence pour se manifester, mais tu me comprends. J'ai commis la pire des bourdes en l'approchant, mais elle ne semble pas m'en avoir tenu rigueur ». Evan rit légèrement au souvenir de leur première rencontre. Pauvre Abigail, prise au milieu d'un amas de cuivres malmenés, subissant les foudres de l'enseignant réveillé en sursaut, dépeigné et taché d'encre, entrant en trombe dans la salle de musique pour trouver la petite sorcière balbutiant et rougissant de honte. « Je lui ai collé des retenues pour être certain qu'elle serait adéquatement accompagnée dans sa pratique musicale », confia-t-il à son amie avec un petit rire dans la voix. Evan, en train de distribuer des punitions? À l'époque, le sorcier était celui qui négociait avec les professeurs pour éviter de s'en faire coller ... Avec succès, souvent. « J'ai découvert ne pas être un grand pédagogue en la matière, finalement il a suffi que je lui offre des leçons. De toute façon, la discipline et moi, tu sais ... » Le sorcier sourit, se sachant devenu une vraie pie bavarde lorsque venait le temps de parler de son nouveau métier qu'il aimait tant. Voir fleurir des esprits autour de lui le passionnait, et si le facétieux professeur de musique pouvait parfois paraître comme manquant de sérieux, c'était parce qu'il savait quel genre de pression les étudiants se mettaient sur les épaules. Détendez-vous, c'est seulement l'université, leur disait-il souvent, à ces bleus énervés. « Je ne croyais jamais devenir professeur. J'ai accepté le défi lancé par Cléopatra il y a deux ans presque comme une blague, mais je me suis vraiment pris au jeu. J'aime enseigner, et je chéris mes étudiants - et ils me le rendent bien » Certains, un peu trop bien. Aïe. En espérant qu'Ariadne ne mettrait pas la main sur la dernière édition du Chineur ... Evan les détruisait chaque fois qu'il en trouvait une copie, horrifié de voir les sous-entendus levés à son égard dans le journal de ragots. Il n'avait jamais touché à un étudiant et ne commencerait jamais ce manège, respectant trop sa position pour se laisser tenter par qui que ce soit. Mais il avait promis l'honnêteté à Ariadne, aussi se reprit-il. « Certains aimeraient probablement me le rendre davantage, en fait », dit Evan, se surprenant à rougir. L'idée qu'il puisse toucher à un étudiant le rendait mal à l'aise et le simple fait de l'imaginer le teignait de honte. Prudent, le professeur glissa un regard en coin vers la sorcière qui l'accompagnait. « J'espère que tu trouves la même satisfaction dans ton propre nouveau poste », dit-il, sans la questionner quant à savoir si son insertion professionnelle se faisait bien - Ariadne était l'incarnation même du professionnalisme qui lui faisait lui-même si souvent défaut. Lui demander si elle réussissait professionnellement revenait à demander si un coup de poignard était douloureux ou si un après-midi ensoleillé invitait à la détente.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Jeu 14 Fév 2019 - 18:55
Le sourire chaleureux que me partageait mon ami me mit un peu de baume au cœur et eut pour effet de me détendre quelque peu. Là, je le retrouvais, sensiblement, ce Evan que j'avais toujours connu et apprécié. Il y avait donc des miettes de ce qui fut, et je ne pouvais en être que soulagée, même si je restais dubitative sur bien des points. Mais après tout, n'était-ce pas normal d'avoir changé ? Sans doute moi aussi n'étais-je plus la même depuis toutes ces années, ce n'était que normalité. Au fond, ce n'était pas ce qui me dérangeait le plus, non. La question qui ne faisait que tourner dans mon esprit était : depuis quand avions-nous des non-dits entre nous ? Depuis quand avions-nous "omis" de nous confier l'un à l'autre ?
Loin des yeux, loin du cœur parait-il. Ça n'avait jamais été aussi vrai et cette constatation ne fit que me renfermer dans un silence religieux alors que j'écoutais l'écossais à mes côtés. D'un regard que je lui jetais en coin, je croyais revoir le jeune roux qui me racontait sa vie avec entrain et bonne humeur au détour d'un couloir, la voix remplie de chaleur et de joie, le tout accentué par les mouvements frénétiques de ses bras. Il s'était bien assagit, ce jeune roux, et même si ce souvenir étira sensiblement mes lèvres en coin, je ne pouvais qu'être soulagée, il en était moins fatiguant.
Avec cette tranquillité qui régnait en moi depuis le début de notre rencontre, je hochais la tête en guise de réponse alors que je le laissais me raconter ses aventures. Je n'avais rien oublié de ce qu'il avait bien voulu daigner me raconter, ma mémoire était bien trop entraînée de par ma profession, et j'étais bien trop attentive aux besoins d'Evan pour mettre tous ces détails de côté. Mais combien y en avait-il que j'ignorais ? Sage et attentive, je le laissais d'abord me parler du secrétaire. Son identité me fut immédiatement sympathique, et non pas uniquement parce qu'il essayait de discipliner mon ami. Personnellement, j'avais abandonné il y a bien longtemps. Je notais dans un coin de ma tête que si je croisais cet homme au détour d'un couloir, je ne manquerai pas de faire davantage sa connaissance.
Puis vint la description de son assistante. À l'énoncé de la cravate je ne pus m'empêcher de sourire et de hausser les yeux, geste que l'enseignant avait vu déjà de nombreuses fois venant de ma part. Même si ça avait été sincère et que ça venait du cœur, je ne pouvais m'empêcher d'y ressentir un picotement. Pourquoi ? Qu'était-ce donc ? Alors que je tournais en rond pour essayer de le voir et le joindre, voilà qu'il était accompagné d'une jeune femme qui bénéficiait de certaines de ses plaisanteries. Je pris sur moi.
Ce fut ensuite le tour d'un jeune talent qu'il avait pris sous son aile, apparemment avec la délicatesse d'un gorille. Je ne pus m'empêcher de faire légèrement claquer ma langue dans ma bouche en adoptant un faux air désapprobateur. Bien que moins ouverte que lui aux autres, je les voyais, de par mon don et par mes sens aiguisés de la déduction et de l'observation. Ainsi, même si je n'avais pas grand monde dans mon entourage, je savais comment agir avec les autres, et d'autant plus dans mon cercle professionnel. Pourtant de mon regard pétillant en coin et de mon approbation du menton je l'invitais à continuer. Je donnerai mon avis une fois qu'il aurait terminé de tout m'expliquer.
Mon regard acier se fit pourtant lourd de sens alors qu'il sous-entendait que des étudiants pouvaient être intéressés par lui. Étrangement, je n'étais qu'à moitié surprise car du temps où nous étions nous même sur les bancs de l'université, il y avait déjà des élèves souhaitant atteindre l'amour des enseignants, même si je n'avais pas compris l'intérêt en ce moment… et tout bien réfléchit, je ne comprenais toujours pas. Alors que ce soit à présent lui qui en subisse les conséquences ne me plaisait qu'à moitié. Ça n'avait rien de déontologique, ça n'entrait pas dans mes règles de conduite professionnelles, alors forcément, ça ne pouvait que me déplaire.
C'est avec un large sourire ironique, glissant mes mains dans les poches de ma veste que je prenais enfin la parole.
- Que de récits, mais tu es enthousiastes, je suis heureuse pour toi, vraiment. Pour prouver mes dires, je plongeais mes prunelles dans les siennes un court instant avant de reprendre sur un ton ironique. Je me ferai un plaisir à aller voir ce secrétaire pour lui expliquer comment tu fonctionnes, il sera ainsi mieux armé pour te mettre la pression et te faire bosser un peu sérieusement.
Le sérieux dans le métier, toujours. M'arrêtant pour m'écarter et laisser passer deux universitaires pressés qui couraient dans les couloirs, je les fixais un instant, songeuse, comme si les voir me renvoyais quinze ans en arrière, comme si je me revoyais, lui et moi. Une mèche flamboyante de ma frange vint s'évanouir devant mon œil gauche avant que je ne reprenne ma marche à ses côtés. Ma voix se fit ironique et lente.
- Un professeur qui n'est pas pédagogue… j'aurai décidément tout vu dans ma vie. Ce n'était rien de le dire alors que j'étais frappée de voyance. Avec un léger coup de coude dans ses côtes, je reprenais d'une voix plus légère et amusée. La médicomage taciturne que je suis t'apprendra.
C'était quelque chose qu'il ne pouvait pas m'enlever. Avec tout un service à mes ordres, avec un parcours sans faute dans ma façon de faire, je savais comment diriger une équipe, mais aussi comment enseigner. Roulant un peu des épaules, j'inspirai grandement pour en arriver à ma conclusion.
- Evan, je suis sincèrement heureuse que tu aies pu trouver ton bonheur, même si c'est entre ces murs. Balayant le couloir du regard, je continuais. Qui l'aurait cru ? Cependant, j'espère que tu ne vas pas t'abaisser à t'acoquiner avec des étudiants ? Dis-moi que je ne suis pas aussi naïve.
Encore une fois l'œillade que je lui lançais était lourde de sens. Il connaissait mon avis sur la question puisqu'il était resté le même durant toutes ces années. Mais il semblerait que vint le moment où s'était à moi de prendre la parole et de me dévoiler. Prenant le temps de la réflexion, je clignais des yeux avant de commencer.
- Oui j'éprouve la même satisfaction, même si c'est encore trop neuf pour que je puisse m'extasier. Je m'interrompais tout en fronçant les sourcils, pensive. Je n'étais pas certaine de m'être déjà extasiée sur mon emploi. La vie des autres en dépendait, je ne pouvais pas me permettre tant de légèreté. J'ai dû rattraper bien des négligences de mon prédécesseur et ai dû faire le tour de toutes les personnes avec qui j'allais travailler, pour que les conditions soient optimales. Ceci fait, il me faut maintenant continuer à entretenir les rouages de cette… cette machine, pour que le service des urgences de Sainte-Marie se démarque de tous les autres. Pour que les patients puissent faire confiance à l'établissement.
Car tout n'était qu'une question de confiance, surtout en médecine. Un mauvais service allait donner une mauvaise réputation, et ça, c'était hors de question. D'un geste gracieux et félin de la tête, je repoussais ma mèche de cheveux par-dessus mon épaule avant de gratifier mon ami d'une œillade pétillante de malice.
- Ah oui et j'ai un élève de l'université sous mon aile, il est doué, et je prends à cœur de lui enseigner ce que je sais. Je pourrai te donner quelques conseils puisque apparemment tu en as besoin.
Loin des yeux, loin du cœur parait-il. Ça n'avait jamais été aussi vrai et cette constatation ne fit que me renfermer dans un silence religieux alors que j'écoutais l'écossais à mes côtés. D'un regard que je lui jetais en coin, je croyais revoir le jeune roux qui me racontait sa vie avec entrain et bonne humeur au détour d'un couloir, la voix remplie de chaleur et de joie, le tout accentué par les mouvements frénétiques de ses bras. Il s'était bien assagit, ce jeune roux, et même si ce souvenir étira sensiblement mes lèvres en coin, je ne pouvais qu'être soulagée, il en était moins fatiguant.
