Londres, cette ville immense qu’il découvrait pour la toute première fois. Cela ne faisait que quelques mois que Joaquin était arrivé en Grande-Bretagne, et absorbé par ses cours il n’avait pas encore pris le temps de faire du tourisme. Mais désormais il prend le temps. Et pour commencer il a décidé de visiter la capitale anglaise. Arrivé le matin même par portoloin, il en a profité pour visiter bien entendu les célèbres monuments moldus que sont le palais de Buckingham ou encore BigBen bien entendu, mais aussi pour faire un tour par le Chemin de Traverse, où il a passé un temps fou dans la libraire Fleury et Botts tant il hésitait entre deux ouvrages, l’un intitulé Faune et flore magique en Asie médiévale, et l’autre étant un traité complet sur les saules anti-pesanteurs. Bien entendu, il a opté pour ce dernier, le premier étant trop générique. Il ignorait s’il pourrait faire pousser ce type d’arbre en Amérique du Sud, mais ça valait le coup d’essayer. Puis, il avait trouvé du réconfort en prenant un chocolat chaud chez Florian Fortarôme. Joaquin avait déjà bien marché pour la journée, et il aurait pu décider de ne pas aller plus loin, et de se reposer, mais il voulait en profiter un maximum, alors il avait décidé de sortir le soir même. Il ne connaissait pas bien Londres, mais il s’était renseigné et avait trouvé une boite apparemment assez réputée, où il pourrait danser et boire raisonnablement.

Joaquin s’était donc dirigé alors que la nuit était bien noire vers cette boite de nuit dont la musique était si forte qu’on l’entendait de l’extérieur. Il y avait du monde qui faisait la queue et le jeune homme avait dû attendre une vingtaine de minutes avant de pouvoir rentrer dans les lieux. Le lieu était sombre, avec de nombreuses lumières et spots colorés un peu partout. Et la foule était compacte. Mais il en fallait plus pour décourageur Joaquin, qui avait alors l’impression de goûter à la liberté pour une fois, lui qui était resté sous le contrôle de sa famille pendant si longtemps. Arrivé, il s’était dirigé vers le bar, où il avait dû attendre encore une dizaine de minutes qu’un serveur veuille bien s’intéresser à lui pour lui servir un verre. Puis le brésilien avait déambulé un peu pour découvrir les lieux, regardant autour de lui comme s’il observait un nouvel écosystème. Il était tellement plongé dans son observation, qu’il ne vit pas tout de suite l’homme qui était devant lui, en train de discuter. Heureusement, il s’en aperçut juste à temps pour ne pas lui renverser son verre dessus, mais il ne put s’empêcher de le bousculer un peu. Il s’excusa aussitôt, mais soudain, alors que l’homme se retournait sur lui, il le reconnut. Il s’agissait de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], un auror dont il avait suivi l’une des conférences à l’université cette semaine. Il ne s’attendait pas du tout à le voir ici, dans ce lieu, même si c’était sûrement logique, les aurors ont leurs bureaux au ministère à Londres après tout. Après un moment d’hébétement, le jeune homme se ressaisit.

"- Oh excusez-moi M. MacCavish, je ne vous avais pas vu. "

Joaquin lui fit un sourire poli, ne voulant pas le déranger plus que ça, il n’était qu’un simple petit étudiant dont le conférencier avait sans doute déjà oublié le visage. Enfin, c’est ce qu’il pensait.

