A song of fire and ice ft. @Maciya Mane | 31.08.22

Quatre heures du matin. Voici l’heure à laquelle ils étaient supposés se retrouver afin d’initier leur grand voyage et, peut-être, succès. Mais si Octave avait foi en ses capacités, il préférait tout de même faire preuve de méfiance. Il ne s’agissait pas là de créer une petite potion inoffensive à base de jonquilles et de nectar d’abeilles… On parlait d’affronter un dragon et de lui voler un œuf. Si l’un était déjà compliqué en soi, le deuxième s’avérait presque impossible à réaliser. Le Muller n’avait pas pour habitude de partir vaincu et il aimait répéter (autant à lui-même qu’aux autres) qu’il ne connaissait pas la défaite. Cette mission n’avait pas d’autre choix que de réussir car les enjeux étaient beaucoup trop grands pour être ignorés. Il pouvait être celui qui allait changer le destin de la société sorcière donc hors de question de faire la moindre erreur.

Malheureusement pour lui, il devait s’accompagner d’une sang mêlé pour cela et cette simple idée lui faisait lever les yeux au ciel. Il n’avait pas confiance en la jeune femme et ce, pour de multiples raisons. De une, c’était une femme, rien que cette information devait suffir à inspirer de la suspicion ; de deux, elle n’était pas pure et il savait à quel point ces sorciers-là pouvaient être déviants (après tout, ils avaient un grand pourcentage de sang moldu en eux, merci la déchéance) ; de trois, c’était une Grymm et pour en être lui-même, il savait qu’on ne pouvait pas avoir confiance en leur ambition. Elle pouvait être dévorante et tout détruire sur son passage.

Il se leva bien deux heures avant le rendez-vous fatidique et s’occupa à ses activités régulières : un peu de sport pour activer son corps, quelques casse-têtes pour réveiller et entretenir ses cellules grises et beaucoup de liquides et de protéines pour rester alerte et fort lors de cette mission. Il prit soin d’emporter un sac magique avec lui contenant tout ce dont ils pourraient avoir besoin, et plus encore. Mieux valait toujours être préparé au pire, voilà comment il réussissait dans la vie.

Octave se présenta au lieu de rendez-vous pile à l’heure prévue : ni avant, ni après. Maciya avait choisi d’arriver en avance pour sa part et elle estimait peut-être être supérieure à lui à cause de cela. Quelle idiote… Mais il ne devait pas commencer à l’insulter dès maintenant. Un peu de calme, un souffle profond et il se reconcentra sur son objectif.

« Bon matin. As-tu pris ce qu’il faut ? » Dont le plus important : les notes concernant cette chasse à l'œuf de dragon.

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Le Muller leva les yeux si haut qu’on ne voyait presque plus ses iris. Elle était insupportable à plus d’un titre et il devait prendre sur lui, l’entente entre eux étant inévitable pour mener à bien la dangereuse mission qui allait suivre. Le jeune homme ne manquait pas d’attention et faisait toujours tout suivant un plan rigoureux. Il avait peur, néanmoins, qu’elle ne vienne y mettre son grain de sel. Elle avait beau paraître appliquée parfois, le potionniste se méfiait d’elle plus que de n’importe qui d’autre. Enfin, pas totalement non plus. Il ne répliqua pas à sa boutade/moquerie, ne souhaitant pas la voir jubiler. Il inspira profondément et plus sereinement, porta son attention sur l’homme qui venait à eux. Vieux, peu reluisant… Il n’aurait pas fait appel à lui s’il avait eu à prendre l’une ou l’autre option.

Le Muller opina de la tête lorsqu’il les appela et se tut dans un premier temps. Néanmoins, il montra une expression dégoûtée à l’idée que lui et la demi-moldue puissent être des amants. Des amoureux, bien pire ! La simple idée lui donnait une nausée monstrueuse. Il fallait être totalement pourri jusqu’à la moelle pour imaginer une telle ignominie ! Fort heureusement, tous n’étaient pas semblables au vieillard. D’autres sang purs de son rang avaient le même regard que lui sur un sujet d’une telle envergure.

