Un infime sourire s’était invité sur son visage à la lecture du message, gommant pour un temps l’air maussade qu’il affichait naturellement. Holly lui laissait le champ libre, ce qui n’était pas pour lui déplaire dans le font. Si la soirée tournait à la catastrophe, autant l’organiser dans un endroit qui lui permettrait de rebondir. Il ne se voyait pas non plus déguster une tasse de thé le petit doigt en l’air, à discuter des derniers bouts de tissus hors de prix que certaines aimaient se disputer. Non. Très peu pour lui. C’est tout naturellement que l’enseigne de la Taverne du Troll vint chatouiller son esprit. Non, ce n’était pas motivé par son subconscient dans le but de faire fuir la sorcière pour qu’il retrouve une vie solitaire -ou presque. Non, vraiment pas. Ou peut-être que si ? S’il ne pouvait nier qu’il avait envie de découvrir ce qui se cachait derrière son image de princesse moderne, il ne pouvait s’ôter de la tête que c’était une mauvaise idée. Quelle idée saugrenue de sortir ainsi de sa zone de confort ! Et par sa propre initiative en plus. C’était un jour à marquer d’une croix sur le calendrier. A cela s’ajoutait aussi un sentiment de culpabilité qu’il ne s’expliquait, une impression de commettre une faute qu’il ne voyait même pas. A croire qu’il n’avait déjà pas assez à penser, tiens. Il expira un nuage de fumée à l’odeur sucrée avant de ranger sa cigarette électronique au fond de sa poche.

Barghest poussa les portes du pub et offrit un rictus -simulacre d’un sourire, aux habitués qu’il reconnaissait de part et d’autre. Pas de @Miguel Pajares dans les parages pour se disputer sur l’équipe gagnante du prochain match avant de se rabibocher autour d’une choppe mousseuse. Pas d’agitation outre mesure non plus, ce qui lui permit de prendre place à une table un peu plus loin. Des cris se faisaient entendre de temps à autre pour ponctuer la rediffusion de la veille mais rien de bien méchant. Il était encore tôt et l’alcool commençait à peine à œuvrer.

La Présidente des Nymphes fit son apparition, captant lumière et regards. Comme au bal. Son regard aussi fut accroché et il glissa malgré lui le long de sa silhouette. Sa tenue était autrement plus simple que lors de leur rencontre mais ça n’entachait en rien son aura. Bien au contraire. Il la trouvait autrement plus ravissante, la faute à ses allergies mondaines sans doute. Il fronça les sourcils lorsque certains propos mirent son ouïe à mal et fustigea aussitôt du regard un trio installé aux fléchettes. Crétins.

« ‘Soir Holly. Ça va, j’ai pas à me plaindre. Et toi ? »

La jolie blonde ne paraissait pas être intimidée le moins du monde par l’ambiance particulière de la taverne. Au contraire, elle avait traversé la salle comme un terrain conquit. Intéressant.

« Pas trop compliqué de faire garder ton gosse ? » "Enfant" aurait été un terme autrement plus civilisé mais lui et les politesses… Au moins, il faisait la conversation. Notez l’effort.

« T’as une idée de c’que tu veux boire ? » il fit signe au serveur occupé à débarrasser la table voisine. Le pauvre, c’était un vrai carnage… Pour une fois que ce n’est pas sa faute.

L’échange entre eux se fit plutôt naturellement, ce qui étonna quelque peu Barghest. Sa réputation d’ours mal léché n’était pas apparue sans raison et rares étaient les personnes qui pouvaient bénéficier d’une discussion badine avec lui -non ponctuée de grognement, soufflements ou râle en tout genre, j’entends. Holly avait ce petit quelque chose qui brillait en elle et éveillait son intérêt sans qu’il ne parvienne à se l’expliquer. Cette aura ne semblait uniquement l’impacter mais, contre toutes attentes, c’est auprès de lui qu’elle avait accepté de passer sa soirée. Une femme comme elle, avec quelqu’un comme lui ? C’était tellement improbable que s’en était risible. Quoique…

Le Wright arqua un sourcil en l’entendant mentionner le nom de la boisson. Cette bière n’était plus proposée et seuls les anciens et/ou habitués en connaissait le nom. Elle était peut-être plus que ce qu’elle avait laissé paraitre lors du bal. Sa curiosité pleinement piquée, sa posture changea naturellement et il se rapprocha d’elle. Un peu. Son coude appuyé contre la table, sa mâchoire solidement ancrée dans la paume de sa main, il dardait sur elle un regard autrement plus intéressé. Lui qui avait supposé que l’ambiance populaire du pub aurait fait fuir la Nymphe se trouvait bien bête. Sans même prendre conscience de l’attitude similaire qu’il venait d’adopter, il tendit les doigts vers le serveur et forma un "V", avant de le remercier.


