Tandis que le temps s'écoulait dans son immuable désir de rattraper l'avenir, le ciel voilé des terres écossaises se teintait d'un gris aussi sombre que le charbon tout en préservant cette lumière de cobalt. La nuit s'installait paisiblement effaçant les dernières traces du jour. Bientôt les températures franchiraient les limites du tolérables, plongeant l'université dans un hiver glacial. Seulement, ce décor presque mystique ne m'impressionnait pas. Fils de cette contrée, ce tableau aux allures peut-être disgracieuses ne m'oppressait en rien. Au contraire, cette fraîcheur naturelle faisait s'évanouir les tensions de cette journée chargée. L'esprit intrigué par l'annonce d'une nouvelle plutôt fortuite, je rejoignis le dortoir des Ethelred afin d'accéder à la requête plus que raisonnable de Lynn. Si ma cousine, tout aussi précieuse que ma propre sœur, s'apprêtait à vivre un tournant décisif dans son quotidien, je savais au fond de moi que sa rupture avec Adrian l'affectait énormément. Peut-être que mon aide, aussi utile qu'elle le pouvait, apporterait une mince contribution à l'apaisement de son cœur encore meurtri. A défaut de pouvoir lui construire un cocon rassurant dans le creux de mes bras, ma présence certes modeste participerait éventuellement à sa propre rémission morale.
Je devais mon retard à une demande plutôt insolite, qui sans aucun doute chamboulerait mes habitudes journalières. Peut-être par reconnaissance ou encore par volonté de me provoquer, on m'avait imposé la présence d'une étudiante médiocre afin de relever son niveau en concoction de potions. Une perte de temps certainement. Une torture assurément. La maîtrise de cette malédiction qui me tenaille s'avérait d'une fragilité déconcertante en présence d'un étranger.
Soucieux des événements qui se profilaient, je perçus à peine mon cousin venir à ma rencontre. Keir apportait également sa force et son soutien dans la tâche herculéenne qui nous attendait. Avançant dans un silence qui ne nous dérangeait d'aucune façon, nous traversions les couloirs languissants adoptant une célérité presque surnaturelle, telle des ombres s'insinuant à travers les faisceaux lumineux. Nous atteignîmes rapidement la chambre de Lynn qui s'empressa d'enlacer son frère. Des cartons de tailles variées s'entassaient devant le pas de sa porte, prêt à rejoindre leur nouveau foyer. Mon regard se posa une nouvelle fois sur la chevelure aussi cramoisie qu'un coucher de soleil vermeille, puis croisa ces yeux aussi clairs qu'un ruisseau limpide. Elle hésitait. Le conflit interne qui opposait son envie et sa raison était évident. Aussi je m'approchai d'elle et serrait son épaule, tout en prenant garde d'éviter d'effleurer sa main et sa tête. Un geste anodin qui me demanda cependant un effort surhumain. Et ça, Lynn en avait conscience. Un léger sourire se dessina sur lèvres. « Il reste des meubles dans ta chambre ? Sinon on peut commencer à emmener les cartons. » Tout en prononçant ces paroles avec sobriété, je m'emparai de ma baguette. Après tout, il était inutile de nous casser le dos.