« Ne perdons pas de temps je vous prie » sermonna-t-il son aîné, ajoutant un regard pratiquement noir à ses propos pour leur donner plus de poids. Il se pressa un peu plus vers le portoloin et lorsque le vieil homme arriva à trois, il s’empara du vieil objet dégoûtant qui se trouvait entre eux. L’aspiration fut intense et ils parvinrent assez rapidement au lieu désiré. Le Muller se redressa, prit quelques inspirations pour remettre ses idées en ordre puis regarda autour de lui. Ils se trouvaient sur un terrain bien fourni, à l’entrée d’une grande étendue sauvage qui n’attendait que leur visite. Il resserra la anse de son bagage sur son dos et sortit sa baguette par sûreté. De nombreux animaux vivaient là et ne souhaitaient probablement pas être dérangées dans leur quotidien.

« Nous devrions aller par là. » Il désigna du menton le passage qui s’ouvrait sur leur droite et s’y engouffra le premier, prenant garde aux plantes à leur hauteur.

Lancé de dé

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Elle n’était plus derrière lui mais au lieu de s’inquiéter, Octave soupira de bonheur. Pas de blabla incessant, d’insolence et de paroles futiles pour venir lui marteler les oreilles à tout va. Plus de Maciya. Peut-être même se fera-t-elle dévorer avant qu’il ne la retrouve… Ce n’est certainement pas lui qui se plaindra du sort réservé à la sorcière. Elle n’avait qu’à être plus prudente et, surtout, plus forte. La faute à son sang tout moisi de moldu. Au lieu de se préoccuper de la mission, elle avait dû soigner les failles de son sang faible et voilà qu’elle n’était plus là. Bon débarras. Octave continua son chemin à travers la végétation suédoise qui se faisait de plus en plus intense. Il ne redoutait pas spécialement le froid mais avait pris soin de prendre avec lui quelques gilets aux propriétés magiques qui sauraient le réchauffer en cas d’arrêt prolongé. Malgré tout, le temps se faisait assez agréable et la lueur du matin éclairait correctement le chemin devant lui. Il continua donc sans se soucier du reste. S’il devait retrouver Maciya, il le ferait en temps voulu. Pour le moment, il ne ressentait pas le besoin de l’avoir à ses côtés, piaillant comme une poule maudite.

Le temps passa vite et il pensait avancer rapidement. Le contraire lui fut prouvé lorsque la sorcière le rejoignit, accompagné d’un inconnu qu’il prit aussitôt en grippe. À peine le vit-il s’approcher qu’il garda sa baguette correctement tendue devant lui, prêt à lancer le premier sort lui venant à l’esprit, qu’il soit offensif ou défensif. Inutile de dire que, contrairement à la greluche qui l’accompagnait, il ne lui accordait pas sa confiance. Et surtout pas pour les guider dans cette forêt. L’humain était mal intentionné, tout le monde le savait.

« Quel heureux hasard… » railla-t-il, ne cachant nullement la déception de la voir de nouveau devant lui. Octave prit encore sur lui, se demandant ce qui passait à travers la caboche vide de ces personnes. Avait-il vraiment la tête du mec résilié au point de sortir avec… ça ? La simple idée lui donnait la nausée. Il fallait être complètement timbré pour voir en Maciya un intérêt romantique ou même sexuel. Même une benne à ordures en avait plus.

« Totalement d’accord, on devrait même le faire maintenant pour sauvegarder un peu de notre temps. » Pouvait-on seulement être aussi… il n’avait pas de mot en tête pour la décrire. Vide. Fade. Stupide. Dinde. Le Muller suivit les montagnes que le Tarzan étrange pointait du doigt.

« Quel chemin ne doit-on pas prendre si on ne veut pas croiser de dragon ? » Car c’est exactement celui-là qu’ils emprunteront. Si Maciya n’était pas aussi occupée à se recoiffer, elle aurait elle aussi posé la question mais bon… que peut-on réellement attendre d’une femme ?

