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Lucy lança un coup d’œil rapide à sa montre. Il était presque minuit. Elle retint un bâillement de franchir ses lèvres. Allons, elle n’allait pas être fatiguée, déjà, à l’heure où vont dormir les poules ? Elle qui n’hésitait pas à sortir jusqu’à pas d’heure avait déjà un coup de mou. Comme quoi, elle ne comprendrait jamais le fonctionnement du corps humain. Ou du moins, du sien. De toute façon, elle n’avait pas prévu d’aller se coucher dans l’immédiat. Elle avait rassemblé ses affaires dans sa besace, qu’elle avait passée sur l’une de ses épaules, se préparant à partir. Elle passa par sa salle commune, presque déserte à cette heure. À croire que, comme elle, les étudiants étaient fatigués un dimanche soir et étaient parti se coucher tôt. Ce qui n’était pas son cas. Lucy quitta les appartements des Summerbee pour se diriger vers le troisième étage, plus précisément en direction de la salle de cours d’astronomie. Les étoiles devaient normalement être bien visibles à cette heure et c’était justement ce dont elle avait besoin. Elle se dirigea dans les couloirs sombres et déserts avec pour seule compagnie le bruit de ses pas qui se répercutaient sur les murs.

Arrivée dans la salle de cours, la rousse se dirigea vers l’une des hautes fenêtres. Il faisait un peu trop froid pour pointer le bout de son nez dehors pour observer les étoiles et elle n’était pas habillée en conséquence. Elle s’installa donc sur le rebord de la vitre, les pieds dans le vide. D’ici, elle verrait parfaitement ce qu’elle était venue observer. Le ciel et les constellations.

La divination étant l’une de ses options, on lui rabâchait les oreilles dernièrement avec l'astronomie, l’une des branches majeures de l’art divinatoire. Le seul hic, c’était que la rousse n’y comprenait rien. Les constellations ? Elle les voyait, oui. Calculer les coordonnées exactes d’un point à un autre, où d’une étoile à une autre ? Ce n’était que des mathématiques, rien de compliqué là-dedans. Mais interpréter ce que tout cela voulait dire ? En tirer des conclusions sur le futur ? Elle en était tout bonnement incapable. Inventer de fausses prédictions était tout simplement impossible, cela aurait été de la triche et puis, l’imagination ne lui venait pas lorsqu’elle était face à sa feuille d’examen. Non, vraiment, elle devait réussir, trouver ce qui clochait entre elle et le ciel. C’est pourquoi elle travaillait tard ce soir-là. Malheureusement les étoiles ne montraient le bout de leur nez que lorsque la nuit était bien entamée.

Sortant un cahier et un crayon marqué de coups de dents, l’étudiante se concentra, passant son regard de son parchemin aux boules de lumière qui se tenaient fièrement au-dessus d’elle. Elle grommelait, gommait quelques traits, reprenait son observation. Elle allait certainement trouver quelque chose d’intéressant cette nuit, qu’elle pourrait retranscrire dans son prochain devoir…

Soudainement, un bruit se fit entendre. Elle n’en remarqua pas la provenance mais jeta un regard alentour, alerte. Lucy n’y fit cependant pas plus attention que cela, c’était un vieux château qui abritait des fantômes, tout comme Poudlard, alors les bruits parasites n’étaient pas inhabituels. Elle reprit ce qu’elle était en train de faire, avant d’entendre de nouveau un bruit, plus fort cette fois. Elle devait s’assurer de ne pas devenir folle…

- Il y a quelqu’un ?, lança-t-elle d’une voix qu’elle voulut forte, qui fut toutefois hésitante. Ses yeux continuaient à scruter l’obscurité de la pièce, sourcils froncés, en attente d’une réponse.

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Les yeux de la jeune femme continuaient à scruter la pénombre environnante, tandis que le parquet grinçait sous le poids d’un corps qui s’approchait d’elle, de plus en plus. Ça n’était décidemment pas un fantôme, qui eux se déplaçaient en glissant dans les airs, ni un animal de l’un des étudiants, qui aurait sûrement été plus discret. Non, cela ne pouvait être qu’un professeur... Ou un élève.