Avec cette tranquillité qui régnait en moi depuis le début de notre rencontre, je hochais la tête en guise de réponse alors que je le laissais me raconter ses aventures. Je n'avais rien oublié de ce qu'il avait bien voulu daigner me raconter, ma mémoire était bien trop entraînée de par ma profession, et j'étais bien trop attentive aux besoins d'Evan pour mettre tous ces détails de côté. Mais combien y en avait-il que j'ignorais ? Sage et attentive, je le laissais d'abord me parler du secrétaire. Son identité me fut immédiatement sympathique, et non pas uniquement parce qu'il essayait de discipliner mon ami. Personnellement, j'avais abandonné il y a bien longtemps. Je notais dans un coin de ma tête que si je croisais cet homme au détour d'un couloir, je ne manquerai pas de faire davantage sa connaissance.
Puis vint la description de son assistante. À l'énoncé de la cravate je ne pus m'empêcher de sourire et de hausser les yeux, geste que l'enseignant avait vu déjà de nombreuses fois venant de ma part. Même si ça avait été sincère et que ça venait du cœur, je ne pouvais m'empêcher d'y ressentir un picotement. Pourquoi ? Qu'était-ce donc ? Alors que je tournais en rond pour essayer de le voir et le joindre, voilà qu'il était accompagné d'une jeune femme qui bénéficiait de certaines de ses plaisanteries. Je pris sur moi.
Ce fut ensuite le tour d'un jeune talent qu'il avait pris sous son aile, apparemment avec la délicatesse d'un gorille. Je ne pus m'empêcher de faire légèrement claquer ma langue dans ma bouche en adoptant un faux air désapprobateur. Bien que moins ouverte que lui aux autres, je les voyais, de par mon don et par mes sens aiguisés de la déduction et de l'observation. Ainsi, même si je n'avais pas grand monde dans mon entourage, je savais comment agir avec les autres, et d'autant plus dans mon cercle professionnel. Pourtant de mon regard pétillant en coin et de mon approbation du menton je l'invitais à continuer. Je donnerai mon avis une fois qu'il aurait terminé de tout m'expliquer.
Mon regard acier se fit pourtant lourd de sens alors qu'il sous-entendait que des étudiants pouvaient être intéressés par lui. Étrangement, je n'étais qu'à moitié surprise car du temps où nous étions nous même sur les bancs de l'université, il y avait déjà des élèves souhaitant atteindre l'amour des enseignants, même si je n'avais pas compris l'intérêt en ce moment… et tout bien réfléchit, je ne comprenais toujours pas. Alors que ce soit à présent lui qui en subisse les conséquences ne me plaisait qu'à moitié. Ça n'avait rien de déontologique, ça n'entrait pas dans mes règles de conduite professionnelles, alors forcément, ça ne pouvait que me déplaire.
C'est avec un large sourire ironique, glissant mes mains dans les poches de ma veste que je prenais enfin la parole.
- Que de récits, mais tu es enthousiastes, je suis heureuse pour toi, vraiment. Pour prouver mes dires, je plongeais mes prunelles dans les siennes un court instant avant de reprendre sur un ton ironique. Je me ferai un plaisir à aller voir ce secrétaire pour lui expliquer comment tu fonctionnes, il sera ainsi mieux armé pour te mettre la pression et te faire bosser un peu sérieusement.
Le sérieux dans le métier, toujours. M'arrêtant pour m'écarter et laisser passer deux universitaires pressés qui couraient dans les couloirs, je les fixais un instant, songeuse, comme si les voir me renvoyais quinze ans en arrière, comme si je me revoyais, lui et moi. Une mèche flamboyante de ma frange vint s'évanouir devant mon œil gauche avant que je ne reprenne ma marche à ses côtés. Ma voix se fit ironique et lente.
- Un professeur qui n'est pas pédagogue… j'aurai décidément tout vu dans ma vie. Ce n'était rien de le dire alors que j'étais frappée de voyance. Avec un léger coup de coude dans ses côtes, je reprenais d'une voix plus légère et amusée. La médicomage taciturne que je suis t'apprendra.
C'était quelque chose qu'il ne pouvait pas m'enlever. Avec tout un service à mes ordres, avec un parcours sans faute dans ma façon de faire, je savais comment diriger une équipe, mais aussi comment enseigner. Roulant un peu des épaules, j'inspirai grandement pour en arriver à ma conclusion.
- Evan, je suis sincèrement heureuse que tu aies pu trouver ton bonheur, même si c'est entre ces murs. Balayant le couloir du regard, je continuais. Qui l'aurait cru ? Cependant, j'espère que tu ne vas pas t'abaisser à t'acoquiner avec des étudiants ? Dis-moi que je ne suis pas aussi naïve.
Encore une fois l'œillade que je lui lançais était lourde de sens. Il connaissait mon avis sur la question puisqu'il était resté le même durant toutes ces années. Mais il semblerait que vint le moment où s'était à moi de prendre la parole et de me dévoiler. Prenant le temps de la réflexion, je clignais des yeux avant de commencer.
- Oui j'éprouve la même satisfaction, même si c'est encore trop neuf pour que je puisse m'extasier. Je m'interrompais tout en fronçant les sourcils, pensive. Je n'étais pas certaine de m'être déjà extasiée sur mon emploi. La vie des autres en dépendait, je ne pouvais pas me permettre tant de légèreté. J'ai dû rattraper bien des négligences de mon prédécesseur et ai dû faire le tour de toutes les personnes avec qui j'allais travailler, pour que les conditions soient optimales. Ceci fait, il me faut maintenant continuer à entretenir les rouages de cette… cette machine, pour que le service des urgences de Sainte-Marie se démarque de tous les autres. Pour que les patients puissent faire confiance à l'établissement.
Car tout n'était qu'une question de confiance, surtout en médecine. Un mauvais service allait donner une mauvaise réputation, et ça, c'était hors de question. D'un geste gracieux et félin de la tête, je repoussais ma mèche de cheveux par-dessus mon épaule avant de gratifier mon ami d'une œillade pétillante de malice.
- Ah oui et j'ai un élève de l'université sous mon aile, il est doué, et je prends à cœur de lui enseigner ce que je sais. Je pourrai te donner quelques conseils puisque apparemment tu en as besoin.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Sam 16 Fév 2019 - 23:36
« So left but she's right though »
« Que de récits, mais tu es enthousiastes, je suis heureuse pour toi, vraiment. » Leurs prunelles se mêlèrent l'une à l'autre, étourdissant ballet d'émeraude et d'acier. Seuls dans leur univers, même après toutes ces années - Evan en oubliait tout ce qui se passait autour de lui, le satané Chineur, ses questionnements face à sa sauveuse silencieuse et ce que signifiaient ses visites à son chevet de malade. Plus rien n'existait. « Je me ferai un plaisir à aller voir ce secrétaire pour lui expliquer comment tu fonctionnes, il sera ainsi mieux armé pour te mettre la pression et te faire bosser un peu sérieusement. » Une légère exclamation de stupéfaction pas réellement stupéfaite échappa à ses lèvres. « Traîtresse! Je travaille très bien, tu sauras. » Traitresse. Comme s'il avait le droit, même par légèreté, de lui attribuer ce titre, comme s'il n'avait pas tout gâché lui-même en la quittant, toutes ces années auparavant, et en se repliant sur ses blessures, léchant ses plaies seul, ne souhaitant jamais lui faire porter le poids de ses douleurs. Parce qu'elle avait été son étoile, sa comète, sa seule, son unique. Evan aurait voulu tomber à genoux, se prosterner face à la sorcière, lui demander pardon, lui dire qu'il n'était qu'un imbécile, qu'il était le seul responsable, même si c'était inexact. Malgré la responsabilité partagée, d'Ariadne qui lui cachait elle aussi son découragement face à leur éloignement depuis toutes ces années. Pourtant, le professeur laissa la médicomage poursuivre, ses réflexions internes ne paraissant pas dans sa démarche ni son regard, tentant désespérément de garder la conversation dans ce cap teinté de douceur et d'amertume.
Deux étudiants qu'Evan ne connaissait pas passèrent devant eux en courant, et le sorcier roux les contempla, pensif, croyant y voir un reflet du passé. Allons, comme si Ariadne avait déjà été en retard à un cours, se dit-il pour se ressaisir, mais, croisant le regard de la sorcière, il se surprit, et pas pour la première fois, d'y voir le reflet du sien. Un sourire étira ses lèvres - peut-être n'étaient-ils pas une cause perdue, Evan refusait obstinément de le croire. « Un professeur qui n'est pas pédagogue… j'aurai décidément tout vu dans ma vie. La médicomage taciturne que je suis t'apprendra. » Evan releva un sourcil, entendant le sarcasme dans la voix, mais sourit du coup de coude ... c'est qu'elle pouvait se le permettre, tellement le professeur était aux abois de tout signe d'approbation de sa part lui indiquant que peut-être, peut-être pouvait-il avoir un brin d'espoir. S'il avait manqué de tact et de doigté avec Abigail, le professeur avait eu des circonstances atténuantes pour se défendre de son manque de pédagogie : les instruments en charpie, sa chemise tachée, son réveil en sursaut ... Mais l'Écossais demeurait un bon enseignant, on ne saurait lui enlever cette faculté, pour tous les défauts administratifs et organisationnels qu'il pouvait avoir. « J'ai hâte de voir vos méthodes, docteur Eberhart. J'imagine qu'il est inutile de vous demander si vous êtes adepte de la carotte ou du bâton? » Il rit légèrement à l'idée, sachant lequel des deux l'impérieuse sorcière préférait probablement.
« Evan, je suis sincèrement heureuse que tu aies pu trouver ton bonheur, même si c'est entre ces murs. Qui l'aurait cru ? Cependant, j'espère que tu ne vas pas t'abaisser à t'acoquiner avec des étudiants ? Dis-moi que je ne suis pas aussi naïve. » Le professeur écarquilla de grands yeux. « La simple idée de toucher à un étudiant me répugne », dit-il avec sincérité, écartant les bras en geste d'honnêteté. « Je sais que techniquement, les étudiants sont tous majeurs et vaccinés, mais déjà, la différence d'âge est plutôt prononcée ... et surtout, je ne voudrais pas me montrer indigne de la confiance qu'on m'a accordée en me confiant le poste que j'occupe ». Parfois, Evan se savait capable d'être puéril, éternellement plongé dans ses facéties, ses tournures de phrases élégantes et excessives. Ses excès, ses manies, ses éclats de rire - rien n'avait réellement changé, mais par des remarques de ce genre, il était clair que le professeur s'était assagi avec l'âge. Moins impulsif. Tout aussi excessif, mais teinté de la sagesse apportée par la douleur et l'expérience. De fines ridules occupaient désormais son visage, marquant davantage ses traits lorsqu'il était de bonne humeur : il avait le faciès de quelqu'un qui riait, qui témoignait humour et bonté à autrui, le pianiste.