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Pour survivre, il fallait savoir mentir et Octave comprenait cela mieux que personne. Son quotidien n’était que mensonges et apparences, afin de conserver une face exemplaire et digne de son rang social. Oui, certes, son aura pouvait paraître effrayante, voire glaciale… mais en surface, il ressemblait à ces princes charmants friands de politesse et de courtoisie, ne laissant jamais une femme seule dans un coin de la salle et se précipitant pour l’inviter à danser. Octave détestait danser mais, lorsque cela faisait partie du mensonge, il devait bien s’en accommoder. La même situation se produisait avec Maciya et cet énergumène qui s’estimait guide. Face à lui, ils s’imposaient un jeu d’acteur créé uniquement pour brouiller les pistes et leurs intentions réelles. Si cela n’avait tenu qu’à lui, le Muller se serait débarrassé de l’inconnu bien plus vite que ça mais la demi-sorcière voulait à tout prix mettre sa stratégie à l’œuvre, sûrement pour se donner une quelconque importance dans leur aventure. Il la laissa faire en priant pour que les secondes passent plus vite et qu’ils reprennent leur chemin. Il s’intéressa néanmoins aux explications que lui fournissait le Tarzan de poche au sujet des chemins et lieux à ne pas emprunter pour ne pas avoir à se faire occire comme des poulets sur une broche. Affronter un dragon était complexe mais une famille entière, c’était la mort assurée. S’ils arrivaient en haut de ces montagnes sans une stratégie bien définie, il ne donnerait pas cher de leurs peaux. Mais pour cela, il fallait déjà qu’il parvienne à se débarrasser du gus et à s’entendre avec Maciya. Impossible de dire ce qui était le plus compliqué, sur l’instant.

Voilà que l’actrice remontait sur les planches et la voir accrochée à son bras lui donna un haut le cœur. Cela eut au moins l’effet escompté : ils se retrouvèrent vite seul nouveau et Octave soupira longuement, sans retenir son agacement. Se faire appeler “mon chéri” par la jumelle d’un gobelin ne lui plaisait pas du tout, mais passons. Son ego pouvait aisément l’encaisser.

« Pas trop tôt » maugréa-t-il alors qu’ils reprenaient la route. Un avada kedavra aurait largement fait l’affaire et leur aurait fait gagner du temps mais apparemment, tuer n’était pas dans le programme de la jeune femme. Tant pis. Il fit quelques pas en avant pour la rattraper et ils arrivèrent très vite à un embranchement. Trois chemins s’offraient à eux, tous semblants similaires mais aucun ne dégageant la même aura que les autres. Octave s’arrêta, tout comme elle, et inspecta chacune des options se trouvant devant eux. Là où la magie serait la plus présente leurs pas se dirigeraient car il en fallait une sacrée tonne pour cacher un amas de dragons. Il pointa du doigt le passage de gauche, qui paraissait inoffensif à première vue mais d’où se dégageait d’étranges ondes magiques.

« Ce doit être par-là, si on suit la logique de l’autre zouave. Je ne te savais pas si bonne actrice, d’ailleurs » ajouta-t-il en reprenant la marche dans la direction du chemin qu’il venait tout juste de pointer à Maciya. Qu’elle ne se méprenne pas, il ne tentait pas de faire la conversation avec elle. Il tenait simplement à souligner qu’elle n’était pas mieux que lui en la matière. Il était aisé de le critiquer mais se regarder dans une glace, c’était tout autre chose. « Est-ce qu’on apprend ça chez les moldus ? » À peine eurent-ils fait quelques mètres que déjà, le passage devint un peu plus étroit. À leurs pieds, les racines s’entremêlaient sauvagement, formant des obstacles pour qui ne surveillait pas sa progression. Ils étaient sur la bonne voie.

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Le temps s’allongea et le silence entre eux se renforça un peu plus chaque seconde. Octave n’étant pas un bavard de nature, cette absence de voix humaine lui convenait parfaitement et lui permettait de se concentrer sur la nature magique qui les entourait. Il espérait bientôt entendre la preuve de vie d’un ou plusieurs dragons mais elle se faisait attendre. Ils continuèrent leur marche durant de longues heures si bien que, bientôt, une journée entière passa. La forêt était dense, sinueuse et tortueuse. Un vrai labyrinthe. Ils devaient se montrer prudents dans le moindre de leur geste et pour cela, le silence était d’or. Concentré et méticuleux, le Muller faisait attention à effacer les traces de leur passage au cas où ils seraient suivis ou observés par une quelconque créature, humaine ou non. Cela demandait un temps qui se faisait de plus en plus court et bientôt, ils en manquèrent. Là, Maciya suggéra d’établir un camp d’ici quelques heures et il ne put que secouer une fois le menton de haut en bas pour donner son approbation. La nuit allait bientôt les surprendre et il n’était pas bon de se promener sur un terrain inconnu une fois l’obscurité installée. Certes, les sorciers n’étaient pas sans défense mais ils n’avaient pas conscience des créatures vivants depuis des années dans ces arbres ou entre ces étranges formes de verdure. Dans leur élément, ils auraient plus aisément le dessus sur des humains dont les yeux s’habituaient moins facilement à la nuit.