« T’es pleine de surprises Holly. Tu ne m’avais pas dit que tu connaissais les lieux. »


Le coin de sa bouche se tordit à peine, esquissant un sourire illustrant sa satisfaction. Ou était-ce son soulagement ? Sûrement un peu des deux. Il se serait pendu à l’une des poutres de la Taverne s’il avait dû se retrouver coincé face à une pimbeche pompeuse.


« T’es une habituée ? J’ai pas souvenir de t’y avoir vu… C’est pas plus mal en fait. Ça sauvegarde mon image de marque. » Son sourire s’agrandit à cette mention. Comme s’il en avait quoique ce soit à foutre de ce que les gens disaient de lui.


« Est-ce si étonnant que Misster Yule 2023 invite la Présidente des Nymphes ? »


Le dernier année redressa son dos et commença à décrire des cercles sur le bois de la table, ses mains ne pouvant décemment être occupées par une cigarette pour l’heure.


« Puisqu’on joue la carte de la sincérité, je dois te confesser la même chose. Je ne pensais pas que tu accepterais de venir. Encore moins dans un cadre pareil. »


Il arqua un sourcil en voyant le serveur revenir et se placer sciemment entre eux pour déposer les boissons sur la table. Damn dude… Tiens toi.


« Okey… » dit-il en récupérant son verre. C’était vraiment pas une attitude normale. Enfin, qui était-il pour juger ?


« T’avais pas l’air d’être aussi pincée que les autres princesses de la soirée. J’dis pas ça parce que t’as été la seule membre du commando talons aiguille à apprécier mon charme naturel, bien sûr. J’voulais voir si mon hypothèse était vraie. »

Pour le moment, ce début de soirée allait plutôt dans son sens. Déjà, elle était venue, ce qui était un bon point notable. Elle était aussi rentrée comme une reine dans un lieu qui sentait constamment un mélange de poussière et de transpiration et commandé une boisson de renom. Que demande le peuple ?  

Lewis appréciait la malice qu’il percevait sur ses traits fins. Il les appréciait tout court d’ailleurs, comme la plupart des hommes ayant remarqué sa venue. Holly était à des années lumières de la femme distinguée qu’il avait supposé retrouver. Ce n’était pas pour lui déplaire. Loin s’en faut. Qu’aurait-il eu à dire à une dame dont il ne partageait pas le moindre point commun ? Serait-elle-même venue ? Mieux vaut pas. Lui qui n’était pas le plus doué en conversation n’aurait pas tenu une seconde en compagnie du stéréotype de la femme embourgeoisée qui le repoussait tant. Les manières. Les façons de faire. Avec soi. Avec les autres. Il n’était pas de ce monde, n’en connaissait pas les rouages. C’était certainement pour cette raison qu’il avait choisi cet endroit plutôt qu’en autre. Il y avait ses habitudes et comptait sur l’aspect crasseux de la devanture pour le prévenir d’une perte de temps éventuelle. Heureusement pour lui, elle n’avait rien de tout ça. Au contraire, elle venait d’éveiller en lui un intérêt rare. Pourvu que ça dure.

Il parle Barghest, et avec une décontraction en toute sobriété qu’on ne lui prêterait pas. C’est qu’il se sentait à l’aise, sans trop savoir pourquoi. La faute à l’environnement, sans doute. Il blague même. C’est à se demander quelle mouche l’avait piqué.

Un sourire pinça ses lèvres en entendant la pointe de nostalgie dans sa voix. Dans une autre vie ? Quelle idée saugrenue. On en avait qu’une. Il ne tenait qu’à nous d’en profiter. Pourquoi se priver ? Ah. Oui. Les responsabilités, Lew. Il entendait la voix de son père plus clairement que s’il se trouvait à leur côté. Un jour peut-être prendra t’il les siennes. La fin de l’année arrivait à grand pas après tout, et avec elle la fin d’une vie sur les bancs de faculté. De quoi effrayer cette foutue tête brûlée.

