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[Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Mer 26 Fév 2020 - 22:27
Les repas dans de grandes familles telles que la nôtre étaient souvent synonymes de grandes décisions, de grandes explications et parfois aussi de grands conflits. Ce soir-là, je me doutais que notre père avait en tête de participer à l'union familiale. Depuis le retour d'Evan et sa "réintégration" dans la famille, il y avait chez notre chef de famille une volonté farouche de surveiller le plus jeune de ses fils. Son idée était claire, il voulait à nouveau essayer de le modeler à son image, de faire de lui un fils parfait, qui lui donnerait de parfaits héritiers. Là où j'avais échoué, mon petit frère devait réussir. Il le fallait. Afin que le nom des Wakefield perdure. Notre père n'avait même pas eu à en discuter avec moi, je le connaissais trop bien. A son image. Le fils si semblable à son père, mais qui n'arriverait jamais à le surpasser. S'il ne m'avait jamais exprimé clairement sa déception, il me suffisait de croiser son regard lorsqu'il venait me voir pour comprendre qu'il éprouvait parfois plus de pitié que de fierté pour moi. Cachant mes blessures derrière un masque d'indifférence glacial, je ne montrais pas mes émotions, préférant utiliser cette rage qui bouillonnait en moi afin d'exceller dans mon travail. Le juge incorruptible. Le juge droit. Nous retrouver à trois à table était étrange et peu coutumier. Toutefois, c'était une bonne occasion d'en apprendre plus sur les petites magouilles de mon frère en ce qui concernait ses fiançailles. Peu de discussions lors du repas, notre père semblait préoccupé et absent, et ne s'adressait à nous qu'à grand renfort de remarques parfois acides. Quelques mots autour d'affaires qui occupaient mon temps au Ministère. Evan parla de son assistanat à l'Université. Une atmosphère émaillée de non-dits, d'émotions contenues, de silences gênants. Rien d'étonnant pour les Wakefield, même si mon frère tenait plus de notre mère. Une liberté au coeur que je jalousais de temps à autre, lorsque la mélancholie s'emparait de mon palpitant et de mon esprit. Ces temps-ci, mes visions se faisaient plus sombres, plus confuses, ce qui m'agaçait royalement. Le contrôle était essentiel pour les personnes ayant mon don, et pourtant, je n'en faisais pas toujours ce que je souhaitais. Une fois libérés de la présence de notre père - qui s'était éclipsé pour se retirer dans son bureau - je fis signe à Evan de me suivre dans l'un des petits salons que je préférais. Les fenêtres donnaient sur le parc aux alentours et lors de mes longues heures de méditation pour maîtriser mon don, cette vue m'avait beaucoup aidé à m'apaiser. J'avais gardé pour cet endroit une attention particulière. Un sentiment d'apaisement. Assis dans un fauteuil, je fis venir d'un mouvement de baguette une bouteille de Whisky pur-feu écossais et deux verres, qui vinrent se poser sur la table basse à côté des fauteuils. Signe de tête destiné à mon frère. Question silencieuse pour savoir s'il voulait que je le serve. Pour ma part, je versais le liquide ambré dans mon verre avant d'en avaler une gorgée. Délice. Sensation fabuleuse de l'alcool qui réchauffait. Regard perçant posé sur Evan. Il était temps. "Tu m'expliques, pour Jaïna et toi? J'aimerais bien savoir lequel d'entre vous a eu cette brillante idée de fiançailles." Etait-il idiot au point de penser que cette idée tenait la route? Je doutais fortement qu'un mariage entre cousins soient bien vu dans nos familles, même si c'était plutôt courant chez les sang-purs. En tout cas, je voyais mal notre père accepter cette idée loufoque. Ce n'était là qu'une excuse pour qu'on les laisse en paix. Pour éviter qu'on ne les fiance à leur insu. Mais ils devaient bien le savoir. C'était inévitable pour nous, il n'y avait pas à lutter. Soupir imperceptible. Mes prunelles se faisaient sévères mais c'était pour son bien. "Si j'étais toi, je chercherai une fiancée d'une grande famille, avant qu'on ne décide pour toi. Ce que vous êtes en train de faire, avec Jaïna, ce n'est rien de moi qu'une connerie qui pourrait s'avérer totalement vaine. Vous avez encore le choix." Autrement dit, profitez de votre chance pour trouver quelqu'un qui pourrait vous plaire et qui conviendrait à la famille... Ma voix avait un ton égal, et pourtant je ressentais une certaine culpabilité. Parce que ce poids s'était décalé sur mon frère et qu'il devait l'assumer maintenant. Nouvelle gorgée bienfaisante.
