Opération séduction roumaine ft. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] | 19.05.23

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Arthur jeta un œil à la montre magique à son poignet et su qu’il ne lui restait plus que quelques minutes pour terminer la mise en place de sa table. Il recevait pour la première fois depuis une éternité une femme à dîner, et pas n’importe laquelle : celle à qui il espérait tirer une confession de culpabilité. Un travail sensible, fragile et qui pouvait aisément se retourner contre lui s’il s’y prenait mal. L’idée de passer la soirée avec elle dans son appartement ne lui avait pas plu puis, la réflexion se faisant, il en avait conclu que c’était la meilleure chose à faire, au contraire. Il se trouvait en terrain conquis plutôt que dans un restaurant qu’il connaissait à peine, avec des regards inconnus curieux posés sur eux. C’était l’occasion parfaite de cuisiner la Muller sur son passé et il comptait bien gagner sa confiance lors de ces quelques heures. Il avait pu constater au fil des mois que la jeune femme avait l’estomac raffiné et curieux, une information qu’il comptait bien tourner à son avantage. Apprenant qu’elle avait trop de travail pour honorer leur rendez-vous, il lui avait donc proposé de dîner chez lui et, bien sûr, il s’était aussitôt mis aux fourneaux. Il se refusa à faire appel à un traiteur, trouvant l’idée insultante. S’il souhaitait obtenir une avancée auprès de Calliope ce soir, il se devait de faire les choses en grand et, surtout, de manière plus personnelle. En bref, il devait la séduire. Voilà pourquoi il y alla léger en termes de plats. La cuisine roumaine - celle qu’il préférait le plus au monde - ne se montrait raffinée que si on s’y prenait bien. De ce fait, il mis de côté son fameux ragoût qui, bien qu’il fusse particulièrement succulent, n’avait rien d’élégant. Il avait plus d’intérêt à être servi à Cataleya lors de ses moments de grande détresse qu’à une femme aussi distinguée que la Muller. En fin de compte, le diplomate opta pour un mélange de leurs deux cultures et s’affaira à créer des proportions plus petites que ce qu’il avait lui-même l’habitude de manger. La dernière chose qu’il souhaitait, c’était de lui imposer une intoxication alimentaire… On a fait plus glamour.

Dernier coup d’œil dans le miroir se trouvant dans la salle de bain. Une moue insatisfaite s’installa sur les lèvres d’Arthur alors qu’il retirait d’un mouvement énervé la cravate qu’il avait mise un peu plus tôt. Ridicule, non ? Il était chez lui, dans son environnement personnel, ses secrets bien enfouis dans la pièce collée à sa chambre… Ce n’était pas le moment de paraître guindé. Il ouvrit un bouton de sa chemise, se décida à en libérer un autre et souffla profondément. Malgré l’expérience passée, il ressentait toujours la même appréhension lorsqu’il rencontrait une femme. L’enjeu lui paraissait chaque fois d’une importance capitale, comme si elle avait pouvoir de vie ou de mort sur lui. Celle-ci plus que les autres peut-être, vu la teneur de leurs entrevues. Il se devait d’être impeccablement séduisant sans perdre de son essence pure.

Il quitta la salle de bain à l’instant même où une présence se matérialisa devant sa porte, détectée par les sorts de protection savamment installés par le Roumain. Prudence était toujours mère de sûreté. Il s’enquit de l’identité de son visiteur avant d’ouvrir la porte d’un revers du poignet.

« Bonsoir Calliope, merci d’être venue. Puis-je ? » Il indiqua du regard le manteau qu’elle portait, se proposant de l’en débarrasser afin de se mettre à l’aise. L’appartement dans lequel elle venait d’entrer était parfaitement rangé, rien ne dépassait. Pour beaucoup, il était même qualifié “d’impersonnel” et Arthur souhaitait que les choses restent ainsi.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Tout en faisant glisser le tissu le long des bras de la belle sorcière, il eut un petit mouvement de tête qui s’accompagna d’une formule de politesse standard, vu la situation. « Ne t’excuse donc pas, ce n’est que pour le meilleur. » Arthur se sentait forcé de faire toutes ces courbettes et compliments à une femme dont les desseins lui paraissaient plus noirs que ce que l’œil seul pouvait voir. Il ne parvenait pas à lui faire confiance malgré les quelques rendez-vous passés ensemble et sa compagnie plaisante. Le sort de Dimitri restait gravé dans sa mémoire au point qu’il mette en doute chacune de ses paroles. Peut-être était-ce à tort et qu’il suspectait injustement une ex-petite-amie triste et inutilement bafouée… Sauf que son instinct lui indiquait tout le contraire. Or, le Roumain suivait toujours son instinct car, jusqu’à présent, il ne lui avait fait guère défaut.