Ne jamais juger un livre à sa couverture… Ce proverbe était on ne peut plus vrai. Tant mieux.  Sa bouche s’entrouvrit, pour mieux laisser paraitre son étonnement face à l’attitude de l’employé. Il ne voulait pas s’asseoir sur ses genoux aussi ? Sa langue claqua sur son palais, mais pas le temps de lui dire le fond de sa pensée. Imagée. Gratinée. Très Barghest, en somme. Holly coupa court d’une façon autrement plus correcte. Moins drôle aussi.


« Tu veux rire ? T’étais là quand la couronne s’est transformée en canard ? » En cygne, le corrigea sa petite voix. Bref. « Ça aurait au moins eu le mérite d’en dérider quelques-uns. Ou d’en étouffer. »


Le Rouge rit un peu avant de lever sa choppe à son attention avant d’en prendre une première lampée. Divine, comme toujours.


« Est-ce que tu es entrain de me dire que je me suis montré suffisamment charmant pour gagner ton vote ? Ou peut-être que tu étais dans l’coup depuis le début ? » Il fronça les sourcils, à peine convaincant.  

Une deuxième gorgée glissa sur sa bouche. Une goutte s’échappa, roula sur sa lèvre. Qu’importe. Il l’essuya du revers de l’index avant de se mettre à tracer le contour du verre. C’est qu’elle l’avait surpris, avec ce français à l’accent parfait. Une frenchie, comme Maximilien ?


« Madame la prez’, t’as d’autre surprises en stock ? » Il l’aimait bien ce surnom, même s’il sonnait bien plus différent dans sa bouche.


« Tu me parlais d’une autre vie tout à l’heure. En quoi est-ce qu’elle était différente de celle-ci ? »


Boire une bière dans un lieu chaleureux ne lui paraissait pas être un monde, mais qui était-il pour juger ? Son sourcil s’arqua, signe que les rouages de son cerveau avaient tenté de fonctionner. Une énième preuve de son attrait, si on en doutait.


« Avant ton fils, tu veux dire ? Il a quel âge déjà ? J'suis désolé. Ma mémoire est trouée comme un gruyère. .»


En quoi est-ce que ça l’empêchait de prendre du bon temps ? Elle était bien là, après tout. Est-ce qu’il changerait ses habitudes lui aussi, lorsqu’il deviendrait père ? Ou plutôt si, vu comment il partait dans la vie. Zero effort. Zero recherche. Zero investissement. Le calme plat. Au moins, il évitait les problèmes et les migraines.          

Ses orbes bruns accrochèrent le plafond poussiéreux de la taverne, avant de se révulser l’espace d’une seconde. Ou deux. Juste histoire d’exprimer tout l’intérêt qu’il porte à la question des volatiles. Canard, cygne, oie. C’était du pareil au même. Il avait fini avec une floppée de plumes sur la tête.

« Oui. Un cygne. » ou une saleté de poulet, mais il s’avisa bien de le dire. Son expression devait sans doute se suffire à elle-même.

Barghest se mit à rire en dépit de ce drôle de souvenir. Holly aussi, et il était bien contraint d’admettre que c’était agréable à entendre. Ça roulait des oreilles jusqu’au cœur et avait un aspect contagieux qui n’était pas pour lui déplaire. Il valait mieux ça qu’être face à une tombe. Tu t’es vu ?

La conversation était légère. Ou pas tant ? Y’avait une tension. Petite. Tout juste perceptible. Même un crétin comme lui réussissait s’en rendre compte. Tout était question de sourire, de sous-entendu à peine voilé. C’était subtil, et plutôt appréciable. Jouer la carte du charmeur invétéré au cours d’une soirée, sous le ton de l’humour ou d’un défi improbable, c’était une chose. Là, c’était bien différent.


« Ah oui ? Je n’avais pas remarqué. Est-ce bien raisonnable ? » c’est que flirter avec des énergumènes du genre, qui poussaient le cadre plutôt que d’y rentrer sagement, n’était pas ce qu’on pourrait lui souhaiter.

Son sourire s’agrandit alors que sa choppe rencontra ses lèvres. Elle savait se rendre intéressante la prez, y’avait pas à dire. S’il avait craint ce rendez-vous, il ne le regrettait plus. C’était une première. Tout comme le fait qu’il s’intéresse autant à quelqu’un en dehors de son cercle.


« Sept ans ? Il doit t’en faire voir de belles. » Il se souvenait assez des frasques qu’il avait pu faire lui-même à la ferme, et plus encore de cette armée de mômes de cet âge qui lui courrait après en quête de substitut fraternel. C’était la bonne époque.

