Depuis qu'il avait repris les affaires de son grand-père, le carnet d'adresse de Levius n'avait cessé de s'épaissir. Il fallait dire que le jeune botaniste travaillait dur pour conserver la clientèle historique de la marque Bird (et l'on savait qu'avec son tempérament, ce n'était pas facile). Mais là où feu Charles Bird restreignait les ventes aux professionnels du secteur et des passionnés, l'esprit créatif de son petit fils ouvrait le champ à une foule de profils différents.
En potionniste accompli, Levius imaginait fort bien les usages alternatifs que l'on pouvait tirer des plantes. Additionné à une vraie âme d'artiste, la créativité devenait infinie. Depuis son retour du grand tour des conventions spécialisées, il avait donc eu à cœur de proposer ses plantes à une foules d'amateurs et de professionnels de branches très variées. De la pâtisserie magique aux balais volants en passant par la peinture, Levius s'ouvrait à de nouveaux univers et cela le stimulait beaucoup.

A ce titre, c'est ainsi qu'il fit la connaissance d'Azazel, étudiant à l'université passionné de photographie. L'application Wizardgram avait permis de les mettre en contact : biais plus moderne que le hibou et dans lequel Levius avait vu un bon moyen de faire de la publicité à son enseigne (pour un public plus jeune et connecté).
Quelques messages échangés plus tard, le botaniste s'était fait une bonne représentation des besoins et des idées du jeune homme : il était curieux de savoir si l'on pouvait créer des effets intéressants grâce aux plantes. Là dessus, Levius avait répondu qu'il connaissait des dizaines de variétés et de combinaisons utiles. Après quoi, le duo avait convenu d'un rendez-vous pour tester un peu tout ça.

Levius n'était pas vraiment nerveux à l'idée de ce rendez-vous. Enfin... Il l'était toujours un peu : c'était son caractère. Mais comme il s'était habitué à parler régulièrement avec des inconnus, cela l'impressionnait tout de même moins qu'encore un an en arrière. Il s'était simplement rendu compte que la plupart des gens réagissaient bien à son tempérament timide. Levius était un garçon honnête et qui avait à cœur de faire correctement son travail, donc à moins de tomber sur un individu particulièrement sévère, il n'avait jamais de problème dans ses relations.
Ainsi donc, Levius avait soigneusement préparé sa mallette d'échantillon pour le déplacement, y ajoutant même quelques potions de son cru. Concernant le lieu, ils avaient convenu d'un endroit dégagé où rien ne risquait d'arriver : la carrière semblait parfaitement à propos pour ça. Rien qui ne risque de prendre feu, peu de vis à vis et probablement pas âme qui vive pour attester des petites expériences à venir : on ne pouvait rêver mieux.

Il devait être aux environs de dix-sept heures. Le ciel était bien dégagé, mais la pluie de la veille avait suffit à rafraîchir un peu l'atmosphère. Comme il s'agissait d'un jour bleu, Levius était naturellement vêtu exclusivement de cette couleur. A ce titre, il avait compris qu'Azazel était un semi vampire, ce qui était un peu intriguant pour le sorcier, mais fort à propos avec la couleur de son prénom ceci étant (très rouge et noir). Levius n'avait jamais rencontré de semi vampire en personne. A l'époque, il savait Abigail assez proche de l'un d'eux. Des rumeurs qui font leur chemin, des informations grappillées ça et là... Toujours est-il que lui-même n'en avait jamais vu en vrai. Sans doute serait-ce une autre source de curiosité, mais, se connaissant, Levius savait qu'il serait certainement trop timide pour oser demander quoi que ce soit.
Enfin, il verrait bien, après tout. Jetant un œil à la petite montre qu'il avait dans la poche de son veston, Levius transplana à la porte de l'Université, pour arriver légèrement en avance (comme toujours) à la carrière. Après quoi, il s'assit simplement en tailleur sur le sol nu et entreprit d'ouvrir sa mallette, dont un habile mécanisme permettait de déployer plusieurs compartiments. Assurément, il y avait largement de quoi s'amuser avec tout ce qu'il y avait là. La suite des événements risquait d'être amusante.