L’étudiante ne tarda pas à avoir sa réponse. Son prénom fut prononcé, sous forme de question, en un murmure. Pas par n’importe qui. C’était lui. Son coeur manqua un battement, tandis qu’elle se mordillait la lèvre pour se punir de perdre ses moyens lorsqu’il s’approchait d’elle. Quelles étaient les chances qu’il vienne se perdre ici en pleine nuit, justement quand elle était là ? Lucy fit bonne figure, néanmoins. Jamais elle ne lui aurait laissé deviner qu’elle ne restait pas indifférente à sa présence.

- Alphonse.. !, lâcha-t-elle finalement, sans dissimuler une certaine surprise dans la voix. Un sourire naquit sur ses lèvres, malgré tout, face à la question qu’il lui posa. Je prends un bain de soleil..., ne put-elle s’empêcher de lui répondre, sans se départir des petites lignes amusées qui entouraient ses iris noisette, signe de son amusement. Après cette réplique, elle lui montra tout de même le devoir sur lequel elle planchait. Après tout, elle n’avait rien à cacher. Ce n’était un secret pour personne qu’elle était une bosseuse dans l’âme et personne n’aurait été étonné de la trouver ici pour travailler en pleine nuit. Le fait qu’elle soit une clinche en divination était, pour sa part, surement plus une surprise comme fait avéré.

La rousse scruta son interlocuteur un moment, remarquant qu’il tenait un parchemin étroitement serré dans ses doigts frigorifiés par le voyage du rez-de-chaussée jusqu’au troisième étage. Elle haussa un sourcil, interloquée.

- Et toi… ? T’es venu chercher des réponses dans les étoiles aussi ?

Lucy savait bien que son camarade Summerbee avait également le cours d’astronomie en option. Même si on aurait pu croire qu’il aurait préféré inventer des réponses pour son devoir plutôt que de véritablement se déplacer observer les étoiles lui-même, la jeune femme savait également que le garçon était travailleur, alors en fin de compte, sa présence ici ne l’étonnait pas plus que ça.

L’ancienne Poufsouffle agita ses jambes dans l’air l’espace d’un instant, une nervosité croissante se faisant ressentir en elle. Si Alphonse était là, la nuit allait s’avérer être… animée. Ces deux-là pouvaient rarement se côtoyer sans que des chamailleries, voire même de réelles disputes n’éclatent entre eux. Leur relation était anormale et Lucy le savait très bien. Mais que cela soit l’un ou l’autre, l’un des deux revenait toujours vers son binôme au final, et ils étaient repartis de plus belle. À croire qu’ils ne pouvaient pas se passer de la toxicité qu’ils s’échangeaient. La lune, brillante parmi les étoiles, permit à Lucy de mieux distinguer le jeune homme. Et ce qu’il portait. Un magnifique pull au motif de Noël, qui n’allait pas tarder à arriver, par ailleurs.

- J’adore ton pull, glissa-t-elle, en touchant le nez rouge du cerf du bout du doigt, maintenant qu’il s’était rapproché. Son ton n’était ni cassant, ni ironique, mais on sentait tout de même que malgré le compliment, une volonté de l’agacer se glissait subtilement. Faudra que tu m’offres le même à Noël ! Il a l’air de tenir bien chaud.

Pas qu'elle s'attendait à un quelconque cadeau de sa part.

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Qu’avait-il à la regarder de cette manière ? Est-ce qu’elle avait quelque chose qui lui pendait au nez, les cheveux en pétard à cause de l’heure tardive ? Non, Lucy aimait bien faire attention à son apparence, ce n’était sûrement pas ça. Les yeux perçants d’Alphonse restaient accrochés au regard de Lucy. Il la scrutait, la dévisageait presque. Elle savait bien qu’elle l’intriguait, il tentait de la percer à jour, comme il avait tenté de le faire maintes fois depuis qu’ils se fréquentaient. Et s’il n’arrêtait pas avec ses yeux de cocker qui l’examinaient de cette façon, elle aurait très bien pu tout lui dire, là, tout de suite. Ce n’est qu’une paire d’yeux, Lucy, reprends-toi. Oui, mais c’étaient sa paire d’yeux, c’était différent lorsqu’ils se posaient sur elle et elle ne pouvait s’empêcher d’aimer cette sensation, de se dire que quelque part, il lui accordait de l’attention, de l’importance. Qu’elle avait trouvé une place dans ses iris azur. C’était idiot. Elle fuit son regard, laissant ses yeux glisser sur le devoir que le Summerbee commençait à mentionner. À ses dires, il était visiblement en retard sur une deadline. Ce n’était sûrement pas elle qui allait l’en blâmer, puisqu’elle se trouvait là pour l’exacte même raison. Il semblait presque embarrassé de lui avouer la véritable raison de sa présence ici à cette heure avancée de la nuit. C’était une émotion qu’elle ne connaissait pas sur le visage de son camarade. Elle ne lui en connaissait pas énormément, puisqu’il restait d’habitude assez fermé. Peut-être que l’ambiance plus calme de la nuit lui faisait dérider ses traits. Ce n’était pas pour déplaire à la jeune femme, en tout cas.