« Les Shooters. L’un de mes potes fait partie de l’équipe. Je n’ai pas d’autre choix que d’le soutenir ! » Il se pencha légèrement sur la table et lui chuchota, sur le ton de la confidence. « Loyauté mise à part, j’affectionne tout particulièrement les Flèches d’Appleby. Et toi alors ? »


Il n’y avait pas à dire, ça devenait réellement intéressant. Rien à avoir avec l’image dorée et lisse qu’il s’était faite d’elle.


« Tu jouais ? » Après tout, elle était foutrement surprenante.


Une idée incongrue, comme la plupart de celles qui lui passaient par la tête en ce moment, pointa le bout de son nez. Et si…


« Si tu arrives à me supporter aujourd’hui, qu’est-ce que tu dirais qu’on aille voir un match ensemble un d’ces quatre ? Ton fils pourrait v’nir. Ça m’dérangerait pas plus que ça et ça t’éviterait d’avoir à l’faire garder. »


Nouveau sourire en coin. Liquide ambré qui descend.

« A moins que tu ne veuilles me garder que pour toi. » Subtil, on disait.    

Bel oiseau, mais particulièrement teigneux. Comme tu as pu le voir… C’était peu de le dire. Heureusement, à force de côtoyer @Cataleya Blackthorn il avait l’habitude de gérer les crises existentielles de bestioles hargneuses. A défaut de pouvoir utiliser le pouic-pouic salvateur au bal, il avait dû se contenter d’attraper l’oie par le cou pour la retirer de sa tête. Ou le cygne, comme vous préférez. Pour sa défense, il était toujours sous le choc de la révélation de la princesse quand quelqu’un l’avait attrapé par le bras et trainé jusqu’à cette foutue estrade. Il avait vécu la scène de l’extérieur, grogné lorsqu’on lui demandait quelque chose et fixé son regard sur un point lointain. En d’autres circonstances, Barghest se serait amusé de ce sale tour. Il aurait même pris un malin plaisir à tendre l’oiseau de malheur vers la pauvre nymphe qui s’était entichée d’@Alexander McCandless . La couronne trainait à présent dans un coin de son salon, dans l’attente d’une planque de circonstance.

Peut-être pas… Mais faut-il toujours être parfaitement raisonnable ? Un rire rauque remonta le long de sa gorge avant de terminer sa course dans sa choppe. Son sourire joueur, par contre, se devinait sans mal. Les légers plis qui venaient de se tracer à l’extérieur de ses yeux ne trompaient pas, en tout cas.

« En ma qualité d’aspirant auror, j’me dois de te dire que ce serait la conduite attendue… Mais fais ce que je dis, pas ce que je fais. N’est-ce pas ? Ça m’arrange assez qu’tu sois pas raisonnable, prez’. »

Une nouvelle gorgée et la mousse descendit de plus belle. Il laissa son regard courir sur les tables voisines, les fléchettes au loin et le poste radio qui vomissait de la musique que personne n’écoutait. Elle grésillait bien trop pour flatter l’oreille. @Charlie Keir pourrait la réparer un en tour de main, s’il venait. Encore. Il ne comptait plus le nombre de fois où l’Ethelred s’était amusé à sortir son kit d’outils portatif à peine la porte épaisse franchie. Si ce n’était pas l’appareil, c’était autre chose. A croire qu’il y avait toujours quelque chose à réparer ici et que lui, petit génie, pouvait régler n'importe quel soucis.  

Honnêtement ça va, c’est un gentil garçon. Peut-être un peu trop sensible, même… La vie ne fait pas de cadeau, et il risque d’en souffrir mais… Le brun hocha doucement la tête pour appuyer ses dires. Il ne tenait pas à se faire oiseau de mauvais augures mais il n’avait que trop constaté comme la vie pouvait se montrer injuste pour ceux qui tardait à mordre. Il pensa à Charlie, bien entendu. Il n’y avait pas âme plus douce au monde. Il était capable de tant de bienveillance et de tendresse, même envers ceux qui ne le méritait pas. Il donnait une seconde chance aussi, et même plusieurs pour les plus chanceux. Ça n’aurait pas dû tomber sur lui. Sur personne, mais surtout pas sur lui. Il méritait d’être heureux, plus que n’importe qui. Ses pensées se dirigèrent vers d’autres visages, plus juvéniles encore que celui de son plus proche ami. Les gamins de la Ferme. Les petits durs. Les grands sensibles. Les jumeaux. Tous avaient une histoire atypique et un cœur abimé et pourtant, ils en ressortaient plus forts. Il l’espérait sincèrement du moins et tachait d’y veiller, même s’il était moins disponible ces dernières années. C’est qu’il consacrait son cœur et ses attentions à une personne en particulier. Comme si ça pouvait gommer ses erreurs ou soulager ses tracas. Tsss.