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Re: [Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Mer 4 Mar 2020 - 23:06
Le retour de l’enfantprodiguerebelle au sein du giron familial – après des années de perdition, le cadet des Wakefield reprenait sa place au manoir écossais. Evan ne se faisait aucune illusion en la matière, conscient que les rumeurs couraient à un rythme effarant dans l’univers des sang pur – les raisons véritables de son retour étaient assumées, aussi claires et indélébiles que l’absence d’héritier mâle pour le clan calédonien. Réintégré après une multitude de négociations houleuses, et la promesse du paternel de lui accorder une relative liberté, payée au prix d’une promesse de nouvelles fiançailles. Après la mort, le deuil, l’évitement profond dont le blond avait fait preuve, n’y verrait-on pas une forme d’échec de sa part, de lassitude? Comme on lèverait un drapeau blanc en signe de lâcheté – celle de retrouver l’amour un jour, et de le perdre à nouveau. Plus jamais. Il ne s’en sentait pas capable, le musicien, de se donner, de se consumer comme il l’avait fait pour Elena – avait failli la suivre dans la mort, doutait de survivre à un nouveau cœur brisé. Pourtant, il fallait montrer un front de défiance à la famille, la puissance des armes face aux adversaires que constituaient son austère paternel et son aîné fait du même bois ancien et trop sérieux.
Enserré dans le carcan de leurs traditions, il s’était présenté pour le repas familial, rassemblements désertés pendant des années dont il avait dû reprendre l’habitude malgré tout peu coutumière au cours des derniers mois. Discussions polies autour de leurs occupations mutuelles – mais le cadet avait toujours eu un talent certain pour agacer ses aînés, qu’il s’agisse de ses supérieurs ou des membres de sa famille. Libérés de la présence du patriarche, les deux frères s’installèrent dans l’un des salons affectionnés par le juge. Acquiesçant sans mots à la question posée par Nathaniel, Evan inclina gracieusement la tête, laissant valser pensivement le liquide ambré dans son verre – décidé à ne pas rompre le silence. « Tu m'expliques, pour Jaïna et toi? J'aimerais bien savoir lequel d'entre vous a eu cette brillante idée de fiançailles ». Relevant la tête, le futur auror arbora son meilleur air d’enfant sage, prunelles céruléennes identiques à celles de son aîné (si ce n’était cette touche d’humanité supplémentaire). « S'il s'agissait d'une brillante idée, tu te doutes bien que c'était la mienne », répliqua le blond, affichant un air diablement amusé vers son frère. Evan n'y pouvait rien - il présenterait toujours un reflet contraire et imparfait à Nathaniel. Construit en opposition parfaite face à son père et son aîné, sans entièrement en être conscient – un être de lumière, farouchement dédié à l’idée de partager un éclat de joie avec autrui, peu importe la source. Plus son frère se faisait sévère, plus Evan se montrait rétif et rebelle – il en avait toujours été ainsi. When it comes down to it, most second sons must be the same.
« Si j'étais toi, je chercherai une fiancée d'une grande famille, avant qu'on ne décide pour toi. Ce que vous êtes en train de faire, avec Jaïna, ce n'est rien de moi qu'une connerie qui pourrait s'avérer totalement vaine. Vous avez encore le choix. » Entendant le conseil, le blond balaya l’air du revers d’une main, parsemant l’atmosphère d’un rire léger. « Heureusement que vous êtes là pour me donner les solutions les plus raisonnables, ô juriste de renom », ironisa l’Écossais – annonçant ses couleurs. Comme s’il n’y avait pas songé, lui aussi. « Figurez-vous que je n’y aurais jamais songé moi-même, à cette alternative. Heureusement que le plus jeune juge des 30 dernières années me laisse profiter de ses lumières ». Lorsqu’il s’agissait de se montrer insupportable, les années ne l’avaient pas changé – si le décès de son épouse et le cap de trentaine n’avaient pas suffi pour l’assagir, rien ne ferait l’affaire. Avalant une gorgée de whisky, il ferma les yeux avec satisfaction – pour tous les crimes de leur père, Devon Wakefield avait un goût certain en matière de spiritueux. Jetant un regard à Nathaniel, il finit par soupirer. « C’est davantage pour elle que pour moi », admit-il. L’étudiant était capable d’une mauvaise foi quasi infinie, face à son frère, mais le jeu n’en valait pas la chandelle, et le juriste le connaissait suffisamment pour reconnaître son tempérament : le sorcier éternellement courtois n’avait jamais su résister à une demoiselle en détresse, quelle qu’elle soit. Et il était bien connu dans leur famille qu'il aimait Jaïna comme la petite soeur qu'il n'avait jamais eue.