Il ne lui tint pas rigueur du regard qu’elle posa sur ses appartements. Elle eut au moins la décence de ne faire aucun commentaire sur le sujet, contrairement à une certaine Blackthorn qui ne cessait de lui rappeler, lors de ses courtes visites, que son appartement faisait preuve d’aussi peu d’âme que celui qui vivait en son sein.

« La logique aurait voulu que ce soit le cas. Mais j’ai démarré en tant que conférencier à Hungcalf à mon arrivée en Écosse et m’installer au plus près de l’université me semblait plus judicieux. Je n’ai simplement pas pris le temps de déménager depuis. Il y a quelque chose d’apaisant et… sûr, à vivre dans une petite ville comme Inverness. L’apprécies-tu ? » Cela changeait forcément du mouvement perpétuel des rues londoniennes. Arthur ne cachait qu’à peine que la petitesse de la ville écossaise lui permettait d’assurer ses arrières et de ne pas être constamment paranoïaque en tournant à chaque coin de rue. Londres était parfaite pour se cacher dans la foule et, au contraire, Inverness se montrait idéale pour repérer les espions, ceux qui détonnaient dans le décor habituel.

« Je me suis permis de nous préparer quelques plats, dont certaines spécialités de mon pays. J’espère que tu les apprécieras et que tu excuseras mon manque de rigueur concernant les plats anglais. » Il ne cachait pas que ce n’était pas son domaine et qu’il n’en exécutait que rarement. Au moins avait-il fait l’effort de préparer quelque chose qui puisse correspondre à ses goûts, selon ce que lui avait enseigné leurs derniers dîners ensemble. Arrivé près de la table, il lui servit aussitôt un verre de vin et s’en versa un de même. Bien avant de le porter à ses lèvres, il fit tinter son verre contre le sien dans un sourire, puis dégusta une petite gorgée. Pas aussi corsé qu’il l’aurait pensé mais cela ferait l’affaire.

« Longue journée ? Si tant est que tu sois autorisée à m’en toucher quelques mots. Pour être tout à fait honnête avec toi, je ne pensais pas que tu accepterais ce changement de plan. Nos sorties se sont toujours faites en extérieur jusqu’à présent et j’ai crains de te bousculer ou de te forcer la main. J’espère que ce n’est pas ce que tu ressens ? »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le sourire qu’il lui accorda était poli mais sincère. Ce temps à Hungcalf lui semblait bien loin tant les événements s’étaient bousculés depuis qu’il en avait quitté les murs. Il ne se dispensait pas d’intervenir de nouveau dans les années à venir si on venait à le rappeler, mais cette idée ne faisait pas partie de ses priorités présentes. Tant d’affaires lui occupaient l’esprit que seule une vie parfaitement contrôlée lui permettait de tenir debout et ne pas devenir confus. Ou pire, complètement fou.

« Je ne te cache pas que c’est l’une des principales raisons qui m’ont fait prendre cet appartement. Les vieilles bâtisses ont un attrait non négligeable. » Son père lui avait transmis son intérêt pour les édifices de plusieurs centaines d’années et ses expéditions pour le compte d’Absolutum s’accordaient parfaitement avec cette passion secondaire. Après un compliment qu’il accepta sans mot dire, ils s’installèrent à table et il lança la discussion sur son travail et sa présence ici, conscient qu’il recevra sûrement des réponses polies et réfléchies. Il lui faudra bien plus que quelques dîners et des verres de vin pour obtenir de Calliope les secrets qu’il espèrait lui soutirer depuis quelques semaines. Néanmoins, il avait remarqué que leurs échanges se faisaient plus fluides et, patient comme personne avant lui, il savait les recevoir un jour ou l’autre.

« Laissons tout cela de côté dans ce cas, si je peux te permettre de te détendre et t’alléger l’esprit… » Tout ça pour ne pas avouer que rien de ce qu’elle pouvait dire ne saurait réellement le choquer, même si l’espèce humaine s’acharnait à se montrer chaque jour un peu plus inventive dans sa façon de perpétrer l’horreur et la cruauté. Pour contrebalancer ce sujet, il affubla son visage d’un sourire prévenant.