- Donc tu es venu consulter les étoiles, j’avais raison… À moins que tu t’attendes à ce que je te fasse des prédictions pour noircir ton parchemin ?, lui demanda-t-elle d’un air amusé, comme si c’était totalement impossible et improbable qu’elle puisse faire une seule prédiction, juste de surcroît. Si seulement il connaissait la vérité… Remarque, ça irait probablement plus vite que d’essayer de percer les mystères de ses points lumineux, là, indiqua-t-elle en faisant un vague geste de la tête vers le ciel, comme déjà découragée puisqu’elle n’arrivait à rien déchiffrer.

Lucy préféra laisser son attention divaguer sur le pull du garçon, au motif de fêtes de fin d’année. Une remarque de sa part et leur passe-temps favori débutait. Se chercher des noises, poliment, tout en surface, jusqu’à ce que ça dérape à un moment ou un autre. Et ça finirait par déraper. Même si Alphonse semblait de plutôt bonne humeur.

Elle avait pointé le nez rouge du cerf sur son tricot d’un doigt, comme pour appuyer sa remarque. Ce qu’elle n’avait pas prévu par contre, c’est qu’il lui attrape en retour, sans intention évidente de le relâcher. Lucy entrouvrit les lèvres, surprise, tirant vers elle sa main pour récupérer ce qui lui appartenait, entrainant malgré elle Alphonse à se rapprocher encore de quelques centimètres. Elle plissa les yeux, comme ennuyée par son comportement, alors que l’étirement de ses lèvres rosées démontrait pertinemment l’émotion opposée.

- Mentir ? J’en serais tout bonnement incapable… Ce cerf est bien trop mignon pour qu’on lui raconte des cracs.

Parlait-elle du gilet ou de son propriétaire ? Elle laissa planer le doute, tandis qu’il s’installait à ses côtés, sur le rebord de la fenêtre, laissant finalement filer ses doigts des siens, la laissant avec une sensation étrange de chaleur dans la main. Elle vint refermer celle-ci autour de sa plume, comme pour la protéger que ce geste ne se reproduise pas. Pas parce que cela l’avait dérangée. Au contraire, c’était parce que cela ne l’avait pas dérangée que cela posait un problème. Elle ne pouvait pas se permettre de s’attacher, surtout à ce garçon qui s’était souvent pensé supérieur à elle… Pas vrai ? Des sentiments conflictuels l’agitaient en son for intérieur, toutefois, en surface, elle restait impassible sur ce qu’elle ressentait vraiment, comme à leur habitude. Mais, à leur habitude, ils n’étaient jamais aussi proches…

- Peu importe, non ?, lui répondit-elle, plus réellement intéressée par son parchemin. J’étais venue comme toi terminer un devoir qui trainait sur ma table de chevet depuis trop longtemps… Ou peut-être que j’attends quelqu’un et que t’es en train de ruiner mon coup.

Elle haussa les épaules d’un air énigmatique, comme si la réponse était impossible à deviner entre ces deux choix.

- Dans les deux cas, je suis sûre que tu es fier de toi…  Tu m’auras perturbée dans mes plans !

Lucy agita la tête, comme si elle le blâmait, puis elle lui asséna un coup de plume sur le nez sans dissimuler un sourire gourmand, qu'elle n'accordait que très rarement. Elle lança un regard par la fenêtre, encore une fois sans doute pour éviter les yeux de Blackwood, tombant sur les étoiles qui lui renvoyaient toujours une lumière impénétrable.

