6 septembre 2021

L'été était passé sans que je n'ai d'autres nouvelles de Juliet. Enfin... Pas depuis notre conversation dans les toilettes de l'université. Du peu que j'en avais su, c'était Jolan qui m'avait donné l'information: Juliet n'avait pas réussi à faire le dernier pas pour avorter. Je ne pouvais pas lui en vouloir, honnêtement. Même si c'était l'enfant de mon petit ami, je n'étais pas certaine que, dans le cas contraire, j'aurais ne serait-ce que pu envisager sérieusement de tuer un enfant. Pas que je sois si croyante que cela, mais cela restait une vie et j'étais persuadée qu'un lien spécial se créait entre une future mère et son enfant dès l'instant où elle savait qu'elle était enceinte. Bref. Je ne lui en voulais pas le moins du monde sur ce point. Je ne pouvais que regretter qu'elle ne m'en ai pas informée.

Tout le mois d'août, j'avais regardé vers mon téléphone - nouveau au demeurant - si je n'avais pas un message de sa part. Suite à la perte du mien, dont il m'avait fallu une bonne semaine pour me rendre compte, j'avais dû en racheter un. C'était donc mon troisième téléphone portable en quelques mois à peine. Je commençais à en devenir une grosse consommatrice, et mes parents commençaient à tiquer de mon utilisation sans bornes de la technologie empruntée aux moldus. Ils m'avaient donc prévenue: c'était le dernier téléphone qu'ils m'achetaient. J'avais intérêt à en prendre soin et à ne pas le perdre. Bref. Il m'avait fallu plusieurs semaines pour récupérer tous les numéros que j'avais avant en mémoire à l'intérieur, et je n'avais pas osé envoyer un message à mon amie. Et si elle pensait que je lui avais menti en disant que je voulais qu'on reparte de zéro? Et si elle avait réfléchi et ne voulait pas nous donner une deuxième chance? J'en avais souffert tout l'été, mais avais préféré attendre la rentrée pour que l'on puisse se voir en face. Ce serait, je n'en doutais pas le moins du monde, plus facile comme ça. Même si j'avais cette peur en moi, cette boule au ventre, qui me faisait angoisser les retrouvailles.

D'ailleurs, c'était en me mordillant la lèvre inférieure que je l'attendais devant la porte de la salle de médicomagie appliquée. Je savais qu'elle y serait, parce que c'était le cours qu'elle avait, là, maintenant. Moi, de mon côté, j'avais un trou bienvenu. Je me tortillais les mains à peu près autant que je taquinais ma lèvre, cherchant n'importe quoi pour essayer de me distraire en attendant la fin de son cours. Il fallait avouer que j'étais aussi très nerveuse de me retrouver à cet étage. La dernière fois que j'y avais mis les pieds? C'était pour accompagner Jolan chercher des ingrédients pour une potion. Au moins, maintenant, je savais à quoi servaient les ingrédients qu'il était venu chercher. D'ailleurs, je voyais bien qu'il souffrait, chaque mois. Pourtant, je tenais ma promesse: je l'accompagnais jusqu'à la cave, je restais avec lui pour discuter, pour le serrer dans mes bras, pour lui faire un bisou, puis je remontais, la mort dans l'âme dès qu'il me disait que la transformation arrivait. Je ne voulais pas que ce qu'il s'était passé quelques mois plus tôt se reproduise à nouveau. Un tatouage pour dissimuler la cicatrice oui, un deuxième, ce serait bizarre. Même si je devais bien avouer que je l'aimais bien, mon tatouage, et que je n'étais pas contre l'idée d'en faire un deuxième - qui l'aurait cru -. Je ne voulais cependant pas que ce soit à cause d'une blessure. Bref. Ce jour-là, les choses ne s'étaient pas passées comme prévu, étant donné que nous avions fini dans les souterrains, pour libérer des elfes torturés. J'avais encore des cauchemars de cet événement. Mais...

Mais déjà, les premiers étudiants commençaient à sortir de la salle de médicomagie, et je m'arrachai à mes souvenirs pour guetter la sortie de la Summerbee. Je la vis rapidement, et mon coeur se serra en même temps que ma voix se brisait pour l'appeler. "Juliet!" Pour une membre de la chorale, ma voix manquait étonnamment de souffle et de coffre et je secouai la tête pour m'écarter du mur et m'approcher de la Blackthorn. "Juliet, tu as une minute? S'il te plait?" demandai-je en la prenant timidement par le bras.

6 septembre 2021

Elle était passée devant moi sans me regarder, sans ralentir. Je ne comprenais pas. Ce que je savais, c'était que je ne voulais pas me mettre à pleurer. Pas tout de suite, en tout cas. Alors j'avais pris mon courage à deux mains pour l'attraper par le bras et demander à lui parler. Je la relâchai aussitôt qu'elle accepta, malgré le ton qu'elle avait pu employer. Elle n'avait pas envie de me parler. Elle ne voulait donc plus de mon amitié. Je sentis un boule se former dans ma gorge, mais répondit néanmoins un: "Merci."