Les spots lumineux et la foule compacte avaient suffi pour que Joaquin perde ses repères. Il avait davantage l’habitude des espèces vierges de toute vie, la forêt amazonienne ou même les enclos où sa famille élevait des veaux de lutte, des veracasses ou encore des gronians. Des lieux où la vie était animale et végétale, et non pas humaine, le Brésil avait beau être un pays magnifique, il ne comptait pas de mégalopole comme Londres. Quand il avait voyagé avant son intégration à l’université, il avait visité l’Australie, l’Asie ou encore l’Afrique, mais toujours dans des coins reculés, là où la faune et la flore étaient prolifiques, ce qui n’était pas le cas des grandes villes où le béton l’emportait sur la végétation. Londres était un écosystème bien différent, et quand Joaquin s’était renseigné sur les boîtes branchées, il n’avait pas particulièrement fait attention que celle qu’il avait repéré se situait dans le quartier gay de Londres. Ce n’était pas ce qui gênait particulièrement Joaquin, il ne s’attachait pas à la notion de sexe classique, il préférait de loin le feeling qui pouvait y avoir avec l’autre personne, surtout si cette personne était charismatique. Et il n’était pas spécialement venu à Londres suite à un pic d’hormone, il voulait surtout boire, s’amuser et danser, ce qu’il n’était pas habitué à faire. Londres signifiait pour lui la liberté, lui qui n’avait pas l’habitude de déroger aux règles familiales. Il était ce type de garçon à boutonner sa chemise jusqu’au dernier bouton, toujours très guindé. Ce soir, c’était différent. Il avait juste mis un pantalon bordeaux et un tshirt blanc, le comble de la simplicité pour lui, ce qui le rendait assez visible dans la salle quand les lumières noires étaient allumées. Tout l’inverse du conférencier qu’il venait de bousculer par inadvertance, totalement vertu de noir. Il ne voulait pas le déranger, et ne s’attendait pas à ce que l’homme le reconnaisse, mais par politesse il avait prononcé son nom. Ce qui sous-entendait qu’il le connaissait. Bien entendu, il allait devoir se justifier. Il eut du mal à se faire entendre entre les garçons qui le bousculaient dans le dos et la musique très forte de la boîte de nuit. Il s’approcha donc naturellement de l’adulte pour qu’il soit sûr d’être compris, en parlant très fort.

" - Desculpe-me. Joaquin, Villanueva, je suis étudiant à Hungcalf, et j’ai suivi une de vos conférences cette semaine à l’université."

Et au vu du nombre d’étudiants, Ian n’avait sûrement pas pu mémoriser son visage, Joaquin n’était qu’un étudiant lambda, là où il n’y avait eu qu’un seul conférencier. Le garçon avec qui Ian discutait le regardait, avant de détourner le regard. Joaquin avait-il fait quelque chose de mal ?

Rencontrer un intervenant dans ce genre de lieux n’était pas habituel, et Joaquin était un peu intimidé. Il aurait sûrement, dans d’autres circonstances, éviter de croiser l’enseignant. La distance avec sa famille le rendait plus libre sur de nombreux sujets, mais il n’était pas pour autant habitué à ce genre d’endroits. En cherchant les lieux branchés, le brésilien n’avait pas fait attention qu’il s’était en réalité dirigé vers le quartier gay, d’où la très forte proportion d’hommes par rapport à la gente masculine. Joaquin ne s’est jamais vraiment posé de questions sur sa sexualité. Il a eu des rapports avec des femmes, avec des hommes, l’identité sexuelle de son partenaire importait peu au final, ce qui comptait, c’était le feeling et l’alchimie entre lui et l’autre personne. Même s’il avait un faible pour les personnes ayant de la culture ou de l’expérience, la preuve en était sa relation cachée avec un ancien professeur de Castellobruxo alors qu’il y était encore élève, en dernière année. Sortir dans une boîte gay ne le gênait donc pas plus que cela. Il avait l’habitude, il en avait déjà faites certaines de par son voyage dans plusieurs pays du monde ces dernières années. Il connaissait les codes : la plupart des garçons s’y baladaient un verre à la main, les yeux à l’affût, et plus la soirée avançait, plus les corps se pressaient les uns contre les autres sur la piste de danse, chacun étant pris d’une fièvre festive, tandis que les hauts tombaient et que les hommes les plus avantagés par la nature exhibent leur musculature pour le plaisir des yeux des autres. Il n’était pas rare de faire des garçons en embrasser d’autres, avec plus ou moins de discrétion et d’exclusivité.  Non, il n’avait pas peur de ce type d’endroits, même si son éducation ne l’avait pas préparé à ce genre de soirées. Ce qui pouvait le mettre dans l’embarras c’était d’y croiser un membre du corps enseignant, et c’était désormais chose faite. Il ne savait pas trop comment réagir. C’était inhabituel. Et je l’avais croisé d’une manière peu habituelle également, d’ordinaire, je pense que je l’aurais évité, pour ne pas le mettre mal à l’aise, m’excusant presque d’exister et de provoquer une collision entre monde personnel et professionnel, mais le hasard en avait décidé autrement.  Mais le professeur lui n’avait pas l’air gêné, ce qui rendait les choses plus faciles. Il allait sûrement lui adresser un bonjour avant de continuer sa discussion avec l’autre garçon.