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Re: [Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Lun 23 Mar 2020 - 22:11
Notre père étant parti, la voie était libre pour que nos discussions se fassent plus sincères, plus directes aussi. Nos verres furent rapidement remplis d'un liquide ambré de première qualité. Notre père ne transigeait pas sur ce genre de denrée dans leur manoir. Mon regard avisé se posa sur mon jeune frère et je sus qu'il était temps pour moi de m'exprimer sur ce que j'avais pu entrapercevoir lors du fameux bal des Blackthorn, mais aussi des rumeurs qui étaient parvenues jusqu'à mes oreilles. Ma question se fit directe, un brin condescendante. C'était toujours le cas quand il s'agissait de lui. Parce qu'il ne pouvait s'empêcher d''enchaîner les conneries et qu'il était de mon devoir -depuis notre plus jeune âge- de le surveiller et de le protéger. Parfois même de lui-même. Faire le tampon entre lui et notre père. Les négociations avaient été âpres pour lui permettre de réintégrer la famille et je ne souhaitais pas qu'il gâche tous ces efforts par une décision aussi stupide qu'étrange d'épouser notre propre cousine. Notre père n'avait pas encore donné son avis sur la question, mais je doutais fortement qu'il donne sa bénédiction. Pas après l'échec de mon mariage. Il ne pouvait risquer qu'Evan se lance dans une union qui pourrait potentiellement engendrer une descendance "altérée"... La réponse de mon frère ne tarda pas à venir et je levais les yeux au ciel exaspéré. Il ne changera donc jamais? Son visage à la moue enfantine était à la fois désespérant et attendrissant, et un sourire aurait pu se payer le luxe de s'afficher sur mon visage si je n'étais pas si rompu à l'exercice de rester impassible. "Grandis un peu, Evan!" que je soufflais d'une voix perdue entre l'agacement et l'amusement. Parce que je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir cette lumière qui l'animait et d'y être sensible. Dans une certaine mesure bien sûr. Je ne me montrais sévère avec lui que pour le faire réagir. Qu'il se rende compte de ses erreurs pour grandir et évoluer. Le petit rebelle de la famille restait cet enfant plein de vie qui m'avait tant cassé les pieds quand j'étais plus jeune.
Prodiguant mes conseils dans l'unique espoir de le mettre sur le bon chemin, je savais pertinemment qu'il ne ferait qu'éviter de répondre. Détourner l'attention pour ne pas toucher aux véritables raisons qui poussaient mon frère à ces fiançailles peu réfléchies. L'ironie que je sentis dans ses propos provoqua une tension en moi qui menaçait de se changer en énervement. Don't push it, little brother. Mes prunelles aciers se durcirent. "Ne commence pas, petit frère, tu sais très bien que je ne dis ça que pour t'aider. Maintenant, tu peux continuer à jouer à l'enfant terrible ou m'expliquer comment vous en êtes arrivés à prendre une telle décision. Je te laisse décider ce qui est le plus raisonnable, parce qu'apparemment Monsieur Evan a encore décidé de n'en faire qu'à sa tête." Ce qui était totalement vrai. Tête de mule. Tête à claques. Rien ni personne ne semblait apte à le faire changer. J'enfilais de nouveau une ou deux gorgées de Whisky avant de reposer mon regard sur Evan. Son attitude avait changé me semblait-il. Lorsqu'enfin des mots empreints de vérité sortirent d'entre ses lèvres, je soupirais doucement, de