« Est-ce que tu interviens toujours à Hungcalf ? Il me semble que certains magistrats se donnent la peine de rencontrer les étudiants en Justice Magique pour certains de leurs travaux pratiques. Enfin, c’était le cas l’année dernière. » Sans mentionner cette affaire de procès et de meurtres qui en a forcé certains à intervenir dans le cadre même de l’université, mais Arthur n’y a jamais assisté. Tout en parlant, il déposa quelques plats sur la table entre eux et laissa à la jeune femme le choix de se servir, voire même de faire une distinction entre les mets roumains et britanniques.  

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L’inspiration ne lui échappa pas tant elle tira la peau encore jeune et lisse du cou de la sorcière. Acte de courage ou simple satisfaction, il ne disposait pas assez d’éléments pour en venir à une conclusion certaine.

« C’est un sacré investissement, en effet. » Bien élevé et gentleman, il ne fit aucun commentaire sur son âge et sa prétendue “vieillesse” en tant qu’assistante, car aucun commentaire ne saurait la satisfaire à ce sujet. Du moins, il voyait les choses ainsi. Arthur avait rapidement fini par comprendre au fil des années que commenter l’âge de ses interlocuteurs et interlocutrices ne menait jamais à rien de productif et ne faisait que rarement avancer la discussion. Elle seule pouvait déterminer ce qu’elle en pensait, il n’avait pas son mot à dire en la matière. Un faible sourire s’invita en réaction aux mots de Calliope car le Roumain lui-même n’était pas certain de pouvoir être aussi catégorique. Enseigner lui avait assurément apporté de nombreuses choses et s’était avéré être une expérience intéressante. De là à dire qu’il aimait cela et qu’il serait prêt à le réitérer sur plusieurs années… rien n’était moins sûr. Il trouvait plus aisé de manipuler de hauts dignitaires que des jeunes adultes en apprentissage. Dans un cas comme dans l’autre, les commentaires entendus pouvaient s’avérer d’une profonde stupidité qu’il devait endurer tel un roc.

« Mmh, rien de très exceptionnel à vrai dire. Je n’étais même pas supposé être conférencier à l’origine mais des affaires m’ont amenées à Londres et à mon arrivée, j’ai eu le plaisir de rencontrer le Doyen MacArthur. Après une discussion, mes travaux au Ministère l’ont intéressé et il a jugé adéquat que j’en fasse quelques conférences auprès des étudiants en Droit Magique. Parfois, tout n’est question que de circonstances. » Pourtant, Arthur se démenait pour ne pas croire au hasard quand, ironiquement, sa famille (et lui-même) s’avérait superstitieuse. Comment expliquer alors que son arrivée à Hungcalf coïncide avec celle d’Isabelle ? Dans l’incapacité de croire au hasard et ainsi lui accorder de la valeur et une légitimité, il avait vu là un plan machiavélique de sa part. Ça plutôt que de croire que le destin voulait les réunir coûte que coûte.

« Mais je dois bien t’avouer qu’une année m’a été pleinement suffisante. Je ne pensais pas rester plus longtemps et finalement, me voilà… J’imagine qu’on revient toujours sur certains lieux importants, un jour ou l’autre. Je suis sûr que tu t’en sortirais comme conférencière et ils auraient bien la chance d’avoir une nouvelle voix pour leur présenter les méandres de cette discipline exigeante qu’est la justice. Je ne sais plus si je te l’ai déjà demandé, mais pourquoi ? Pourquoi Juge ? Pourquoi le Magenmagot ? » Cette fois-ci, il faisait preuve d’une curiosité plus pure que le cristal. Une simple envie de décrypter les motivations d’une femme de son rang et intelligence.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Elle se montra curieuse - ou polie, ce qui le flatta. Bien que ne souhaitant pas s’étendre sur le sujet, il n’existait aucune règle lui interdisant d’évoquer avec elle le sujet de ses conférences, étant données qu’elles étaient accessibles à tous à l’époque… et que la thématique, en elle-même, n’avait absolument rien d’un secret. Ironie de la chose.