« Oui j'éprouve la même satisfaction, même si c'est encore trop neuf pour que je puisse m'extasier. » Evan hocha la tête, comprenant trop bien la position dans laquelle se trouvait la sorcière, l'écoutant lui parler de ce qu'elle faisait à Ste-Marie, le redressement de la mécanique des urgences. L'Écossais sourit, voyant le léger pli creusé entre les sourcils d'Ariadne - il en aurait tracé le trait, s'il n'avait craint de rompre les pensées de la sorcière. Trait fugace du passé - même adolescente, elle avait eu cette mine en réfléchissant et, vingt ans plus tard, la gracieuse rousse avait gardé l'expression. « Tu dois les mener avec une poigne de fer, dame du lac ». Allusion légère, douce-amère, au passé, toujours. Pourrait-il s'en passer, bientôt? Cesser de ressentir le besoin de lui prouver sa valeur? Non. Evan avait toujours eu besoin de se démarquer devant Ariadne - elle était l'aune à laquelle il se mesurait, mais désormais, il semblait devoir se comparer à cette version plus jeune de lui, idéalisée. Regarde-moi. Je suis là. Le pianiste la détailla du regard alors qu'elle repoussait derrière sa chevelure d'ambre, tentant d'imprimer le geste dans ses souvenirs, alors qu'il l'avait vue faire des centaines de fois. Le même mouvement, le même air qui disait presque je savais que j'aurais dû me faire un chignon aujourd'hui. Son éternel chignon sévère. Un petit pli de tendresse envahit le regard d'Evan alors qu'il observait Ariadne poursuivre et lui parler de l'étudiant qu'elle avait pris sous sa charge. « Le pauvre, il doit trimer extrêmement dur », dit-il par réflexe, avant de se reprendre instantanément, précisant « mais il doit apprendre énormément à tes côtés ».
Les deux amis parvinrent à une fenêtre entrouverte, dont la large embrasure pouvait les accueillir tous deux. D'un geste doux, Evan prit la main d'Ariadne. Contact réconfortant, malgré les circonstances, malgré tout ce qu'il ne lui avait pas dit, malgré la douleur, malgré la distance. Le contact de ses doigts fins entre les siens, c'était tout ce qu'il leur avait fallu, à tous deux, jadis, pour se calmer. Regard interrogateur, presque, vers elle, avant de décider que oui, il en avait toujours le droit. Tant pis. Personne ne la méritait, mais si quelqu'un l'avait un jour méritée, ç'avait été lui. Ariadne s'installerait près de lui comme elle l'avait fait si souvent. Evan ne lâcha pas les doigts de la sorcière, assis face à elle, les rayons du soleil semblant former des couronnes de feu sur leurs têtes. Roi et reine en leur royaume, ils l'avaient été, jadis. Ses longues jambes pliées sous lui, le sorcier s'inclina pour ne pas dominer la sorcière de sa stature, les mains de l'Allemande entre les siennes. « J'aimerais ... te parler d'Elena », commença le professeur. La douleur n'était plus lancinante, après dix ans - mélancolie et amère douceur, plutôt. « Je t'ai raconté notre rencontre ». À Londres, au studio de Kaitlyn Vinter, avec Selim. Moments d'art, de rires et de tendresse entre les amis et les amants, il y avait si longtemps déjà. 2005. Une autre vie, lui semblait-il, et c'en était une. « Mais je ne t'ai jamais parlé de son décès »
Evan inspira, tentant de se donner du courage là où il en manquait cruellement. 13 juin 2009, la date était gravée en lui à jamais. Evan ne souhaitait pas s'étendre sur les détails cliniques de sa mort, des caractéristiques de la maladie chronique qui lui avait enlevé son épouse. « Elle était à Londres, et j'étais à l'étranger - je n'ai pas pu lui dire au revoir ». Sa voix tremblait, malgré les années qui avaient passé. « J'ai cru en mourir, j'ai pensé que je la rejoindrais si je me permettais de ressentir l'étendue de ma peine. Je me suis transformé, comme je l'avais fait si souvent par le passé. Peut-être te l'ai-je déjà expliqué, mais ... les pensées d'un animagus sont infiniment moins complexes sous sa forme animale que sous sa forme humaine. Donc je me suis échappé, comme je l'avais fait tant de fois auparavant ». La fuite. Il avait encore pris la fuite - entre mourir de folie, devenir fou de douleur, et l'échappatoire clair, il avait préféré la solution qui s'offrait à lui. Mais il ne fuyait plus, aujourd'hui, s'offrant à Ariadne comme il ne l'avait jamais fait. Evan n'avait jamais parlé de cet épisode de sa vie. « Je suis demeuré sous ma forme de rossignol pendant plusieurs semaines, tentant d'oublier. J'ai maudit les dieux, le ciel, la pluie ... en vain. Contrairement à ce que tout le monde a cru, j'étais aux funérailles ... sous ma forme d'oiseau. Peu de respect pour le décorum, comme toujours ». Un rire peiné lui échappa - Evan n'avait jamais eu de doutes quant à la nature des rites funéraires, sachant fort bien qu'ils se déroulent davantage pour les vivants que pour les morts. Et qu'avait-il eu à faire des vivants, à l'époque? « Selim m'a vu. Je n'ai pas aidé sa paranoia vis-à-vis des animaux », admit-il, baissant la tête, regardant ses doigts qui trituraient nerveusement ceux d'Ariadne. « J'ai tout fait pour oublier, après. Je n'ai pas voulu en parler ... je croyais mourir de souffrance, puis de honte ». Encore un aveu - il ne voulait pas enjoliver la réalité, pas alors qu'il avait promis la vérité à Ariadne. Crue, sans ses éternelles tournures de phrases, c'était ainsi que le professeur lui présentait ce qu'il était devenu, des années auparavant. « J'ai repris ma vie d'errance quelques mois plus tard, plus perdu que jamais. J'ai multiplié les tournées, comme tu le sais. J'essayais d'échapper à tout, comme je l'ai si souvent fait dans ma vie ». À l'image d'une rivière tirant ses racines des glaciers alpins, Evan avait passé sa vie à se frayer un chemin là où il le pouvait, échappant à tout, dans une poursuite éternelle d'il ne savait quoi. Mais il ne fuyait pas, aujourd'hui.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Dim 17 Fév 2019 - 12:55
Cet échange était clairement une redécouverte de l'autre. Décidément, j'avais bien fait de me rendre à l'université aujourd'hui, car même si la douleur était présente, un jour ou l'autre, il fallait savoir crever les abcès. Jamais de ma vie je n'aurai cru en avoir dans ma relation avec l'écossais, mais je ne savais que trop bien que la vie était faite de surprises et d'événements inattendus. Oui, je ne le savais que trop bien, moi qui subissais en image les événements de la vie de chacun jusqu'à m'en infliger des migraines terribles à tel point que j'avais cru, plus d'une fois, perdre la raison. À l'époque, c'était la légèreté d'Evan qui m'avait permise de rester moi-même, sur le rail. Perdue dans les eaux troubles des destins qui n'étaient pas les miens, en pleine tempête, il avait toujours été là pour me guider, phare dans la nuit, me permettant alors toujours de rejoindre le rivage de la sérénité, afin que le radeau de ma raison ne se fasse pas avaler par les entrailles de l'océan de folie déchaîné.
Mais un jour, cette lumière fut tarie, puis, elle disparut pour ne plus jamais être rallumée. Les mots couchés sur papier que nous échangions n'avaient jamais été suffisant pour me ramener sur mon ilot de paix. Même si j'étais restée au sommet de notre univers, j'avais été prostrée, terrifiée, pleurant la perte de ce qui fut, et qui ne sera plus jamais. Puis, la plus improbable des personnes me retrouva, là, noyée dans cette mer de chagrin et de visions qui ne cessaient de m'assaillir. Il m'avait tendu la main pour m'aider à me relever… et lui, ne m'avait jamais lâché depuis. Pas assez solaire, il n'avait pas été cette lueur éclatante qu'avait pu être l'écossais, non il avait davantage été un accompagnateur, un berger, guidant la fragile créature que j'étais devenue dans un endroit meilleur. Plus chaud. Plus rassurant. Selim m'avait retrouvée et m'avait sauvé de la noyade. Il m'avait empêché de me perdre dans les eaux troubles de mon esprit. Avec lui, tout avait été simple. Et salutaire.
Oui, cet échange était une redécouverte de l'autre, car, à errer comme nous le faisions présentement, nous étions comme les fantômes du passé. Combien de fois avions nous arpenté ce couloir ? Combien de fois y avions nous courut comme ces deux jeunes gens ? Lui aussi avait été happé par ces vieilles images couleur sépia qui me parvenaient, je l'avais vue, cette lueur dans son regard.
Il travaillait très bien. Oui, je le savais, et je n'avais pas besoin de le relever. Il avait toujours été un excellent élève avec des résultats aussi surprenants que son indifférence. Le fait qu'il soit alors un bon professeur ne m'étonnait guère. Je n'avais jamais douté de ses talents. Ni hier, ni maintenant, ni jamais. Je doutais de la manière dont il le faisait. Comme ses agissements à mon encontre.
Voilà pourquoi, d'une simple œillade de biais, faisant écho à son rire, je le défiais pleinement de trouver la réponse par lui-même, souriant largement pour lui laisser le choix entre la carotte et le bâton. Pensait-il que, de par mon caractère si particulier, je préférais être tout le temps sévère et ne montrer que cette face de ce que j'étais ? Si tel était le cas, c'était bien mal me connaître. Sans doute que ça aurait pu être le cas, quinze ans plus tôt. Mais voilà, moi aussi, j'avais grandi, moi aussi je m'étais assagie, moi aussi j'avais mis de l'eau dans mon vin… moi aussi, j'avais appris de mes erreurs. Des rares que j'avais faites.
Nous avions tout deux changé, c'était indéniable. S'il était capable de rester volubile et volatile, insaisissable comme la fumée, il était à présent possible qu'il reste dans un même endroit, comme un brouillard obstiné. A cette image que se forma à mon esprit, j'en vins à me demander s'il ne s'était pas embrumé lui-même, à force de cette solitude dans laquelle il s'était lui-même enfermé. Au moins, je ne pouvais que constater son sens de la responsabilité qui semblait s'être aiguisé avec le temps. Qu'il ne souhaite pas s'abaisser à toucher aux élèves me rassérénait un peu, même si mon cœur se serra à ses propos. Car oui, il prétendait ne pas vouloir se montrer indigne de la confiance qui lui avait été accordée.
Mais… s'était-il montré digne de ma propre confiance durant son absence ?
Un soupir léger traversa mes narines alors que mon regard gris fut voilé une fraction de seconde, accompagnant les traits soucieux et concernés de mon visage. Ils avaient toujours été présents, même à l'époque, car j'étais de ceux qui donnaient de leur personne pour atteindre les objectifs fixés. Ils s'étaient simplement davantage creusés avec le temps, bien plus prononcés et gravés sur ma peau qui affichait à présent sans détour mon caractère si ambigu. Montrant au monde à quel point, malgré ma légèreté apparente, je pouvais me faire du souci pour autrui. Être médicomage accompli comme moi et être dénué d'empathie et de compréhension à l'autre était un désaccord dissonant.
Voilà pourquoi à ses remarques aussi taquines que teintée de vérité, je ne pouvais m'empêcher de faire claquer ma langue dans ma bouche en le regardant d'un air faussement vexé, adoptant une voix se faisant profonde et autoritaire alors qu'un sourire barrait mes lèvres.