L’étendue d’eau qui se présenta à eux à la tombée de la nuit n’avait rien de rassurant. Sombre, semblant profonde aux yeux d’Octave, il ne voyait pas d’un bon œil d’y introduire le moindre morceau de chair appartement à son corps. Par sécurité, il préférait piocher dans les vivres qu’il avait pris soin d’emporter avec lui au cas où une telle pause serait nécessaire. La tente ensorcelée qu’il avait également rangée dans son sac allait lui apporter confort et sécurité le temps d’une petite nuit, à peine de quoi recharger ses batteries. Mais c’était mieux que rien. Il s’apprêtait à poser ses affaires lorsque, comme Maciya, un bruit vint caresser son oreille. Il n’était en rien comparable à ceux qu’ils avaient côtoyés toute une journée durant. Il était nouveau, effrayant et sourd. C’était un dragon. Il en aurait mis sa main à couper.

« On est beaucoup plus proche que ce qu’on pensait, c’est une bonne nouvelle. Nous y serons probablement d’ici demain en début d’après-midi, si tant est que nous partons à l’aube. Pas de temps à perdre. » Il leur fallut quelques minutes supplémentaires pour trouver un endroit suffisamment plat pour installer leur campement et ce, éloigné du lac qui ne rassurait pas forcément Octave. Il était persuadé que, tant qu’ils ne s’en approchaient pas ni n’interagissaient avec lui, ce dernier les laisserait en paix. Voilà pourquoi il prit bien soin de n’abîmer aucun végétal dans son entourage afin de ne pas contrarier les différents esprits vivants dans cette forêt. En cas de conflit, ils ne gagneraient pas contre une forêt toute entière et transplaner ici impliquerait un certain niveau de dangerosité.

Les deux sorciers partagèrent néanmoins un repas. Être sociable était l’un des aspects de la vie du Muller qu’il détestait le plus. Il devait garder sa langue de vipère pour lui et supporter la présence d’un autre être humain, quand bien même il le détestait de tout son cœur. Ou pire encore, qu’il lui était d’un intérêt complètement inexistant.

« Demain, lever aux aurores. Tâche de ne pas attirer des bestioles pendant la nuit. Et si t’arrive d’être attaquée, ne me réveille pas ! » Même s’il y avait de fortes chances qu’en cas d’affrontement, il se montre prêt à se battre.

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La remarque de la Grymm ne l’alerta pas plus que cela. Octave se savait différent des autres - en mieux, bien entendu. Drôle de garçon, bizarre, psychopathe et j’en passe… il avait écumé tous les surnoms en lien avec son caractère renfermé et solitaire, si bien que plus aucun d’entre eux ne pouvait réellement l’atteindre. S’il s’était posé des questions un peu plus jeune, le présent effaçait toute trace de doute dans l’esprit du Muller. Il ne répondit pas tout de suite à l’attaque de Maciya. Pas seulement parce qu’il n’y avait rien à rétorquer à autant de bêtise, mais parce que ce serait lui donner de l’importance. Plutôt mourir que de lui faire croire qu’elle était digne de sa conversation.

« Pour faire un effort, il faudrait que ça en vaille le coup. » Cela n’avait rien à voir avec la force physique, ni la force d’esprit même. Octave perdait de plus en plus d’intérêt dans la vie de ses camarades. Ou de l’humanité en général. Son propre frère aîné pourrait agoniser sous ses yeux qu’il ne serait pas certain de ressentir ce que tout humain était supposé ressentir à ce moment-là. Tristesse, rage, vengeance… La tristesse, plus que les deux autres, lui fait atrocement défaut. Pourtant, il ne s’en plaignait pas. Vivre sans cette compassion constante lui permettait de mener à bien ses projets sans se soucier de rien d’autre que ses propres performances. S’ils devaient se faire attaquer pendant la nuit, Octave ne se battrait que pour sa propre survie, pas pour celle de la jeune femme. Qu’elle soit encore là au réveil lui importait peu, même s’il pouvait reconnaître son utilité pendant ce voyage.

