Ma première rentrée à Hungcalf. Si je ne crèche pas à l'université, ça me semble normal, quand même, d'aller passer un peu de temps dans la salle commune de ma maison. D'autant plus que j'ai intégré l'équipe de Quidditch des Jaunes. Alors bon. Il faut quand même qu'ils apprennent à me connaître et que j'apprenne moi-même à les connaitre. Alors, dès que j'ai un peu de temps libre, je fonce pour les découvrir. Pour l'instant.... Bah je connais pas grand monde, encore. Faut dire ce qui est. Moi, je débarque des Etats-Unis, d'Ilvermorny. Ca s'entend à mon accent, d'ailleurs, que je ne fais rien pour cacher. Moi, je suis la fille qui débarque avec ses gros sabots et qui ne s'embarrasse de rien. Je suis la fille qui est capable de débarquer en cours à moitié débraillée parce que mon réveil n'a pas sonné. Pour ça, j'avoue, dormir à l'université, ça serait pratique. Mais bon. Je vais pas m'en faire pour si peu. Au pire, je débarquera en pyjama pilou-pilou, et puis c'est réglé! Clairement, ça me dérangera pas le moins du monde.

Et si aujourd'hui, je suis habillée normalement, c'est dans le but de faire de nouvelles rencontres et connaissances que je débarque dans la salle commune avec un grand: "SALUT LA COMPAGNIE!!! C'EST MOI QUE V'LA!" m'attendant à voir plein de monde dans la salle commune.

Sauf que.... En guise de plein de monde, il n'y a pour l'instant qu'une seule personne. Une grande, une fille qui doit être en dernière année, probablement. Elle semble un peu perdue, ici - sans doute autant que moi - tout en semblant connaître les lieux. Enfin. J'en sais rien, en fait. Elle me tourne le dos. Je pousse un petit soupir. Mon arrivée fracassante est un vrai flop, mais s'pas grave. J'avance dans la salle un peu comme un cabri, et je viens me percher sur le dossier du canapé, pour voir un peu mieux la fille qui est déjà là.

"Salut! Moi, c'est Heaven. J'viens d'arrver d'Ilvermorny. Et toi? A moins que ce ne soit vous? T'as l'air d'une assistante prof. T'es la directrice de maison?"

Je n'ai même pas songé à enchainer en la vouvoyant après avoir suggéré que ça puisse être un "vous". Je suis trop cash pour ça. Je lui souris, avant de me relever et de commencer à fouiller un peu partout.

"Il y a des trucs à manger, ici? Ou faut aller dans les cuisines de l'université?"

Je suis bavarde. Mais en même temps, je suis terriblement excitée à l'idée d'être enfin étudiante et plus seulement élève à l'école de magie. J'ai l'impression d'être entrée dans la cour des grands et je suis incapable de cacher ma joie. Je suis un peu comme un livre ouvert, en fait, il faut le dire. Le pire, c'est que je ne me rends pas compte que ça peut intimider ou déranger d'autres personnes en face. Je suis comme ça, et puis c'est tout. J'ai envie de tout découvrir, d'ouvrir chaque porte pour voir où elle mène, chaque placard, même. Mais même moi, je sais que ce serait un peu trop. Alors je me retiens. Et je finis même par laisser du temps à la jeune femme avec moi pour en placer une. Ca y est. Je me tais. Mais pour combien de temps?

"Hein? Euh.... En Première année?" m'exclamé-je juste après lui avoir coupé la parole pour demander s'il y avait un truc à manger.

Je la regarde des pieds à la tête, oubliant, sur le moment, que j'ai faim.

"On va se croiser en cours, alors? T'es dans quel cursus? Tu suis quelles matières? Oh! Tu voudras pas m'aider? Je suis pas la plus assidue des élèves, il faut l'avouer."

Et voilà, c'est reparti. D'ici à ce qu'elle se fasse la malle saoulée par mon babillage!

"Si je parle trop, faut le dire, hein, surtout! D'après mes papas, c'est parce que j'ai peur du silence. Je sais même pas si ça existe, une peur pareille! Je dirais plutôt que j'aime pas ça. J'ai l'impression que quelqu'un va se faire gronder. Ou qu'il va arriver une catastrophe, plutôt. Tu sais? Comme dans les films d'horreur! Le calme avant la tempête!"

A cet instant, mon ventre émet un gargouillement sonore, indiquant très exactement la raison pour laquelle je demandais s'il y avait quelque chose à manger ici.

"Oups! Je crois que j'ai vraiment faim, là."