« Essentiellement l’application des règles d’usage de la magie et le rôle du Bureau international des lois magiques en la matière. Les problématiques que l’on peut rencontrer, comment “théoriquement” s’accorder avec un pays aux mœurs et coutumes différentes… Le sujet était vaste et l’est toujours d’ailleurs. » Ces discussions soulevaient de nombreuses questions et même s’il ne se sentait pas l’âme d’un éternel conférencier, il avait apprécié l’intérêt des étudiants à son discours, manifesté par d’avides interrogations auxquelles il avait été ravi de répondre. La future génération devait s’assurer du maintien de cet équilibre fragile entre les nations car, déjà, certains remous se faisaient sentir ça et là, à l’abri des regards… Mais ce sujet était bien trop sombre pour qu’il l’aborde dans de telles conditions. L’idée était d’alléger l’esprit de Calliope, non de l’enfoncer dans une turpitude dévorante.

Quant à l’attrait de la Muller pour sa profession, il ne faisait aucun doute. Elle se destinait à un métier pour lequel elle avait une passion presque sauvage qui, au gré de ses mots, faisait s’allumer une petite étincelle dans ses yeux. Il sentait qu’elle était capable d’en dire plus mais que la bienséance - entre autres - la forçait à se taire.

« Mon père est diplomate et j’imagine que c’est une des raisons qui m’ont poussé dans ce domaine. Il s’est finalement avéré que c’est une profession où il m’est possible de faire usage de certaines compétences que je pensais jusqu’alors inutiles. Le hasard fait bien les choses. J’ai trouvé ma voix sans même avoir à la choisir moi-même. » D’aucun pourrait trouver cela triste, pas Arthur. Il ne s’attardait pas sur le côté mélodramatique des exigences des familles de sang-pur. Son père ne l’avait pas forcé à devenir diplomate à son image, le choix s’était simplement imposé à lui. Il ne connaissait rien d’autre que la diplomatie, ayant passé des journées et des soirées entières à écouter son père parler dans diverses langues avec des inconnus, sur un ton calme et imperturbable, obtenant presque toujours ce qu’il voulait sans avoir à lever le moindre poing - ce qui expliquait peut-être pourquoi il passait sa violence physique sur son fils. Ses connaissances lui avaient semblé illimitées, comme s’il savait tout sur tout.

« Et si tu n’avais pas pu devenir juge, qu’aurais-tu aimé faire comme profession ? »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il devrait estimer cette question pour ce qu’elle était : du pur intérêt. Pourtant, Arthur se faisait naturellement méfiant et considérait que chaque interrogation qui lui était posée servait un but précis. Même si, de toute évidence, elle ne gagnait rien à connaître le sujet de sa dernière conférence, qui n’était un secret pour personne. Ou cherchait-elle à tester sa sincérité ?

« Il me semble qu’elle traitait des différentes lois de protection des animaux et créatures magiques, une comparaison entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest. Les étudiants en Magizoologie sont déjà familiers de ces réglementations mais ils ne connaissent bien souvent que celles qui régissent leur pays, surtout en matière d’espèces en voie de disparition. Dans l’ensemble, désormais, les différents Ministères appliquent les mêmes lois… » Souhaitait-elle vraiment passer la soirée à discuter des animaux magiques et de leur place dans la société sorcière ? N’étant pas expert en magizoologie, Arthur ne saurait la contenter. Il ne connaissait que les lois les plus basiques et évidentes. Après tout, ses conférences n’avaient pas la prétention d’être des leçons, mais bien une présentation d’un sujet spécifique à un moment donné de l’Histoire.

« Je dirais… la capacité de garder son calme et son sang-froid en toutes circonstances. » Il ne mentionnait pas les facilités en communication (car, au final, d’aucun pourrait dire que c’était là son point faible), sa capacité à résoudre des problèmes, son esprit stratégique et son adaptabilité. Arthur paraissait froid, guindé et fermé à toute nouveauté ; en réalité, il s’avérait étonnamment flexible. Suffisait-il que la situation l’exige. Il avait su plus d’une fois se mêler à la foule d’un pays étranger sans se faire remarquer, malgré son air typiquement européen.

Il ne sut pas si Calliope ne comprenait pas sa question ou si sa réponse avait été travaillée. Probablement un peu des deux. Il aurait aimé qu’elle mentionne un métier hors du cadre juridique, ce qu’elle fit peu après.