façon presque imperceptible. At last. Voilà donc ce qui animait mon jeune frère. Encore et toujours ce désir de protéger les plus faibles, de voler au secours de la pauvre demoiselle en détresse. Si c'était parfaitement honorable, il n'en restait pas moins que c'était inutile, malheureusement. Une certaine tristesse passa sur mon visage en pensant qu'il faudrait une fois de plus briser les élans princiers de mon frère. Fermant les yeux quelques instants, je finis par répondre: "Même si je comprends pourquoi tu veux le faire, tu sais qu'ils ne vous laisseront pas en paix, n'est-ce pas? Connaissant nos familles, il est presque certain que des négociations soient en cours avec d'autres familles. Notre destin est bien souvent scellé avant même qu'on ne s'en aperçoive. Et ensuite c'est trop tard pour se dire qu'on aurait du prendre les bonnes décisions." Ma voix se fit presque amère et je repensais à mon propre mariage avec un mélange de mélancolie et de tristesse. Est-ce que tout aurait été différent si j'avais pu choisir moi-même celle qui partagerait ma vie? Je ne m'étais jamais vraiment posé la question. Si on me l'avait choisi, c'était que nous devions nous entendre. C'était le bon choix. Du moins c'était ce que je me disais pour me rassurer. Ces derniers temps, mes pensées étaient très sombres, partagées entre visions étrangement floues et angoisses liées à la dépression de mon épouse. Mais encore une fois, je gardais tout pour moi. Nouvelle gorgée de Whisky.
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Re: [Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Lun 13 Avr 2020 - 17:25
On dit parfois que les meilleurs traits d’un être humain se trouvent exacerbés en présent de sa famille – le cadet n’y faisait pas exception. Face à Nathaniel (et surtout leur père), le géant blond avait toujours ressenti le désir irrépressible de faire tout le contraire de ce qu’on voulait de lui – ce moment y compris. Malgré le sérieux réel que le sorcier avait appris à apprivoiser au cours des derniers mois, tentant de se montrer responsable et digne comme un héritier de sang pur devait l’être (autant que lui en était capable, à tout le moins), Nathaniel éveillait en lui d’incontrôlables désirs de rébellion. Des années d’expérience, des fiançailles avortées, une épouse mise en terre et un retour au sein du giron familial n’y changeraient rien : face à son aîné, il se sentait redevenir adolescent. Un jeune homme capricieux et rétif, dont l’indépendance s’incarnait dans tous les contraires possibles de ce que représentaient les austères Wakefield. Les remontrances de l’aîné ne se firent pas attendre – il en aurait presque levé les yeux au ciel tellement elles étaient prévisibles (et méritées). « Je te laisse décider ce qui est le plus raisonnable, parce qu'apparemment Monsieur Evan a encore décidé de n'en faire qu'à sa tête ». Il aurait été trop facile de taper du pied et de bouder sous une forme adulte, le réflexe face à l’autorité demeurant bien ancré – même le violoniste en était conscient. Alors il laissa tomber en soupirant « c’est davantage pour elle que pour moi ». Jaïna. Sa cousine préférée, sa presque sœur, celle qui l’avait hébergé, (très mal) nourri lorsqu’il vivait la plus belle année de son existence, qui avait accepté, elle aussi, de réintégrer son propre univers familial contre la même promesse – des fiançailles.