Quant aux elfes de maison, si je sais qu'ils existent, je ne peux pas dire que je les ai trop souvent croisés à Ilvermorny. La cuisinière en chef avait plutôt tendance à me chasser des environs de la cuisine, si vous voyez ce que je veux dire. Je m'adresse donc au vide autour de nous - parait qu'ils savent être invisibles -

"Dites, Messieurs, Mesdames, Mix les elfes de maison, ce serait possible d'avoir quelque chose à grignoter en salle commune des Summerbee?"

Je marque un temps de silence puis rajoute, comme si j'avais oublié: "S'il vous plait. Et merci! "

J'ai vraiment du mal à y croire, lorsqu'elle me dit qu'elle est en première année et je me frotte les yeux. Puis elle m'explique. Avant, elle faisait un autre cursus. Rien à voir avec son nouveau, clairement. Je me demande même s'il y a seulement des matières en commun entre justice magique et mode. A dire vrai, je ne sais même pas ce qu'il y a comme matières dans chacun de ces cursus. Quand je me suis inscrite en sports, j'ai juste regardé ce qu'il y avait dans le mien, et c'était bien suffisant. Même si j'ai rajouté étude des moldus. Mais en même temps, j'ai grandi avec deux pères moldus. Donc bon. Ce sont un peu des points bonus, pour moi, avec cette matière!

"Euh bah ouais, non, en fait. Je suis en sport, moi. Donc, c'est plus: vol, médias, sortilèges et étude des moldus que j'ai pris en option facultative." Pour les points supplémentaires.

Mais cette dernière phrase, je ne la prononce pas à voix haute, et ce n'est clairement pas plus mal. Je serais passée pour quoi, sinon?

"Tant pis, s'pas grave. Ca valait toujours le coup d'essayer! Comme dit Papa Ben, "Qui ne tente rien n'a rien." Bah au moins, j'ai essayé."

Je porte la main derrière ma tête en tirant un peu la langue, comme dans les mangas que j'ai tellement lus et regardés quand j'étais enfant. J'ai beau n'avoir que dix-huit ans, parfois, j'ai l'impression que c'était hier, et à d'autres moment, que c'était genre il y a mille ans au moins. Je ne suis clairement pas pressée que les années passent, c'est le moins que l'on puisse en dire.

Et puis mon ventre gargouille, signe que je commence à avoir faim. L'heure du repas est pourtant loin, encore. Mais j'ai tellement toujours l'habitude d'avoir une barre de céréales chocolatée dans la poche de mon sac que là, de pas l'avoir, forcément, mon ventre râle. Je n'ai pas mon apport quotidien en énergie. Sur les conseils de Holly, je demande donc au vide s'il y a quelque chose à grignoter et ma consoeur de maison m'invite à m'asseoir sur des sièges bien trop confortable où je suis à peu près sûre que je vais m'endormir si je ne fais pas attention.

Heureusement, la nourriture apparaît à cet instant sur la table basse. J'écarquille des yeux, comme je l'ai fait à onze ans la première fois que c'est arrivé à Ilvermorny. Il y a vraiment des choses auxquelles je ne me ferai jamais. Ou si ça arrive un jour, c'est que je suis blasée et que j'ai perdu mon âme d'enfant. Ce que je ne souhaite pas. Jamais!

"Merci! Et si vous en voulez un peu, n'hésitez pas à venir vous servir!"

Parce que je me connais. Il y a beau avoir pour un festin, je suis capable de tout manger si je n'y prête pas attention. Et qui devra faire 30 tours du terrain de Quidditch en courant pour éliminer tout ce gras? C'est bibi!

"Ch'est cro bon!" dis-je, la bouche pleine.

En vrai, j'ai un peu envie de rire quand elle me propose son aide en étude des moldus. La vérité, c'est que j'ai été élevée par deux moldus. Alors bon. Cette matière, clairement, je la maîtrise un peu et ce sont vraiment des points faciles qui me permettront de valider plus facilement mon année. Mais si elle pense pouvoir m'aider, pourquoi pas? Par contre, pour les sortilèges, c'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Parce que je suis bien souvent trop tête en l'air pour suivre vraiment ce qui se dit en cours. C'est pas que je ne suis pas douée, c'est juste que, vraiment, je ne prête pas attention à ce que peuvent dire les profs et que d'une coup, ce que j'entends entre par une oreille et ressort par l'autre. C'est très désagréable, même pour moi, en vrai. Mais j'ai trop la bougeotte. Rester sur place, bien sagement, ça me prend vite le chou. Même là, en vrai. Je commence à avoir envie de bouger, de faire quelque chose de mes dix doigts.