- Sachez, sieur des Jardins, que je mène mon équipe d'une main de maître. Preuve en est, mon très cher protégé n'a eu, à aucun moment, à déplorer avoir été en retenue, contrairement à votre sirène.
Ni plus, ni moins. Je n'allais pas le laisser me brimer alors qu'il ne m'avait jamais vue véritablement travailler. Ce fut deux. Deux allusions à notre passé que je lui avais lancé subtilement, au diapason du surnom qu'il m'avait attribué un peu plus tôt, et qui m'avait renvoyé non pas dans les cieux, mais bien sur le toit de l'université que nous étions à présent en train d'arpenter. Toujours spectateurs de notre passé, comme si revenir au temps présent était bien trop douloureux.
Et ça l'était.
Car l'hésitation avec laquelle il venait de me prendre la main était témoin silencieux de ces fissures qu'il y avait entre nous. Pourtant, je ne demandais que ça. Ce toucher qui me manquait tant, cette frivolité entre nous qui, j'en étais certaine, serait capable de colmater les brèches. Ainsi, à ce simple contact, l'entier de mon corps fut secoué intérieurement. Comment décrire autrement cette sensation qui venait de me traverser ? J'étais comme une vieille batterie usée qui, enfin, pouvait à nouveau se charger, maintenant liée à son socle.
Redécouverte de l'autre, écho du passé, je le voyais s'installer devant la fenêtre, et après une fraction de seconde d'hésitation, car je voyais son lui, plus jeune, juste à côté, je vins à mon tour prendre place en face de lui. Retenant délicatement mes genoux pour éviter de justesse qu'ils ne viennent se confronter aux siens, je me permettais de jeter un coup d'œil à l'extérieur. Ce court instant d'échappatoire me permis de rassembler mes idées, de me raccrocher à la réalité, de retrouver le bas du haut. Fantôme du passé, à force de traverser les murs de l'université, je m'étais perdue dans les couloirs.
D'un léger battement de cil, je revenais sur lui alors qu'il prenait les devants. Pourtant, mes prunelles grises, teintées à présent de jaunes maintenant que le soleil passait à travers les carreaux de la fenêtre, fixèrent cette couronne de lumière dans ses cheveux. Gouverneurs de notre royaume d'antan, serions-nous aujourd'hui de dignes héritiers ? Par la disparition de l'un, l'autre avait tout abandonné en pensant se raccrocher. Est-ce que notre univers allait pouvoir nous pardonner nos écarts ? Nous permettre de le façonner à nouveau ?
Dans un silence religieux, ma bouche resta obstinément scellée et tranquille. Le métal de mes yeux fondit comme neige au soleil pour devenir cotonneux, doux et accueillant. Car j'étais son amie, et j'avais toujours su l'écouter. Tout du moins, à l'époque. Le saurais-je encore aujourd'hui ?
Pourtant, sa détresse m'était facilement perceptible et palpable. À l'instant, je le comprenais, et j'imaginais sans mal la détresse dans laquelle il avait vécu lors du décès de sa femme. Avant tout parce que je le connaissais mieux que moi-même, mais aussi car c'était devenu un défaut professionnel. Habituée à côtoyer la mort, comme si elle avait toujours été une amie de passage, je la voyais pour ainsi dire tous les jours durant mon travail. Présence difficilement supportable au début, il m'avait été possible de m'y habituer un peu, avec le temps. J'avais vécu toutes sortes de situations différentes, et celle qu'Evan avait vécue n'était pas anodine. Combien de personnes avais-je vu mourir, seules, ou mal accompagnées ?
L'étendue de cette souffrance qu'il me décrivait pourtant, je ne pouvais pas la comprendre. Pas entièrement. J'avais beau être une personne empathique, je ne l'étais pas assez, ou plutôt, je m'appliquais trop à me protéger du malheur des autres, pour pouvoir en saisir tout le sens. Je voyais les autres, je partageais leurs douleurs dans ces courts instants de visions. Je vivais les peines et les souffrances en une autre forme spectatrice durant mon travail. Sans me protéger j'aurai abandonné. J'en vins alors à l'envier un peu d'avoir pu se transformer pour atténuer cette souffrance. Mais je fis le lien silencieux entre ces moments de doutes et de craintes que j'avais eu pour lui à cette époque. La mort d'Elena, je l'avais apprise par l'ami égyptien que nous avons en commun, et il m'avait été impossible de contacter Evan durant cette période. J'avais eu peur pour lui, très inquiète de le perdre à jamais. Ce fut ce rapprochement providentiel avec Selim qui m'avait permise de ne pas me perdre à mon tour, de rester là, à attendre Evan, comme je l'avais toujours fait.
S'échapper. S'enfuir. Le seul réflexe dont il avait été capable, au point d'en oublier son entourage. Comme je l'avais vécu. Mais la réalité me frappa plus encore. Le premier déchirement avait été le plus douloureux, mais à présent que c'était en face de moi, je constatais que j'avais souffert de sa disparition par deux fois. Anguille insaisissable, il s'était toujours plu à danser entre les problèmes pour les éviter, pour les fuir. Ayant pourtant outrepassé ses limites avec moi, je l'avais stoppé, pour la première fois de notre vie, pour qu'il affronte ce qu'il devait affronter. Pour qu'il me confronte. Pour le moment, je pouvais me targuer de la réussite de cette démarche.
Revenant une nouvelle fois à la réalité alors que silence s'installait à nouveau entre nous, je réalisais enfin que nos deux mains étaient jointes à présent, mais surtout, que je couvrais les doigts et la peau du musicien de douces et infimes caresses tendres, accompagnatrices silencieuses de ma compassion. Sans pour autant cesser cet élan de douceur si rare chez moi, je venais à nouveau accrocher son regard vert, une lueur pleine de sollicitude dans le mien.
- Je suis navrée que tu ais eu à affronter tout ça tout seul. Je n'ai pas été une amie assez digne pour réussir à t'accompagner comme il se devait, et pour cela, je te prie de m'excuser. Marquant un léger silence pour rassembler mes idées, je reprenais ensuite. Aujourd'hui, tu sembles avoir cessé de fuir, et c'est bien là la preuve que tu as trouvé ta place dans ce monde, n'est-ce pas ? Je regrette simplement que tu aies été obligé de passer par ce genre d'épreuves… mais tu sais Evan, j'ai toujours été là, pour toi. Toujours, et ça n'a pas changé aujourd'hui.
Que pouvais-je dire d'autre ? Je maniais le langage comme personne lorsqu'il fallait être prétentieux, lorsqu'il fallait se défendre ou lorsqu'il fallait jouer. Mais remonter le moral… même au sein de mon travail mes réponses étaient mécaniques. Car je me prémunissais.
Alors, lentement, je détendais mes jambes, pour qu'enfin les quelques millimètres entre nos genoux disparaissent. Toucher physique léger, car nos mains ne suffisaient plus, je venais en plus l'étreindre en l'enveloppant de mon regard. S'échappant doucement des siens, certains de mes doigts vinrent frôler son menton en une caresse fébrile, comme si je craignais que se souvenir qui se tenait là devant moi ne disparaisse si j'osais un véritable contact. Je ne prenais alors pas garde que je me penchais imperceptiblement dans sa direction.
Mais un jour, cette lumière fut tarie, puis, elle disparut pour ne plus jamais être rallumée. Les mots couchés sur papier que nous échangions n'avaient jamais été suffisant pour me ramener sur mon ilot de paix. Même si j'étais restée au sommet de notre univers, j'avais été prostrée, terrifiée, pleurant la perte de ce qui fut, et qui ne sera plus jamais. Puis, la plus improbable des personnes me retrouva, là, noyée dans cette mer de chagrin et de visions qui ne cessaient de m'assaillir. Il m'avait tendu la main pour m'aider à me relever… et lui, ne m'avait jamais lâché depuis. Pas assez solaire, il n'avait pas été cette lueur éclatante qu'avait pu être l'écossais, non il avait davantage été un accompagnateur, un berger, guidant la fragile créature que j'étais devenue dans un endroit meilleur. Plus chaud. Plus rassurant. Selim m'avait retrouvée et m'avait sauvé de la noyade. Il m'avait empêché de me perdre dans les eaux troubles de mon esprit. Avec lui, tout avait été simple. Et salutaire.
Oui, cet échange était une redécouverte de l'autre, car, à errer comme nous le faisions présentement, nous étions comme les fantômes du passé. Combien de fois avions nous arpenté ce couloir ? Combien de fois y avions nous courut comme ces deux jeunes gens ? Lui aussi avait été happé par ces vieilles images couleur sépia qui me parvenaient, je l'avais vue, cette lueur dans son regard.
Il travaillait très bien. Oui, je le savais, et je n'avais pas besoin de le relever. Il avait toujours été un excellent élève avec des résultats aussi surprenants que son indifférence. Le fait qu'il soit alors un bon professeur ne m'étonnait guère. Je n'avais jamais douté de ses talents. Ni hier, ni maintenant, ni jamais. Je doutais de la manière dont il le faisait. Comme ses agissements à mon encontre.
Voilà pourquoi, d'une simple œillade de biais, faisant écho à son rire, je le défiais pleinement de trouver la réponse par lui-même, souriant largement pour lui laisser le choix entre la carotte et le bâton. Pensait-il que, de par mon caractère si particulier, je préférais être tout le temps sévère et ne montrer que cette face de ce que j'étais ? Si tel était le cas, c'était bien mal me connaître. Sans doute que ça aurait pu être le cas, quinze ans plus tôt. Mais voilà, moi aussi, j'avais grandi, moi aussi je m'étais assagie, moi aussi j'avais mis de l'eau dans mon vin… moi aussi, j'avais appris de mes erreurs. Des rares que j'avais faites.
Nous avions tout deux changé, c'était indéniable. S'il était capable de rester volubile et volatile, insaisissable comme la fumée, il était à présent possible qu'il reste dans un même endroit, comme un brouillard obstiné. A cette image que se forma à mon esprit, j'en vins à me demander s'il ne s'était pas embrumé lui-même, à force de cette solitude dans laquelle il s'était lui-même enfermé. Au moins, je ne pouvais que constater son sens de la responsabilité qui semblait s'être aiguisé avec le temps. Qu'il ne souhaite pas s'abaisser à toucher aux élèves me rassérénait un peu, même si mon cœur se serra à ses propos. Car oui, il prétendait ne pas vouloir se montrer indigne de la confiance qui lui avait été accordée.
Mais… s'était-il montré digne de ma propre confiance durant son absence ?
Un soupir léger traversa mes narines alors que mon regard gris fut voilé une fraction de seconde, accompagnant les traits soucieux et concernés de mon visage. Ils avaient toujours été présents, même à l'époque, car j'étais de ceux qui donnaient de leur personne pour atteindre les objectifs fixés. Ils s'étaient simplement davantage creusés avec le temps, bien plus prononcés et gravés sur ma peau qui affichait à présent sans détour mon caractère si ambigu. Montrant au monde à quel point, malgré ma légèreté apparente, je pouvais me faire du souci pour autrui. Être médicomage accompli comme moi et être dénué d'empathie et de compréhension à l'autre était un désaccord dissonant.
