1996 - 2007 ━ Un garçon comme les autres. Que dire de mon enfance ? Je suis né à Naples le 16 juillet 1996. J'ai passé les quatre premières années de ma vie sur la côte Italienne, apprenant dès le plus jeune âge à prendre le temps d'avoir le temps. Je me rappel encore des longues après-midi où ma tante nous emmenait sur la plage, mon cousin et moi, pour collecter des coquillage. Quand je rentrais, j'étais si fier de présenter mes nouveaux trésors à mes parents. Si bien que dans ma chambre, on avait posé une étagère exprès pour exposer mes trophées. Les cauris et autres bigorneaux côtoyaient des galets polis par les vagues méditerranéennes, et des cailloux quelconques vaguement brillants qui étaient autant de pierre précieuse à mes yeux encore naïfs. Puis mes parents se sont rendu compte que vivre ensemble n'était plus une option. Enfin, ma mère surtout, car selon mon père, elle restera le seul et unique amour de sa vie. C'est elle qui demandera le divorce et obtiendra ma garde. J'étais trop jeune alors pour comprendre que Fabio, le gars trop cool avec sa moto, en était la cause. Elle avait décidément un truc pour le Italien. Mais celui-ci habitait en France, du côté de Nice, alors nous l'avons rejoint. Deux ans plus tard, c'est ma petite sœur Sylvia qui venait au monde, et elle était le monde pour moi.

Notre vie dans le sud était plutôt parfaite, jusqu'à ce que je doive apprendre, à l'âge de 7 ans, le sens de mots qu'aucun enfant ne devrait connaitre : leucémie lymphoïde. C'était injuste, profondément injuste. Elle ne connaissait encore rien au monde. Je voulais l'emmener chasser les coquillages avec moi, elle qui semblait fascinée par les reflets que mes "pierres précieuses" faisaient sur le mur quand le soleil couchant donnait sur ma collection. La vie ne m'en laissera jamais l'occasion. En un peu moins d'un an, elle a emportait Sylvia, et avec elle, mon innocence, et les dernières ficèles qui tenaient encore difficilement le couple de ma mère et Fabio. Comme tous les étés depuis le divorce, je passais mes vacances auprès de mon père, qui entre temps avait déménagé en Sardaigne. Je n'étais pas là pour l'enterrement, et avec le recul, je pense que c'est une bonne chose, j'ai pu fêter mes huit ans sans l'image d'un cercueil miniature en tête. Lorsque le mois de septembre est arrivé, l'avion ne m'a pas déposé sur la côte que je connaissais. Loin de la mer, l'horizon me montrait alors un océan, beaucoup moins chaleureux et rassurant. Seule à présent, ma mère avait voulu se rapprocher de la sienne, et rejoindre sa Bretagne natale.

Ce fut la rentrée scolaire la plus étrange de ma vie, et pourtant l'avenir allait m'en réserver une pas banale. J'étais le petit nouveau, qui parlait mieux l'italien que le français, le teint beaucoup trop bronzé vu l'ensoleillement du coin. J'ai dû troquer mes tongues contre des bottes en caoutchoucs et mes shorts contre le fameux ciré jaune. J'ai crû détester tout ici, jusqu'à ce que la forêt de Brocéliandre remplace les plages, et que les livres sur les légendes celtes et le mythe Arthurien n'évincent les coquillages de mes étagères. La mélodie de mon cœur est doucement devenu un chant italien sur fond de cornemuse, et avec l'âge, j'ai compris ce que voulais vraiment dire d'avoir une double nationalité. J'avais presque l'impression d'être un superhéros, avec deux vies tellement différentes l'été et le reste de l'année, sans que aucune d'elle ne s'entrecroise jamais vraiment. Comme je lui semblait un peu renfermé, ma mère a décidée de m'inscrire au club de théâtre péri-scolaire, et elle m'a fait découvrir une seconde passion. Quand je n'avais pas le nez plongé dans mes livres de contes, c'est parce que je m'amusais à créer un personnage et à le jouer devant mon miroir. Si bien que selon ma famille, plus tard je serai un auteur ou un acteur, à n'en pas douter. Mais on verrai ça après mon bac, déjà, il allait falloir préparer mon entrée au collège l'année prochaine, j'entrais dans la cours des grands !  

Juillet 2007 ━ Tu es un sorcier Luka. Normalement, je prend toujours l'avion vers l'Italie le 15 juillet, histoire de profiter des feux d'artifices avec ma mère, qui m'avait longtemps fait croire que c'était pour fêter mon anniversaire. Même si, à la veille de mes 11 ans, je savais maintenant que ce n'était plus le cas, c'était devenu notre fête à nous, puisque le jour même, j'étais chez mon père chaque année. Mais cet été sera différent. Le 20 juillet, ma mère a embarquée pour la première fois depuis six ans avec moi, car elle avait quelque chose à annoncer à mon père.