Il regarda Maciya quitter leur table de fortune sans un mot ni pour ses provocations précédentes, ni pour son salut du soir. Lui, cruel ? Réaliste, s’il-vous-plaît. Le monde n’avait rien de fun ou de joyeux. La vie était difficile, parfois insurmontable pour ceux n’ayant pas les forces nécessaires pour l’affronter. Octave se comportait en adéquation avec ce que la vie attendait de lui balancer à la figure : des complications, de la douleur et des conséquences désastreuses. Mais surtout, il n’avait jamais vu l’intérêt dans une vie faite d’empathie et de compréhension de l’autre. Très tôt, il s’était rendu compte que seul le contrôle lui permettait de faire de sa vie ce qu’il entendait. Être gentil ne lui ouvrait pas plus de portes, malgré les dires des uns et des autres. Il se coucha sur cette belle pensée.

Il se leva tôt le lendemain. Bien qu’il n’ait pas eu son nombre d’heures de sommeil habituel, Octave était frais comme un gardon, prêt à livrer bataille. Il rassembla ses affaires le temps que Maciya le rejoigne - les femmes hein - et avait déjà commencé à inspecter les environs du bout de sa baguette lorsqu’elle se pointa à ses côtés.

« Évidemment. Nous allons devoir le contourner, mais cela nous fera perdre moins de temps que si on s’amuse à combattre tout ce qui se trouve dans ces eaux sombres. La forêt devient un peu plus dense par-là, il s’agira d’être attentif. C’est un environnement parfait pour préparer une embuscade. » Malgré les nombreux livres qu’il avait lus sur cette partie du globe - et tout particulièrement cette forêt - Octave la considérait comme dangereuse car inconnue. Certaines créatures pouvaient ne pas être listées sur les parchemins de l’école et s’avérer mortelles pour des étudiants, même s’il se considérait plus comme un sorcier accompli qu’un élève. Après s’être assuré qu’ils n’avaient rien laissé derrière eux, le Muller ouvrit la marche et ils s’enfoncèrent un peu plus au Nord, là où l’aura magique se faisait la plus présente. Étouffante, bientôt. Il la sentait infiltrer son être tout entier, engourdir ses muscles et son cerveau. De nombreux dragons devaient se trouver sur ces montagnes pour que la magie y soit aussi forte. Ils tombèrent bientôt au pied de l’une d’elle, dont le sommet était camouflé par un épais brouillard.

« On est proches du but, grimpons. » Si leur parcours avait été plutôt plane jusqu’à présent, ils devaient désormais faire face à de nombreux dénivelés, dont des montées très abruptes. Il remercia ses exercices quotidiens de lui accorder une endurance suffisante pour ne pas avoir à s’écrouler toutes les quinze minutes, à court de souffle. Il tourna la tête vers Maciya pour évaluer les dégâts de son côté. Octave était réticent à l’idée de faire une pause mais cela ne servait à rien de s’acharner s’ils devaient arriver face un dragon essoufflés et sans force.

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Octave n’hésita pas un seul instant à grimper cette falaise, sachant que leur but se trouvait eux et le sommet, qui semblait s’éloigner à chaque fois qu’il montait un mètre supplémentaire. Cela demandait beaucoup d’endurance mais le Muller n’envisageait même pas de se plaindre. Tous ses efforts sportifs payaient enfin alors qu’il usait de la moindre parcelle de son corps pour faire avancer son ascension tout en maintenant un rythme cardiaque correct. Regarder comment s’en sortait Maciya était obligatoire pour le sorcier qui ne souhaitait pas se faire ralentir par une femme incapable de maîtriser son corps. Mais contrairement à l’opinion qu’il avait d’elle, la demi-moldue s’en sortait plutôt bien et s’efforçait de suivre son rythme soutenu. Il valait mieux arriver à destination avant que la nuit ne tombe. Camper sur ces rochers n’était pas impossible, mais très inconfortable. Maciya trouvait encore le temps de lancer des railleries qui, à part lui voler du souffle, ne servaient à rien. Cela ne les faisait pas avancer plus vite, au contraire. Par contre, Octave pensait en effet à prendre une pause. Pas parce qu’il était faible ou fuyard, mais parce qu’il avait conscience qu’ils devaient se préserver s’ils voulaient arriver à destination entiers. Une réalisation qu’elle n’avait peut-être pas, tant pis pour elle. L’esprit concentré sur ses mouvements, ils finirent par s’arrêter sur un bord de falaise suffisamment large pour les contenir tous les deux. Ses jambes pendant dans le vide, Octave sortit sa bouteille d’eau, rapidement imité par la jeune femme. Les paumes de ses mains étaient légèrement écorchées, mais rien qu’un Episkey ne pouvait résoudre en quelques secondes. Sa boisson elle-même contenait quelques plantes supposées booster son énergie pour les prochaines heures de grimpette. Il avait tout prévu. À part l’imprévisible.