Le visage éclairé d’un air sincère, Evan hocha simplement la tête pour appuyer ses dires. Now, you know. Surpris, il avisa la peine légère qui voila les traits coupants de son frère aîné, gardant le silence alors que Nathaniel pinçait les lèvres. « Même si je comprends pourquoi tu veux le faire, tu sais qu'ils ne vous laisseront pas en paix, n'est-ce pas? Connaissant nos familles, il est presque certain que des négociations soient en cours avec d'autres familles. Notre destin est bien souvent scellé avant même qu'on ne s'en aperçoive. Et ensuite c'est trop tard pour se dire qu'on aurait du prendre les bonnes décisions. » Avec une impatience non-feinte, Evan balaya l’air du revers d’une main. « Je le sais très bien, Nathaniel ». Que croyait-il, le juge? Que le plus jeune n’était pas conscient de ces réalités, qu’il ne se sentait pas lui-même la gorge prise dans un étau duquel il était désormais incapable de se défaire? Incapable de s’en aller, à la fois par cet étrange amour fraternel mal placé et qu’il ne parvenait jamais à exprimer correctement, mais il lui était impossible de céder tout à fait. Ç’aurait été nier l’essence même de son être. Impensable. « Tu ne crois pas que j’essaie? Que veux-tu que je te dise? Que je regrette de ne pas être un fils parfait? » Il martelait ses questions sans hausser le ton, mais l’impatience et le sentiment d’être piégé se lisaient plus que jamais au fond du regard céruléen du futur auror. « Ça ne devait pas être moi! » God save all the second sons of great families. « Toi, tu as toujours été parfait pour ce rôle, et vous me regardez comme si je pouvais enfiler ces responsabilités comme un joli costume, et parader pour vous, tout ça parce que tu – » Le blond se rattrapa à temps – presque. Nathaniel savait très bien quels mots son frère cadet avait retenus de justesse derrière ses dents. Tout ça parce que tu n’as pas pu avoir d’enfants. Soufflant, ses jointures se détendirent sur le cuir du fauteuil dans lequel il s’était installé, et il adressa un regard d’excuse à son frère. « Je suis désolé, Nathaniel. Ce n’était pas juste de ma part ». Et pourtant, l’injuste réalité les rattrapait inévitablement : l’un était né pour le rôle d’héritier et incapable de le mener entièrement à terme – tandis que l’autre se montrait incapable de voir les liens tissés comme autre chose que des chaînes.
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Re: [Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Sam 9 Mai 2020 - 20:40
Habitudes trop ancrées dans nos veines, dans nos chairs. Mon attitude réprobatrice à l'encontre de mon frère était si facile à arborer, je n'avais même pas besoin de forcer. Etait-ce ainsi que nous étions voué à vivre notre relation fraternelle? Cette idée de fiançailles était bien évidemment immature et stupide à mes yeux, pourtant, mon frère avait des objectifs tout à fait louables. Protéger notre cousine d'un autre mariage non-désiré, se protéger lui-même de nouvelles fiançailles. Secouant la tête doucement à sa concession, je répondais d'un air évasif. "Je me doute..." Mon petit frère avait ce côté chevaleresque des anciens princes d'autrefois. De ces princes de contes de fée. Aussi rêveur, buté et lumineux. Faire le bien tout en restant libre. Se donner sans compter. Il ressemblait tellement à notre mère que j'en avais parfois le souffle coupé. C'était dérangeant. Pudiques Wakefield. Je ne me souvenais pas avoir reparlé une seule fois de notre mère avec lui. Une manière comme une autre d'éviter de se faire souffrir, de garder pour soi des mots qui auraient peut-être été salvateurs. Non-dits. Mes mots se firent sermons, mais je voulais qu'il se rende compte, qu'il ouvre les yeux sur la bêtise de cette idée. De faux-espoirs étaient parfois plus dangereux qu'une vérité froide. Cette tête brûlée que j'avais pour frère ne sembla pas apprécier mes tentatives de lui mettre du plomb dans la tête. Il réagit au quart de tour, en parfaite opposition à mon tempérament si placide. Ne souhaitant pas envenimer les choses, je le laissais déverser sa rancoeur et son mécontentement en me contentant de l'observer d'un oeil attentif. Comme le ferait un père qui attend que son enfant ait fini de se plaindre. Rebellion du plus jeune qui cherchait à se mettre automatiquement en opposition. Ses questions me firent hausser les sourcils. Et quelque part, elles étaient légitimes. "Je n'ai pas dit ça, Evan..." que je commençais alors que l'enfant terrible enchaînait, de plus en plus remonté. Jusqu'à ce