« Je vois, il y a tout de même un schéma constant. Tu aimes les lois et la justice. » Il lui adressa un sourire. Cela n’avait rien de surprenant lorsqu’on y réfléchissait attentivement. L’aura entourant la Muller transpirait la droiture et le cadre. Ce qui n’empêchait nullement la corruption… Le diplomate n’oubliait pas son but premier : découvrir ce qui était arrivé à Dimitri.

« Tu sais pourquoi ? Ou c’est juste… inné ? » Peut-être avait-elle assisté à un événement particulier ? Une contrepartie au fait d’être une Muller ? Ou rien de tout cela.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le compliment ne manquait pas de sincérité et s’il sourit, ce n’était pas pour la remercier mais bien parce qu’il avait en tête un épisode très récent de sa vie où ce calme lui avait échappé des mains. La joue de Cataleya en avait payé le prix et s’il ne pouvait pas regretter son geste compte tenu de la situation dans laquelle elle les avait fourrés, il ne s’en vantait pas pour autant. À son esprit venaient d’autres exemples, tous accompagnant un même visage féminin qui savait, plus que personne d’autre, attiser ses sentiments négatifs. On ne le qualifiait pas d’homme de passion, et pourtant…

Elle souleva un point avec justesse, auquel il répondit tout d’abord par un bref signe de tête. Il ne pouvait pas lui donner tort sur ce sujet. « Je pense pouvoir affirmer que oui, en effet. Même si j’ai cru comprendre que les générations plus récentes voyaient en ce système une “privation de leur liberté de choisir”, ou quelque chose comme ça. » Lui s’en était facilement accommodé, Calliope également et tant d’autres avant ou avec eux. N’était-ce pas un gage de réussite ? Arthur afficha un air faussement surpris quant à la révélation des métiers de ses frères. On les pensait toujours plus stricts qu’il ne l’était vraiment, jusqu’à se faire la réflexion qu’ils essayaient tant bien que mal de coller à la société actuelle. Contrairement à d’autres familles toujours ancrées dans les mœurs et coutumes d’antan, refusant de se mettre à la page.

« Je n’ai pas eu cette impression non plus. » Il n’ajouta pas que, de son côté, le choix n’avait pas existé. Ou si c’était le cas, il s’était IMPOSÉ à lui. Arthur ne parvenait même pas à se souvenir des fois où, plus jeune, il avait réfléchi à son avenir. Il n’avait pensé à aucun autre métier que celui-ci car, dès qu’il avait été en âge de comprendre, on lui avait mis dans la tête que sa voix était toute tracée et qu’il lui suffisait de la suivre. Il l’avait fait et on pourrait croire qu’aujourd’hui, il serait bourré de remords et de ressentiments envers ses parents. Loin de là. Les autres métiers ne l’intéressaient pas, il ne voulait pas spécialement les essayer. Sa place lui convenait parfaitement. D’ailleurs, il ne s’en plaignait jamais à quiconque.

« J’imagine que c’est vers quoi le monde tend. Des habitudes bouleversées, des traditions oubliées ou révisées pour s’adapter au progrès. Des sang-pur vendeurs de capes, des enfants sang-mêlés… » Le diplomate ne portait aucun jugement dans sa voix. Bien souvent, il évitait même de lancer de tels débats sur le sang sorcier car lui-même ne savait jamais vraiment où se positionner…

Opération séduction roumaine ft. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] | 19.05.23

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Mmmh… à la réflexion, c’est fort probable. » La négociation, il n’y avait que ça. Elle remplissait son quotidien, il n’en serait pas là sans elle. Pourtant, n’y avait jamais fait appel dans sa prime jeunesse et jugeait qu’à trop négocier, on en perdait parfois de vue son objectif premier. Il devenait éreintant de nos jours de toujours être dans cette dynamique et ce, peu importe le sujet abordé. Guidé par sa main, le couteau trancha le morceau de viande marinée résidant dans son assiette, qui partit presque aussitôt à sa bouche. Ils en venaient à parler progrès et traditionalisme, ce qui arrivait souvent chez les sang-purs. Ils voyaient leur monde changer et se sentaient obligés de faire des commentaires sur le sujet, tant pour marquer leur désapprobation que leurs hésitations. Calliope souhaitait connaître son opinion sur le sujet et il eut un faible sourire en constatant que, d’instinct, elle le jugeait contrarié par une telle évolution. Arthur imputa cela au fait qu’il était un homme, sang pur de surcroît, et qu’il était attendu d’eux qu’ils aient un regard impitoyable sur la question. Malheureusement pour elle, le Roumain ne pouvait se montrer si catégorique et ce, peu importe ses convictions de base.