«Tant que tu ne le laisses pas tomber, j’suis sûr que ça ira. On s’prend tous les pieds dans le tapis au moins une fois et ça n’nous empêche pas d’avancer. » Certains trébuchaient plus que d’autres, certes, mais… Est-ce qu’il venait de revoir en image un certain louveteau manquer de tomber pour la centième fois sur une marche qui n’avait jamais cessé d’exister ? Oui. Ça lui tira d’ailleurs un sourire d’autant plus grand.

Le sujet changea du tout au tout, délaissant les petits cœurs fragiles pour se concentrer sur un sport de haut vol. Littéralement. Il rattrapa les wagons sans se forcer, ne souhaitant pas jeter un voile sombre sur une rencontre qui se passait étonnamment bien.

Un de tes potes ? Laisse-moi deviner : @Miguel Pajares Pajares ? Je ne le connais pas très bien, si ce n’est qu’on a partagé quelques cours jusqu’à l’an dernier. Mais son amie Ester est venue me trouver pour le design de leurs uniformes…

« Tu l’connais ? J’crois que tout le monde a déjà entendu parler d’lui. J’sais pas si c’est bon signe pour autant. » Il rit de nouveau avant d’arriver au dernier tier de sa boisson. « Attends. Tu veux dire que c’est toi qui as géré les tenues ? La vache. C’est plutôt cool. C’est en rapport avec ton cursus du coup ? Ou plaisir perso ? »

Parler chiffon, c’était clairement pas son truc. Il en avait même les poils qui se hérissaient par avance, mais… Pour une fois, il pouvait bien faire un effort. Non ? L’attrait de la nouveauté le sauvera. Espérons.

« Y’a pas mal eu de matchs amicaux avec les Flèches fut un temps. Enfin amicaux, on s’entend. » Dieu sait qu’au Quidditch, il peut éventuellement être question de respect mais certainement pas d’amitié. Pas sur le terrain en tout cas.

« A l’époque… Tu sais, t’es pas centenaire et si c’était le cas, tu caches foutrement bien ton jeu. »

Elle était même vraiment ravissante pour une pseudo-grabataire. Son sourire se fit tout de suite plus joueur et les yeux, un brin moqueur.  

Douce Viviane non, j’ai un peu beaucoup le vertige. Mais si je pouvais, je ne raterais pas un seul match des Bees !

Il pensa aussitôt à Cataleya et sa fureur de vaincre, fichée sur un balai pour enfant en rase-gazon. Tout le monde n’était pas à l’aise avec les hauteurs, il pouvait le comprendre.

« Tout comme moi avec les Rouges ! » Un peu de rivalité sportive ne faisait jamais de mal, n’est-ce pas ?

Lui vint alors une drôle d’idée. Puisque cette rencontre n’était pas le désastre qu’il s’était imaginé, peut-être qu’ils pourraient éventuellement renouveler l’expérience ? Tant qu’on ne lui collait pas une tasse de thé dans les doigts et une cravate pour l’étouffer… Pas de risque de levé le petit doigt devant un match. Le coude, par contre, c’était plus que sur !

Cruel dilemme…Cela dit, je t’ai déjà rien que pour moi ce soir… Mais… Es-tu bien sûr de vouloir t’encombrer d’un enfant ?

Son index se mit à suivre le contour de la chope, histoire d’occuper ses doigts qui ne cessaient de quémander la cigarette dormant au fond de sa poche.

« C’est un gentil garçon, non ? » Lewis eut un petit sourire en repenant les mots prononcés par Holly quelques minutes plus tôt. Il n’était pas doux. Pas comme il en réservait à d’autres, mais il y tendait un peu. « J’ai toujours été entouré de gamins. J’aime bien. N’y vois rien de tordu là-dedans s’il-te-plait.» Il rit tout en levant les mains en signe de reddition. « J’t’explique. Mes parents font office de famille d’accueil d’puis toujours. Ça va même plus loin qu’ça puisqu’ils ouvrent leur porte à tous les gosses qui s’présentent. J’baby-sitt depuis que j’suis moi-même gosse alors… » Il haussa les épaules, comme si ce n’était rien. Comme si cette vie où tout était autrement plus simple ne lui manquait pas.

