Les examens venaient de s'achever quand tu t'es retrouvé face à lui pour la première fois. Enfin... Pour la première fois dans ce cadre-là. Et la seconde de surprise passée, tu n'as émis qu'un sobre "ah c'était donc toi" pour confirmer que oui, tu avais très bien compris ce dont il s'agissait. Jolan n'était qu'un visage parmi tant d'autres jusque-là à tes yeux. Le type qui a volé ta soeur à la fête de la Licorne, éventuellement. Mais tu n'avais pas compris, alors, que c'était pour lui que Sunshine se procurait chaque mois des potions tue-loup. Celle que tu as confectionnée avec elle lors de l'été passé. Celles que tu as laissées à son intention lorsque tu vivais encore chez elle, ou que tu lui fournissais régulièrement, depuis ton déménagement. Ce jour-là, pourtant, c'est en direct que le brun est venu se fournir, et si tu as pu supposer qu'il y avait mésentente entre ta cadette et lui, ce sujet ne te regardait pas vraiment, et tu l'as passé sous silence. Si @Juliet Blackthorn n'avait pas jugé utile de t'en parler, alors tu n'avais pas à t'en mêler.

En revanche, fournir une potion digne de ce nom, ça, c'était complètement ton domaine d'expertise, et tu n'avais pas vraiment hésité à le faire monter dans ton appartement. Pas ton atelier, qui recélait bien trop de secrets, de tes plantes rares à tes peintures en passant par tes potions personnelles, mais bien dans ce salon aménagé par tes soins quelques mois auparavant. Des meubles de cuisine chinés ça et là, bibliothèques jonchées de grimoires et herbiers divers, fauteuils et divans couverts de tartans face à une cheminée accueillante, et mille plantes, vivantes ou séchées, témoignaient du contraste entre cet antre païen et ta vie d'antan. Tu lui as remis la potion demandée, lui promettant les prochaines sans contrepartie - une faveur exceptionnelle en vertu de votre lien avec la blonde. Et tu l'as revu dans le courant du mois de juillet, cherchant à faire le point avec lui sur l'efficacité de la tue-loup que tu lui avais remise.

Bof. T'as un peu grincé des dents à la découverte de l'inefficacité de ta potion. Des spécificités de l'amérindien, tu n'en avais pas connaissance jusque-là, et elles attisaient grandement ta curiosité - et irritaient ce perfectionnisme irrationnel que ton éducation avait gravé dans ta chair. Alors un nouveau carnet s'est vu attribué à la compilation précise de toutes les données que tu pouvais recueillir le concernant. Son cas était exceptionnel, et toi, t'étais tout bonnement incapable de rester sur ce que tu considérais comme un échec.
Et un défi à relever.
Qui plus est, les questionnements se sont posés aussi sur les sécurités mises en place, et tu t'es acharné à l'enfermer chaque mois, avec l'aide à distance ou en direct de ceux qui avaient déjà géré ses transformations par le passé.

Tu l'as revu en août, après Lughnasadh, le mariage de Verena et Hélios, et un esbat quelque peu sommaire du fait de cette réunion mondaine imposée. Une comédie de plus qu'il a fallu jouer, et qui te laisse davantage de questions sans réponse encore concernant l'absence ta cousine, autant à l'événement que dans les propos de ta tante. Tu n'as pas vraiment eu le temps d'élucider ce premier mystère, cependant, que les éléments ont décidé de focaliser ton esprit sur d'autres sujets. Tu t'es retrouvé à assister ton logeur @Ambrosius Redgrave pour la sauvegarde de ses plantes, découvrant alors les trésors jusque-là jalousement gardés. Et puis Jolan a reparu, pour t'apprendre que ta mixture n'avait pas été plus agréable que celle du mois précédent. Quelques questions et réponses échangées, quelques informations compilées en supplément dans ton carnet. Et de nouvelles interrogations soulevées. Pourquoi diable souffre-t-il autant ?

La fin du mois d'août est passée à une vitesse folle. T'as passé des heures à reprendre tes notes, à éplucher mille ouvrages pour peut-être envisager une piste permettant de trouver la solution à son problème. En vain. Tes nuits sommaires peuplées de cauchemars ont accentué les cernes sous tes yeux, mais au moins permis d'allonger ton temps de recherche, ou de donner tout le loisir d'observer les Perséides. T'as fait ton possible pour maintenir les liens avec les personnes qui te sont chères, aussi pour te rassurer quelque part, et ne pas voir d'autres visages se détourner de toi. T'as passé le plus de temps possible auprès de Jeremiah, avant qu'il ne retourne voir sa famille, poursuivant ta découverte de la batterie en sa compagnie. Le chineur a encore fait des siennes, puis t'as rejoint les élèves de botanique pour cette excursion au coeur de l'Irlande, avant de retrouver les bras de ton amant, et tes expérimentations mises en pause le temps d'un weekend.

Et après avoir à nouveau enfermé Jolan dans ce hangar qui t'avais vu éclater tes phalanges et lacérer tes mollets au mois de janvier, t'as vénéré la lune bleue avec une appréhension toute singulière.

Septembre 2023

C'est presque devenu une de tes routines, mais t'es une créature d'habitudes après tout. Après chaque pleine lune, chaque esbat, tu attends le moment où Jolan et toi pourrez faire le point sur le nouvel essai proposé. Pour l'heure, cependant, tu dois bien admettre n'avoir fait que chou blanc, et ça te frustre grandement. Mais des recherches de ce type prennent du temps, tu en es conscient, et vous n'en êtes qu'à quelques essais. Il doit manquer des paramètres, des informations supplémentaires, mais quoi ? Tu cherches une aiguille dans une botte de foin, et la rentrée a écourté le temps que tu peux consacrer à ce sujet. Pourtant tu t'acharnes dès qu'un moment se présente, et veilles à maintenir un stock de tue-loup d'avance malgré tout. Hors de question de le laisser passer une lune sans rien, quand bien même tu n'as pas encore trouvé la formule qui lui conviendra. Et puis te focaliser sur ces recherches t'évite de littéralement exploser concernant d'autres sujets...

T'en es à consulter des recueils de témoignages quand le nom du lycan apparaît sur ton téléphone, et tu descends prestement lui ouvrir, le faisant monter jusqu'à tes appartements sans une once d'hésitation. Tu ne doutes pas une seconde que la dernière lune a dû être éprouvante, tu l'as laissé avec une dose sédative des plus fortes, et retrouvé au matin avec un air particulièrement las. Vous laissez toujours quelques jours pour qu'il retrouve un peu de calme avant de faire le point, et aujourd'hui, à peine est-il installé dans ton divan que tu fais bouillir de l'eau, préparant d'office un mélange d'infusions aux vertus apaisantes.

Les dizaines de minutes qui suivent, comme après chacune des Lunes pour lesquelles tu l'as fourni en tue-loup, consistent alors en récit et interrogations concernant les effets de tes potions, sur sa psyché autant que sur la gestion de la transformation. Et malheureusement pour toi, une fois que l'amérindien en vient à prendre congé, après que rendez-vous a été fixé pour sa prochaine dose, tu restes seul devant ta tasse, plus de questions en tête encore qu'auparavant...