Le hasard semble s’en être mêlé en effet. Et puis le monde ici nous pousse les uns contre les autres il faut dire.

Même en boîte de nuit branchée, Joaquin a du mal à quitter le côté guindé hérité de son éducation si stricte. Lui avait davantage l’habitude des chemises à haut col boutonné jusqu’en haut, il était toujours très poli et respectueux devant un professeur ou simplement intervenant conférencier. Ian se rapprochait du jeune homme, ce qui ne le perturba pas, ils s’entendaient très mal avec le bruit de la musique. Il n’était pas rare que ce genre de rapprochement en entraîne un autre d’ailleurs. Il se sentit gêné pour l’autre garçon qui repartait avec un regard noir pour le Villanueva.

Non, ne vous inquiétez pas, j’aime beaucoup les cours, je n’en trouve jamais un seul barbant.

L’homme semble avoir une bonne descente. Joaquin trouve cela amusant au final de voir l’homme dans une autre situation que l’université. Qui imaginerait son formateur en boîte de nuit ? Le brésilien ne voit pas tout de suite les intentions dans le regard de McCavish, alors il accepte.

Je ne sais pas si c’est très déontologique, mais j’accepte volontiers, j’ai quasiment renversé tout le contenu du mien de toute façon.

Le monde. Non pas que Joaquin n’aime pas ça, mais il n’y était pas habitué, au Brésil il avait l’habitude des grands espaces, et il était très rare qu’il se retrouve à devoir zigzaguer dans une véritable foule humaine comme c’était le cas ici à Londres. A croire que plus il faisait froid, et plus les gens ressentaient le besoin d’être proches les uns des autres. Se retrouver collé par des corps auxquels je n’ai rien demandé, suant et transpirant, ce n’était pas ce qu’il y avait de plus glamour. De plus, sa famille aurait vu d’un mauvais œil qu’il se mêle à la plèbe de la sorte, chez les sang-pur, on évite les contacts avec des inconnus. Mais pour l’occasion, Ian McCavish n’était pas un inconnu, au contraire. Il avait donné une conférence et Joaquin l’avait suivi religieusement. A ses yeux, il avait devant lui un professeur, ou en tout cas une référence d’autorité, plus qu’un homme lambda, et il se montrait ainsi très poli et très courtois avec son aîné. Pour toute réponse à cette phrase de séduction, il répond par un sourire, cet éternel sourire discret et poli, toujours aussi partagé dans son âme entre le goût de la liberté et des francs sentiments, et de son éducation stricte et rude. Une charmante rencontre, il ne pouvait pas dire le contraire, l’homme était certes attirant, et il dégageait un charme indéniable, mais Joaquin n’avait pas pour habitude de dévoiler ses pensées si facilement, on ne l’avait pas appris comme ça.

Le bruit assourdissant de la boîte de nuit obligea les deux hommes à se rapprocher. Discuter de manière « sérieuse » dans un tel environnement était bien compliqué. La ville avait cette particularité sans doute : la promiscuité, le bruit, l’odeur et la transpiration. Joaquin préférait définitivement son Brésil, mais là-bas il n’aurait pas pu rencontrer Ian. Le brésilien accepte le verre que lui offre l’homme à ses côtés, sans voir là la marque de la séduction alors qu’elle est bien présente. Il est intimidé par son aplomb mais il ne se laisse pas démonter.

Bien entendu si vous, enfin si tu veux, on peut se tutoyer. Ca sera plus simple ici. Je vais prendre un cocktail, je ne connais pas trop les cocktails européens, mais j’aime tout ce qui est à base de rhum. Un mojito ?

Joaquin n’était pas un fêtard en soi, mais il voulait profiter un peu de la vie nocturne et il était sûr qu’il passerait une meilleure soirée accompagné, que seul. Surtout avec un formateur.

