Monotonie journalière terrassée de l’occupation qui réside en cette jungle qui compose ton bureau personnel. Plusieurs spécimens aux verts flamboyants ou profonds, subtils ou prononcés. De tes gestes experts, tu réaménages un terrarium dans lequel cohabiteront plusieurs cactées dont la composition finale est harmonieuse. Tu soupires d’aise. La botanique a un pouvoir apaisant très fort sur ta personne. Tu es sensible au bien-être des végétaux que tu considères comme symboles de vie.
Entre deux arrosages, tu consultes ton semainier de consultations. La prochaine te semble bien intéressante. L’air tranquille, tu soulages un Monstera Deliciosa de la poussière qui s’est invitée sur ses majestueuses feuilles. Tes pensées s’entrechoquent, réfléchissant à cette situation qui sera la prochaine. Un jeune homme, ancien étudiant à l’Université de Hungcalf. D’un sortilège défectueux aux tournures amnésiques. Cela demeure courant au sein du service des Pathologies des Sortilèges.
Distrait, tu t’empares de ton téléphone moldu te permettant de contacter la crèche sorcière – quelques interlocuteurs usent des technologies non magiques – afin d’obtenir des nouvelles régulières de ton fils. Ce rituel a lieu au moins une douzaine de fois par jour. ‘’Il serait bien de lâcher-prise, Monsieur Sanahuja’’, aime à te dire la responsable du centre pour enfants. Impossible. Tu as vécu la mise à la crèche comme un véritable abandon.
Tes yeux vifs se tournent vers la porte que tu laisses ouverte le temps de l’arrivée du prochain patient. Tu te hisses à ton bureau, redécouvrant plus en détail le contenu du dossier. Tu essaies toujours d’en apprendre un peu sur la personne, le minimum. Aussi paradoxal que cela puisse être, cela te permet de mieux cerner la problématique mais surtout d’ancrer davantage l’alliance. Tu as ce réflexe de t’en détacher pour faire pleinement connaissance.
Lumineux, tes yeux noisette frôlent sa silhouette. Tu lui intime une esquisse encourageante, lui signifiant qu’il peut s’asseoir. « Bonjour, Monsieur De Launay, installez-vous je vous en prie ». Te levant pour refermer derrière lui, tu reprends place à ta chaise. « Je suis le Docteur Sanahuja, je suis ravi de vous rencontrer ». L’initiative de refermer son dossier pour l’instant. « Bien, que puis-je faire pour vous ? » La question fatidique, celle qui ouvre à toutes les possibilités.
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Comment on procède ? (Kash) (terminé)
La nuit dernière a été particulièrement compliqué sous ce rapport. Parce que je me suis réveillé, et que j'ai pas su me rendormir pendant plusieurs heures, réfléchissant à cette première rencontre et à l'implication que je devais y mettre. Et je m'étais décidé sur le fait de m'y mettre à fond, de ne rien cacher, d'être transparent. Si ça devait être dur, je m'accrocherais. Parce que je n'aimais définitivement pas l'idée d'être comme une bombe à retardement, prêt à exploser à la moindre situation difficile.
Me présentant à l'accueil de son service, on m'indiqua son bureau et me remis quelques papiers à lui remettre, avant de me dire où se trouvait la zone d'attente. Et m'y rendant, je m'asseyais dans un des fauteuils prévu à cet effet, mon attention se portant sur les documents. Des notes pour beaucoup, des informations me concernant. Rien de particulier ou d'inhabituels selon moi. Juste la date qui me faisait toujours bizarre : 2021. Et lorsqu'on m'appela, je me levais et me dirigeais vers le bureau qu'on m'avait indiqué pour en franchir la porte et venir saluer l'homme assis tout en donnant les documents.
"Bonjour, vous êtes le docteur Sanahuja ?"
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Re: Comment on procède ? (Kash) (terminé)
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Re: Comment on procède ? (Kash) (terminé)
Ton regard se fixa étrangement sur lui. Et t'étais tout d'un coup content d'être assis. L'avait-il fait exprès ? Peut-être, qui sait. Et tu ne poserais pas la question. Mais si tu t'étais préparé toute la nuit à ce rendez-vous, l'éventualité de cette question ne s'était pas du tout présenté. Dans chacun de tes scénarios, l'homme n'avait jamais posé cette question.