Et maintenant? Je ne savais pas à quoi je m'étais attendue, mais certainement pas à autant de froideur. Certes, les choses s'étaient mal passées en juillet lorsqu'elle m'avait plantée dans les toilettes sans que je n'ai le temps de réagir après qu'elle m'ait dit qu'elle allait avorter. Je n'avais même pas pu lui dire que je voulais l'aider à le cacher à sa famille qu'elle était déjà partie. "Jolan m'a dit que tu n'avais pas pu te résoudre à... Je comprends." dis-je. J'avais, finalement, décidé de prendre le Magyar à pointe par les cornes, même s'il m'en coûtait. Pour autant, je ne prononçai pas le mot en question. Elle m'avait demandé de ne pas en parler, ce n'était pas dans un couloir plein de monde que j'allais revenir sur cette promesse. Même si elle ne m'avait pas entendue promettre.

"Comment... Comment ça se passe?" demandai-je d'une voix hésitante, mon regard errant sur le ventre plat de la Summerbee. Pouvais-je encore dire de mon amie? Au vu de son silence, la question se posait. "Ca ne se voit pas du tout en tout cas." ajoutai-je, enfonçant sans le savoir encore un peu plus le clou.

6 septembre 2021

Comme toujours ces derniers mois, c'était la maladresse qui l'emportait lorsque j'étais face à Juliet. Je ne savais plus comment l'aborder. Nous n'avions, pourtant, qu'un petit mois d'écart, elle et moi. Nous avions fait nos premiers pas ensemble, mon frère elle et moi. Mais entre nous, par ma faute, tout s'était brisé et je peinais à recoller les morceaux. Il fallait admettre qu'elle ne m'aidait pas à le faire, trop sur la réserve. Je ne lui jetais pas la pierre, pourtant, c'était moi la première qui l'avait repoussée. Je me retrouvais donc, aujourd'hui, à pédaler dans la semoule pour essayer de raccrocher le wagon et tenter de retrouver ma meilleure amie. Et c'était dur.

"Tu as..." Je portai une main à ma bouche avant de regarder autour de nous. Il n'y avait personne cependant pour entendre notre conversation. Heureusement. "Oh Juliet! Je suis désolée! Vraiment!" dis-je. Et si mon coeur se brisait de la souffrance qu'elle avait dû ressentir de le perdre, même si elle n'avait pas voulu le garder à l'origine, il se brisait aussi qu'elle ne m'ait rien dit. Mais comment le lui demander sans que cela ne sonne comme un reproche? "J'aurais dû être là. Pour toi" commençai-je. "Pourquoi ne me l'as-tu pas dit?" Voix interrogative, pleine d'incompréhension, comme l'était mon visage. Je ne saisissais pas ce silence. Un silence qui, en réalité, n'en était pas un, mais je ne le savais pas encore.

6 septembre 2021

Elle m'avait envoyé un sms? Mais. Quand? Je ne comprenais pas. Je n'avais rien reçu de tout l'été de sa part, pourtant! Et tout à coup, la compréhension se fit jour dans mon esprit. "Oh! Non! Bien sûr que je t'aurais répondu si j'avais reçu son sms!" répondis-je, ravalant mes larmes. Ce n'était pas à moi de pleurer. Ce n'était pas moi, cette fois, qui avait souffert. "Je n'ai jamais vu ton message! J'avais perdu mon téléphone! Il m'a fallu plusieurs jours pour m'en rendre compte. Tu sais que je ne suis pas à fond dans la technologie moldue! J'ai du mal à tout comprendre." A tous les coups, son message était arrivé pendant le laps de temps pendant lequel je n'avais pas eu de téléphone. A croire que le monde entier se liguait contre nous. Est-ce que Juliet me croyait seulement? Je n'osais même pas lui poser la question. Je l'avais trop souvent vexée ces derniers temps. Par contre, un chose m'interpellait dans ce qu'elle venait de dire.

"Victor?" Mais.... Qu'est-ce qu'il venait faire là-dedans? Il me l'aurait dit s'il avait su quelque chose non? Après tout, nous étions jumeaux et il ne me cachait r.... Je m'interrompis dans mes pensées. Si. Il y avait des trucs qu'il m'avait caché, par le passé. Et un secret qui n'était pas le sien à révéler, il l'aurait gardé. Comme je gardais le secret sur la nature de Jolan, comme je gardais le secret sur ce qu'on pouvait me confier. "S'il était au courant, il ne m'a rien dit. Il a gardé ton secret." Comme je l'aurais fait moi-même. A dire vrai, et là où je pouvais m'en vouloir, c'est que je savais que l'amitié entre mon frère et Juliet ne s'était jamais brisée, j'aurais pu demander des nouvelles de la Summerbee à mon jumeau. Je n'en avais jamais rien fait. Je baissai la tête, honteuse. J'étais, réellement une bien piètre amie.

