Malgré la fraîcheur de la nuit, il ne pleuvait pas sur Inverness. Elio et Ofélia venaient de passer la soirée à danser au centre artistique de la ville et, comme d'habitude, le Cooper raccompagnait la jeune femme à son domicile.
Elio n'avait pas froid, ayant encore le corps chaud à avoir danser.
Ils discutaient de leurs vacances passées. Après avoir écouté Ofélia, elle lui retourna la question sur ses occupations pendant cet été.

"J'ai fait une randonnée de quatre jours en VTT avec un groupe en Irlande, dans les Wiklow Mountains. C'était vraiment top."

Rencontrer de nouvelles personnes partageant ce sport, être au grand air, découvrir de nouveaux paysages, oublier un peu la magie pour un temps, cela lui avait fait beaucoup de bien.

"Et puis, je suis allé en Espagne, voir ma grand-mère. J'ai pu aussi passer quelques jours avec mon frère, que je vois moins souvent maintenant."

Depuis le début de la soirée, il pensait à ce qu'il avait vu à la télévision espagnole. Mais il n'avait pas encore trouvé la bonne occasion pour lui en parler.

"Et il faut que je te dise que je t'ai vu à la télé…dans un clip."

Ofelia ne coupa pas leur marche et en profita pour réfléchir à sa réponse. Elle y avait pourtant déjà pensé. Si quelqu’un venait à la reconnaître, elle avait élaboré plusieurs mensonges plus ou moins réalistes. Mais elle songeait aussi à dire la vérité, surtout à Elio. Pourtant, ce ne fut pas ce qu’elle fit.

“Tu as sûrement dû mal voir non ? J’ai une tête à apparaître dans des clips ?” dit-elle en plaisantant.

Et il pourrait la croire. Après tout, elle ne s’était jamais illustrée à l’université comme une fille populaire, préférant faire profil bas, gardant ses talents pour elle-même et adoptant un comportement de rebelle plutôt que celui de la petite fille modèle que son agent tenait à montrer au monde.

“Se pourrait-il que tu m’aies confondu avec Selena Gomez ???”

Elio ne se trompait pas.

"Impossible. Elle ne te ressemble pas."

Il n'y avait aucun doute possible.

"A moins que tu ais une sœur jumelle qui se nomme aussi Ofélia et qui danse aussi bien que toi."

Elle tentait de lui mettre le doute. Pourquoi faisait-elle cela ?

"J'imagine que c'est quelque chose dont tu ne veux pas parler. Mais je sais ce que j'ai vu. J'ai eu du mal à le croire au début, c'est vrai, mais trop de choses font lien."

Ofelia resta silencieuse quelques minutes puis mordit l’intérieur de sa joue en soupirant par le nez. Il fallait se rendre à l’évidence, mentir ne servait à rien. Elio avait bien regardé et semblait sûr de lui, beaucoup trop pour que ses tentatives d’évitement ne le froissent pas.

“Si tu veux me poser des questions, vas-y.”

Elle semblait avoir un air résigné et Elio ne voulait en aucun cas forcer quoi que ce soit.
Il s'arrêta et fit face à la demoiselle qu'il trouvait de plus en plus séduisante.

"Ofélia, si je te dis ça, c'est pour que tu saches que je suis au courant. Si tu as fait le choix de ne pas en parler, c'est que tu as tes raisons. Évidemment que je me questionne mais si je n'ai pas de réponses, cela ne m'empêchera pas de vouloir te revoir."

Et il reprit sur un ton plus léger.

"En tout cas, ma grand-mère t'adore. Tu l'aurais vu vanter tes mérites, tandis que moi, j'étais en train de bloquer devant la télé ! Elle a cru que je tombais sous ton charme, enfin celui de la chanteuse."

“Et ? c’est le cas ?”

Elle ne souhaitait que le taquiner, bien sûr. Mais tout cela la faisait réfléchir. Elle n’en avait parlé à personne et techniquement, c’était Elio qui avait lancé le sujet en découvrant la vérité, pas elle. Est-ce que ce serait si grave de se confier un peu à lui ? Elle ne pensait pas pouvoir douter de sa confiance.

“Bon, j’imagine que ça ne sert à rien de prétendre le contraire de toute façon… Mais tu as raison, c’est quelque chose dont je ne parle pas avec les autres tout simplement parce que l’image renvoyée par “cette” Ofelia n’est pas celle qui me représente. Ou disons qu’elle ne l’est plus. Je ne regrette pas, mais j’ai grandi. J’ai changé. On le fait tous, non ?”

“Bien sûr.”

Ils reprirent leur marche. Elio n’avait pas répondu à sa taquinerie. Il n'était pas tombé sous le charme de la chanteuse. Ce n'était pas trop sa tasse de thé. Il préférait nettement la femme qui se tenait à ses côtés.

“Tu as arrêté ta carrière car cela ne te convenait plus. Mais dans ce cas, pourquoi avoir choisi des études artistiques ? Finalement, tu restes dans le même domaine.”

“Parce que j'aime ça. J'aime chanter, j'aime danser, j'aime peindre… Les arts m'inspirent et donnent un sens à ma vie. C'est le reste qui rendait le tout… dur.”

Pourtant elle le savait, on l'avait prévenue de la difficulté mais Ofelia, comme d'autres avant elles, avait cru qu'elle saurait supporter sans broncher. Grossière erreur…

“On veut que je sois éternellement un modèle de bonté, de pudeur et ce n'est pas moi. Tu sais bien maintenant !”
“Tu sais, j’apprends encore à te connaître. Je ne suis pas le plus à même de savoir qui est véritablement Ofélia Madrigal.”

Est-ce qu’il pouvait la juger sur la femme qu’elle était et souhaitait être ? Certainement pas.

“Mais je pense que tu as raison de t’écouter. C’est le plus important. Si un jour tu reprends une carrière, tu auras au moins appris la leçon de ne laisser personne te dicter ce que tu dois faire.”

Ofelia eut un sourire et passa son bras sous celui d’Elio pour s’en rapprocher. Comme toujours, il avait des paroles sages qui savaient l’atteindre.

“Tu as bien raison. Pour l’instant, je me laisse encore un an à Hungcalf pour voir venir les choses - ma motivation, les possibles contrats, les envies de musique… Et si ta grand-mère veut que je lui signe quelque chose, je serais ravie de le faire !”

Elio se met à rire.

“Si je lui ramène ça, elle ne va rien comprendre.”

Le médicomage n’était pas fan de ce genre de musique et sa grand-mère le savait parfaitement.
Ils reprirent leur chemin jusqu’au manoir où Elio souhaita une bonne nuit à Ofélia sur le pas de la porte, avant d’aller lui-même retrouver son propre lit.


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