"Je..." ne suis pas prêt ? Rassures-toi, Victor De Launay, ça se lit clairement sur ton visage. Il est là le pouvoir des personnes comme celle en face de toi : te désarmer par une seule question. Parce que depuis que tu t'étais réveillé, tout le monde autour de toi avait su quoi faire pour toi, tout le monde avait eu des idées, des envies. Tout le monde avait réagi et aucun ne t'avais posé cette question de la sorte. Inconsciemment, t'étais rentré dans ce moule. Tu t'étais laissé faire. Même ce rendez-vous s'était retrouvé dans la liste de tes choses à faire, sans que tu n'en fasses réellement toi-même la demande. Alors maintenant, que répondre ? Qu'attendait-il, si seulement il était vrai qu'il attendait quelque chose ? "Je suis ici parce que je me suis réveillé et..." Le doute ne te laisse pas d'autres choix que d'improviser. Alors qu'une partie de ton esprit reste perturbée par sa question, tu entames un résumé de ce qui t'amènes dans ce bureau. "Et quand je me suis réveillé, on m'a demandé quel jour on était et ... Et j'ai répondu qu'on était en 2017." Tu détestais l'exercice. C'était désagréable pour le coup. Parce que tu savais que tu ne répondais pas à sa question. Parce que tu ne savais pas quoi répondre à sa question. Et parce qu'au fond de toi, ça te mettait hyper mal à l'aise. "Visiblement, j'ai zappé les dernières années et parfois, il m'arrive de perdre le contrôle de moi-même." Brillant résumé. Amnésique et sorcier incapable de se contrôler, qu'on a du plusieurs fois calmé avec de fortes doses de tranquillisant. "Visiblement..." Admirez la répétition de celui qui doute de lui, complètement perdu. "... on m'a dit que j'ai fait le con du genre à lancer un sort trop important pour moi. J'ai entendu aussi que j'avais consommé des comprimés avant. Genre comme si..." Non, ces mots-là sortiront pas là tout de suite. T'es franchement pas prêt à le dire, à te l'avouer, à envisager ça autrement que comme une hypothèse probable.
Que puis-je faire pour vous ?
Tu déglutis. Ca fait quelques instants que tu ne croises plus le regard du psychomage, tes mains se triturant l'une l'autre. Tu aperçois ton bracelet, celui-là même que l'on t'a posé pour surveiller tes signes vitaux et t'empêcher de quitter l'établissement. Une laisse magique, qui s'avère aussi une protection pour les autres.
"On m'a dit des trucs sur ces années que j'ai oublié. Des trucs genre importants, mais mon esprit veut pas se débloquer et..." La question prend alors dans ta tête une autre forme. De "que puis-je faire pour vous?", elle devient "Qu'est-ce que vous voulez ?". Et après un instant de silence, l'une de tes mains venant toucher ton bracelet, tu réponds simplement : "Je veux sortir." Mais ce sortir, c'était pas dans le sens d'une certaine Ymkje De Booij, en signant une décharge. Tu voulais récupérer ta vie, te dire que t'étais guéri. Pouvoir te regarder dans une glace et te dire que tout était bon.
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Re: Comment on procède ? (Kash) (terminé)
Déconcertante, ta demande l’est tant elle invite à l’expression des besoins relatifs à cette entrevue. Une ouverture permise à la parole. L’étrangeté que dégage son regard n’a rien d’étonnant. Tes paupières se plissent alors qu’il débute. Cela témoigne de ta concentration accrue. Tu prends quelques notes, comme à ton habitude. 2017. Une année charnière de toute évidence, celle à laquelle le jeune homme est probablement resté.
2017. Le réveil. Quelques années auparavant la réalité actuelle. « De perdre le contrôle ? » questionnes-tu à sa suite. Tu hoches la tête à plusieurs reprises, en guise d’invitation à poursuivre. Oui, comme si … Comme s’il avait souhaité attenter à ses jours ? L’hypothèse dans un coin de l’esprit, naturellement une question que tu poserais. Tu relèves qu’un sortilège aurait mal tourné, ce qui reste classique dans cette unité.
Tu aborderas le sujet fâcheux plus tard. Certainement pas dans l’immédiat. Tu as cette faculté innée que l’on dénomme l’empathie. Une alliée précieuse dans la mesure où elle t’aide à percevoir, à devenir. L’intuition est aussi une aide redoutable. « Donc … Si je résume vous vous êtes essayé à un sortilège complexe qui a mal tourné. Vous avez consommé des comprimés juste avant. Et vous êtes désormais amnésique. Avez-vous conscience que nous ne sommes pas en 2017 ? »
Entendre que les autres vous affirment être en 2017 n’est pas la même chose que le croire et en être intimement convaincu. Le temps n’est autre qu’une construction socialement et culturellement partagée. Tu remarques les mouvements de ses mains, son regard fuyant. Il n’y a pas de mal, tu es habitué. « Des trucs sans doute difficiles à croire du fait que vous ne les ayez pas vécus, c’est bien cela ? » Comment être acteur d’une vie qui semble nous avoir filé entre les doigts au point de ne pas l’avoir connu ?
« La sortie sera longue, Mister De Launay ». Il ne s’agit pas de lui démontrer le contraire. L’honnêteté doit primer. « J’imagine que vous avez des proches ? Quelles relations entretenez-vous avec eux ? » La famille, les amis, le soutien de manière générale. Une ressource primordiale dans ces situations chaotiques. Sortir. S’en sortir. S’extraire de cet étau.