- Les étoiles me disent que tu vas avoir Troll à ton devoir. Note-le, peut-être que le prof te mettra Piètre, pour l'effort...

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Lucy fronça le nez en entendant la remarque d’Alphonse. À l’entendre, ce n’était pas facile pour elle d’avoir des rendez-vous. Si elle n’avait pas su que cela était juste pour l’emmerder, elle aurait presque pu se vexer. En même temps, avec le harem qu’il s’était constitué, de son point de vue ça devait être difficile pour tout le monde. Tout un chacun n’avait pas la faculté de monsieur Blackwood de faire craquer les inconnus d’un simple clignement des yeux. Dont elle. La seule chose qui restait un mystère pour elle, c’était le pourquoi du comment. Pourquoi elle était tellement accrochée à ce garçon qui s’était montré salop avec elle plus d’une fois. Certes, elle lui avait rendu la pareille, mais elle n’était pas comme ça vraiment, au fond. Elle avait l’impression qu’il faisait ressortir le pire en elle, mais en même temps, elle se sentait plus vivante à ses côtés. Elle devait probablement être maso.

Elle se ficha pas mal de sa première réplique, sachant pertinemment pourquoi il la lui sortait. La seconde, cependant, ne la laissa pas indifférente. Piqué dans son orgueil, le garçon lui avait répondu d’un ton plus tranchant, alors qu’il s’était raidi. Il était entré dans son jeu, et avait feint d’interpréter le message des étoiles. Ce qu’elles lui disaient ? Que Lucy finirait vieille fille. Encore une fois, la jeune femme aurait pu passer outre, laisser tomber. Sauf qu’elle savait très bien ce qu’Alphonse pensait. En effet, contrairement à lui, les relations qu’elle avait eues n’avaient jamais duré très longtemps. Cela, c’était un choix personnel, mais le garçon ne le savait pas. Il pensait surtout  que les petits amis de Lucy la fuyaient dès qu’ils apprenaient à mieux la connaître, et la jeune femme avait souvent fait l’objet de piques à ce sujet. Alphonse savait très bien où attaquer.

- Le hibou, je l’ai déjà. Alors, on peut dire que je suis sur le chemin de la réussite, lui répondit-elle beaucoup plus froidement qu’avant, ayant perdu sa naïveté de jeune fille intimidée par le garçon qui lui plait. Sans plus fuir son regard, elle ancra ses yeux dans les siens, sans lui rendre le coup d’épaule qu’il lui avait donné comme pour la dérider. Il l’énervait déjà !

Ayant compris son message, le Summerbee finit par s’excuser. Tiens, c’était nouveau, ça aussi. Elle en fut étonnée, et son corps raidit par la remarque se relaxa. Ouais, bon, il blaguait. Mais quand même.

- Mh, fit-elle en haussant les épaules face à ses excuses, comme pour dire que c’était accepté. Il joua ensuite les marieuses entre elle et un botruc. Elle ne put s’empêcher d’afficher un air amusé, de nouveau. Un botruc ? Sérieusement ? En fait tu me prends vraiment pour un cas social, ajouta-t-elle en secouant la tête. Certes, elle avait compris que c’était pour rire, il s’était excusé. Mais chaque blague avait son fond de vérité. Sûrement qu’Alphonse pensait réellement qu’elle était une fille infréquentable, et ça la dérangeait qu’il pense une telle chose. Elle ne pouvait pas y faire grand-chose, ce qui l’ennuyait d’autant plus. Remarque, je dis pas non au botruc. Ça doit poser moins de problème que les princes charmants.

Peut-être qu’elle n’arrangeait pas son cas, en disant des choses pareilles. Au pire, elle n’avait rien à lui prouver… Il pouvait penser ce qu’il voulait de ses relations amoureuses catastrophiques. Elle fit sembla de rien et regarda une nouvelle fois par la fenêtre avant de revenir sur lui.

- On me dit que les botrucs, c’est toujours mieux que les blondes écervelées.

Non mais, qu’est-ce qui lui prenait ? Voilà qu’elle avait l’air jalouse, maintenant. Ce n’était pas vraiment le cas, mais la relation qu’il avait eu avec son ex-copine n’avait pas forcément été bénéfique pour leur relation à eux. En gros, elle voulait surtout lui faire passer le message que si elle entretenait des relations qui mourraient dans l’œuf, au moins elle ne sortait pas avec des manipulateurs… Et sans doute qu’elle commençait à aller trop loin.