Levius tourna la tête en direction d'Azazel, lorsque celui-ci posa la main sur son épaule. Comme à son habitude, la jeune homme n'adressa à cette nouvelle rencontre qu'un furtif regard en coin, tandis qu'il se relevait afin de le saluer proprement. Cependant, cela suffit à lui faire grande impression. Ainsi, et ce pendant quelques secondes, Levius fut comme subjugué par la présence de ce garçon qui se trouvait en face de lui. C'était plus fort que lui : un genre de fascination magnétique. Azazel dégageait quelque chose qu'il n'avait jamais perçu chez qui que ce soit d'autre auparavant : il le trouvait incroyablement charismatique, comme entouré d'une aura mystérieuse et qui l'attirait beaucoup. C'était totalement irrationnel.
Toutefois, Levius finit par se rappeler de ce qu'il avait lu au sujet des dhampires et compris assez vite qu'il se trouvait sous l'emprise du charme magique de son camarade du jour. Cela ne suffit pas à diminuer l'effet, mais il le relativisa grandement. Levius était un jeune homme très sensible et il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'une telle forme de magie agisse sur lui. Quand bien même éviterait-il soigneusement le regard d'Azazel, une force étrange lui soufflait d'y plonger les yeux. Cela le mettait très mal à l'aise, car étant peu habitué à éprouver ce genre d'attraction purement physique. Il ne savait pas très bien comment réagir.
Ainsi, et comme souvent dans ce genre de cas, il échoua simplement à feinter l'ordinaire et se mit à bégayer.

« Euh... Je... Bonjour.

Parvint-il à dire néanmoins. A présent, son état apparaissait de manière évidente devant son camarade. Il ne pouvait plus se cacher ni faire semblant. Levius se recroquevilla donc un peu dans ses épaules, sentant ses joues chauffer (signe qu'il rougissait) et demeura muet pendant quelques secondes supplémentaires. Son esprit s'affairait à trouver une porte de sortie à cette situation plus qu'embarrassante. Hélas, dans ce genre de moment, il ne parvenait pas à former la moindre pensée cohérente. Seule sa timidité et la gêne fleurissaient dans ses entrailles en y accentuant l'angoisse.

« Euh... Oui. J'ai ramené...

Tenta-t-il encore, après quelques secondes. Levius se tourna alors en direction de sa mallette d'ingrédient et y jeta son regard, comme pour s'y réfugier. La vue des plantes et des potions œuvrait comme une image rassurante et qui le coupait de l'aura magnétique du dhampire. Enfin, il pu remettre un peu d'ordre dans le tumulte qui le déstabilisait depuis une bonne minute et trouver quelque chose de pertinent à dire.

« Pardon, je... C'est la première fois que je rencontre un dhampire.

Levius avait brièvement hésité à faire comme si de rien n'était, mais il s'était vite ravisé. L'expérience lui avait montré que, dans bien des cas, il vaut toujours mieux dire clairement les choses. Après tout, Azazel devait avoir l'habitude de se trouver dans ce genre de situation avec des inconnus. Levius ne voulait pas se ridiculiser davantage en faisant semblant de n'être pas sensible à son charme magique. Par ailleurs, formuler la chose l'aidait un peu à passer outre et diminuer la gêne. Il reprenait contenance petit à petit.

« J'ai plein de choses à te montrer. Dit-il, le regard toujours rivé sur les flacons de verre. De quoi faire de la fumée, des colorants, des explosifs, des ombres factices, des illusions en bouteille... Par quoi veux-tu commencer ?

Il rectifia nerveusement la position de ses lunettes sur son nez et déglutit péniblement, comme il s'enhardissait à jeter à Azazel un nouveau regard en coin.