« C’est comme tu veux bien sûr. Les deux options m’déplaisent vraiment pas. »

Il noya son sourire dans le fond de sa stout.

Sa réputation le précède en effet ! Il en avait vu de ces choses, à l’époque où le trio enchainaient verres, fumaient de la tentacula et oubliaient de dormir, profitant avec l’innocence folle de la jeunesse… C’était de bons souvenirs, honteux pour certains, dont il ne souhaitait pas se séparer. Les virées nocturnes s’étaient progressivement raréfiées et le noyau s’était éclaté. Son amitié avec @Alexander McCandless avait viré au drame suite à une pleine lune désastreuse. Ils s’étaient éloignés, refusant l’un comme l’autre de percé l’abcès le premier. Miguel, lui, avait eu l’idée détestable de s’amouracher d’une dragonne. Sa princesse. S’ils étaient heureux, c’était tant mieux. Il n’aimait pas pour autant passer sa soirée à voir les hanches de @Cataleya Blackthorn se dandiner devant deux ambres affamés. Plutôt câliner un cactus.  Enfin ! Toute époque à un début et une fin, n’est-ce pas ?

Il rangea bien sagement les souvenirs de ces nuits passées dans un coin de sa tête et rebondit sur les informations égrenées par la sorcière.

« T’as raison. C’était une super occas’. Peut-être que d’autres équipes seront intéressées par la suite ? Ce serait cool. »

Les rires fusent avec une facilité déconcertante. C’était agréable. Il avait souvent l’impression de devoir se forcer pour maintenir un semblant d’intérêt dans une conversation, dès lors que ça ne touchait pas à l’un de ses proches. Là, c’était différent. C’était léger, sans aucune prise de tête. Agréable, donc.

« De l’avance ? J’pensais pas. J’peux avoir une estimation ? » Un sourire s’articula sur son visage, démontrant combien cet "écart" lui paraissait futile. L’avantage, quand on avait du mal à se lier, c’était qu’on apprenait à ne pas tenir compte de ce genre de détails.

L’intérêt du brun venait d’être piqué. Touché. En plein dans le mille. Un ricanement remplaça le rire et sa langue darda sa pointe sur l’une de ses canines supérieures. Il avait la compétition dans le sang Barghest et s’il était capable d’un minimum de coopération, nul doute qu’il aurait également rejoint l’équipe de sa maison. Son comportement irascible et sa fâcheuse tendance à engueuler son prochain à la moindre étourderie aurait mis une sale ambiance, il en avait conscience. Au lieu de ça, il faisait des petites passes avec Miguel ou @Maximilien Leroy et ça lui convenait très bien.

« L’année n’est pas terminée Prez’. On peut encore vous massacrer. Ne prenez pas trop le melon. »

La conversation fila, animée par un attachement au Quidditch insoupçonné. La surprise, encore et toujours. C’était vraiment vivifiant. Sur le coup, proposer à la sorcière d’assister à un match en sa compagnie ne lui paraissait pas aberrant. Que son fils les y accompagne non plus. Les gosses n’étaient pas un problème pour lui, à la différence de certaines de ses connaissances qui cherchaient à les fuir comme la peste. C’était à elle de voir. Les deux options étaient avantageuses à leur façon.  

Tes parents ont un cœur énorme... Cette fois-ci, c’était un sourire autrement plus doux qui se forma sur son visage, preuve physique de l’amour fou qu’il portait à sa famille.          

« Ils sont particuliers. Un peu fous aussi, mais attachants. Ils pourraient se saigner pour les gosses qu’ils accueillent. C’est un fonctionnement un poil atypique je te l’accorde, mais c’est un peu comme n’importe quelle famille recomposée au fond. Elle est juste très étendue. »

Le silence se fit une place entre eux sans que ça ne soit pesant. Il en profita pour terminer tranquillement sa choppe et lui laisser ce temps de réflexion. Après tout, il restait encore un étranger. Il ne savait pas comment il réagirait si les rôles étaient inversés. Il était déjà d’une nature protectrice, alors s’il devenait père… Enfin. C’était pas prêt d’arriver.  