« Je n’irai pas jusqu’à dire que cela me “contrarie”... » Il fit une pause pour prendre une gorgée de vin et faire passer la viande dans sa gorge, ce qui lui laissa suffisamment de temps pour penser au reste de sa réponse. « Et je sais qu’à moi seul, je n’inverserai rien. Cela étant dit, j’espère simplement que cette évolution naturelle gardera une belle part aux traditions ancestrales. Elles peuvent paraître désuètes, mais elles permettent bien souvent aux membres d’une même famille de se retrouver et se comprendre. » Il pensait essentiellement aux jours de célébration et autres traditions familiales qui ponctuaient son année et le poussaient à rentrer en Roumanie. Il jugeait chacun de ces moments importants tant pour son esprit que pour son âme.

« Et toi, qu’en dis-tu ? Penses-tu que nous avons encore notre place dans ce nouveau monde ? »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En écoutant Calliope défendre son camp, celui-là même auquel il était supposé appartenir, Arthur se rendit compte que ses nombreux voyages et ses multiples rencontres avaient altéré son opinion et ce, de bien des manières. Malgré ses premières réticences, il avait dû s’accommoder de la présence de moldus, sang-mêlés et autres espèces qui, au fil des discussions comme il pouvait en avoir avec la Muller, avaient su plaider leur cause auprès du Roumain. Il ne se qualifierait pas de libéral, mais pas non plus de conservateur pur et dur. Il ne l’avait pas réalisé avant cette seconde précise où la fierté de sang de la Muller transparaissait dans son discours. Il n’y avait rien d’étonnant à ceci, cela dit. Rares étaient les fois où il avait croisé des sangs purs de leurs âges avec un esprit complètement à l’opposé des opinions politiques de leurs parents !

« Oui, pour cela, je suis d’accord. » De toute évidence, elle avait de quoi étayer son dossier et il ne souhaitait pas entrer sur ce terrain-là avec elle. Son point de vue était trop fluctuant pour qu’il puisse formuler des idées claires. Arthur posa le regard sur l’assiette de Calliope, puis sur les plats encore bien fournis que lui-même n’avait que peu touchés. Encore une fois, il en avait fait trop. Il devrait être habitué avec le moineau qui lui servait de “protégée”, si on pouvait la nommer ainsi. Il offrit à la jeune femme un sourire rassurant car il ne saurait être offusqué.

« Il ne tient qu’à toi de le découvrir par toi-même… » Le diplomate pencha légèrement la tête sur le côté en souriant, puis délia ses mains et débarrassa la table. Encore une fois, pensa-t-il, il s’arrangeait pour s’éloigner de la vérité et des confessions. Si cela lui permettait de se protéger d’ordinaire, il devait jouer autrement avec Calliope s’il comptait obtenir quoi que ce soit d’elle.

« Souhaites-tu un petit digestif, pour terminer le repas ? » Il commençait déjà à sortir une bouteille dont l’étiquette sombre comprenait des mots roumains, ainsi que deux verres ridiculement petits, qu’il posa sur la table. « Ma mère m’a appris à cuisiner. C’est une tradition dans sa famille, chaque mère apprend à ses enfants à cuisiner, peu importe leur genre. Je dois bien admettre que ça m’a été très utile lors de mes voyages. Mais je suis aussi musicien. » Voilà un petit secret pas si secret que ça à lui jeter en pâture pour qu’elle puisse se sustenter et être satisfaite. Et qu’à son tour, elle lui révèle quelque chose. Ainsi fonctionnait une conversation, selon l’expérience d’Arthur. Lui aussi comptait bien obtenir satisfaction dans cette affaire…

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Du coin de l’œil, il la regarda s’approcher de la statuette trônant fièrement sur l’un de ses meubles. Achetée chez un antiquaire à son arrivée en Ecosse il y a deux ans, elle s’était révélée peu utile et très décevante. Nulle connexion avec les Joyaux d’une quelconque façon, ce qui l’avait fortement agacé. Pourquoi ne pas l’avoir jeté alors ? Il la gardait en souvenir, pour se remémorer constamment le chemin qu’il avait encore à parcourir pour atteindre son objectif premier. Elle n’avait donc aucune réelle valeur car tout ce qui pouvait en avoir ne se trouvait certainement pas à la portée de tous, dans son salon. Elle devait s’en douter.