Levius était encore trop impressionné par la situation pour oser répondre à la plaisanterie d'Azazel. Il faut dire qu'il n'avait jamais été le genre à blaguer sur ce type de sujet, n'étant pas séducteur pour un sous. Tout ceci appartenait à un monde beaucoup trop éloigné de lui pour que le jeune homme ose s'y hasarder. Ainsi, il se contenta de détourner légèrement la tête avec un petit sourire timide en coin, comme il le faisait lorsque l'embarras le prenait de court.
Toutefois, il devait bien admettre se sentira rassuré par l'affirmation de son camarade selon laquelle il allait bientôt s'habituer aux effets du charme vampirique. Le contraire l'aurait vraiment inquiété. Pas sûr qu'il se sente les épaules de gérer une chose aussi nouvelle et aussi déstabilisante sur la durée. Levius eut donc un petit mouvement d'acquiescement assorti d'un soupir silencieux (marque de soulagement), comme il se détendait.

De toute façon, les préoccupations du duo embrayèrent bien vite sur le cœur du sujet : les potions, les plantes et la photographie. A ce titre, Levius était véritablement impatient de faire découvrir ses concoctions à un autre artiste. Ils allaient pouvoir partager leur point de vue et probablement une foule d'astuces utiles. Cela promettait d'être enrichissant.

« Oui... Fit Levius d'une voix un brin hésitante. Oui, c'est tout à fait l'idée.

Il replaça les lunettes sur son nez et entreprit d'expliquer.

« On disperse un peu de la potion sur la zone que l'on veut mettre dans l'ombre et... Hé bien, après l'ombre s'étire au sol comme s'il s'agissait d'un éclairage naturel... Mais, il est toujours possible de trafiquer le rendu en fonction du dosage et... Euh, quelques petites astuces.

Curieux de découvrir le type de rendu qu'une telle potion pouvait donner, Azazel installa son appareil photo. Suivant ses instructions, Levius acquiesça et s'en alla fouiller dans sa mallette.

« Pour un rendu assez spectaculaire, j'ai quelque chose qui devrait te plaire...

Fit-il, perdu dans ses flacons. Après quelques secondes, il parvint néanmoins à mettre la main sur un petit sachet de toile.

« Ce sont des paillettes. Quand on les jette, ça a tendance à réfléchir la lumière... Mais avec ça...

Assortissant les paroles aux gestes, il versa quelques gouttes de potion dans le sachet, le secoua un peu de bas et haut et vint se placer à côté de l'appareil. Après quoi, il en dispersa tout le contenu d'un geste ample. Les paillettes jaillirent du sachet en nuage. L'effet était véritablement surprenant : au lieu de la nuée d'étincelles attendue, ce fut comme un enchevêtrement de faisceau d'ombres évoquant un nuage d'épine qui s'en alla danser sur toutes les choses alentour. Kaléidoscope aberrant d'obscurité. C'était d'une étrange beauté lugubre.

« Je t'avoue être curieux de voir comment ça rend en photo.

Avoua Levius, tandis que les paillettes retombaient et qu'il venait auprès d'Azazel pour constater le résultat. Comme il ne faisait pas de photo, il n'en avait jamais tellement eu l'occasion. Il allait sans dire que cette perspective le rendait assez impatient.

Levius se laissait contaminer par l'enthousiasme de son comparse sans lutter. Tout introverti qu'il était, son caractère se dévoilait volontiers dès lors qu'il s'agissait d'expression artistique. Car le jeune homme était de ces êtres malhabiles en relation mais extraordinairement créatives par ailleurs. Ainsi, ce qu'il perdait au contact de ses pairs, il le gagnait en idées et en visions. Balance relativement banale dans ce type de milieu : il est fréquent de trouver de la bizarrerie chez les artistes. Levius ne faisait pas exception à ce constat (qui n'était pas vraiment une règle).
Cependant, de partager le même feu qu'Azazel leur permettait de se rencontrer. Alors, Levius lui faisait montre de ses astuces et ils s'en émerveillaient ensemble. Le jeune homme ne s'était jamais intéressé à la photographie avant. Toutefois, comme il mirait enfin le résultat de ses expérimentations hasardeuses sur un médium adapté, cela lui fit l'effet d'une douceur. Il était enchanté et quelque peu impressionné par ce qu'il voyait. Les nuages d'ombres avaient quelque chose d’envoûtant à eux seuls, mais une fois figé dans une photographie, c'était encore autre chose.