Le 13 juillet, en début d'après-midi, un homme était venu frapper à notre porte. Ma mère avait ouvert et l'homme lui avait tendu un courrier qu'elle lu, sans vraiment comprendre le sens des mots qui coulaient sous ses yeux. L'homme attendit qu'elle ait fini, et devant son regard interrogateur, il lui précisa qu'il était ici pour tout lui expliquer. Je voulais savoir moi aussi, mais elle ne me laissa pas le choix d'aller dans ma chambre. J'essayais d'écouter aux portes, mais ils étaient trop loin, alors je me suis rabattu sur un livre qui était à la liste du collège de quartier dans lequel je ferais ma rentrée. Un recueil de poèmes d'Arthur Rimbaud. J'ai perdu la notion du temps, quand ma mère a doucement toquée à ma porte. Elle est entrée avec l'homme, m'a regardé comme si elle me voyait pour la première fois, puis c'est assis sur mon lit.

Elle m'expliqua alors que le monsieur était venu pour me proposer d'entrer dans en collège un peu spécial à la rentrée, parce que moi aussi, j'étais un peu spécial. Je ne savais pas comment le prendre, parce que j'avais déjà entendu des adultes dirent que Théo, celui qui mangeait ses bâtons de colle, était un peu spécial, et ça avait pas l'air très cool dans leur bouche. Le monsieur, devant mon air dubitatif, attrapa un de mes livres sur les fées, et me demanda si je pensais qu'elles existaient. La candeur de l'enfance pas encore morte, je répondais d'un grand oui, sans vraiment comprendre où ils voulaient en venir tous les deux. C'est parce que je croyais aux fées que j'étais spécial ? Mais l'homme me dit alors que j'avais raison d'y croire, et que dans l'école où il voulait m'emmener, je pourrais en voir des vrais, mais qu'il faudrait faire attention, parce qu'elles ne sont pas toujours très gentille. Il m'expliqua alors qu'il existe des gens dans le monde qui ont un don, celui de la magie. Et que je faisais parti de ces gens. En d'autre terme, que j'étais un sorcier. Lui aussi en était un, et il serait l'un de mes professeurs. Je le voyais alors, à travers mes yeux émerveillés, sortir une baguette et animer d'un simple mouvement le plafond d'étoile filante que ma mère m'avait peint.

2007 - 2013 ━ Beauxbâtons. Avant la rentrée, mes amis ont étaient très déçu d'apprendre que finalement, ma mère avait décidée de m'inscrire dans une école privée dans le sud, pour que je puisse pratiquer plus de théâtre, mais ils étaient heureux car ils connaissaient un futur grand acteur. Et puis j'avais promis de rentrer pour les vacances. Bien entendu, je n'avais pas le droit de dire la vérité. J'étais un peu triste de ne plus être en classe avec eux, mais aussi très excité. J'allais apprendre la magie ! Je m'étais déjà plongé dans plusieurs livres que ma mère avait dû acheter avec une monnaie bizarre. J'avais tellement hâte d'essayer de jeter des sorts depuis que j'avais eu ma baguette magique !

La rentrée me sembla comme dans un conte de fée. Le palais été à couper le souffle. Jamais dans ma vie je n'avais vu autant de richesses et de raffinement. En plus, j'avais l'air si mignon dans mon costume bleu. On m'emmena, avec une floppée d'autre gamins, devant huit créatures étranges. On nous plaça aléatoirement, et puis on nous demanda d'en rejoindre une, sans réfléchir. Mes pas m'emmènent vers une espèce de grande créature de terre, dont j'apprendrais plus tard qu'il s'agit d'un Golem. À présent, les gens qui étaient avec moi étaient ma nouvelle maison, ma nouvelle famille. J'étais aux anges.

Ca n'a pas duré longtemps. Un enfant blanc ne sait pas ce qu'est le racisme. Moi je l'ai appris à 11 ans. Faux sorcier. Idiot de moldu. Sang de bourbe.  Les insultes résonnent encore en moi aujourd'hui, comme autant de claques distribuées. "Il va falloir revoir votre comportement monsieur Agreste, c'est le troisième avertissement ce trimestre pour bagarre". Ouais, mais il avait encore une fois insulté ma mère. Je ne sais pas comment, mais ils avaient appris pour ma sœur, et me répétaient que c'est elle qui l'avait tué. Je pleurai de rage, mais j'avais trop de fierté pour demander de l'aide aux adultes. Surtout qu'à côté, mes résultats scolaires étaient excellents. Je voulais la rendre fière, ma mère.