Le sorcier jeta un coup d’œil aux notes qu’elle venait de sortir et comme elle venait de le lui indiquer, ils n’étaient pas très loin d’une grotte prometteuse. Ce qui voulait dire que des dragons ne se trouvaient pas loin d’eux. Il était même possible que certains d’entre eux se soient déjà rendus compte de leur présence. Leur odeur humaine et magique ne pouvait pas tromper ces créatures-là. Octave jeta un œil au contrebas : il n’y avait que du vide et peut-être quelques traces de leur montée contre les roches. Autour d’eux, pas un mouvement, que le silence particulier de la nature. Ils étaient montés si haut qu’ils pouvaient voir au loin la ville la plus proche de l’entrée de la forêt. La magie, à cette hauteur, régnait en maîtresse et provoquait un mal de crâne. Il sortit deux petites fioles dont une qu’il tendit à Maciya.

« Bois ça, ça aidera à chasser les migraines et l’étourdissement causé par l’altitude. » Pour lui prouver qu’il ne tentait pas de la tuer, il prit l’une des deux et l’avala d’une seule traite. Elle avait un excellent goût d'agrume et l’effet, s’il n’était pas instantané, se fit peu à peu sentir. Certes, il avait l’occasion de balancer Maciya du haut de la falaise et s’en débarrasser une bonne fois pour toutes, mais dans les faits, il avait encore besoin d’elle pour réussir cette mission.

« Il faudrait réussir à les attirer dans la direction opposée. Créer un danger pour détourner leur attention de ce nid précis. Les Suédois à museau court ne sont pas les plus féroces mais il faudra se méfier de leurs gueules. Leurs flammes bleues nous réduiraient instantanément en petite poussière. »

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Ils étaient tout prêts du but et Octave connaissait sa mission. Désormais, prendre des risques allait contre leur objectif et lorsqu’elle parla de transplaner, il grimaça sans parler davantage. Il fallait être complètement inconscient pour faire une telle tentative alors que l’air était chargé d’une magie presque mystique et probablement instable. Lui ne s’y risquerait pas, même pour s’enfuir. Bien dissimulés contre la roche, le plan commença au moment où Octave lança son premier sort explosif, un bombarda qui n’eut pas les conséquences espérées. Si le dragon dans son antre manifesta sa présence et son inquiétude, il ne quitta pas les lieux. Il lui fallut deux tentatives supplémentaires pour que, dans un coup d’ailes puissant à en déraciner un arbre, il quitte sa tanière vers le lieu des explosions. Le moment avait sonné.

À peine s’était-il éloigné que le Muller coinça sa baguette entre ses dents et grimpa le reste de rochers pour arriver devant la tanière. Il fit signe à Maciya de passer devant lui et se posta de nouveau contre la roche mais, cette fois, à l’entrée de la grotte. Sombre, évidemment pleine de danger, elle accueillait en son sein un nid composé de deux œufs bien distincts. Quelqu’un d’autre aurait eu des remords à arracher un bébé de sa mère, mais pas lui. Reprenant sa baguette dans sa main, il s’affaira à lancer un Protego Maxima pour assurer un minimum de protection en cas de retour prématuré de la dragonne. Maintenant son sort des deux mains, Octave pouvait sentir la magie se retourner contre lui. Il la trouva puissante, la sentait envahir ses veines et faire battre son cœur. Plus elle l’engloutissait et plus il en voulait.