« C'est vrai que ça rend bien. Je pense qu'il y a moyen de faire des choses pas mal avec ça... Dit-il pudiquement (même si son sourire trahissait la véritable intensité de ses émotions). C'est juste une possibilité en vérité, tu peux faire encore plein de trucs avec... Il ne faut pas hésiter à tester différents matériaux. D'ailleurs la potion peut s'appliquer sur la peau aussi. Si tu veux jouer avec le clair obscur et des éclairages contradictoires, ça fonctionne sans problème.

Levius se redressa afin de rectifier la position de ses lunettes sur son nez. Il s'en retourna ensuite à la mallette de potions afin de regarder ce qu'il avait à proposer.

« A la base j'avais conçu ces potions pour un oncle qui fait du théâtre... Pour de la mise en scène. Alors... J'ai un peu tout ce qu'on peut imaginer.

Levius jeta un bref et farouche regard à Azazel, auprès duquel il se sentait toujours un peu impressionné (quand bien même s'appliquerait-il à rester rationnel). Il y avait des restes cette mystérieuse attraction que la distraction atténuait (fort heureusement), mais dont il sentait toujours la main lui tenir l'épaule, comme pour le distraire. Cependant, Levius se connaissait assez pour n'en faire pas grand cas. Il avait cette chance, réservée aux grands émotifs, qui est de se connaître assez pour rester aux commandes de sa volonté quoi qu'il advienne. La chose n'en demeurait pas moins déroutante et il faisait donc de son mieux pour rester concentré sur le sujet qui les intéressaient tous les deux.

« Des explosifs de différentes couleurs... Des fumigènes... Une potion de flou ici... Et là son contraire, une potion de netteté (c'est un peu comme une demi bonnette version sorcier). Sinon... J'ai une potion de ralentissement, une potion d'étincelle, un arc-en-ciel en bouteille, un élixir de brume...

Fit-il en esquissant un petit sourire, tout en alignant devant eux les potions citées.

« Tout dépend de ce que tu veux faire, en fait. Conclu-t-il en haussant les épaules. Sur quoi tu aimes travailler ?

Tous les photographes avaient plus ou moins leur spécialité. Entre le paysage, le portrait ou la photographie macro, il y avait un monde. Ce n'était pas du tout le même genre de matériel, de démarche... Un peu comme en peinture, finalement. Il existait une infinité d'écoles et de techniques.

« Tiens, essaye en une.

Dit-il ensuite d'un air presque joueur. Levius adorait concevoir des potions et le plus souvent, il le faisait pour son propre usage. Toutefois, lorsqu'il s'agissait d'une commande, il était souvent préférable de laisser la personne tester elle même les limites de ses créations. Après coup, il devenait beaucoup plus facile d'en affiner les effets.

En réaction à l'enthousiasme d'Azazel, Levius eut un petit sourire en coin. Outre le sentiment profond et précieux du travail bien fait, il ressentait une certaine fierté et cela lui faisait forte impression. Dans le milieu de la botanique, l'on avait plutôt affaire à des sorciers d'une certain âge avec (souvent) des allures de vieux fous (le genre à se promener avec des plantes qui dépassent des poches). L'émerveillement ne s'exprimait pas tellement de la même manière, dans ces cercles là : il y avait cette forme de retenue typiquement anglaise. Ainsi, de pouvoir apprécier toutes les possibilités des potions dans une perspective artistique et avec un jeune homme de la même génération, c'était quelque chose de satisfaisant pour Levius. Satisfaisant et nouveau.

« Non, n'hésite pas surtout.