J’avais envie de découvrir le monde de la nuit londonienne. Je ne connais pas encore très bien le Royaume-Uni, alors j’explore, je profite de mon temps libre en dehors des cours. Et on m’a dit que cette boîte était très à la mode. Tu viens souvent ici ?

Joaquin tapote son verre de mojito contre celui d’Ian.

Santé !

Le serveur a été généreux, il n’y est pas allé de main morte avec le rhum.

Quand un homme est loin de chez lui, il peut être amené à se rattacher à ce qui lui rappelle sa terre natale, et même si le rhum n’était pas spécialement une spécialité brésilienne, c’était une boisson des Caraïbes, qui n’étaient pas très loin du Brésil. Alors Joaquin s’était tourné vers un mojito pour commencer cette soirée, il ne savait pas encore où elle le mènerait mais sa pudeur et sa timidité naturelle s’étaient estompé avec la présence de Ian, après tout c’était un adulte, il avait l’air de connaître les lieux, et un auror/formateur ne pouvait pas être irresponsable, Joaquin était donc en sécurité avec lui. Le brésilien fut d’ailleurs surpris quand l’homme paya leurs deux verres, il se sentait gêné, il avait de quoi se payer ses propres verres, mais par timidité il n’osa rien dire, mais il se promit en son for intérieur qu’il paierait la prochaine tournée. Car oui, cela voulait dire qu’il y aurait au moins deux tournées, il n’avait plus le choix, cela tenait presque davantage au devoir qu’à autre chose. Le sucre de canne contenu dans la boisson et l’eau gazeuse n’étaient pas suffisantes pour faire passer le goût de l’alcool, et Joaquin n’avait pas l’habitude d’en boire, alors il pria le ciel que la musique soit suffisamment forte pour cacher son léger toussotement. Et puis, de toute manière, Ian continuait à discuter.

Mes connaissances sur ce pays sont assez faibles. J’ai un peu bougé en Ecosse, près de l’école en réalité, et maintenant Londres, mais j’aimerais beaucoup explorer le pays de Galle ou encore l’Irlande. Ou bien même les côtes anglaises. Là où je pourrais trouver des spécimens intéressants de flore locale. En cours, nous étudions surtout des espèces rares et étrangères, mais depuis mon arrivée, pas encore de plants locaux. Si tu as quelques connaissances à ce sujet, je suis preneur. On m’a dit que l’herbe prenait une teinte bleutée la nuit sur les côtes de calcaire du sud de l’Angleterre.

Un bien trop long discours dans une boîte de nuit, mais c’était l’occasion pour le garçon de se détendre. Conscient que le bruit de la musique rendait leurs échanges compliqués, il s’était fortement penché sur Ian, jusqu’à ce que leurs torses se touchent, mais il n’y avait pas prêté attention. Il hocha la tête concernant la réputation des lieux.

Je te fais confiance alors, la boîte a l’air sympa.

Surtout au vu du peu de lieux de ce genre que Joaquin avait pu fréquenté jusqu’alors, les quelques voyages qu’il avait fait à l’étranger tenaient uniquement des séjours pédagogiques, et il prenait rarement le temps de se promener et de faire la fête. Le rhum commençait à monter à la tête du garçon, pile au moment où Ian lui proposa d’aller danser.

Je ne suis pas plus doué que toi je pense, mais on peut toujours aller gesticuler au rythme de la musique oui. Je te suis.

Joaquin s’était joint au sourire de l’homme en face de lui. Il avait l’air sympa, encore plus qu’en cours, simple et accessible, avec de l’expérience et des choses à dire, des qualités que le brésilien ne pouvait qu’apprécier. Et il était plutôt sexy, mais ça ce n’était une pensée qu’avait le Villanueva, il n’y était pas insensible, mais il préférait le fond des personnes plutôt que leur couche externe.

Parler de nature est le moyen le plus évident pour faire réagir Joaquin. Certes, le lieu pour en parler était assez peu habituel, une boîte de nuit n’est pas ce qui ressemble le plus à un parc naturel, mais le brésilien nota l’endroit dont venait de lui parler Ian avec attention et lui adressa un sourire poli à ce sujet.