À l'âge de 15 ans, j'étais l'une des têtes de classe, mais je passais mon temps à me battre, si bien que je multipliais les retenues, et que le renvois m'était épargné uniquement grâce à mes résultats. L'un de mes seuls potes, Benjamin, un sang-mêlé, m'avait invité chez lui pour les vacances d'automne, et son grand frère nous avait fait fumer pour qu'on soit un peu plus cool. Depuis, on se débrouillait pour faire rentrer des clopes en douce à l'école. Quelle merde, j'aurais jamais dû tirer, en plus c'était dégueulasse. Mais j'avais besoin de me vider la tête, parce qu'à côté de ça, et bien les hormones me travaillait, et j'avais régulièrement la gaule lorsque mes collègues d'internat sortaient de la douche. Je voulais le cacher, car mon père, tous les étés, me répétait encore qu'il avait peur que cette école fasse de moi une tapette, parce qu'un homme un vrai ça fait quelque chose de ses mains, la sorcellerie c'est un truc de bonnes femmes et de pédales. Le macho italien dans toute sa splendeur. Avec le recul, je comprend pourquoi ma mère l'a quitté. J'ai longtemps cru que j'étais gay, et je l'ai énormément refoulé, mettant sur la gueule du premier qui pourrait l'insinuer.

C'est en dernière année que j'ai rencontré Estelle. Elle était de la même année que moi, mais on ne s'était jamais vraiment intéressé l'un à l'autre avant qu'elle ne devienne ma binôme de botanique. Elle m'a fait comprendre que j'aimais aussi les filles, et c'est elle qui m'a fait perdre ma virginité, au grand plaisir de mon beauf de père qui lui a mit une main au cul quand il l'a rencontré. Je ne suis plus jamais retourné l'été chez lui après cet événement, et de toute façon il ne pouvait plus l'exiger, car tout jeune diplômé, je venais aussi d'atteindre ma majorité.  

Depuis 2013 ━ Hungcalf. Malgré un bilan mitigé sur mon comportement, j'étais dans le top 5 des étudiants de ma promotion. Alors on me proposa de tenter de rentrer à l'université. J'avais depuis longtemps exprimé le souhait de devenir historien, et il y avait cette institut, en Ecosse, qui offrait l'un des meilleurs cursus dans le domaine. Alors j'ai tenté, et c'était limite, mais c'est passé.

Je ne me suis pas senti dépaysé en posant mes valises en Ecosse. À bien des égards, ce pays est semblable à la Bretagne qui coule dans mes veines. Ma signature, sans surprise, me classa dans ma nouvelle "famille" (décidément, pour une communauté si fermée, la notion de famille semble être essentielle). Sans surprise, chez les marginaux. Ouais, ça m'allait. Je suis un marginal, et j'en suis même plutôt fier. Après tout, y'a que des tartes pour rentrer dans des moules.

Estelle et moi, ça a duré encore quelques mois, mais elle était restée en France, et finalement, la relation à distance ne nous a pas réussi, alors on a décidé d'un commun accord d'arrêter. Enfin, elle était plus d'accord que moi.

C'est peut-être ma rupture qui m'a perturbé, mais je n'ai pas eu ma première année. Un échec cuisant, comme une claque. Mais la raison été assez légitime. Je suis bilingue français italien. Mais l'anglais ... je n'en avais pas eu le moindre enseignement. Alors mon premier été d'étudiant fut consacré à une pratique ultra intensive de la langue de Shakespeare, et il faut croire que ce fut efficace, car depuis, le problème ne se pose plus. Je vis de nouveau ma double vie. L'année entière, je vis sur le campus d'Hungcalf. Mais quand vient l'été, je vais squatter sur le canapé parisien de mon meilleur ami Théo (celui des bâtons de colle). On n'a jamais perdu contact, et il est maintenant dans la capitale pour ses études, se demandant bien pourquoi son pote est parti en Ecosse pour devenir historien. Peu importe, le soir, on est dans des soirées où je fume bien trop de clopes (et pas que) et bois bien trop d'alcool. La journée, je suis guide au Louvre, dans le cadre de mes études. Un travail saisonnier que je fait depuis 2015. Pendant ces deux mois, j'ai l'impression d'être vraiment moi même. Parce que Théo connait pas Luka le faux sorcier. Il connait Luka le rêveur, le mec qui va philosopher des heures foncedé sur les toits de la ville Lumière. il comprend pas forcément tout ce que je raconte, mais il trouve ça cool. Et puis revient le moment de rejoindre ma "communauté", celle qui a jamais voulu vraiment m'accepter parce que je suis pas né parmi eux. Alors je me met en veille, je me replis sur moi même, et je me plonge dans mes livres. J'entame ma 7ème année cette rentrée, et en plus Gabe, mon coloc de chambre depuis le début, a terminé son cycle. Je me retrouve donc à devoir cohabiter avec deux nouveaux gars que je connais absolument pas, alors autant dire que c'est pas festif pour moi de poser à nouveau le pied dans la ville d'Inverness.