Voilà pourquoi à ses remarques aussi taquines que teintée de vérité, je ne pouvais m'empêcher de faire claquer ma langue dans ma bouche en le regardant d'un air faussement vexé, adoptant une voix se faisant profonde et autoritaire alors qu'un sourire barrait mes lèvres.
- Sachez, sieur des Jardins, que je mène mon équipe d'une main de maître. Preuve en est, mon très cher protégé n'a eu, à aucun moment, à déplorer avoir été en retenue, contrairement à votre sirène.
Ni plus, ni moins. Je n'allais pas le laisser me brimer alors qu'il ne m'avait jamais vue véritablement travailler. Ce fut deux. Deux allusions à notre passé que je lui avais lancé subtilement, au diapason du surnom qu'il m'avait attribué un peu plus tôt, et qui m'avait renvoyé non pas dans les cieux, mais bien sur le toit de l'université que nous étions à présent en train d'arpenter. Toujours spectateurs de notre passé, comme si revenir au temps présent était bien trop douloureux.
Et ça l'était.
Car l'hésitation avec laquelle il venait de me prendre la main était témoin silencieux de ces fissures qu'il y avait entre nous. Pourtant, je ne demandais que ça. Ce toucher qui me manquait tant, cette frivolité entre nous qui, j'en étais certaine, serait capable de colmater les brèches. Ainsi, à ce simple contact, l'entier de mon corps fut secoué intérieurement. Comment décrire autrement cette sensation qui venait de me traverser ? J'étais comme une vieille batterie usée qui, enfin, pouvait à nouveau se charger, maintenant liée à son socle.
Redécouverte de l'autre, écho du passé, je le voyais s'installer devant la fenêtre, et après une fraction de seconde d'hésitation, car je voyais son lui, plus jeune, juste à côté, je vins à mon tour prendre place en face de lui. Retenant délicatement mes genoux pour éviter de justesse qu'ils ne viennent se confronter aux siens, je me permettais de jeter un coup d'œil à l'extérieur. Ce court instant d'échappatoire me permis de rassembler mes idées, de me raccrocher à la réalité, de retrouver le bas du haut. Fantôme du passé, à force de traverser les murs de l'université, je m'étais perdue dans les couloirs.
D'un léger battement de cil, je revenais sur lui alors qu'il prenait les devants. Pourtant, mes prunelles grises, teintées à présent de jaunes maintenant que le soleil passait à travers les carreaux de la fenêtre, fixèrent cette couronne de lumière dans ses cheveux. Gouverneurs de notre royaume d'antan, serions-nous aujourd'hui de dignes héritiers ? Par la disparition de l'un, l'autre avait tout abandonné en pensant se raccrocher. Est-ce que notre univers allait pouvoir nous pardonner nos écarts ? Nous permettre de le façonner à nouveau ?
Dans un silence religieux, ma bouche resta obstinément scellée et tranquille. Le métal de mes yeux fondit comme neige au soleil pour devenir cotonneux, doux et accueillant. Car j'étais son amie, et j'avais toujours su l'écouter. Tout du moins, à l'époque. Le saurais-je encore aujourd'hui ?
Pourtant, sa détresse m'était facilement perceptible et palpable. À l'instant, je le comprenais, et j'imaginais sans mal la détresse dans laquelle il avait vécu lors du décès de sa femme. Avant tout parce que je le connaissais mieux que moi-même, mais aussi car c'était devenu un défaut professionnel. Habituée à côtoyer la mort, comme si elle avait toujours été une amie de passage, je la voyais pour ainsi dire tous les jours durant mon travail. Présence difficilement supportable au début, il m'avait été possible de m'y habituer un peu, avec le temps. J'avais vécu toutes sortes de situations différentes, et celle qu'Evan avait vécue n'était pas anodine. Combien de personnes avais-je vu mourir, seules, ou mal accompagnées ?
L'étendue de cette souffrance qu'il me décrivait pourtant, je ne pouvais pas la comprendre. Pas entièrement. J'avais beau être une personne empathique, je ne l'étais pas assez, ou plutôt, je m'appliquais trop à me protéger du malheur des autres, pour pouvoir en saisir tout le sens. Je voyais les autres, je partageais leurs douleurs dans ces courts instants de visions. Je vivais les peines et les souffrances en une autre forme spectatrice durant mon travail. Sans me protéger j'aurai abandonné. J'en vins alors à l'envier un peu d'avoir pu se transformer pour atténuer cette souffrance. Mais je fis le lien silencieux entre ces moments de doutes et de craintes que j'avais eu pour lui à cette époque. La mort d'Elena, je l'avais apprise par l'ami égyptien que nous avons en commun, et il m'avait été impossible de contacter Evan durant cette période. J'avais eu peur pour lui, très inquiète de le perdre à jamais. Ce fut ce rapprochement providentiel avec Selim qui m'avait permise de ne pas me perdre à mon tour, de rester là, à attendre Evan, comme je l'avais toujours fait.
S'échapper. S'enfuir. Le seul réflexe dont il avait été capable, au point d'en oublier son entourage. Comme je l'avais vécu. Mais la réalité me frappa plus encore. Le premier déchirement avait été le plus douloureux, mais à présent que c'était en face de moi, je constatais que j'avais souffert de sa disparition par deux fois. Anguille insaisissable, il s'était toujours plu à danser entre les problèmes pour les éviter, pour les fuir. Ayant pourtant outrepassé ses limites avec moi, je l'avais stoppé, pour la première fois de notre vie, pour qu'il affronte ce qu'il devait affronter. Pour qu'il me confronte. Pour le moment, je pouvais me targuer de la réussite de cette démarche.
Revenant une nouvelle fois à la réalité alors que silence s'installait à nouveau entre nous, je réalisais enfin que nos deux mains étaient jointes à présent, mais surtout, que je couvrais les doigts et la peau du musicien de douces et infimes caresses tendres, accompagnatrices silencieuses de ma compassion. Sans pour autant cesser cet élan de douceur si rare chez moi, je venais à nouveau accrocher son regard vert, une lueur pleine de sollicitude dans le mien.
- Je suis navrée que tu ais eu à affronter tout ça tout seul. Je n'ai pas été une amie assez digne pour réussir à t'accompagner comme il se devait, et pour cela, je te prie de m'excuser. Marquant un léger silence pour rassembler mes idées, je reprenais ensuite. Aujourd'hui, tu sembles avoir cessé de fuir, et c'est bien là la preuve que tu as trouvé ta place dans ce monde, n'est-ce pas ? Je regrette simplement que tu aies été obligé de passer par ce genre d'épreuves… mais tu sais Evan, j'ai toujours été là, pour toi. Toujours, et ça n'a pas changé aujourd'hui.
Que pouvais-je dire d'autre ? Je maniais le langage comme personne lorsqu'il fallait être prétentieux, lorsqu'il fallait se défendre ou lorsqu'il fallait jouer. Mais remonter le moral… même au sein de mon travail mes réponses étaient mécaniques. Car je me prémunissais.
Alors, lentement, je détendais mes jambes, pour qu'enfin les quelques millimètres entre nos genoux disparaissent. Toucher physique léger, car nos mains ne suffisaient plus, je venais en plus l'étreindre en l'enveloppant de mon regard. S'échappant doucement des siens, certains de mes doigts vinrent frôler son menton en une caresse fébrile, comme si je craignais que se souvenir qui se tenait là devant moi ne disparaisse si j'osais un véritable contact. Je ne prenais alors pas garde que je me penchais imperceptiblement dans sa direction.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Ven 22 Fév 2019 - 0:09
Le pire qu'elle puisse faire, il l'avait déjà imaginé, lui avait-il dit un jour, plus jeune. Capables de s'égaler dans l'excellence comme les bassesses, c'était ainsi qu'ils avaient été, complotant à deux dans leur monde que personne d'autre ne pouvait percer. Les clefs du royaume n'existaient pas. Ils étaient ce royaume secret, interdit, précieux. Eux. You and I. Leur domaine n'était pas mort, Evan refusait de le croire - mains jointes, il lui sembla le voir renaître comme une pluie d'étincelles entre leurs doigts. Le pianiste jouait sa mélodie de souffrance pour la première fois, pour la seule spectatrice qui méritait d'entendre l'histoire de sa douleur ancienne et cachée aux yeux de tous sous sa carapace de lumière. Lumineux, solaire, il l'avait toujours été - au risque d'en aveugler certains, qui ne comprenaient pas les facéties et les rires du sorcier, le jugeant simplement frivole et manquant de sérieux. Hésitant, presque timide, sans garnir ses phrases de couronnes de mots entrelacés de parades verbales et de circonvolutions dont il avait toujours eu le secret. La vérité, simple, nue. Se taisant, Evan avait baissé la tête, fixant ses doigts, comme s'il avait honte de sa faiblesse et de ses aveux.
« Je suis navrée que tu ais eu à affronter tout ça tout seul. Je n'ai pas été une amie assez digne pour réussir à t'accompagner comme il se devait, et pour cela, je te prie de m'excuser. » Relevant les yeux, le professeur de musique ouvrit la bouche sans dire quoi que ce soit, incapable de prononcer les sensations qui lui venaient. Sensation d'incompréhension ... Ce n'était pas à elle de s'excuser, lui disait son regard vert. Ce n'était pas elle qui s'était enfuie, qui avait failli. Ariadne avait toujours été fidèle à elle-même, excellant en tout, pour tout. Toujours ensemblee, c'était ce qu'ils s'étaient promis, adolescents, mais en fuyant et croyant se raccrocher aux filons ténus de leur amitié, rencontres ici et là, lettres remplies de nouvelles, de blagues et de tournures d'esprit qu'il ne pouvait réserver qu'à l'Allemande, parfois dans un charabia incompréhensible bilingue allemand-anglais parce que telle expression était plus juste dans une langue que l'autre, ne s'était-il pas privé de la meilleure part de lui-même? Sa moitié pas tendre, pourtant capable de tendresse. « Aujourd'hui, tu sembles avoir cessé de fuir, et c'est bien là la preuve que tu as trouvé ta place dans ce monde, n'est-ce pas ? Je regrette simplement que tu aies été obligé de passer par ce genre d'épreuves… mais tu sais Evan, j'ai toujours été là, pour toi. Toujours, et ça n'a pas changé aujourd'hui. » Plus que les mots de la médicomage, ses gestes rassuraient l'Écossais, qui concentrait son attention sur les caresses délicates qu'Ariadne parsemait sur ses mains. Si Evan maniait le langage comme une épée, un bouclier et un jeu, les gestes de la sorcière avaient toujours fait naître un univers de compréhension entre eux. Au contact des genoux de la jeune femme, Evan sourit. Ils avaient toujours été tactiles - des pieds qui se donnaient des coups discrets sous les tables du réfectoire, des coudes entrant en contact lors de leurs rares séances d'études conjointes, accolades encore aujourd'hui en se revoyant. Ils auraient pu tantôt être l'astre et le satellite, s'échangeant mutuellement les rôles car l'un n'aurait jamais su dominer l'autre, empêtrés dans leur danse éternelle, gravitant autour de l'autre.