« Vendu ! » Conclu-t-il avec une pointe d’enthousiasme dans la voix, avant que ses mains ne s’abattent sur la table. Il se leva ensuite et se rapprocha d’elle, un petit sourire au bord des lèvres. Celui qui lui donnait une "tête de petit merdeux" , d’après @Miguel Pajares . « Les gosses m’adorent, méfie-toi ! Il ne voudra peut-être pas qu’tu me gardes pour moi. Qui suis-je pour contrarier un enfant ? »

Son regard s’attarda une seconde sur son visage -un peu plus, peut-être bien, puis se tourna vers une table qui venait de se libérer.

« Un billard, prez’ ? Histoire de dépoussiérer tes souvenirs. »

Avec le profil qu’elle ne cessait de lui dépeindre, il ne pouvait l’imaginer autrement que riant autour de ces tables à la moquette déchirées par l’inexpérience de certains joueurs, ou armée d’une fléchette face à la cible actuellement occupée par deux benêts pintés.  

Lewis écoutait avec un plaisir non fin la sorcière parler de sa passion. Il n’y comprenait rien, n’était pas fichu de faire la différence entre du lin et du coton, et partait du principe qu’on était le plus souvent mieux nu qu’habiller mais, il pouvait entendre la passion dans sa voix. Il respectait ça, à défaut de réellement lui permettre d’en parler. Que pourrait-il dire pour relancer le sujet ? A défaut de se forcer, il se contenta de lui souhaiter le meilleur.

« Disons.... Que je ne suis probablement pas dans la même dizaine que toi... »
Les prunelles se révulsèrent par habitude, avant de revenir explorer son visage. Un sourire moqueur ne tarda pas à montrer le bout de son nez.

« Je suis vachement avancé avec ça… M’enfin, peut-être que tu l’as oublié ? Avec l’âge, tout ça… » Ponctua-t-il d’un clin d’œil malicieux, avant de bondir à pieds joints dans le piège lancé. La rivalité entre maisons était stimulante à son sens et il suffisait d’un rien pour qu’il s’emballe et défende la sienne. Il était même prêt à scander le nom de @Peter Drummond si ça pouvait leur assurer la victoire. Tout, tant que l’adversaire mangeait la poussière. Aucune pitié pour @Maximilien Leroy et ses confrères. S’ils n’étaient pas avec eux, alors ils étaient contre eux. C’était ça, la beauté du sport. Compétitif le Barghest ? Assurément.

« Je ne peux pas douter des miens. Ce serait pire que de la trahison ! » Les épaules s’ouvrirent et il gonfla la poitrine, comme un coq. Puis il se mit à rire et retrouva sa position naturelle, légèrement avachie sur la table.

La discussion glissa sur ses parents, ce qui ne manqua pas de l’étonner. Ça lui faisait toujours plaisir d’en parler, d’eux, de la vie à la Ferme, de l’ambiance étrange qu’il y régnait. Il était juste surpris que le sujet vienne aussi facilement sur la table. Forcément, la conversation glissa sur les gosses et cette manie qu’avait Lewis de se transformer en aimant. C’était pourtant pas faute de les repousser ou de leur faire vivre un calvaire. Peut-être qu’ils sentaient qu’au fond, il avait l’âme tendre ? Arf. Impossible. La douceur d’un caillou, ouai.  

La thématique du Quidditch, même centrée sur l’éventualité d’une retrouvaille toute simple devant un match, entretenait la rivalité. Ce n’était pas désagréable, bien au contraire. Lewis prenait de plus en plus de plaisir à côtoyer cette femme. Il se sentait libre d’être lui-même, sans sentir un regard peser sur ses épaules -comme si ça pouvait le contraindre à changer, tiens. Quoique le regard, il le sentait tout à fait. Il s’en amusait, y répondant de ci, de là. Ce n’était pas un charmeur, comme tant de ses pairs, mais il dût s’avouer qu’être au centre de ce genre d’attention était assez plaisant. Aveugle, il l’était. Pour pas mal de choses importantes d’ailleurs. Pas cette fois. C’était un jour à marquer d’une croix blanche.

« J’espère bien » Dit-il en ricanant, après lui avoir proposer une partie de billard. Pas de mauvais jeux de mots cette fois-ci. Il se tiendrait. Ce n’était pas comme s’il affrontait @Miguel Pajares ou @Alexander McCandless . La bonne époque, tiens.