Arthur remplit les deux verres, ce qui ne prit pas plus de trois secondes vu leur format. Il réfléchissait à la façon d’aborder la suite, avant de se lancer dans une petite révélation synthétique de sa personne. Rien qui ne puisse le mettre en porte-à-faux, cependant. Qu’il jouait d’un instrument de musique ou pas, que pourrait-elle bien faire de cette information ?

« Alto, principalement. Violon aussi, bien que les sonorités soient différentes. » Il pourrait lui proposer de jouer un petit morceau mais l’idée de passer pour un grand romantique ne lui plaisait pas. Pire encore, il en avait la nausée. Arthur ne trouvait aucun intérêt dans les sérénades ou les grandes déclarations émotionnelles. Il les trouvait souvent vides, égocentriques et toutes manipulatrices. Calliope n’avait pas besoin de l’entendre et le voir jouer de son alto pour avoir de la sympathie à son égard ; et si tel était réellement le cas, elle descendrait forcément dans son estime. Il préférait séduire les femmes autrement.

« Là encore, tradition familiale, je ne te le cacherai pas. On ne vous oblige pas à apprendre à jouer d’un instrument de musique chez les Muller ? Ou à pratiquer une activité spécifique à toute la famille ? » Comme le meurtre ou la dissimulation de preuves ? Les mots s’inscrivaient dans son regard alors qu’il la dardait du sien. Certains Muller étaient réputés pour être complètement dérangés et il ne serait pas surpris d’apprendre qu’elle faisait partie de ceux qui cachaient bien leur vraie nature. Il lui était même difficile de croire qu’elle pouvait être aussi franche et naïve. Rien dans son discours ne le laissait penser. Ses yeux trahissaient toute l’intelligence dissimulée derrière un beau sourire mondain, à coup de “je n’en sais rien, je ne suis qu’une femme”. Des mots qui savaient convaincre les plus idiots. Il refusait de se laisser avoir par cette sorcellerie.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Encore une fois, elle vint confirmer d’elle-même que les Muller ne faisaient pas comme les autres. En avance sur leur temps ou simple détraqueurs parmi les sang-purs, il ne formulera pas d’avis tranché sur le sujet devant Calliope mais cela l’interrogeait. Il se demandait comment leurs parents en étaient venus à prendre des chemins si différents, dans le respect des compétences et des envies de leurs enfants. S’il avait pu recevoir une telle éducation, où en serait-il aujourd’hui ? Certainement pas bercé à coup de légendes farfelues s’avérant vraies…

« Et te voilà dans le domaine de la Justice, quel lien de cause à conséquence saisissant ! » plaisanta-t-il légèrement en la regardant, un faible sourire sur le visage. Il fallait bien admettre que l’art et la littérature ne faisaient pas partie de ses premières pensées lorsqu’il songeait à Calliope. Droiture, loi, justice… mensonge. Voilà quels étaient les mots associés à son image chez le diplomate.

La liqueur qu’il venait de lui servir lui offrira peut-être, enfin, des réponses car il n’avançait pas dans son “enquête” sur la jeune femme. Elle reste pleine de mystère et bien plus coriace qu’il ne l’avait imaginé. Il aurait pourtant dû s’en douter… Une Muller ne se laissait pas avoir aussi facilement. Afin d’être totalement transparent et lui prouver qu’il ne comptait pas l’empoissonner - oui oui, lui-même se posait cette question lorsqu’on lui offrait un verre - il lui montra la bouteille aux inscriptions roumaines et trempa ses lèvres dans son propre verre pour le goûter.

« C’est une eau-de-vie traditionnelle de mon pays, distillée à partir de prunes. On l’appelle “țuică” » prononça-t-il de son accent roumain avec perfection. « Celle-là n’a été distillée qu’une fois donc le degré d’alcool est moins fort, mais certaines liqueurs sont parfois distillées une seconde fois pour l’intensifier. Je ne le boirais pas d’une traite à ta place. C’est une liqueur, ça se déguste à faible gorgée. Dis-moi ce que tu en penses ! J’en ai aussi à la cerise, griotte et mirabelle, si c’est plus à ta convenance. » De nouveau, il fit couler le liquide sur sa langue puis dans sa gorge, ravivé par son effet saisissant.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il décrivit la liqueur avec passion, bien plus qu’il n’en avait fait montre depuis qu’ils se connaissaient. Tout ce qui touchait à sa terre natale suscitait en lui de vives émotions et il ne ressentait pas présentement le besoin de les camoufler à Calliope. Cela lui donnait un peu d’humanité, lui qui en manquait tellement au quotidien. Arthur attendit avec une certaine appréhension l’avis de la Muller sur cet alcool pour lequel il avait une grande affinité personnelle. Non pas qu’il allait la juger uniquement sur cette opinion mais…