Pourtant, les révolutions d'Evan s'étaient faites de plus en plus larges, il le savait. Étirant les moments où le corps céleste pouvait se réchauffer au soleil de l'autre, croyant qu'en étirant ainsi son orbite, il pourrait à la fois se préserver et garder intacte sa relation la plus chère. Échouer ne faisait pas partie de ses habitudes, et, obstiné et talentueux à un point où son attitude en faisait un être potentiellement détestable, Evan était convaincu de pouvoir rattraper le temps perdu. Éternel optimiste.
Le contact léger d'Ariadne sur son visage fit naître un sourire rempli d'affection sur ses lèvres. Le musicien comprenait l'élan de la sorcière, et un murmure léger quitta ses lèvres. « Je suis ici, avec toi ». Simplicité du langage qu'il découvrait et à laquelle il voulait s'astreindre aujourd'hui, parce que le sorcier qui avait échappé à tout et tous s'était enfin posé. « Tu as raison, Ariadne. C'est une fâcheuse habitude à toi, te l'ai-je déjà mentionné? » Evan se pencha vers elle, imitant la position de la sorcière, comme s'il venait lui confier un secret. « J'ai erré toutes ces années pour trouver ma place en l'endroit que j'ai maudit si longtemps. L'ironie ne m'échappe pas », admit-il. « Quant à passer par ces épreuves seul ... Je n'ai jamais su comment faire autrement, tu le sais ... », dit-il, sincère. Même lors de leur adolescence, Evan s'emmurait lorsqu'il s'agissait des pires occasions. Il lui avait fallu de longs mois avant de parler à Ariadne de la mort de sa mère, lorsqu'il avait quinze ans. Le sorcier n'avait jamais su s’apitoyer sur son sort. Rires et chaleur, c'était ce qu'il prodiguait. La seule qui ait eu droit à quelques uns de ses moments plus sombres, c'était celle qui se tenait face à lui, peignant un tableau à la fois impérial et vulnérable. Elle avait toujours eu cette qualité indéfinissable, peu importe l'apparât ou la situation, de paraître comme une reine. Maintien altier, même dans l'enfance, c'était ce qui avait attiré Evan vers elle comme un aimant, dans le train vers Poudlard, avant de découvrir un esprit capable d'égaler le sien chez la gamine aujourd'hui femme infiniment plus aiguisée. « Je sais que tu as toujours été là. Tu n'as rien à te reprocher, si ce n'est de ne pas m'avoir arrêté dans mon élan comme tu l'as fait tout à l'heure plus tôt ... ». Avec douceur, Evan entoura les épaules d'Ariadne d'un bras - ce n'était pas difficile, vu la proximité des corps, s'installant à ses côtés plutôt que face à elle comme il l'avait été plus tôt. Il inclina la tête sur le côté, s'appuyant légèrement sur la crinière d'ambre de sa meilleure amie, et lui murmura à l'oreille « je suis heureux que tu sois là ».
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Ven 22 Fév 2019 - 21:45
Éventuellement que je le surprenais dans mes réactions et mes paroles, car moi aussi j'avais changé après tout, moi aussi j'avais grandis, et moi aussi j'avais mis de l'eau dans mon vin. Un peu. Noyer le bon vin était contre indiqué depuis la nuit des temps, et je ne voulais pas arriver à péremption. À moins que ça n'avait déjà été le cas il y a quinze ans ? Si ça se trouve, voilà une des raisons qui l'avait fait partir. Avant que je ne tourne en vinaigre. Pourtant c'était ce départ qui m'avait rendue amer, et imbuvable pour la plupart de mon entourage. Preuve en était, je n'avais plus aucun contact avec mes parents. J'avais toujours mis un point d'honneur de faire le minimum syndical avec eux, mais le départ d'Evan avait été le mien pour mes géniteurs. Ironie du sort, car je n'avais jamais spécialement tenu à continuer à les aimer, même si songer à disparaître n'avait jamais été dans mes projets, car j'avais un trop grand sens du devoir et des responsabilités. Mais il fut arrivé un temps où je me suis dit que je devais m'occuper de moi-même avant de me préoccuper des autres. Mon enfance et mon adolescence, je l'avais dédiée au sorcier écossais qui était là, juste à côté de moi. Ça m'avait condamnée à la nuit. Il était donc hors de question que je réitère avec qui que ce soit d'autre, et encore moins ces personnes qui se considéraient comme parents sous prétexte qu'ils m'avaient engendrée. Ils n'avaient d'amour que pour mon don de voyance.
Visage tantôt fermé, tantôt ouvert, je voyais mon ami d'enfance plonger dans ses pensées, tout aussi perdu que moi. Voilà que j'étais rassérénée, car je ne me voyais plus être la seule en proie à cette gifle du passé qui venait s'amuser à nous fouetter en plein visage et nous flageller douloureusement la poitrine. Nous avions toujours tout partagé ensemble, les joies comme les peines, nous étions le côté face et le côté pile, la lune et soleil, la terre et la mer, Castor et Pollux. Ce n'était que douce ironie que d'espérer, ne serait-ce que du bout des doigts, de vouloir séparer, car je savais en mon fort intérieur à cet instant précis que c'était tout bonnement impossible. J'aurai pu le détester, pire, le haïr, j'arriverai toujours à être dépendante de lui, de sa présence, de ce sourire qui des fois me donnait envie de lui clouer la langue sur une table, de cette tignasse rousse. De lui. Tout entier. Je ne pouvais sans doute pas faire autrement, et j'avais la naïveté de croire que lui non plus.
Oui nous avions eu un univers ensemble, et il était toujours là, aussi infime était-il devenu. Car il nous était possible de voir le monde dans un grain de sable. Clé microscopique qui vint ouvrir les portes de cet espace resté clos pendant si longtemps alors que mes doigts vinrent effleurer son visage avec appréhension.
Apparemment à mon tour de revenir au temps présent, les paroles, aussi simples soient-elle de mon ami et son sourire remplit de douceur me firent cligner des yeux. Il était là, avec moi, oui, mais pour combien de temps très sincèrement ? Mais une étincelle s'alluma alors dans mes prunelles tandis qu'il admettait mon défaut. Peut-être le seul et l'unique. J'en devins presque impérieuse, mon maintien redevenant à nouveau droit et fier. C'était sans doute rageant pour lui, d'être si imparfait face à moi, mais jubilatoire pour ma personne, et tout ça pouvait présentement se lire en moi, même lorsqu'il vint à son tour se pencher dans ma direction, nos deux visages se frôlant, complices de nos messes basses, comme à l'époque. En cet instant même nous formions ce tableau parfait que nous étions à l'époque. Nous retrouvions notre univers, abandonné et poussiéreux. Mais un bon coup de balai et tout rentrait sans doute dans l'ordre. N'est-ce pas ?
Penchant alors légèrement la tête, nos deux joues entrant en contact, je répondais en murmurant, sans pour autant perdre l'ironie de mon ton et cette froideur théâtrale qui la rendait alors si chaleureuse.
- Fâcheuse habitude que tu apprécies pleinement je le sais. À l'époque je n'avais pas pu t'arrêter car il en allait de ta vie indépendamment de moi. Je redressais le visage pour planter mon regard métallique dans le sien. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. "Alors apprêtes-toi à être souvent arrêté", lui signifiait la nouvelle lueur maligne dans mes yeux.
N'écoutant que la tendresse de l'instant, je le laissais entourer mes épaules de son bras, terminant de rapprocher nos deux corps devenus complices dans leurs nouvelles étrangetés. Pour éviter qu'elles ne s'ennuient, je venais saisir les doigts libres d'Evan de mes deux mains tout en recommençant à jouer avec sa peau, distraitement. Quinze ans plus tôt, j'aurai aimé pouvoir le confronter, l'arrêter, l'empêcher de partir. Mais comme une fleur manquant de soleil et d'eau, il se serait flétri et aurait sans doute finit par se perdre, par mourir, même si ce n'était pas au sens propre du terme. Mais cette escapade n'était en rien ma faute, mais davantage de sa condition, de la relation avec son paternel. Je n'étais donc pas en droit de stopper quoique ce soit. Aujourd'hui, la situation était différente et elle n'allait pas m'échapper. Je m'en faisais la promesse silencieuse alors que je sentais sa joue s'appuyer délicatement sur les flammes de ma chevelure. Frémissant légèrement à ce contact tant il m'avait manqué, je retrouvais toutes les sensations de mon adolescence alors que nous nous retrouvions aussi proches et complices. Il me fallait simplement les apprivoiser à nouveau dans mon corps et mon esprit d'adulte. D'un petit sourire et d'un rire léger qui traversa mes narines, je répondais, sincère cette fois.
- Je suis heureuse de te retrouver. Un petit instant s'écoula. Continue.
Visage tantôt fermé, tantôt ouvert, je voyais mon ami d'enfance plonger dans ses pensées, tout aussi perdu que moi. Voilà que j'étais rassérénée, car je ne me voyais plus être la seule en proie à cette gifle du passé qui venait s'amuser à nous fouetter en plein visage et nous flageller douloureusement la poitrine. Nous avions toujours tout partagé ensemble, les joies comme les peines, nous étions le côté face et le côté pile, la lune et soleil, la terre et la mer, Castor et Pollux. Ce n'était que douce ironie que d'espérer, ne serait-ce que du bout des doigts, de vouloir séparer, car je savais en mon fort intérieur à cet instant précis que c'était tout bonnement impossible. J'aurai pu le détester, pire, le haïr, j'arriverai toujours à être dépendante de lui, de sa présence, de ce sourire qui des fois me donnait envie de lui clouer la langue sur une table, de cette tignasse rousse. De lui. Tout entier. Je ne pouvais sans doute pas faire autrement, et j'avais la naïveté de croire que lui non plus.
Oui nous avions eu un univers ensemble, et il était toujours là, aussi infime était-il devenu. Car il nous était possible de voir le monde dans un grain de sable. Clé microscopique qui vint ouvrir les portes de cet espace resté clos pendant si longtemps alors que mes doigts vinrent effleurer son visage avec appréhension.
Apparemment à mon tour de revenir au temps présent, les paroles, aussi simples soient-elle de mon ami et son sourire remplit de douceur me firent cligner des yeux. Il était là, avec moi, oui, mais pour combien de temps très sincèrement ? Mais une étincelle s'alluma alors dans mes prunelles tandis qu'il admettait mon défaut. Peut-être le seul et l'unique. J'en devins presque impérieuse, mon maintien redevenant à nouveau droit et fier. C'était sans doute rageant pour lui, d'être si imparfait face à moi, mais jubilatoire pour ma personne, et tout ça pouvait présentement se lire en moi, même lorsqu'il vint à son tour se pencher dans ma direction, nos deux visages se frôlant, complices de nos messes basses, comme à l'époque. En cet instant même nous formions ce tableau parfait que nous étions à l'époque. Nous retrouvions notre univers, abandonné et poussiéreux. Mais un bon coup de balai et tout rentrait sans doute dans l'ordre. N'est-ce pas ?
Penchant alors légèrement la tête, nos deux joues entrant en contact, je répondais en murmurant, sans pour autant perdre l'ironie de mon ton et cette froideur théâtrale qui la rendait alors si chaleureuse.