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Directement après avoir lâché sa remarque cinglante, Lucy se mordit la lèvre, comme pour se punir d’être aussi stupide. Voilà qu’il débarquait en pleine nuit, chose qu’elle n’aurait jamais pensée possible, qu’il lui tenait compagnie, qu’ils passaient limite un bon moment, et elle reprenait ses mauvaises habitudes, à l’attaquer. Peut-être était-elle trop sur la défensive, à force du temps. Depuis autant d’années qu’ils se connaissent, les deux Summerbee, ils s’étaient toujours fait du mal et puis recherchaient la compagnie de l’autre comme pour panser leurs blessures. C’était idiot. Elle se sentait bête et elle regrettait. Le passé, on ne pouvait pas le changer. Certes, Alphonse avait pu se montrer dur parfois avec elle, surtout au niveau de son sang, mais il avait changé au fil des années, du moins avec elle, et il fallait peut-être qu’elle arrête de vivre dans le passé, de vivre comme s’il allait l’attaquer à tout moment. Mais elle avait tellement peur de souffrir. Presqu’à chaque fois cela se passait comme ça, puis elle finissait par pleurer dans les bras de Liam car encore une fois, ça avait été trop loin avec Alphonse. Elle pouvait admettre que le problème vienne d’elle, mais elle avait tellement de mal à pardonner. Sauf que… Si elle voulait que les choses s’améliorent entre eux, ce qu’elle voulait vraiment, elle devait arrêter d’agir de la sorte. La tête haute, la poitrine gonflée, Lucy attendait la riposte comme une gifle, qui n’allait probablement pas être tendre. Elle avait commencé et Alphonse n’allait sûrement pas la rater. Il aurait eu raison, après tout…

Sauf qu’il ne fit rien de tout ça. Malgré tout, la rousse remarqua que ce qu’elle avait dit, l’affectait. Logique, en même temps. Elle n’aurait sûrement pas apprécié que quelqu’un lui dise la même chose, à elle. Il se contenta de dire que les étoiles avaient probablement raison. Qu’elle, avait probablement raison. Il précisa qu’on ne choisissait pas la personne dont on tombait amoureux. Il ne pouvait pas avoir plus raison qu’en ce moment. Cependant, un petit pincement au cœur se fit ressentir dans la poitrine de la jeune femme lorsqu’il utilisa ce mot. Bien sûr qu’il avait été amoureux d’elle, on ne reste pas autant de temps avec une personne s’il n’y a pas de sentiments. Mais quand même, ça l’embêtait qu’il dise ça…

Contre toute attente, le brun décida de se lever. Il préférait s’éloigner d’elle. Elle se serait éloignée d’elle aussi, à sa place. Ça lui fit plus mal qu’il décide de partir, loin d’elle, plutôt qu’il ne riposte, comme à l’accoutumée. Au moins il serait resté. C’était peut-être pour ça qu’elle agissait de la sorte. En se disputant, ils échangeaient quand même quelque chose. Mais parler de tout et de rien… Elle aurait eu trop peur de l’ennuyer.

Alors qu’il s’éloignait, Lucy secoua la tête, rangeant en vitesse son parchemin et sa plume dans son sac avant de l’imiter et de descendre du rebord de la fenêtre, tout en vitesse.

- Alphonse… Alphonse attends, s’il te plait, dit-elle en tirant sur la manche de son pull comme pour le stopper, même si le geste fut hésitant et n’aurait pas retenu un papillon en vol. Elle ne savait pas comment agir avec lui, il lui semblait imprédictible. Comme une énigme. Je sais que je n’aurais pas dû dire ça… Je ne sais pas ce qui m’a pris. Mes mots dépassent souvent ma pensée, tu le sais bien… Je suis désolée, d’accord ? Je le pensais pas vraiment.

Ce n’était ni vrai, ni faux. Elle ne portait pas vraiment cette fille dans son cœur, mais elle ne la connaissait pas non plus… Qui était-elle pour juger ? Elle aurait dit n’importe quoi pour qu’il ne la regarde pas de son air déçu.

- Je dirais plus de choses du genre, c’est vrai. Je sais pas pourquoi on en arrive toujours à des situations pareilles… J’ai plus envie de ça… C’est ma faute, je le sais, et au final ça me fait plus de mal qu’autre chose.