que ses derniers mots se murent en lames dirigées vers mon coeur. Parfaitement immobile, incapable de réagir, je me levais doucement pour rejoindre l'une des fenêtres. Regard fixé sur l'horizon. Silence pesant. Ces mots meurtriers m'avaient fait vaciller, comme peu de personnes avaient réussi à le faire. Seulement il s'agissait de mon frère. Et de l'intimité de mon mariage. J'écoutais à peine les excuses du plus jeune, trop occupé à contrôler cet afflux d'émotions qui menaçaient de me mettre à genoux. Pas devant lui. Il fallait que je reste cet élément fondateur, ce pilier vers qui il pouvait se tourner même s'il n'était pas toujours d'accord avec moi. Soupir imperceptible. Ma voix trahissait ce combat qui avait lieu dans mon esprit, mélange entre la mélancolie et la tristesse. Et pourtant, même blessé, je restais droit. "Non, c'est toi qui as raison. Ce n'est pas juste pour toi et toutes ces responsabilités n'auraient jamais du t'être imposées. C'était à moi de remplir le rôle d'aîné, rôle pour lequel j'ai failli." Excuses sous-jacentes. Reconnaissance d'une faille qui tenait lieu de honte. Mon frère n'avait pas mérité d'être ainsi catapulté à ma place alors qu'il n'en avait clairement pas la carrure. Douce ironie que celle de nos positions actuelles. M'arrachant à la contemplation du jardin, je revenais avec un calme presque inquiétant jusqu'au fauteuil que j'avais quitté quelques minutes plus tôt. Nouvelle gorgée de whisky. Mon regard se posa à nouveau sur Evan. Peut-être moins dur qu'auparavant. Subtil changement. J'hésitais un moment. "Je t'ai vu fiancé, Evan, et ce n'était pas Jaïna... Il y avait comme une ombre exotique sur ce tableau, mais je n'ai pas été capable de voir un visage. Un soupçon de danger aussi. Fais attention à toi, c'est tout ce que je souhaite." Impressions étranges de me dévoiler en parlant d'une de mes visions, mais il méritait de savoir. Et même s'il refusait d'y croire, je l'aurais au moins prévenu. Et cela me permettait de dévier la conversation sur un sujet sur lequel j'avais la main.
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Re: [Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Dim 28 Juin 2020 - 2:17
Depuis l’enfance, la même constante – le caractère rieur et (trop) éclatant du cadet, capable de se montrer à la fois capable de la pire des gouailles face à son aîné et de se renfrogner instantanément face à celui-ci. Ses réactions se faisaient naturellement opposées lorsqu’il s’agissait d’interagir avec Nathaniel – relation houleuse fraternelle qui, malgré tout, n’avait rien d’inhabituel : la valse constante des fratries des grandes familles, vouées à s’aimer autant qu’à se déchirer. « Ça ne devait pas être moi! Toi, tu as toujours été parfait pour ce rôle, et vous me regardez comme si je pouvais enfiler ces responsabilités comme un joli costume, et parader pour vous, tout ça parce que tu –» s’interrompant de justesse, il serre les dents, soupire. Ses phalanges se tranquillisent, et il avise le regard que le juge lui lance. « Je n'ai pas dit ça, Evan... » Retrouvant son calme, il souffle. « Je suis désolé, Nathaniel. Ce n’était pas juste de ma part ». Et pourtant – il n’y avait rien de juste à sa propre situation.
Le juge lui paraissait être une forteresse solitaire – sombre, austère. Trop solide pour être conquis, trop bien conçu pour qu’une ruse sache s’y glisser. La fragilité qu’il perçut malgré tout dans la voix du plus vieux lui fit presque courber l’échine. Presque. « Non, c'est toi qui as raison. Ce n'est pas juste pour toi et toutes ces responsabilités n'auraient jamais dû t'être imposées. C'était à moi de remplir le rôle d'aîné, rôle pour lequel j'ai failli. » Même ainsi, il restait droit. Peu importe ce que le plus jeune faisait – se montrer caligineux … rien n’y faisait. Nathaniel resterait le fils modèle. Pour une rare fois, en réaction, Evan ne se montra pas encore plus obstinément borné vers la rébellion. « Ce n’était pas ce que je voulais dire … » le ton qui retombe, tout comme ses réflexes de vouloir déplaire à son aîné, ou, à tout le moins, de faire le contraire. Le cadet qui caracolait si aisément dans le sillage de son aîné, faisant tout de manière plus extravagante que l’austère juge, à la fois pour prouver sa différence et par principe. Un pur sang qu’on n’avait pas encore tout à fait brisé, et auquel on passerait la bride – mais pas sans qu’il éjecte plus d’une cavalière. Le musicien suit l’avancée de l’héritier des balances de la justice, et encaisse les mots.