« Attention à toi granny, tu risquerais de te faire un tour de rein. Ce serait bête. » Le rictus se ficha sur son visage. Les fossettes se creusèrent. Il attrapa l’une des queues et y passa le petit carré bleu.

« A toi l’honneur, l’Abeille. »

Rivalité un jour…

Les pupilles chocolat se soulevèrent dramatiquement en entendant l’âge de la sorcière. 31 ans, bientôt 32. Une grand-mère ! Un sourire moqueur habilla son visage, bien vite suivit d’un léger rire.

« Ça va. T’as encore quelques années devant toi avant d’être recouverte de poussière. »

La discussion va bon train tant elle parait agréable. Quoi de plus logique puisqu’ils y mentionnent le quidditch, passion véritable pour le Barghest, et ressortent leur esprit de compétition. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas pu en profiter, les uns et les autres étant trop occupés à rouler des pèles ou à faire on-ne-sait quoi. Ça lui manquait dans l’fond, mais il s’était fait une raison. Le trio n’était pas prêt à se reformer de sitôt. Jamais lui susurra cette affreuse petite voix qui lui servait de conscience.

L’aspirant auror délaissa la table et son verre vide, un petit sourire satisfait affreusement scotché au visage. Puisque l’occasion ne se représenterait pas avant une éternité, il profita du chauvinisme de la blonde pour lancer la compétition autour d’une partie de billard. Il attrapa l’une des queues mises à disposition et laissa la blonde ouvrir le bal, non sans se moquer d’elle au passage.

« Pas mal pour un fossile ! Je me retrouve avec les pleines, du coup. »

Lorsque son tour arriva, il devint soudainement sérieux et fit un premier tour de table. Une fois le spot parfait, il s’étira et tapa la blanche. Impec’ !. Celle qu’il visait était rentrée pile poil mais la seconde… Arf. Il n’y croyait pas. Il tapa de nouveau, sans grande conviction, mais réussit à la rapprocher d’un trou. Ce n’est que partie remise !

Il a le rire au bord des lèvres Lewis, mais n’a aucun mal à le retenir tant il est absorbé par le jeu de son adversaire. Tout, de sa position au choix de la boule sélectionnée, lui laissait entendre que la rouille n’avait aucunement lieu d’être. C’était peut-être comme le vélo après tout. Ça ne s’oubliait pas. Il espérait sa théorie réelle, puisqu’à son tour il finirait par quitter la vie étudiante et ses bienfaits pour se jeter dans la cour des grands.

« C’est clair. Je ne me donne même pas un an pour finir jeté au placard chez les aurors. Fini les beuveries et les soirées match ! » S’il s’était depuis longtemps calmé pour les premières, plus par la force des choses qu’une réelle volonté de s’assagir, il était certain qu’il regretterait amèrement les secondes. Pour le reste, c’était le néant. Il ne savait pas dans quoi il foutrait les pieds ni même vers quelle fonction se tourner. Arf. Il verra bien au jour le jour.

« Ca promet pour la suite ! » Voilà, il ricanait. En même temps, il avait déjà repéré le tracé parfait. « Permettez, prez’ ? »

Il joua, toucha au but et veilla à handicaper la blonde. Courtois ? Jamais. Pas de pitié non plus. Ca ne le rendait que plus respectable, n’est-ce pas ?

« Vraiment ? Mince. Ce n’était pas le but… » Tout, dans son petit sourire suffisant ou le ton qu’il venait d’employer soulignait ouvertement le mensonge éhonté.

Elle le lui rendit bien, ce qui attisa d’autant plus son esprit de compétition -si c’était encore possible. Il tourna, tel un rapace, en quête de la meilleure stratégie d’attaque. Puis il fondit, tapa une rayée et se mordit sévèrement l’intérieur de la joue. Chier ! Au moins, il avait cassé l’horrible tas qui l’empêchait d’évoluer sereinement.

« C’était juste histoire de faire durer la partie. » Mauvaise foi appuyée pour dissimuler le plaisir évidemment qu’il prenait.

La partie continua, ponctué de rires, d’expressions outrées et d’un poil de vulgarité -de sa part, cela s’entend. Il finit par levé sa chope à son attention et à incliner la tête dans une pâle imitation de révérence.  

« Mes félicitations l’Abeille.»

Bon compétiteur, il se proposa de lui offrir un dernier verre en guise de récompense. Il était clair qu’il venait de passer un très bon moment, en dépit de ses réticences.