Elle avait gardé les yeux dans les siens le temps de sa tirade. Pas de gêne, pas de regard fuyant, elle assumait d’avoir été trop loin et s’il voulait partir, il partirait en ayant entendu ce qu’elle avait à dire. Néanmoins, dès qu’elle eut fini, elle baissa le regard et tomba sur la tête de renne de son pull. Elle avait une boule au ventre et limite plus envie de quitter la salle d’étude que lui, maintenant.

- Bref… Je te laisse volontiers les étoiles, de toute façon j’ai jamais su les décrypter, finit-elle, exprimant son désir de quitter la pièce, tandis qu'elle rangeait l'une de ses mèches derrière son oreille doucement, comme si elle se rendait compte de tout ce qu'il venait de se passer, et qu'elle en était confuse.

Alphonse avait à peine fait quelques pas que Lucy l'avait déjà rattrapé, attrapant sa manche du bout des doigts comme pour essayer de le retenir. La situation était étrange, et le summerbee semblait rêver. Pourtant, tout cela était bien réel : elle ne voulait pas qu'il parte. « Alphonse… Alphonse attend, s’il te plaît » dit-elle en laissant retomber mollement sa main le long de son corps, l’air désemparé. « Je sais que je n’aurais pas dû dire ça… Je ne sais pas ce qui m’a pris. Mes mots dépassent souvent ma pensée, tu le sais bien… Je suis désolée, d’accord ? Je ne le pensais pas vraiment… » Surpris par ce retournement de situation, Alphonse fronça les sourcils avant de se tourner lentement vers elle. C’était la première fois que Lucy lui faisait des excuses. Du moins, c’était la première fois qu’elle semblait être réellement sincère avec lui. Mais à quoi jouait-elle au juste ? Il ne la comprenait plus. Il ne savait plus quoi penser. Pourtant, il devait bien reconnaitre que son geste l’avait touché et qu’il aurait aimé qu’elle le retienne davantage. « Je ne dirais plus de choses du genre, c’est vrai. Je ne sais pas pourquoi on en arrive toujours à des situations pareilles… J’ai plus envie de ça… C’est ma faute, je le sais, et au final, ça me fait plus de mal qu’autre chose » Continua t’elle en plongeant son regard dans le sien, sans ciller.

À cet instant, Alphonse fut pris de remords et serra les dents. Il savait très bien que tout cela n’était pas de la faute de Lucy, mais de la sienne. Toutes ces années à être odieux avec elle, à lui faire des remarques déplacées et douteuses, l’avait sans doute blessée et rendue méfiance envers lui – voir même agressive. Mais comment l’en blâmer ? Quand on y pense, il l’avait bien mérité. Peut-être même que s’il avait été moins con, tout aurait été différent entre eux ? Mais ce foutu sang… Ce statut qui l’obsède et le rend fou l’empêche d’avancer ! Du moins, c’est ce qu’il croit, car dès qu’il plonge son regard dans celui de la rousse, tout cela n’a plus d’importance… « Bref… Je te laisse volontiers les étoiles, de toute façon, j’ai jamais su les décrypter » termina-t-elle avant de ranger l’une de ses mèches de cheveux derrière son oreille.

La bouche entrouverte, Alphonse s’apprêta à lui dire quelque chose avant de se raviser. Que pouvait-il bien dire après cela ? Qu’il s’excusait lui aussi d’avoir été aussi con ? Qu’il regrettait d’avoir été dur avec elle sous prétexte qu’elle était née-moldue ? Rien que d’y penser, Alphonse en eut la nausée. En vérité, il avait honte. Honte d’avoir été aveuglé par la colère, et honte d’avoir fait l’amalgame entre elle et sa mère. Malheureusement, il était bien trop fier pour le reconnaitre. « Attends Lucy » finit-il par lui dire avant de l’attirer doucement dans ses bras. « Je suis désolé… » Murmura-t-il en passant une main autour de sa taille et l’autre dans l’épaisse chevelure de la rouquine. « J’espère qu’un jour, on arrivera mieux à se comprendre que ces foutues étoiles... » continua-t-il avec un léger sourire alors qu’il pouvait sentir la chaleur de son corps contre le sien et le doux parfum de sa chevelure enivrer ses sens. Alphonse savait que son geste aurait pu surprendre, voir, mettre mal à l’aise Lucy, mais il ne savait pas trop pourquoi, il avait ressenti l’envie pressante de l’enlacer. La sentir contre lui. Et c’était sans doute le meilleur moyen pour lui de faire passer ce qu’il ressentait sans devoir mettre des mots dessus…