Je prends note, merci beaucoup. Je demanderai aussi des renseignements au professeur Fraser, il m’a l’air assez peu bavard, mais c’est peut-être une simple impression.

La communication entre les deux sorciers est difficile à cause du bruit, mais Joaquin fait un effort, ce qui l’amène à être de plus en plus proche de l’homme à ses côtés.

Si tu n’es pas un expert en herbologie, quel est ton domaine ? Je ne m’intéresse pas qu’aux plantes, j’ai plein de choses à apprendre ici, c’est pour cela que j’ai fait un si long voyage.

Des mots se perdent peut-être, mais Joaquin et son accent chantant insistent. Pour le reste, il se rallie à son aîné, ce n’est pas le meilleur endroit pour parler, alors autant faire ce qu’ils font tous : danser. Joaquin ne remarque pas tant que ça le clin d’oeil, ou plutôt, il ne sait pas comment y répondre. Il se sent juste à l’aise, et un brin rassuré de ne pas être seul sans aucune connaissance dans cet endroit. Cette rencontre fait s’affronter en lui deux courants contradictoires, d’un côté il aime le contact humain et social que lui procure Ian, et de l’autre il y a sa pudeur acquise par son éducation, qui lui font dire qu’il devrait se comporter autrement et ne pas être aussi collé monté. C’est sûrement la différence d’âge qui rassure le brésilien, Ian est légèrement plus âgé, il a l’air d’avoir de l’expérience et de savoir ce qu’il fait, et en cela il se sent en confiance. Suffisamment pour ne pas fuir quand l’homme lui prend la main pour aller danser sur la piste de danse. Le contact suivant surprit davantage Joaquin, mais en regardant les autres garçons autour d’eux, il vit que cette proximité semblait normale, alors il se laissa aller. Le jeune homme riait sans se faire prier, son sourire continuel aux lèvres cachant les nuages dans ses yeux, ces nuages qui semblaient toujours flouter le soleil de ses pensées. Joaquin se prit au jeu, même s’il n’avait pas non plus l’habitude de danser sur ce genre de musiques, mais il fit de son mieux pour rivaliser avec les autres danseurs autour d’eux. Un moment, il se retourna, faisant dos à Ian, tandis qu’il esquissait un rapprochement inconscient envers l’australo-écossais.

Un nouveau sourire, mais ils furent bientôt interrompus par un troisième, un homme d’une trentaine d’années, torse nu, superbement musclé, qui entreprit de rentrer un peu trop rapidement en contact avec Joaquin, ce qui le mit mal à l’aise, même s’il s’en trouvait flatté, le rouge et le chaud lui montant aux joues.

Spoiler:

Joaquin était un garçon très “conventionnel”, et pourtant ce soir il était sorti de ses habitudes pour affronter un monde qu’il ne connaissait pas : les boîtes de nuit. Heureusement, il était tombé sur un formateur d’Hungcalf, ce qui l’avait immédiatement mis en confiance. Mais bizarrement, il avait du mal à trouver la même chaleur chez son professeur de botanique, pourtant, ils partageaient la même passion des plantes, mais l’homme en kilt lui paraissait inaccessible, ce qui n’était pas le cas de Ian ici présent. Mais Joaquin suivrait ses conseils, et il essaierait d’avoir une entrevue avec le professeur de botanique, ça ne pouvait pas faire de mal.

Tu as raison, j’irai le voir à la fin d’un cours, il n’y a pas de raison qu’il m’envoie dans les orties.

Oui, Joaquin avait encore du mal avec les expressions britanniques, et les réarrangeait à sa sauce, la sauce brésilienne. Avec plus ou moins de succès à vrai dire. Pour entendre ce que lui disait Ian, il était obligé de se rapprocher, mais innocent comme il était Joaquin n’avait pas conscience de cette proximité dans un lieu comme celui dans lequel il se trouvait. C’était sa première boîte gay, et il n’en connaissait pas les conventions.