Répondit-il donc, lorsque le semi vampire lui proposa de partager ses clichés. Après quoi, Levius laissa à son comparse le temps de regarder un peu tout ce qu'il avait apporté. Il imaginait assez aisément que cela ouvrait sur un monde de possibilités difficiles à appréhender d'un seul coup... Mais ils étaient là pour faire des expériences et avaient tout leur temps devant eux. Alors, il n'y avait plus qu'à se lancer. Cependant, comme Azazel évoquait la photographie de sortilège, Levius releva brièvement les yeux dans sa direction d'un air intrigué.

« Tu as besoin d'un traitement spécial pour photographier la magie ou bien cela se fait tout seul ? Il n'avait jamais entendu parler d'une idée comme celle-ci, pourtant cela lui semblait complètement évident après coup. J'imagine qu'entre la photographie en slow motion et le portrait tu utilises des appareils différents.

Dit-il encore, l'affirmation en forme de question implicite. Du peu que connaissait Levius, on avait là deux domaines assez différents de la photographie. Il imaginait assez aisément que cela requiert des objectifs particuliers et même des sets spécialisés.

« J'ai déjà vu mon oncle utiliser les ombres et les flous en guise de vêtement sur des acteurs... c'est peut-être pas mal. Je pense que c'est clairement valable pour la photographie artistique de sujets. Tu fais plutôt du noir et blanc ou bien de la couleur pour tes portraits ?

A ce stade de la conversation, l'on entrait davantage dans l'aspect technique de la chose. Une fois de plus, les attentes d'un photographe en matière de lumière ou d’étalonnage changeait selon que l'on parlait de couleur ou de noir et blanc. Mécaniquement, Levius n'allait pas lui proposer les mêmes potions. A ce titre, Azazel venait de porter son intérêt sur une potion d'étincelle.

« Bien sûr. Il suffit d'ajouter une goutte de ces colorants.

Il désigna une série de minuscules fioles rangées selon les couleurs de l'arc-en-ciel. Cependant, pour ce qui était de l'idée de combiner cette potion d'étincelle avec la potion d'ombre, les connaissances de Levius s'amenuisaient.

« Je n'ai jamais tenté. Admit-il. Puis, il haussa simplement les épaules et ajouta, comme une évidence. Essayons.

Levius indiqua d'un signe de tête à Azazel qu'il allait s'éloigner un peu : quand on parlait d'expériences sur les potions, il valait mieux prendre ses précautions.

« Ok, bon... Je t'avoue que l'effet des deux étant assez opposé, je redoute un peu la réaction. Il plaça les fioles côte à côte sur un gros caillou, puis, rejoignit le semi vampire. Prêt ?

Demanda-t-il à son comparse. Le moment de vérité approchait. Levius attendit qu'Azazel lui fasse signe pour lever sa baguette magique et verser le contenu de la première fiole dans la seconde, à l'aide d'un simple sortilège de Leviosa. Pendant un instant, rien ne se produisit.
Puis, une détonation comparable à un coup de fusil retentit en écho dans toute la carrière. Une gerbe d'étincelles noires comme l’abîme se mit à jaillir de la fiole, dans un chaos de son et d'effet indescriptible. L'on se serait attendu à voir surgir le grand ancien Cthulhu de ce marasme, tant les ombres généraient d'effet contradictoire avec les étincelles. Puis, la mixture commença à se stabiliser peu à peu et l'explosion anarchique laissa place à une fumée épaisse et malodorante. Levius était proprement sidéré par ce qu'il venait de voir mais, étrangement, cela lui tira un rire. Il n'avait jamais rien vu de tel. Pourtant, cela valait clairement le détour.