Après secondes qui lui parurent des heures, Alphonse finit par rendre sa liberté à Lucy. « Excuse-moi, je ne sais pas trop pourquoi j’ai fait ça… » Bredouilla-t-il, presque gêné, avant de lâcher rire nerveux. « Hmm … Je crois qu’on arrivera à rien ici. On devrait peut-être retourner à la salle commune ? À moins que tu ais une autre idée ? ».

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La réponse d’Alphonse sembla mettre des années lumières à lui parvenir. Et cette boule au ventre qui ne la quittait pas. Lucy ne comprenait pas elle-même pourquoi elle agissait de la sorte avec lui, pourquoi ils étaient comme ça entre eux, tout simplement. Si c’était pour s’envoyer des piques à longueur de temps, mieux valait-il peut-être carrément tirer un trait sur lui ? Certes, elle venait de lui dire qu’un scénario comme ils venaient d’en vivre un ce soir n’allait plus se reproduire, mais encore fallait-il qu’il soit d’accord. En vérité, même si ce n’était que pour se chercher, Lucy n’aurait probablement pas pu faire sans sa présence, à lui. Elle accepterait ce qu’il voudrait bien lui donner. Elle avait l’impression de jouer sa vie rien qu’aux paroles des lèvres du garçon, attendant comme une sentence qu’il lui dise son ressenti.  

Sauf qu’il ne lui dit rien. Presque rien. Juste d’attendre, avant d’agir. Un mouvement de ses bras l’attira jusqu’à lui. Surprise, Lucy eut un léger mouvement de recul, posant ses mains contre son torse comme pour garder une certaine distance de sécurité. Ça, c’était pas du tout, du tout quelque chose à laquelle il l’avait habituée. Jamais il n’y avait eu un tel geste entre eux, quelque chose de tendre et de presque intime. Il s’excusa, presque dans un souffle, sans qu’elle ne comprenne de quoi il s’excusait en réalité. Elle avait été l’instigatrice des paroles dures et en soit, il n’avait rien demandé.

Néanmoins, ses excuses et ses mains contre son corps eurent pour seul effet de la décrisper. Ses bras se détendirent, ses doigts se pelotonnèrent sur son pull. Sa tête trouva son épaule, alors que la chaleur de ses mains diffusait en elle quelque chose d’encore inconnu au contact du garçon. Évidemment qu’elle acceptait de l’enlacer. Peut-être qu’il en avait besoin. Et au fond, elle aussi.

La jeune femme secoua la tête en l’entendant parler de l’incompréhension qu’il y avait entre eux. Elle releva le visage vers lui, prête à dire que c’était probablement impossible qu’ils y arrivent, avant de croiser son regard. Y avait moyen de faire n’importe quoi pour ces yeux-là, non ? Pour qu’ils la regardent encore comme ça, sans haine ou sans arrière-pensée. Alors, elle se contenta de pencher la tête de côté en haussant les épaules, son sourire creusant une fossette sur sa joue. On y arrivera, pensa-t-elle, sans que les mots franchissent ses lèvres, mais son attitude répondait à sa place.

Ils finirent par se séparer et de nouveau, Alphonse s’excusa, tandis qu’elle remontait sa besace sur son épaule. Peut-être qu’il regrettait déjà. Ou qu’il n’assumait pas. Tant pis, mais si c’était le cas, on ne la reprendrait pas à deux fois à céder encore pour ses beaux yeux…

- Non, je suis plutôt d’avis de retourner à la salle commune… Comme tu dis, on se trouve dans une impasse.

Cela ne servait à rien de rester encore ici, du moins c’est ce qu’elle pensait. Des idées, elle n’en avait plus, le peu qu’elle avait eu dans cette pièce n’avaient pas franchement réussi. Ou si, peut-être que quelque chose avait réussi. Un rapprochement avec Alphonse. Mais où est-ce que ça allait la mener…