- Fâcheuse habitude que tu apprécies pleinement je le sais. À l'époque je n'avais pas pu t'arrêter car il en allait de ta vie indépendamment de moi. Je redressais le visage pour planter mon regard métallique dans le sien. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. "Alors apprêtes-toi à être souvent arrêté", lui signifiait la nouvelle lueur maligne dans mes yeux.
N'écoutant que la tendresse de l'instant, je le laissais entourer mes épaules de son bras, terminant de rapprocher nos deux corps devenus complices dans leurs nouvelles étrangetés. Pour éviter qu'elles ne s'ennuient, je venais saisir les doigts libres d'Evan de mes deux mains tout en recommençant à jouer avec sa peau, distraitement. Quinze ans plus tôt, j'aurai aimé pouvoir le confronter, l'arrêter, l'empêcher de partir. Mais comme une fleur manquant de soleil et d'eau, il se serait flétri et aurait sans doute finit par se perdre, par mourir, même si ce n'était pas au sens propre du terme. Mais cette escapade n'était en rien ma faute, mais davantage de sa condition, de la relation avec son paternel. Je n'étais donc pas en droit de stopper quoique ce soit. Aujourd'hui, la situation était différente et elle n'allait pas m'échapper. Je m'en faisais la promesse silencieuse alors que je sentais sa joue s'appuyer délicatement sur les flammes de ma chevelure. Frémissant légèrement à ce contact tant il m'avait manqué, je retrouvais toutes les sensations de mon adolescence alors que nous nous retrouvions aussi proches et complices. Il me fallait simplement les apprivoiser à nouveau dans mon corps et mon esprit d'adulte. D'un petit sourire et d'un rire léger qui traversa mes narines, je répondais, sincère cette fois.
- Je suis heureuse de te retrouver. Un petit instant s'écoula. Continue.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Dim 24 Fév 2019 - 16:10
« Unless the Almighty Maker them ordain
His dark materials to create more worlds »
« Fâcheuse habitude que tu apprécies pleinement je le sais. À l'époque je n'avais pas pu t'arrêter car il en allait de ta vie indépendamment de moi. Ce n'est plus le cas aujourd'hui ». Le regard d'Ariadne aurait pu le foudroyer sur place, si sa cible avait été qui que ce soit d'autre que l'Écossais - Evan se contenta de soutenir son regard, paisible et serein. Les certitudes qu'il n'avait jamais réussi à se construire, plus jeune, le soutenaient à présent. Savoir qu'il se trouvait là où il devait être, en général - au sein de cette université, dans sa salle de classe, devant son piano, en compagnie de ses étudiants. Là où il devait être, en particulier - assis sur le bord de la fenêtre avec son amie, comme ils l'avaient fait tant de fois auparavant, plus insouciants qu'aujourd'hui, mais moins sages, moins ... forts. Le professeur de musique refusait de voir fissures et fractures dans leurs interactions, si hésitantes puissent-elles être par moments, y percevant plutôt les nouvelles fondations d'un édifice qui avait le potentiel de s'élever bien plus haut que l'ancien bâtiment abandonné. Bâtisseurs de cathédrales, créateurs de mondes, d'univers secrets, ils ne se contenteraient que du meilleur, comme ils l'avaient toujours fait. Aucune réponse à son affirmation, qu'il comprenait - qu'aurait-il pu dire qui n'aurait paru trivial et insuffisant? Oui, je suis ici. Je ne bouge plus, je n'en ai plus besoin. Evan lui prouverait par le geste et non la parole qu'il ne s'en irait plus - l'instinct qui lui avait crié toute sa vie durant de s'envoler, s'échapper, courir plus rapidement que la vie ne pourrait le rattraper s'était enfin calmé, depuis qu'il était revenu à Hungcalf. Plutôt, il entoura les épaules d'Ariadne, posant sa joue contre ses cheveux, lui murmurant qu'il était heureux qu'elle soit là. pour ta présence. pour nos univers de paille, de feu, d'eau et de marbre.
« Je suis heureuse de te retrouver ». Pli de tendresse, à l'entendre. « Continue ». Liés ainsi par la proximité des corps, Evan garda sa joue contre la tête de son amie la plus chère, tirant réconfort du contact et de l'intimité créée. Sans se toucher, ils avaient toujours été seuls au monde, mais ainsi, le portrait qu'ils formaient correspondait si justement à la réalité du moment, si douloureux et tendre puisse-t-il être, que le musicien regretta presque de ne pas être un peintre. Sa voix aux accents riches reprit - conteur, il l'était, mais l'histoire était douloureuse et il ne souhaitait pas s'étendre davantage qu'il n'était nécessaire de le faire. « J'ai passé les années suivantes sur la route, comme tu le sais. Avant, je l'avais fait pour suivre la troupe de Kaitlyn, parce qu'elle m'avait pris sous son aile, mais j'avais commencé à me faire un nom, et je commençais à recevoir des invitations individuelles ». La belle époque, en un sens - ce temps rempli de possibilité et de mystères, au cours duquel il vivait d'absence d'amour et d'eau fraiche, son père lui ayant coupé les vivres et l'accès aux fonds familiaux mis en place à sa naissance ne lui étant possible qu'à partir de trente ans. « J'ai passé un certain temps en Amérique - changer d'air, changer de société ... Nous les artistes sommes de drôles de créatures, et les codes ne changent pas véritablement avec les continents, mais il y avait une sorte de ... simplicité chez les musiciens américains qui était dénuée du snobbisme de certains cercles européens. J'ai noyé ma douleur dans l'art - avec succès, semble-t-il, puisqu'on n'a jamais cessé de m'inviter ». Comme si on avait laissé libre cours à un rêve en lui, dont les échos se faisaient plus sonores avec le temps, les échos au creux de son âme. Never enough. La tapisserie qu'il tirait, Ariadne en connaissait les contours, les dates - elle savait qu'il avait erré, mais pour la première fois il mettait en évidence le fil de souffrance qui en avait accentué les traits. La douleur, la fuite du devoir familial, de son sang pur, de ses obligations ... Never enough. Puis, il y avait eu l'incendie. Un pli de culpabilité au coeur, Evan passa par-dessus cette anecdote, ne s'en sentant pas la force, se jurant d'en partager les détails avec la médicomage un jour.
Un autre jour, où il se sentirait le courage de lui montrer son dos dont elle avait tiré les traits si souvent, ce dos qui avait été superbe, tissé de muscles définis et puissants aujourd'hui si cruellement déformés par les langues des flammes. « Je croyais avoir trouvé ma place, à Vienne, à l'orchestre philharmonique », dit-il, le bras droit entourant toujours les épaules de la médicomage, le cou incliné par la position prise par sa joue contre ses cheveux au parfum de lavande, dont il huma discrètement la senteur florale, à demi pour la douceur du souvenir, à demi pour se donner un brin de courage. « J'y ai passé quelques années, après tout, n'était-ce pas la preuve que j'avais arrêté de courir, que je m'étais fixé? Mais j'étais chez les moldus - ils ne savaient rien de mon nom, du rang présupposé accordé par celui-ci, par la famille de ma mère ». Sang purs allemands, membres de la haute société berlinoise et viennoise. Le ton caressant, il se redressa légèrement, exerçant une pression légère autour des épaules d'Ariadne, comme si le professeur cherchait à s'assurer de sa présence. « Vienne était un miroir aux alouettes, qui m'a néanmoins énormément appris. Me voici, maintenant. De retour à la case départ qui n'en était pas une ». Evan se redressa, observant le visage d'Ariadne dont il libéra la silhouette, reprenant la position qu'il avait prise plus tôt, les genoux toujours en contact avec les siens, cherchant les réponses, l'assentiment, la compréhension dans les traits altiers de l'Allemande.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Dim 24 Fév 2019 - 16:59
Proximité du corps retrouvée, je ne m'accorderai toutefois pas à fermer les yeux et profiter pleinement des retrouvailles de nos deux esprits jumeaux. Pour être tout à fait honnête, je craignais d'être ce Icare qui, de joie et d'euphorie, allait rejoindre un soleil qui puissant et incontrôlable qu'il brûlerait mes ailes. Je m'étais déjà brûlée, et je souffrais encore de vieilles douleurs lancinantes. L'avantage était que je savais déjà la sensation qu'allait me procurer les rhumatismes une fois l'âge respectable atteint. Néanmoins, ça n'avait rien d'agréable pour quelqu'un de mon année de naissance, qui pourrait pleinement profiter de ce que la vie lui offre. C'était ce que je m'étais toujours appliquée à faire à dire vrai… mais sans Evan, je me perdais dans les profondeurs ténébreuses des abysses. Car s'il était vrai qu'il n'y avait pas d'ombre sans lumière, le moindre fragment de poussière générant de l'ombre, il n'en allait pas de même pour la noirceur. L'ombre n'engendre que de l'ombre, et la lumière doit venir d'une source extérieure.
Le sorcier écossais m'avait toujours éblouie, et je baignais dans son éclat comme une ondine dans son bassin. Mais voilà que l'éclipse solaire s'en était venue, et alors je savais pour la première fois de ma vie ce que c'était que d'avoir froid. Si froid.
À présent que le voile était dissipé et qu'à nouveau j'avais accès à mon astre solaire, que j'y étais si proche, qu'il m'enveloppait dans ses bras et que je caressais distraitement ses doigts, j'étais aveuglée. Je craignais une nouvelle chute, et c'était pour mieux me rattraper que je restais attentive à ce qui nous entourait, que je ne me détendais pas comme je l'aurai souhaité.
Cela ne m'empêcha toutefois pas de prêter une oreille attentive à tout son récit. Car c'était ce que je lui avais demandé. Parce que j'étais son amie. Parce que c'était mon devoir. Dansaient alors devant moi les images que ses paroles généraient. Tantôt la tristesse dans une troupe, puis la sensation de liberté et d'indépendance en Amérique. Cette recherche pour atteindre un but invisible, cette course qu'il ne pouvait arrêter, car rien ne suffisait à combler ce vide qu'il y avait en lui.
Oui, cela aussi je le voyais, et je le comprenais sans doute mieux qu'il n'aurait pu l'imaginer, car en réalité, j'avais vécu la même chose. Miroir de ce qu'il était, de ce que nous étions, nous ne pouvions faire autrement que de nous imiter, même à distance. Cette ironie me fit sourire alors qu'il faisait écho à la définition du sorcier quant aux artistes.
Il avait perdu sa femme et meurtri par une telle perte, il était parti en quête de quelque chose. De lui peut-être.
Je l'avais perdu lui, et, meurtrie par une telle perte, j'étais partie en quête de quelque chose. De moi peut-être.
Plongée dans mon métier, les jours, les semaines se ressemblaient et se rassemblaient. J'avais vécu un jour sans fin, éternelle boucle qui recommençait une fois la nuit tombée. Les seuls instants où j'avais pu échapper au système, sortir de l'engrenage du temps, c'était avec Selim. Mais, encore une fois, mes lèvres restèrent scellées quant à ce sujet. Pas maintenant. Pas ici. Pas aujourd'hui.