« Grouille-toi ! Si elle revient, c’est pas ça qui nous protègera de ses flammes ! J’ai pas vraiment envie d’engager le combat avec un dragon. » Les chances de réussite étaient moindres, même pour le sorcier le plus aguerri qui soit. Et malgré sa grande vantardise, Octave n’était pas le sorcier le plus puissant au monde. Maciya non plus, clairement.

« Je l’entends qui revient ! Je te préviens, je quitte la zone dans trente secondes. » Il pouvait, en effet, sentir les effets des ailes majestueuses du dragon fendre les airs et faire sautiller les cailloux à ses pieds. Trente secondes était même presque trop gentil… Si elle n’était pas là d’ici cinq, ils auraient de la chance… Octave commença déjà à amorcer son départ.

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Il jura comme un charretier alors qu’il entendait les pas de Maciya revenir vers lui et malgré la vitesse de sa course, cela ne fut pas suffisant pour échapper au regard du dragon. Octave sentit son souffle avant même qu’il ne l’atteigne et la magie qui se déversait à travers ses mains se mit à faire vibrer son corps tout entier. C’était trop, même pour lui. Son bouclier ne pouvait rien contre la salve furieuse qui s’apprêtait à sortir de la gueule de l’animal, prenant source en son ventre et remontant le long de son corps, jusqu’à sa gorge. Maciya fut la première à transplaner et Octave la suivit à peine une seconde plus tard. C’était déjà beaucoup trop long, surtout lorsque l’on faisait face à ce type de créature. La flamme bleue lécha sa jambe alors qu’il sautait de la falaise, sa baguette fermement serrée dans sa main. Ce n’était pas la position idéale pour transplaner mais avait-il un autre choix ?

Il roula au sol à l’arrivée et atterrit contre un arbre. Sans même avoir à le toucher, il sentit son front se mettre à saigner. La jambe gauche de son pantalon, elle, était carbonisée, la peau intacte en-dessous. La potion qu’il avait prise un peu plus tôt faisait plus que jamais son effet, ou était-ce le danger lié au dragon qui quittait, lui aussi, la falaise et descendait droit sur lui ? Sur eux ? Car il ne savait pas où se trouvait Maciya et il s’en moquerait bien si elle n’avait pas emporté l’œuf avec elle. Cupidité ou Égoïsme, que devait-il choisir ? Octave se mit à courir dans la direction opposée de la montagne d’où il venait de s’enfuir. Sous ses pieds, la terre vrombissait de la rage de la créature ailée. L’air perdit peu à peu de sa pression magique alors il s’autorisa quelques petits transplanages afin de semer le dragon, le rendre confus et surtout, gagner du terrain. Le Muller ne chercha pas à faire de longues distances, se sachant trop éprouvé pour envisager de puiser trop intensément dans sa magie. Le sort qu’il avait lancé devant la grotte avait perturbé la magie dans son être.

La collision contre un corps étranger fut brutale par son aspect inattendu. Elle lui coupa le souffle quelques secondes mais il eut tout de même le réflexe de pointer sa baguette sur la personne qui l’avait interceptée dans sa course. Il reconnut très vite Maciya et son sac qu’il devinait bien rempli.

« Tiens, t’es là toi… » Il s’épousseta et plutôt que de faire la causette (ce qui leur vaudrait une mort certaine), il reprit son trajet. « Tu saurais nous faire transplaner là d’où on vient ? Le dragon a détraqué ma magie. » Qu’elle ne s’imagine pas pouvoir se débarrasser de lui, cependant ! Un Muller, c’était pire qu’une mauvaise herbe et il saurait se venger si elle décidait de lui faire un coup tordu…

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Octave n’avait jamais connu une telle faiblesse magique et il détestait cette vulnérabilité, surtout face à Maciya. Il était bien conscient qu’elle pouvait très bien décider de l’abandonner ici dans ces conditions mais elle ne le fit pas. On pouvait imputer cela à son caractère de sang-mêlée ou alors - et il penchait plus pour ça - elle avait peur de ce qui pourrait lui arriver s’il s’en sortait et qu’il revenait la hanter pour l’acte qu’elle avait commis. Il n’était certes pas le préféré des Muller mais n’en restait pas moins un. Tout comme lui avec sa fratrie, ils avaient la vengeance passionnée.