Le membre 'Azazel Alighieri' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

---

'Dé de magie' : 3

Levius ne connaissait pas bien la technologie moldue. Sa famille appartenait au monde magique depuis des générations. A l'origine, le nom de Bird était même associé aux sang-purs, le mélange avec des non-mages revenant à une anomalie statistique (en quelque sorte). Ainsi, il fut élevé dans la plus pure tradition sorcière et, en dehors de la littérature et des arts en général, le jeune botaniste brillait par sa méconnaissance.
Cela dit, il avait le caractère assez ouvert pour s'y intéresser malgré tout. Levius n'était pas de ces sorciers qui rejettent tout ce qui vient du monde moldu par habitude. Non, il était curieux. A ce titre, Levius se trouvait même souvent surpris par l'ingéniosité de ces derniers. Ne pas pouvoir utiliser la magie forçait la créativité et il l'avait constaté quelques fois, lorsque l'occasion de faire un pas dans leur monde se présentait.
Ainsi, il prêtait une attention soutenue à tout ce que lui disait son comparse. La modification des appareils avec des sortilèges l'intéressait d'ailleurs tout particulièrement. Il aimait se dire que les deux mondes n'étaient pas si différents, en fin de compte et qu'avec suffisamment de travail et de recherche, l'on pouvait aboutir à un nouvel outil plus efficace que ce qu'auraient pu produire des moldus ou des sorciers seuls. Sans doute la meilleure façon d'envisager le monde, pensait-il.

« Non, jamais. Admis Levius lorsqu'Azazel lui demanda s'il avait déjà observé des potions sous différentes lumières. Mais c'est une très bonne idée. J'aimerais beaucoup voir ce que ça donne... Tu crois que si l'on a une potion et un liquide ordinaire du même aspect, ce type de lumière pourrait permettre de les distinguer ?

L'esprit scientifique du jeune botaniste s'agitait en même temps que son sens artistique. Il avait probablement la tête aussi pleine d'idée que son comparse en ce moment. L'un apportant sa spécialité à l'autre, ces deux esprits créatifs entraient en ébullition et se répondaient à mesure qu'avançait la conversation.  

« Un symbole de mort ? Répondit Levius dans un souffle, après le dhampire, le regard intensément brillant. Mais le noir et blanc c'est la lumière. Il esquissa un petit sourire un brin rêveur. Serais-tu plus adepte de Monet que de Rembrandt ?

Il y avait dans cette réplique une ton de taquinerie bienveillante. La sensibilité du jeune homme s'éveillait dès qu'il s'agissait de philosopher autour des techniques artistiques.

« Alors c'est la vérité que tu recherches ?

Demanda-t-il encore, s'enhardissant à jeter au jeune homme un regard furtif, comme celui-ci justifiait sa préférence pour la couleur. Cette fameuse « essence des choses » qu'il venait d'évoquer plutôt que les impressions (peut-être ?). Levius était curieux d'en savoir plus sur la vision qu'il avait, sa démarche.

« Quoiqu'il en soit, les ombres factices et les flous, ce seront des mensonges intéressants à glisser dans tes compositions.

Conclusion en forme d'ouverture sur l'ensemble de sa démarche artistique. Levius la proposait avec cette malice qu'il avait parfois, lorsqu'un sujet l'accaparait assez pour lui faire oublier sa propre timidité. Il dirigeait alors tout son esprit vers ces concepts supérieurs et tout son être s'en émerveillait, candide.

Mais enfin, l'heure des expériences infructueuses fit éclater le rire entre les deux jeunes hommes. Levius ne s'attendait pas à ce que le mélange des deux potions donne un résultat à ce point explosif. Quand le sort maladroit d'Azazel parvint finalement à dissiper la fumée, le jeune botaniste reprit son souffle et alla chercher les fioles.

« Pas si décevant que ça, finalement. Dit-il en montrant les deux fioles noircies. Tu sais quoi ? Il faudrait en faire une série. Tu n'as jamais exposé tes photos Azazel ?

Levius appuya un peu plus longuement son regard sur la silhouette d'Azazel, tandis que ce dernier lui faisait part de ses préférences créatives. Le petit sourire qu'il avait témoignait de son attrait pour la conversation. Le jeune homme aimait d'autant plus discuter de ce genre de choses qu'il n'existait pas de bonne réponse : tout n'était qu'affaire de sensibilité et on savait que pour Levius, c'était le monde. D'en apprendre plus sur le ressenti du semi vampire était probablement le meilleur moyen de le connaître (au fond, c'était surtout cela qui intéressait le jeune homme). Levius savait combien les choix artistiques sont un reflet de la personnalité. Lui-même se découvrait régulièrement au gré de ses errances créatives. Il connaissait bien le pouvoir de l'inconscient sur la main.