« Tes visions sont-elles toujours aussi prévisibles? », s’enquérait-il, se recomposant un air factice pour ne pas montrer la peine légère qui s’était glissée en lui. S’il ne pouvait être un frère modèle, il ne serait pas l’enfant-caprice qui geint au moindre soupir. S’il fallait décevoir, il le ferait correctement, avec tout le panache qu’un noble vaurien accablé d’un frère ayant trop bien réussi sa vie pouvait rassembler. Le destin d’être sacrifié aux alliances matrimoniales – qui donnait un espoir de rédemption à celui qui ne pouvait qu’échouer face à l’exemple trop parfait du premier. « J’ai accepté d’être fiancé en réintégrant l’inconfortable giron familial, ou l’as-tu oublié? Je me destine à l’heureux plaisir de ces alliances matrimoniales. Et bien que je me doute que le genre de stratagème que Jaïna et moi avons utilisé ne soit pas entièrement crédible, je suis revenu à la condition de pouvoir participer au choix de ma future chère et tendre ». Il glissa un regard inquisiteur vers son frère, fronçant les sourcils. « et j’imagine que si notre estimé paternel songeait à rompre sa part de notre entente, tu aurais été inclus dans le choix de ladite douce? » Ce que c’était, que de ne se percevoir, en sa présence, qu’en un reflet imparfait et contraire – au point tel qu’il était incapable de réaliser que l’amour que son frère lui vouait l’avait précisément écarté de ces décisions. Merlin, protect second sons and the eldest who love them.
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Re: [Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Lun 19 Oct 2020 - 18:03
Tant de distance, tant de non-dits entre deux frères qui ne se comprenaient jamais complètement, mais ne pouvaient s'empêcher de s'aimer, sans jamais le montrer. Car il était bien là, le problème. Les frères Wakefield n'avaient pas pour habitude de s'étaler sur leurs sentiments, et c'était encore plus vrai pour le vieux singe que j'étais. La mort de notre mère voilà des années avait brisé quelque chose en nous. En moi. Et je m'étais juré de ne jamais plus me laisser envahir par mes sentiments. C'était beaucoup trop douloureux. Il y avait un certain confort à afficher un masque d'indifférence. Personne ne s'attendait à ce que je m'étale sur ce que je ressentais et donc, je n'avais pas à m'intéresser non plus aux sentiments des autres. Ce qui était différent avec mon cadet, c'était qu'il me connaissait suffisamment pour m'atteindre. Evan, fier et parfois naïf, ne se rendait jamais vraiment compte de la force de ses mots lorsqu'il s'adressait à moi. Parfois, je revoyais notre mère à travers lui. Parfois, je retrouvais l'adolescent plus joyeux que j'avais été dans ses yeux. Si nos caractères étaient diamétralement opposés, il y avait parfois des subtilités dans nos réactions qui nous rapprochaient inexorablement. Mes mots se firent douloureux alors que j'avouais cette faiblesse qui avait plongé Evan dans les troubles méandres des fiançailles. Ce fardeau que nous partagions était injuste, que ce soit pour lui ou pour moi. La question de mon frère me fit ciller légèrement. Mon frère s'intéressait peu à mon don. Pour être honnête, j'avais rarement de visions concernant ma famille proche. C'était exceptionnel. Ma voix se fit prudente alors que j'offrais ma réponse. "Chacune de mes visions a ses propres codes à décrypter, son propre niveau de clarté. Celle-ci faisait partie de mes visions les plus obscures. Des images peu précises, mais une impression de mise en garde." Bien entendu, je ne m'attendais pas à ce qu'il comprenne tout, mais juste qu'il retienne cet élément essentiel qu'était cette menace sous-jacente. Mais après tout, mon caractère prudent me guidait peut-être vers une fausse piste. Evan reprit son interminable plainte, geignements d'un grand enfant qui craignait de s'être fait avoir par notre paternel. Malheureusement, il s'avérait qu'en plus d'avoir brisé sa promesse de laisser libre choix de fiancée à mon frère, notre père avait sciemment oublié de me mettre au courant de ce choix. Ou était-ce une erreur d'interprétation de ma vision? La probabilité pour que ce soit le cas était faible, mais pas impossible car elle concernait mon frère. Et mon jugement en était biaisé. Voilà qui serait le comble pour un juge à la réputation si intègre... Mon regard d'un bleu glacial soutint le sien, dur comme l'acier. Jeu de regards. Il y avait de l'inquiétude, mais aussi de la colère, et je le comprenais. "Malheureusement... Notre père semble croire que je ne suis pas objectif te concernant. Il ne m'a fait part d'aucun choix... s'il y en a eu un." Mes efforts pour convaincre notre père de laisser Evan revenir parmi nous avaient vraisemblablement fait croire au paternel que lorsqu'il s'agissait de mon frère, j'étais incapable de mettre de la distance. Quelle ironie quand on pensait que tant de personnes ignoraient même que nous étions frères. Trop différents, trop distants. Et pourtant. Hey brother, do we still believe in one another...