Puis il fut essoufflé, et sa course semblait se terminer à Vienne. Berceau de mon sang et de mes origines, tout le moins, ce pays que je chérissais malgré le nom des Eberhart que je maudissais presque. Là-bas, je voyais et comprenais qu'il lui avait été possible de rassembler ses esprits, de prendre du temps pour lui, de se retrouver… avant que ses pas ne le mènent là où il avait été l'origine de sa fuite. Quinze ans plus tard.
La légère pression que je ressentais alors sur mes épaules me fit battre des paupières, les images de sa vie s'évanouirent alors devant moi. La fin de son récit était comme lorsque je terminais un roman et que j'en tournais la dernière page. Je ressentais ce soulagement d'être arrivé à la fin, mais ce goût amer en bouche qui m'annonçait que j'allais être en manque de quelque chose. Ce fut d'autant plus marqué alors qu'il me libéra et que le contact entre nous ne résidait plus que sur nos genoux. Moi, obstinée, impérieuse, je ne lâchais cependant pas cette main à laquelle je m'étais agrippée, et je relevais des yeux audacieux pour les plonger dans les siens. Derniers fragments auxquels je pouvais me raccrocher avant qu'il n'y ait à nouveau une disparition avec une promesse d'un retour incertain. Observant les prunelles de mon ami d'enfance comme si c'était la première fois que je les voyais, je gardais un instant de plus le silence avant de rétorquer d'une voix assurée.
- Merci.
Simple, efficace. Que pouvais-je dire d'autre, encore une fois ? Je savais qu'Evan ne cherchait pas le réconfort, car j'arrivais bien après la guerre. Il avait davantage besoin de mon consentement, du soulagement que je lui pardonnais de m'avoir épargné de ces histoires durant toutes ses années. Ravalant un reproche, car c'était dans ma nature taquine avec lui de le faire, je plissais les yeux en secouant lentement le visage. Ce fut finalement un sourire ironique qui vint se peindre sur mes lèvres.
- Mes années furent bien moins tumultueuses… études. Travail. Je t'ai tout dis dans mes lettres. Mon emploi à Londres, puis, récemment, la possibilité d'un meilleur poste à Sainte-Marie, que je reprends depuis peu à présent.
Bien pâle. Bien vide. Bien sinistre mon existence sans l'éclat qu'apportait Evan. Résumé en ces quelques mots, je n'avais pas vécu. Rien d'extraordinaire pour être assez signifiant tout du moins. J'avais survécu, et non pas vécu. Tout en pause, comme un vieux film en noir et blanc qui avait été mis en pause, puis oublié. Pour prendre la poussière.
Mais à nouveau mes lèvres s'étirèrent, malicieuses et prête à mordre.
- Cela dit, je ne voudrais pas te retenir et te faire arriver en retard à ton prochain cours. Monsieur le professeur épanoui, modèle et exemplaire.
Le sorcier écossais m'avait toujours éblouie, et je baignais dans son éclat comme une ondine dans son bassin. Mais voilà que l'éclipse solaire s'en était venue, et alors je savais pour la première fois de ma vie ce que c'était que d'avoir froid. Si froid.
À présent que le voile était dissipé et qu'à nouveau j'avais accès à mon astre solaire, que j'y étais si proche, qu'il m'enveloppait dans ses bras et que je caressais distraitement ses doigts, j'étais aveuglée. Je craignais une nouvelle chute, et c'était pour mieux me rattraper que je restais attentive à ce qui nous entourait, que je ne me détendais pas comme je l'aurai souhaité.
Cela ne m'empêcha toutefois pas de prêter une oreille attentive à tout son récit. Car c'était ce que je lui avais demandé. Parce que j'étais son amie. Parce que c'était mon devoir. Dansaient alors devant moi les images que ses paroles généraient. Tantôt la tristesse dans une troupe, puis la sensation de liberté et d'indépendance en Amérique. Cette recherche pour atteindre un but invisible, cette course qu'il ne pouvait arrêter, car rien ne suffisait à combler ce vide qu'il y avait en lui.
Oui, cela aussi je le voyais, et je le comprenais sans doute mieux qu'il n'aurait pu l'imaginer, car en réalité, j'avais vécu la même chose. Miroir de ce qu'il était, de ce que nous étions, nous ne pouvions faire autrement que de nous imiter, même à distance. Cette ironie me fit sourire alors qu'il faisait écho à la définition du sorcier quant aux artistes.
Il avait perdu sa femme et meurtri par une telle perte, il était parti en quête de quelque chose. De lui peut-être.
Je l'avais perdu lui, et, meurtrie par une telle perte, j'étais partie en quête de quelque chose. De moi peut-être.
Plongée dans mon métier, les jours, les semaines se ressemblaient et se rassemblaient. J'avais vécu un jour sans fin, éternelle boucle qui recommençait une fois la nuit tombée. Les seuls instants où j'avais pu échapper au système, sortir de l'engrenage du temps, c'était avec Selim. Mais, encore une fois, mes lèvres restèrent scellées quant à ce sujet. Pas maintenant. Pas ici. Pas aujourd'hui.
Puis il fut essoufflé, et sa course semblait se terminer à Vienne. Berceau de mon sang et de mes origines, tout le moins, ce pays que je chérissais malgré le nom des Eberhart que je maudissais presque. Là-bas, je voyais et comprenais qu'il lui avait été possible de rassembler ses esprits, de prendre du temps pour lui, de se retrouver… avant que ses pas ne le mènent là où il avait été l'origine de sa fuite. Quinze ans plus tard.
La légère pression que je ressentais alors sur mes épaules me fit battre des paupières, les images de sa vie s'évanouirent alors devant moi. La fin de son récit était comme lorsque je terminais un roman et que j'en tournais la dernière page. Je ressentais ce soulagement d'être arrivé à la fin, mais ce goût amer en bouche qui m'annonçait que j'allais être en manque de quelque chose. Ce fut d'autant plus marqué alors qu'il me libéra et que le contact entre nous ne résidait plus que sur nos genoux. Moi, obstinée, impérieuse, je ne lâchais cependant pas cette main à laquelle je m'étais agrippée, et je relevais des yeux audacieux pour les plonger dans les siens. Derniers fragments auxquels je pouvais me raccrocher avant qu'il n'y ait à nouveau une disparition avec une promesse d'un retour incertain. Observant les prunelles de mon ami d'enfance comme si c'était la première fois que je les voyais, je gardais un instant de plus le silence avant de rétorquer d'une voix assurée.
- Merci.
Simple, efficace. Que pouvais-je dire d'autre, encore une fois ? Je savais qu'Evan ne cherchait pas le réconfort, car j'arrivais bien après la guerre. Il avait davantage besoin de mon consentement, du soulagement que je lui pardonnais de m'avoir épargné de ces histoires durant toutes ses années. Ravalant un reproche, car c'était dans ma nature taquine avec lui de le faire, je plissais les yeux en secouant lentement le visage. Ce fut finalement un sourire ironique qui vint se peindre sur mes lèvres.
- Mes années furent bien moins tumultueuses… études. Travail. Je t'ai tout dis dans mes lettres. Mon emploi à Londres, puis, récemment, la possibilité d'un meilleur poste à Sainte-Marie, que je reprends depuis peu à présent.
Bien pâle. Bien vide. Bien sinistre mon existence sans l'éclat qu'apportait Evan. Résumé en ces quelques mots, je n'avais pas vécu. Rien d'extraordinaire pour être assez signifiant tout du moins. J'avais survécu, et non pas vécu. Tout en pause, comme un vieux film en noir et blanc qui avait été mis en pause, puis oublié. Pour prendre la poussière.
Mais à nouveau mes lèvres s'étirèrent, malicieuses et prête à mordre.
- Cela dit, je ne voudrais pas te retenir et te faire arriver en retard à ton prochain cours. Monsieur le professeur épanoui, modèle et exemplaire.
- InvitéInvité
Re: Do you recognize me ? [Evan]
Jeu 28 Fév 2019 - 13:54
« she's so hard to please, but she's a forest fire »
On aurait pu croire que ses confessions étaient un cadeau, un don, un gage de confiance renouvelée en l'avenir plutôt qu'un dû sacrifié à l'autel du passé et des années passées l'un sans l'autre. Evan les voyait ainsi, un gage, une promesse. Lentement, il tissait sa toile avec ce fil nouveau de souffrance qui se joignait à l'argent habituel de ses paroles, l'or de sa personnalité solaire. Un fil ocre, joint à celui d'un espoir confiant envers l'avenir. Si le passé n'était pas garant du futur, il condamnait les deux sorciers à admettre qu'ils ne pourraient pas retrouver leur complicité de jeunesse, mais aussi que la trahison de l'âge adulte n'était pas garante de leur relation future. Fonder un nouvel édifice sans oublier leurs fondations, leur histoire, c'était ce qu'ils feraient. Palais glorieux de marbre, de facéties et de rires vif argent. Univers à eux. « Merci ». Hochant la tête, Evan acceptait le remerciement. Séparés, mais ensemble, ils l'avaient été, le sorcier l'avait jadis cru. Ensemble mais séparés, fracturés, ils l'étaient à présent, mais, éternel optimiste, le professeur de musique se jurait de colmater les brèches, avec des filons d'or, poussière d'étoiles et de féérie.
Sourire ironique sur les lèvres de la belle et pas tendre, retrouvant un écho sur celles du professeur. « Mes années furent bien moins tumultueuses… études. Travail. Je t'ai tout dis dans mes lettres. Mon emploi à Londres, puis, récemment, la possibilité d'un meilleur poste à Sainte-Marie, que je reprends depuis peu à présent ». Tout dit, c'était vrai, mais l'Écossais réalisait à présent qu'il aurait voulu la voir en temps réel, cette ascension de la sorcière qui, même enfant, semblait toiser l'ensemble de l'humanité du haut de son trône d'airain. « Rien ne te résistera », dit-il avec simplicité, ne doutant pas que d'ici peu, Ariadne mettrait son service, voire l'hôpital en entier, à sa main. La médicomage lui rappelait déjà l'heure, comme elle l'avait si souvent fait entre ces mêmes murs. « Cela dit, je ne voudrais pas te retenir et te faire arriver en retard à ton prochain cours. Monsieur le professeur épanoui, modèle et exemplaire ». Ledit professeur épanoui éclata de rire en entendant l'expression et, se levant, exécuta une gracieuse courbette vers Ariadne en assumant le titre, goguenard. « C'est toi que je devrais embaucher comme assistante », ricana-t-il, tendant la main à Ariadne pour qu'elle descende de leur perchoir, davantage par affection que par besoin - une petite marche, c'était tout ce que la sorcière avait besoin de descendre. « As-tu déjà entendu parler de l'art japonais du kintsukiroi? », demanda-t-il, avançant avec elle vers sa salle de classe. « Il s'agit de l'art de réparer des objets brisés avec de l'or ou de l'argent. » Son regard trahissait son sérieux, mais aussi son optimisme. « Sans renier l'histoire des cassures, l'artiste fabrique un nouvel objet, créant beauté et cohésion là où il n'y avait que fractures ». Un serment, une promesse. Un sourire, et le professeur disparut dans sa salle de classe.
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