6 septembre 2021

Je ne savais pas quoi répondre à ce que Juliet venait de me dire si ce n'était que: "C'est bien. Qu'il ait été là, je veux dire. Tu n'étais pas seule, comme ça." Pourtant, c'était moi qui aurait dû y être et pas mon frère. J'en étais persuadée. Mais je ne l'avais pas été, parce que je n'avais pas reçu un stupide sms, étant trop distraite pour m'être rendue compte que je n'avais plus mon téléphone. Ce que je savais, aussi, c'était que je n'avais pas envie de remuer ça trop longtemps. C'était, à n'en pas douter, un sujet un peu beaucoup sensible. Enfin, ça l'aurait été pour moi, en tout cas. Et si j'avais l'impression de ne plus réellement connaître la Juliet d'aujourd'hui, j'étais certaine que la Juliet d'autrefois aurait partagé mon point de vue sur le fait de ne pas continuer à parler de ça. Enfin, je l'espérais en tout cas.

"Je..." ...t'aurais bien prise dans mes bras pour t'apporter un peu de soutien, mais je ne suis pas certaine que tu l'accepterais, vu comment ça s'est passé la dernière fois "suis désolée. Vraiment. Je n'ai jamais souhaité ça."  Et c'était vrai. Même lorsqu'elle avait découvert pour leur liaison, même lorsqu'elle avait appris la grossesse de Juliet de la bouche-même de celle-ci, pas un seul instant Grace n'avait pu souhaiter que Juliet perde le bébé. Que la relation n'ait pas lieu, oui. Mais rien de plus.

"Tu sais... Quand j'ai parlé de tes parents, l'autre fois... C'était pas, enfin. C'était pas contre toi. C'était pour dire que j'étais prête à t'aider pour leur cacher." Je détournai le regard, le levant vers l'escalier où des pieds commençaient à apparaître, indiquant que de nouvelles personnes comptaient se rendre dans la salle de médicomagie... Ou de potions, peut-être.

"Je... Tu as cours de runes, toi aussi, après, ou tu as autre chose entre temps?" demandai-je pour changer de sujet. 

6 septembre 2021

J'étais embarrassée, ne sachant pas quoi dire d'autre, quoi faire d'autre. C'était gênant, il fallait le reconnaître. Jamais la conversation entre nous n'avait été aussi peu fluide. J'avais la sensation de chercher mes mots, de bafouiller, de marcher sur des oeufs par peur de la braquer une nouvelle fois contre moi. Est-ce que j'en voulais à Jolan de nous avoir mises dans cette situation? Oui et non. Je n'étais pas quelqu'un de rancunier, à la base. Je pardonnais tout, en temps normal. Alors pourquoi avais-je autant peiné à pardonner à Juliet? Je n'en avais pas la moindre idée. Pourtant, maintenant que c'était fait - et pas à cause de sa fausse couche - je n'arrivais pas à exprimer ce manque que je ressentais de ma meilleure amie. Néanmoins, j'avais compris qu'elle n'avait plus envie de parler de sa fausse couche, ce que je comprenais parfaitement.

Après avoir détourné le regard vers les gens qui arrivaient et se dirigeaient vers les salles de classe du sous-sol, je demandai à Juliet ce qu'elle avait comme cours. Son suivant était le même que le mien et je hochai la tête à son intention de se rendre à la bibliothèque. Etait-ce une perche tendue? Ne pouvais-je pas en profiter? "Ca te dérange, si je t'accompagne? J'ai quelques recherches à faire en histoire de la magie." expliquai-je.

Comme elle ne s'y opposa pas, je marchai à côté d'elle pour me rendre à la bibliothèque. Néanmoins, elle ne rompit pas le silence, pas plus que moi A chaque pas, je sentais quelque chose se briser en moi, comme si les lattes en bois du pont instable sur lequel je tentais de traverser la faille s'écroulaient sous mes pieds. Je fis de mon mieux pour ne pas baisser la tête ni vouter les épaules alors que nous nous approchions de notre but ultime mais, arrivée sur place, je lui dis que: "Je vais aller m'installer là-bas." en pointant l'aile de l'histoire de la magie. Perche tendue qui ne fut pas saisie comme elle avait autre chose à travailler et je la regardai s'éloigner, peinée mais sans pouvoir lui en vouloir. Si tout avait été gâché entre nous, la faute reposait sur trois paires d'épaules. La sienne et celle de Jolan pour la faute initiale, la mienne pour la réaction qui en avait résulté et le délai avant que je n'ose venir lui reparler. La mienne était sans doute plus grande encore que la sienne, puisque beaucoup trop de temps était passé avant que je n'ose rompre le silence entre l'annonce de sa grossesse et aujourd'hui. Tout ça à cause d'un téléphone perdu...