« Nous avons tous nos muses préférées.

Répondit Levius avec un brin de malice, au moment où Azazel concluait sur son goût pour les modèles masculins. A ce stade, les préférences du semi vampire n'avaient pas échappé au jeune botaniste. Il trouvait cela assez remarquable, en un sens, car, lui, n'aurait probablement jamais osé. Levius n'était pas très à l'aise avec les autres de manière générale, alors s'enhardir à l'érotisme c'était trop bouleversant pour lui. Par contraste, il comprenait un peu mieux quel genre d'homme était Azazel, cela dit.

« C'est ta vérité à toi, j'imagine. Fit Levius, suivant le fil de la conversation d'un air toujours un brin songeur. Tu sembles quelqu'un d'assez spontané et instinctif. Je suppose que tu vas vers ce qui te paraît beau... Et ce qui t'attire aussi, de fait.

Le botaniste pivota légèrement en direction du jeune homme, afin de le considérer un peu mieux. Il s'enhardit même à aviser les traits de son visage pendant un bref instant. Exercice complexe, s'il en est, pour cette nature farouche. Cependant, il remarqua que l'effet du charme s'était effectivement estompé et qu'il n'était plus autant mal à l'aise que tout à l'heure, lorsqu'il le regardait.

« Je ne voudrais pas paraître déplacé ou autre, mais... Dit-il alors, un peu hésitant. De quelle manière penses-tu que ta... Particularité ? Influence ton expression artistique ? Excuse moi si ce n'est pas le terme approprié. Je n'avais jamais rencontré quelqu'un comme toi avant, je suis peut-être maladroit. Mais... Si je ne m'abuse, vous avez des sens un peu différents des sorciers ordinaires. Ce doit être une porte incroyable sur le monde.

Levius était d'autant plus curieux qu'il avait lui-même une spécificité sensorielle peu commune et que l'on désignait sous le terme général de « synesthésie ». Il associait des couleurs aux lettres et aux chiffres. Parfois, ces couleurs s'invitaient même sur les individus ou des traits de personnalité. Une caractéristique dont on imagine mal l'impact concret sur le quotidien, mais qui avait pourtant façonné l'existence de Levius à un niveau remarquable. Le jeune homme avait développé toute une série d'obsessions et d'habitudes en lien avec cette perception atypique du monde. Certaines associations de couleurs lui étaient interdites et il entretenait même des relations différentes avec chacune d'entre elles.
Il allait donc sans dire qu'avoir affaire à quelqu'un dont les sens étaient d'une finesse largement supérieure à celle d'un humain lambda avait de quoi fasciner Levius. Il imaginait que certains choix devaient être le produit de cette sensibilité atypique (que ce soit consciemment ou non). Dans tous les cas, Levius était avide d'en savoir plus. L'espérance de celui qui évolue hors de la norme, c'est de trouver un pair avec qui échanger.

Cela dit, il se pourrait bien que quelque chose naisse effectivement de cette complicité. Azazel semblait intéressé par l'idée de faire une série basée sur leurs expériences (plus ou moins heureuses) avec les potions. Il n'en fallu pas plus à Levius pour se remettre à cogiter.

« Je suis persuadé qu'on peut arriver à faire quelque chose de très bien.

Répondit Levius d'un ton sérieux mêlé d'enthousiasme, comme il considérait sincèrement l'idée. De son côté, Azazel était déjà parti dans la planification. Le jeune homme sorti donc de ses pensées pour renchérir.