Et heureusement, finalement, que mon corps est d'accord avec moi et réclame à manger. Parce que sinon, je pense que j'aurais commencé à pianoter sur l'accoudoir du fauteuil dans lequel je suis installée. Finalement, demander à manger aux elfes de maison, c'est un bon prétexte pour faire quelque chose. Et quand la nourriture arrive devant nous, me jeter dessus en est un autre. Et je ne me fais pas prier, d'ailleurs. Et c'est vraiment bon, comme je l'ai souligné. Par contre, je suis un peu étonnée quand elle me demande d'arrêter de la vouvoyer. J'ai fait ça, moi? Je relève la tête, un air un peu surpris sur le visage, tenant un sandwich dans une main et un verre de soda dans l'autre, bouche légèrement entrouverte.

"Oh! Euh... Pardon." dis-je. Pourtant, en règle générale, j'ai plutôt tendance à tutoyer les gens, éducation américaine oblige. Les vouvoyer, j'ai du mal et faut souvent que je m'y reprenne à trois ou quatre fois voire même plus pour que ça me rentre dans la tête. En général, on est même plus proche de 10 ou 20 fois, sauf si la personne en face de moi est vraiment vieille. Genre, avec des cheveux blancs, des rides et je ne sais quoi d'autre. Même les profs dans la quarantaine, j'ai tendance à vouloir les tutoyer - et donc, à me prendre des remarques acerbes - quand je les rencontre. Combien de fois ai-je sorti un "hey, Monsieur/Madame/Mixe, tu peux...." au lieu de vous. Non, vraiment. Vouvoyer, c'est pas dans ma nature.

Alors certes, je pourrais trouver une pirouette. Et dire que ça s'adressait aussi aux elfes de maison. Ou que j'ai vu quelqu'un passer dans son dos. Mais je vais éviter de donner l'impression de me foutre d'elle juste pour m'en sortir, parce que ce n'est pas le cas. Ceci dit, si les elfes de maison ont faim, ils peuvent carrément se servir, eux aussi. Ils sont même les bienvenus, s'ils ont la dalle. Déjà que ça doit pas être facile tous les jours de nourrir les estomacs des étudiants. Surtout s'ils sont tous un peu comme moi. Je les plains vraiment. Oh et puis zut...

"En vrai, le vous, c'était toi, mais ça pouvait aussi être les elfes de maison, s'ils étaient encore dans la pièce. Mais désolée quand même. J'ai vraiment pas fait gaffe." dis-je en lui adressant un large sourire, un peu canaille quand même. "Sinon, pour les matières, en sortilèges, ça pourra m'être utile. Mais en études des moldus, disons que j'aurais sans doute, moi, pu t'aider davantage que l'inverse: mes papas sont tous les 2 moldus. Moi, j'ai été adoptée." Et ça viendrait de ma famille biologique que je suis sorcière. Honnêtement, j'ai jamais compris comment mes papas n'ont pas pêté un câble quand ils l'ont su.

C'est cool, en tout cas, de rencontrer quelqu'un de nouveau. Ca me plait bien. Même si elle est plus âgée que moi. Même si elle reprend ses études à zéro et qu'on se retrouve dans la même année et que ça me semble un peu beaucoup incroyable.

"Avec plaisir pour t'aider si tu as un problème avec ton téléphone." je réponds entre deux bouchées.

Finalement, nous discutons encore un peu, faisons connaissance. Elle a vraiment une attitude de parent et je finis par apprendre que justement, elle est maman. Sur le moment, je me demande ce que ça fait d'avoir une maman, moi qui ai eu deux papas en grandissant. Mais je ne suis pas à plaindre. Loin de là. Je ne changerais ma place pour rien au monde. D'autant que ça ne m'a pas empêchée d'apprendre plein de trucs de filles: me maquiller, me mettre en valeur, les histoires de cycles et tout ce qui va avec. Je n'ai pas été parachutée dans le monde adulte comme ça sans préparation.

Lorsqu'elle me dit qu'elle va devoir rentrer chez elle s'occuper de son fils, je me rends compte que moi aussi, il faut que je rentre dans mon petit appartement en ville qui coûte les yeux de la tête à mes papas, mais qu'ils ont tenu à me prendre pour mon confort personnel. Nous faisons une partie du trajet ensemble avant de rentrer chacune chez nous. Au moins, j'ai bien mangé et je n'ai pas besoin de me refaire à manger. C'est toujours ça d'économisé. Je me demande, d'ailleurs, si je ne devrais pas faire ça tous les jours, manger à l'université avant de rentrer chez moi.