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Re: [Edimbourg - Manoir Wakefield] beware of your choices # Evaniel [TERMINE]
Dim 6 Déc 2020 - 19:03
À la révélation de la cécité relative de Nathaniel en la matière, Evan sourcilla, surpris. Leur père avait toujours inclus son fils favori dans ses plans, à la fois dans un désir de modélisation et de conseils : la réputation de l’esprit acéré du juge n’était plus à faire, et s’il faisait visiblement montre d’une ambition que nul ne nierait, Nathaniel avait une qualité dont peu pouvaient se vanter, au sein de son Département : il était d’une droiture que rien ne semblait pouvoir faire plier. Dans un univers politique où les familles intriguaient, l’ainé était la pièce maitresse du patriarche : sans faille, sans tache.
À l’idée que le directeur du département de la coopération magique internationale ait pu lui choisir une fiancée à nouveau en revenant sur sa promesse, Evan grogna d’agacement. « Impossible », se buta le frère cadet, secouant la tête avec plus de véhémence qu’il n’en ressentait réellement, tempérament contraire qui le poussait à épouser les lignes opposées à celles que lui présentait Nathaniel : nettes, tellement droites, le genre qu’on ne dessine pas avec les doigts, et qui nécessitent un appui protégeant le canevas d’une paume tachée de plomb. L’œuvre abstraite qui lui faisait face ne respectait que les conventions qui lui plaisait, et n’avait jamais accepté de brouillon avant d’être mise au propre – portait ses défauts en guise de défiance, la lippe savamment ourlée d’un air goguenard. An equation with three, four unknowns. « Il est calculateur et retors, mais il a toujours respecté ses promesses, Nathaniel. » Le Calédonien se convainc, s’enveloppe dans ses certitudes : le seul à avoir rompu ses promesses, c’était lui – but there had been reasons.
Laissant le liquide ambré valser dans son verre, sa main libre se promena le long des coutures enfoncées à intervalles réguliers par des clous au fini mat, créant des losanges le long de la surface de cuir du fauteuil. Le meuble était à l’image de la pièce : sombre, traditionnel, et il puait le luxe ostentatoire des familles de la vieille noblesse britannique. Glissant un regard prudent vers son aîné, il osa en parler. « Je le ferai, vraiment. Je chercherai une épouse, une … autre. Vivre la charmante vie de bon petit sang pur bien rangé, et espérer ne trouver qu’une fraction de la bonne entente qui règne entre Morgane et toi. » Naïvement, le second héritier s’imaginait pouvoir former un partenariat alors qu’il n’était lui-même qu’à demi disponible. Pouvait-on seulement se promettre à une femme en préférant lui cacher l’essentiel? Le deuil qui lui interdisait la profondeur des sentiments ou, tout au plus, lui autoriserait un respect cordial auprès de son épouse à venir.
Les frères se parleraient à voix basse, ce soir-là. Aucun des deux n’oserait réellement prononcer la fin de la soirée avant que l’heure se fasse tardive, car malgré la fracture dans leur compréhension mutuelle de l’autre, l’amour pudique qui les liait leur imposa de rester en la présence de l’autre aussi longtemps qu’ils le pourraient. Les Écossais se lanceraient des regards entendus, parfois agacés, souvent teintés d’une incompréhension pour l’autre. L’un, trop sévère, droit, austère. L’autre, faussement frivole, enveloppe éclatante en reaction au premier. Ils demanderaient conseil d’étranges manières, sans réellement les requérir mais en ressentant le besoin de se confier malgré tout – sans le dire, sans l’affirmer, mais l’amour y était. Lorsque, enfin, la nuit se serait avancée, ils prétexteraient devoir partir – et sur le départ, ne sauraient plus comment interagir. Poignée de mains, accolade? Les prunelles glacées de l’un se glisseraient sur celles, aussi claires mais chaleureuses, de l’autre, avant de glisser une main franche sur son épaule. the water’s sweet, but blood is thicker.rp terminé.
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