La simple réalité de sa réponse provoqua son mutisme. Il ne savait tout bonnement pas quoi répondre à cela tant c’était une évidence. “C’est fort” - oui, il venait de le lui expliquer. Elle avait même de la chance que ce ne soit qu’une première distillation ! Au moins ne sautait-elle pas à la conclusion que c’était mauvais.

« L’idée paraît toujours bonne et il est vrai qu’en buvant cul sec, la sensation sera moins forte sur le moment. Mais à long terme, tu le sentiras plus passer. » Il prit son verre et s’approcha d’elle, le levant à la hauteur de son visage. « Portons un toast. À la famille. » Celle des Muller ou la sienne, peu importe. Ils partageaient une certaine vision de la famille et des obligations qui l’accompagnaient, tout comme il aurait pu porter un toast à leurs travails respectifs. L’impact aurait pourtant été plus minime. Puis, il but son verre d’une traite. Le liquide coula dans sa gorge, brûlant tout sur son passage et réchauffant son être tout entier. Il adorait ça et y était tant habitué que l’effet était moins saisissant pour lui que pour Calliope.

« Conclusion ? Plus ou moins terrible ? Tu peux continuer à rester debout ou préfères-tu t’asseoir ? » Peut-être son ton empruntait-il les traits de la moquerie… C’était de bonne guerre, n’est-ce pas ?

Opération séduction roumaine ft. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] | 19.05.23

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Arthur cacha son air satisfait par habitude, même s’il aurait pu ne pas le faire devant Calliope. Se trouver des points communs avec la future juge ne le dispensait pas de se méfier d’elle. Il se contenta d’un “plutôt bon”, sachant qu’il ne saurait en obtenir plus de la Muller. Dans sa bouche, ces mots équivalaient à une acceptation, tout comme Arthur quand le coin de ses lèvres osait remonter de plus d’un millimètre.

« Mmmh… » fit-il mine de réfléchir tout en remplissant de nouveau son minuscule verre, qui le paraissait encore plus entre ses grandes mains. « J’imagine que tout dépend de ta tolérance initiale. Deux, peut-être trois ? Ou la moitié de celui que tu viens d’ingérer. » Il osa une grimace amusée envers elle puis jeta un œil sur le liquide rubis qui lui faisait tant envie. « Pour moi, selon mon état de fatigue, quatre ou cinq. » Arthur avait une bonne corpulence et, consommateur depuis de nombreuses années d’alcools forts, son organisme les supportait assez longtemps avant de céder à l’ivresse. En jetant un regard sur Calliope, on pouvait raisonnablement supposer qu’il n’en était pas de même. Mais le diplomate souhaitait se réserver la surprise. D’une certaine façon, il avait envie d’entendre de sa bouche l’affirmation qu’elle pouvait s’en enfiler cinq sans que ses jambes ne se mettent à trembler. Emportant la bouteille avec lui, il la rejoignit sur le canapé et laissa le liquide couler de nouveau en petite quantité dans le verre vide de la Muller. Son regard s’attarda quelques secondes sur ses jambes découvertes, puis revint à son visage.

« Tu n’es pas obligée de le boire. Loin de moi l’idée de t’enivrer. » Ou peut-être que si, allez savoir… Cela l’aiderait grandement dans sa démarche. « Quelle est ta plus mauvaise expérience avec l’alcool ? Si ça te ne gêne pas d’en parler. Je crois que j’ai eu ma première cuite à Durmstrang. Sans surprise, dois-tu penser non ? » Le dortoir des garçons - des adolescents surtout - était rythmé par les tentatives des uns et des autres d’impressionner les camarades. On se laissait vite aller à tester toute sorte d’alcool juste pour “faire pareil”, pour s’amuser, pour découvrir… Il faut dire que les professeurs cachaient mal leurs cargaisons personnelles dans leurs bureaux ! Le directeur lui-même avait toujours une bouteille non loin.