Il suivit donc Maciya dans ses transplanages et fort heureusement pour lui, il avait une haute tolérance à ce mode de transport, depuis le temps qu’il l’utilisait. Près de la rivière, ils se rendirent compte l’un comme l’autre que leur force physique et magique arrivait à son terme et qu’une autre solution devait être envisagée. Partir quitte à finir à bout de force et ainsi, vulnérables ; ou rester avec le risque que les dragons brisent la barrière magique les gardant à l’abri en haut de la montagne, dans le but de récupérer l’œuf volé. Octave n’envisageait pas un seul instant de prendre ce risque et vu les propos de Maciya, elle non plus. Il regarda la potion de la même façon qu’elle avait regardé la sienne un peu plus tôt mais la but. Avec un peu de chances, il allait récupérer suffisamment de forces pour transplaner seul.

Mais un autre problème vint se présenter à eux. Le Suédois croisé la veille pointa le bout de son nez et les inspecta des pieds à la tête. S’il était certes un peu niais, son sens de la déduction ne lui faisait pas défaut et il eut un petit rire tendu en montrant leurs vêtements.

« Vous êtes passés par les chemins difficiles vers la montagne, n’est-ce pas ? Vous n’êtes pas des amoureux. » Bravo Sherlock, eut envie de répondre Octave en levant les yeux au ciel. À la place, il échangea un regard avec Maciya et pour la première fois, ils étaient sur la même longueur d’onde. À peu de choses près. Il fallait se débarrasser du vieil homme et le Muller se voyait parfaitement le tuer et planquer son corps dans un coin, ni vu ni connu. Mais la sorcière, elle, ne devait pas penser la même chose et il ne pouvait pas prendre le risque de tuer un être humain - aussi insignifiant soit-il - sous ses yeux. Restait le sortilège d’Amnésie, qui se révélait être le meilleur moyen pour qu’ils s’en sortent sans verser de sang. Octave pointa sa baguette sur l’homme.

« À votre place, je ne ferais rien de risqué. Comme vous avez dû le deviner, nous sommes prêts à beaucoup de choses. Vous allez marcher avec nous jusqu’à la sortie de la forêt et ne poser aucune question. Ne me forcez pas à agir. » Ils auront sûrement recouvré suffisamment de forces pour transplaner avant cela et avant de partir, le sort sera lancé. Le Suédois se demandera ce qu’il faisait dans la forêt, personne n’aura été blessé et leur petite aventure restera entre eux. Enfin, ça, c’était si le Tarzan ne cherchait pas à prendre le dessus sur eux ou à poser trop de questions…

A song of fire and ice ft. @Maciya Mane | 31.08.22

Son sang ne fit qu’un tour. Qu’il ose mettre la main sur lui de cette façon le répugnait. Peu importe la pureté du sang, il n’autorisait personne à le toucher sans son consentement et était, à présent, à deux doigts de trancher la main du Suédois. Voir le sang couler serait un pur soulagement et laverait cet affront. L’homme l'agrippa fermement et avant qu’il n’ait pu lancer un sort impardonnable, Maciya intervint en sa - leur - faveur. Sa menace n’était pas mieux amenée que la sienne mais elle avait au moins le don, en s’accumulant à celle d’Octave, de faire réfléchir le Tarzan. Le Muller se laissa dix secondes avant d’estropier le vieillard, une gentillesse dont il ne faisait preuve que dans de rares circonstances.

D’un geste brusque, il dégagea son épaule de la poigne de l’étranger. « Pour ma part, je serais plus que ravi de vous laisser en pâture aux dragons. Votre choix, vite. » Celui-ci ne tarda pas et le Suédois rebroussa chemin, les deux sorciers à sa suite les pointes de leurs baguettes contre ses omoplates. Il n’aurait pas été contre un petit massacre mais si tel était le cas, adieu la discrétion demandée par leur entreprise. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, la charge magique de l’air s’amenuisait mais ils pouvaient toujours sentir et entendre la présence des dragons au loin, furieux comme jamais. Octave jeta un coup d’œil vers Maciya et lorsqu’ils arrivèrent à un carrefour, il lança le sortilège d’Amnésie sur le Suédois.

« Oubliette » La salve magique lui enveloppa la tête et resta là quelques secondes, avant de disparaître. Le temps qu’il se retourne, le Muller avait attrapé le bras de la sang-mêlée et ils avaient disparu, ne laissant derrière eux qu’une meute enragée.