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Re: Comment on procède ? (Kash) (terminé)
Au résumé, tu hoches doucement la tête à l'affirmative, mais la question te laisse de marbre un instant. Parce qu'au jeu de l’honnêteté auquel tu te prêtes actuellement, la question t'arrêtes, t'effrayes presque. Chaque mot du docteur semble être choisi avec un soin particulier, et pourtant la diction est fluide, incisive presque. Et ces mots te placent dans une situation d'inconfort flagrant. "On me l'a dit oui." Incapable de répondre plus. Oui serait une réponse logique. Tu as vu les calendriers, le journal, tu as entendu les gens te le dire et pour certains tu as une confiance aveugle en eux. Pourtant, cette idée n'est pas encore pleinement accepté dans ton esprit. Peut-être qu'un jour tu t'y feras, mais présentement, ton état se lit sur ton visage. Tu le crois parce que tu n'as pas réellement le choix, parce que c'est une vérité vraie qui n'est peut-être pas la tienne, mais qui est celle du présent.
« La sortie sera longue, Mister De Launay ». "Je le sais aussi. J'en ai conscience." Parce que tu es au courant de ce que tu as fait, de ce qu'il s'est passé à ton réveil. Tu sais que quelques fois déjà tu as perdu le contrôle de tes actes, tu sais pourquoi on t'a mis ce bracelet et contraint par la même à l'enceinte du bâtiment. Une magie non contrôlée, c'est dangereux. Et en l’occurrence, tu ne contrôles plus rien. Il y avait blessé un personnel infirmier, et un inconnu qui n'avait rien fait. Au fond de toi, dans ton esprit logique et rationnel, tu sais que tu aurais fait le même choix, que cette décision est à la fois juste et mesurée. Alors elle, tu l'acceptes. Tu en as conscience. Cela ne t'empêche pas d'espérer, de vouloir œuvrer dans le but d'atteindre cet idéal.
« J’imagine que vous avez des proches ? Quelles relations entretenez-vous avec eux ? » "Je le aimes. Je suis désolé de leur avoir fait du mal." C'est sincère, rapide comme réponse. "Ma mère était là quand je me suis réveillé. Mes soeurs sont passées rapidement. Des amis aussi. L'une de mes soeurs est ma jumelle. Je..." l'aime plus que tout ? Probablement. Mais ça ne t'a pas empêché de faire ce que tu as fait. De tenter l'impossible en te prenant pour Merlin. Et d'échouer lamentablement. "Je ferai tout pour eux. Mon père n'est pas encore venu lui. Il est occupé à son cabinet. Et j'ai un filleul... il parait. Mon neveu. Il a trois ans." D'où le il parait. Trois ans, c'est moins que quatre. Ça explique ton attitude, ton ton, ta posture. T'as honte, parce que lui, tu l'a complètement oublié. Et gérer une future rencontre, l'idée te tétanise presque autant que si un épouvantard apparaissait devant toi.
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Re: Comment on procède ? (Kash) (terminé)
L’affirmative témoigne de la compréhension du discours. T’en assurer est primordial, sinon comment venir en aide à quiconque ? Car bien souvent tes patients te l’expriment cette sensation que tu lis dans leurs esprits tels des ouvrages dont les pages s’offriraient à toi sans résistance. Mais avant cela, tu dois t’assurer de son adhérence à la date actuelle. A savoir le fait que vous n’êtes plus en 2017 mais bien en 2021. La notion du temps étant socialement partagée, un individu en marge n’est pas accepté du reste de la population.
Tes paupières se ferment d’une lenteur inhabituelle. Précisément ce geste qui te permet de signifier chez l’autre ta compréhension, ton écoute profonde. La culpabilité ressort de ses dires quant il s’agit de ses proches. Une famille à laquelle il regrette le mal provoqué. S’il est vrai qu’il semble bien entouré, cela ne signifie pas qu’il ne se sente pas au cœur d’un isolement total. La distance réelle n’est pas toujours celle ressentie. « Je ? » poursuis-tu avant qu’il ne reprenne finalement.
Tu ne peux t’arrêter à cette idée qu’il puisse englober toute la famille dans une seule et même idée. Tu sens qu’il y a cette sœur jumelle. « La gémellité est souvent source de liens très ancrés ». Le sujet allant désormais vers l’existence d’un filleul d’à peine quelques années. « Il paraît ? » Tu fais une pause, voulue. « Vous n’en êtes pas certain ? » L’avait-il oublié ? Ce qui au demeurant est une possibilité.
Tu détournes l’œil vers les tableaux qui ornent les murs alentours. De quoi te distraire un temps, celui de la réflexion. Il y a des points – ils sont nombreux – qui restent à éclaircir. « Voulez-vous m’en dire davantage sur ce sortilège ? Vous expliquez avoir pris des médicaments avant sa réalisation : quelle était votre intention ? » S’agissait-il d’une tentative de suicide comme cela pourrait le laisser sous-entendre ?
« Je m’interroge également sur vos souvenirs : pouvez-vous me clarifier vos pertes de mémoire ? Est-ce que parfois les choses semblent vous revenir ? Que savez-vous de vous avant l’incident ? Vous ressentez-vous comme étant la même personne ? » L’amnésie aurait-elle bouleversé en partie son identité ? Bien qu’en soit toute perte mnésique chamboule inévitablement notre être tout entier, au point de s’en oublier totalement dans le cadre de certaines affections neurologiques.