« Si tu penses que ça suffira, alors c'est parfait. J'ai déjà utilisé des sortilèges d'architecture, donc ça ne devrait pas poser de problème. Autrement, j'ai beaucoup de place à la ferme. Il avait l'air aussi transporté par l'idée que son comparse. Il faut juste qu'on affine un peu le concept, qu'on voit quelles potions utiliser et comment, pour pouvoir faire la liste du matériel et...

Le jeune homme releva doucement les yeux en direction d'Azazel et, après avoir rectifié la position de ses lunettes sur son nez, haussa légèrement les épaules pour conclure, un petit sourire en coin.

« Et il n'y aura plus qu'à.

Levius avait eu un sourire tendre lorsque le semi vampire reconnu fonctionner à l'instinct plus qu'à force d'analyses. Cela semblait très bien coller avec son caractère : nul besoin d'être un grand psychomage pour s'en rendre compte.
Cela dit, le jeune botaniste était toujours assez curieux de ces personnalités tellement différentes de la sienne. En un sens, il les enviait même. De pouvoir se lancer dans une chose à corps perdu, c'était quelque chose qu'il faisait aussi, mais rarement sans angoisses. Levius était de l'espèce des prudents et même s'il s'enhardissait souvent à braver l'inconnu, c'était toujours en songeant bien à tout et en prenant la mesure des risques (encore qu'il existait des exceptions remarquables). Aussi admirait-il un peu ces personnalités éclatantes qui vivent dans l'instant plutôt que dans la contemplation.

A ce titre, Azazel semblait intéresser le jeune homme par bien des aspects. Levius était heureux de constater que sa question n’embarrassait pas le semi vampire et qu'il était prêt à lui répondre. A ce sujet, il acquiesça en songeant déjà à ce qu'il avait envie de dire, mais la question sur le rêve l'en détourna.

« Le rêve ? Fit-il en rassemblant ses idées. C'est difficile. Tu sais, on n'est même pas certain de bien comprendre à quoi ça sert...
Mais s'il fallait expliquer les choses simplement, je dirais que c'est une manifestation de l'inconscient. C'est un peu comme un mélange d'images et de souvenir qui déroulent comme une histoire. Parfois c'est très réaliste, parfois c'est totalement délirant.
Il est assez courant d'en parler en psychanalyse, car les rêves contiennent souvent des clés pour comprendre ce qui se trame au fond des individus. C'est beaucoup de symboles.

Levius eut un court moment d'arrêt, puis il émit une idée.

« Écoute, le plus simple serait que je te montre. Dit-il en se redressant. Quand j'étais psychomage, il m'arrivait d'utiliser une pensine pour le suivi de mes patients. Je l'ai toujours. Alors, si tu veux, on s'en servira pour que je te montre à quoi ressemble un rêve.

Levius ne savait plus s'il avait déjà mentionné à Azazel sa précédente carrière de psychomage, mais comme il était distrait, il le glissait naturellement dans la conversation. Le cœur du sujet était bien la pensine et tout ce qu'elle offrait de possibilités pour cet être de la nuit privé de sommeil. Assurément, voilà bien une idée qui fascinait Levius par avance.

Pour le reste, il n'était qu'affaire de préparatifs assez simple à mettre en place. Le jeune chef d'entreprise était confiant.

« Aucun problème. Dit-il sans emphase. J'ai ce qu'il faut de bases en architecture enchantée.

Avec les récents travaux de la ferme, Levius avait eu l'occasion de s'exercer à ce type de sortilèges. A croire que tous les événements de la vie s’emboîtaient correctement en ce moment. C'était assez rare pour qu'il le remarque et il devait bien admettre que cela lui faisait très plaisir.

« Je m'occupe de ma partie et je te tiendrais au courant par messagerie. Tu me confirmeras tout et quand on sera prêt, on se fait ça.

A croire qu'il n'y avait rien de plus simple pour mener des projets à bien : deux jeunes gens qui s'entendent, une idée et voilà. Le reste s’enchaînait tout seul, car ils avaient envie, qu'ils débordaient d'idées et étaient manifestement sur la même longueur d'onde. Voilà bien une tournure très satisfaisante à cette rencontre.