Je ne m’y connais pas trop en duel, mais par contre les potions c’est quelque chose que j’aime aussi, il faut manipuler des plantes, c’est un peu comme une sous discipline de la botanique pour moi…

Mais Joaquin n’a pas le temps de terminer sa phrase qu’il est entraîné par l’homme plus âgé sur la piste de danse. A vrai dire, son expérience, son air assuré et son entrain sont contagieux, et plaisent beaucoup au garçon encore très impressionnable. Ils dansaient tranquillement, le brésilien se détendant au fur et à mesure, mais leur voisin n’était pas de cet avis, en se montrant un peu trop collant. Mais Ian lui fit faire une pirouette qui allait distancer l’homme un instant, mais seulement un instant, avant que celui-ci ne revienne à la charge. Mais il ne plaisait pas à Joaquin, il avait l’air vulgaire, et même s’il fallait avouer qu’un moment il n’avait pu s’empêcher de fixer ses doigts glisser sur son torse sculpté par le sport, le brésilien ne voyait dans cet homme qu’un morceau de viande qui voulait uniquement se mettre le garçon sous la dent, et il n’aimait pas ça, cela manquait de profondeur. Il ne savait pas trop comment s’en débarrasser, alors il fit un appel de détresse à Ian en lui glissant quelques mots à l’oreille, sa main prisonnière par celle du dragueur.

Aide-moi, je n’arrive pas à m’en débarrasser, il est lourd !

C’était sa première fois. Dans une boîte gay, et Joaquin, d’un naturel plutôt sobre et collé-monté, n’était pas habitué à une telle démonstration de débauche. La moitié des hommes présents dans les lieux était déjà torse nu, certes il faisait très chaud dans le club londonien, même pour Joaquin qui était habitué aux fortes chaleurs, mais pas au point de ressentir le besoin irrépressible de retenir son haut dans les dix minutes qui suivaient son arrivée. Il y avait là quelque chose d’extrêmement sexuel, une sorte de tension qui subsistait dans la foule, comme si cela participait à tous les électriser au rythme des basses, pour souligner la désinhibition consécutive à l’alcool. Mais Joaquin, lui, n’était pas à l’aise avec cette forme de démonstration. Certes, la majorité de ces hommes étaient beaux et musclés, même s’ils semblaient tous fabriqués dans le même moule, et cela pouvait avoir un côté attrayant, mais pour le jeune homme cela manquait terriblement de profondeur de champ. Lui ce qui le faisait vibrer c’était l’expérience, le savoir, la connaissance. Et à part savoir bouger leurs corps, ces hommes ne semblaient pas savoir grand-chose ni même s’intéresser à Joaquin autrement que pour son côté innocent et sans défense.

Heureusement, Ian était là pour éloigner les dragueurs un peu trop insistants. Pourtant, l’un le fut encore plus que les autres, même envahissant, et la pirouette que Ian fit faire à Joaquin ne fut pas suffisante. Il fallait avouer que la danse du nouveau venu était hypnotique, mais ce n’était pas du désir que l’on voyait dans le regard du jeune homme, mais plutôt de la détresse. Ses yeux criaient littéralement « Au secours ». Il parvint à glisser ces mots à l’oreille de l’australo-écossais, qui agit immédiatement. De sa haute stature, il s’interposa et repoussa gentiment l’autre homme pour lui faire comprendre qu’il devait laisser Joaquin tranquille, ce dernier en poussa un soupir de soulagement et adressa un large sourire de remerciement à Ian. Ils purent ainsi continuer à danser sans être gêné par d’autres énergumènes du même genre, et Joaquin commençait vraiment à se détendre, l’alcool et la chaleur aidant, provoquant une certaine proximité avec l’homme plus âgé. Mais il restait innocent alors il ne comprit pas tout de suite ce qu’insinuait Ian à son oreille.

Oui si tu veux, on sera plus tranquille pour discuter.

Sourire presque niais d’un grand enfant, on sentait là que Joaquin était vraiment innocent. Mais l’attirance pourtant était bien là, car il prit de lui-même la main d’Ian pour le suivre et sortir de la piste de danse, où les danseurs constituaient un vrai mur humain compliquant toute sortie. Aux yeux du brésilien, ils en profiteraient pour discuter, ce qui était impossible ici, si possible autour d’un verre. De quoi, certes, favoriser leur proximité naissante.

Tu vis loin d’ici ?

Pour Joaquin, cette boîte de nuit était remplie de nouveautés. Il était un peu perdu dans cette explosion de débauches et de contacts charnels, lui qui venait d’une famille où la pudeur et la rudesse de l’éducation l’emportaient sur la libéralité des corps et des passions. Jamais il n’avait vu autant de liberté et d’absence de limites dans un espace si réduit, tout autour de lui les hommes à moitié nu se trémoussaient les uns contre les autres, leurs corps couverts de sueur se mêlant les uns aux autres, les lèvres formant des ballets incessants, quand les danses n’étaient pas plus suggestives, à se demander d’ailleurs si certains avaient bien compris les notions de pudeur et d’intimité. Mais ce n'était pas le style de Joaquin, qui lui s’amusait sans se dévergonder, enfin plutôt pour lui être dans un tel endroit c’était déjà se dévergonder suffisamment. Surtout en compagnie d’un homme plus âgé qui avait donné des cours à Hungcalf. Au bout d’un moment, l’aîné de ce drôle de duo lui proposa de continuer la soirée dans un lieu plus calme, ce que Joaquin accepta sans y voir immédiatement le sous-entendu. Il était encore très jeune et n’avait pas l’habitude de ce genre de propositions. C’est pourtant très naturellement que Joaquin prit la main d’Ian pour être entrainé dans la foule et ne pas le perdre. L’avantage avec la carrure de l’australo-écossais, c’est que Joaquin avec sa frêle corpulence n’aurait aucun mal à passer entre les danseurs et les corps couverts de sueur. Joaquin réfléchit à la question, mais sa réponse fut rapide.

Oh et bien je t’avoue que je connais très peu Londres, donc si tu as des choses à me montrer sur le chemin pour aller là où c’est plus calme, je suis preneur. Je… il n’y a aucun risque ?

Par ces mots, Joaquin désignait leurs mains encore enlacées. Joaquin était nouveau dans ce pays alors il ignorait s’il y avait une homophobie présente ou non, et s’il devait se méfier, même si la corpulence musclée d’Ian le rassurait tout de même pas mal.

En effet, ce n’est pas de l’espagnol, c’est plus proche du portugais car je viens du Brésil, c’est là ma terre natale, même si ma famille elle est d’origine espagnole, alors je parle les deux langues, avec plus ou moins de facilité pour l’anglais, je dois avouer que vous avez des expressions qui parfois me perdent un peu. Et toi, tu as toujours vécu ici ?

Spoiler:

Joaquin se sentait pousser des ailes ce soir. Il ne connaissait personne en arrivant à Londres et encore moins dans le quartier gay de la capitale, et même s’il avait déjà aperçu Ian à quelques reprises à l’université, on ne pouvait pas dire qu’il le connaissait plus que ça. Pourtant, c’est très naturellement qu’il avait pris la main de cet homme pour quitter la boîte et s’échapper dans l’air frais et vivifiant de la ville londonienne. Peut-être était-ce l’excitation de la soirée, ou tout simplement son goût pour la vie qui donnait cette énergie au garçon. Il n’avait pas honte qu’on le voit donner la main à un autre homme car il n’y voyait pas forcément la connotation intime derrière, il n’avait aucun problème avec les verrous typiques de la masculinité toxique dont beaucoup d’hommes sont affublés, malgré son éducation très stricte. Joaquin acquiesça bien volontiers quand l’homme lui proposa de lui montrer quelques monuments, il fallait dire que tout ça c’était quand même nouveau pour le jeune homme.

Oh je suis à l’aise, ce n’est pas le soucis, on se donne juste la main comme deux amis pourraient le faire non ? Même les hétéros font ça ? Et puis j’aime bien, la chaleur de ta main est rassurante. Je me sens en sécurité.

Joaquin était tout sourire, exit le garçon collé monté, il était bien plus naturel avec Ian, pas besoin de faux semblants ni d’être raide comme un col de chemise amidonnée. Il avait toujours aimé la vie, la passion, ressentir des émotions, et il en ressentait plein ce soir. Les deux garçons profitent de la marche dans Londres pour apprendre à faire plus ample connaissance.

Ca doit être beau l’Australie, j’ai entendu parler de certaines espèces de cactus dont les épines étaient rétractables selon qu’ils se sentent en danger ou non, j’aimerais beaucoup étudier cette espèce.  Tu as un parcours intéressant.

Joaquin marque une pose pour admirer le Westminster Bridge avant de reprendre.

Je suis né au Brésil mais à l’origine ma famille est espagnole. Il y a eu un conflit entre deux familles, les Villanueva et les Alvarez. Mon père est un Villanueva et ma mère une Alvarez. Suite à un décès tragique, ma famille a décidé de s’exiler en Amérique du Sud, mais sur le trajet le bateau a coulé et mon père est décédé. Ma mère ne savait pas qu’elle m’attendait, ce fut une surprise. Officiellement, je suis venu ici pour la renommée de l’université et pour agrandir mes horizons avant de reprendre les rênes de l’entreprise familiale, mais je pense qu’une part de moi veut en apprendre plus sur ses origines espagnoles. Mais c’est compliqué. Et puis, j’espère réussir à gagner en autonomie ici.

Au fond, passer la soirée avec Ian, c’était se sentir en sécurité. Qui viendrait embêter un jeune homme comme Joaquin alors qu’il était accompagné d’un homme grand et musclé comme Ian à ses côtés ? Personne, et c’était ce côté rassurant, ainsi que son expérience du monde, qui intéressait tant le garçon. Encore innocent et le regard plein d’étoiles, à aucun moment il ne s’imaginait que ce qu’il faisait ce soir-là pouvait être inconvenant. Sortir avec un homme bien plus âgé que soi. Un professeur en plus, ou en tout cas un enseignant, même vacataire. C’était à la limite de la déontologie diraient certains, mais Joaquin avait toujours eu cette attirance presque « malsaine » pour les sorciers d’expérience, homme comme femme. Sécurité et naïveté, des rues vides à une heure si tardive, ou en tout cas seulement peuplé de fêtards qui ne faisaient pas attention à eux. Joaquin ne pouvait cacher son intérêt pour l’Australie, ce qui semblait amuser son aîné. Mais à aucun moment le brésilien ne se sentit ridicule, car il sentait que Ian le respectait.

Tu sais, j’ai peut-être l’air d’un garçon fragile à première vue, mais le Brésil recèle également ses dangers en termes de flore et de faune… Nous aussi nous avons des acromentules venimeuses et des plantes carnivores, sans compter les esprits de la forêt qui les protège avec agressivité. Je suis bien plus à l’aise parfois avec une plante dangereuse qu’avec un sorcier qui me menace. Je ne suis jamais allé en Australie par contre, mais peut-être devrais-je aller y faire un tour un jour ?

Souvent, on reprochait aux passionnés de soins aux créatures magiques d’adorer les créatures dangereuses. Eruptifs, hippogriffe, vouyvère, dragons… mais les plantes pouvaient être diablement aussi dangereuses, Joaquin en savait quelque chose. Les lianes de la jungle brésilienne étaient plus redoutables que des serpents, et bon nombre d’arbres se nourrissaient de chair animale, leur tronc s’ouvrant sur des bouches pleines de dents acérées. Il fallait toujours rester sur ses gardes, sans compter tous les insectes qui peuplaient cette faune. Mais ces dangers-là, Joaquin n’en croiserait pas cette nuit, dans les rues pavés et bétonnés de Londres. Le brésilien en profite pour se confier, preuve de la confiance qu’il a envers Ian. Ils s’arrêtent un instant devant BigBen. Devant les yeux émerveillés de Joaquin.

Notre entreprise est dans le commerce d’ingrédients rares pour la préparation des potions, d’origines végétale et animale. Alors la faune et la flore, j’ai grandi dedans, j’ai passé plus de temps dans les serres familiales que partout ailleurs. Mais nous n’avons pas BigBen au Brésil. Londres est très exotique pour moi, c’est presque… romantique.

Joaquin sent que le corps du blond se rapproche du sien, et il aime ça. Il aimerait même plonger son corps tout entier contre le torse musclé de l’auror, mais il n’ose pas, il ne veut pas choquer ni se montrer trop audacieux.