Etonnamment, Isalynn ne se souvenait pas d’avoir vu le secrétaire à l’hôpital pour voir sa cousine. Pourtant, elle avait littéralement passé tout son temps là bas, n’ayant cessé d’y dormir que lorsque sa cousine était rentrée au phare deux jours plus tôt. En tout cas, elle ne comptait pas mentionner à nouveau le bal et la retenue. Pas alors que la marque à son poignet indiquait clairement comment cela s’était passé pour elle. D’ailleurs, elle n’aurait su dire si c’était par coquetterie, ou parce que la cicatrice la dérangeait qu’elle mit sa main sur son poignet pour la dissimuler, avant de tirer sur sa manche. Un excès d’elle ne savait pas trop quoi qui la perturbait quelque peu maintenant qu’elle avait bu une gorgée de son thé. “Je me serais souvenue de vous, si je vous avais vu à l’hôpital. Vous n’êtes pas un homme que l’on ne remarque pas, vous savez” Le pire, c’était qu’elle le pensait, à cet instant. “Murphy est rentrée à la maison il y a deux jours. Evelyn est encore à l’hôpital pour quelques temps.” Elle ne savait pas dans combien de temps exactement. Il y avait eu quelques complications pour son amie. Elle poussa un soupir et s’apprêta à boire une autre gorgée de son thé lorsque  Dhan tendit sa tasse vers elle pour trinquer. Isalynn se sentit un peu bête de ne pas y avoir pensé plus tôt et répara rapidement son oubli, les deux tasses s’entrechoquant dans un petit tintement. “A la vôtre” répondit-elle simplement, bien incapable de souhaiter la santé à qui que ce soit. Elle aurait aimé, pourtant. Mais en ces temps troublés, comme il venait de le dire lui-même, cela lui semblait tellement… vide de sens!

La jeune femme laissa le silence s’installer entre eux, se contentant d’observer le secrétaire, un peu perdue par les émotions qui s’éveillaient en elle depuis quelques minutes. Etait-ce le fait de le croiser dans cette ambiance romantique à souhait, dans un lieu qui n’avait ni de près, ni de loin, aucun rapport avec l’université, mais il lui semblait le voir autrement. Différemment. Il avait des petites pattes d’oie au coin des yeux qui rendaient son regard plus rieur, plus pénétrant. Plus sincère, peut-être. Et cet accent anglais qu’elle trouvait d’ordinaire si guindé, lui lui semblait à présent beaucoup plus charmant. Même la question qu’il lui posa, qui aurait plutôt été du genre à l’agacer la toucha. “J’aurais aimé mais… Je ne pouvais pas… Je n’ai pas quitté le chevet de ma cousine tout le temps où elle était hospitalisée.” Sauf quand Oswald était là, ou quand ma tante était là songea-t-elle. “Et vous? Vous avez passé de bonnes vacances?” demanda-t-elle, espérant que la réponse serait non. Espérant entendre qu’il était désolé pour la retenue - et la retenue sur salaire qui s’en était découlée - qu’elle ne méritait pas qu’il ait été aussi dur avec qu’elle et que s’il l’avait fait, c’était pour passer plus de temps avec elle. Etait-elle folle de penser ça? Après tout, il faisait partie de l’encadrement de l’université, et elle, elle était encore étudiante pour un an et demi! Peut-être devrait-elle prendre une année sabbatique et...

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Samedi 12 janvier

Sans qu’il n’y ait aucune raison -connue de lui en tout cas-, à cela, Dhan fut extrêmement peiné qu’Isalynn n’ait pas remarqué qu’il était allé visiter Murphy plusieurs fois pendant son hospitalisation. D’ordinaire, il n’en aurait aucunement fais cas, se contentant de hausser les épaules et de changer de sujet, mais là, là … C’était tellement dommage ! qu’allait elle penser de lui, qu’il était un menteur ? Un mauvais ami. Il grimaça plus qu’il n’aurait voulu, d’un air aussi contrit que contrarié.

- Je vous assure pourtant que j’y suis allé, vraiment … Et il est vrai que je ne passe pas inaperçu en général, enfin, pas moi véritablement, mais, enfin, je suis souvent accompagné de ma fille de trois ans, alors forcément, un enfant dans un hôpital, ça détonne un peu … Peut être était ce pendant que vous vous reposiez ? Après tout, même quelqu’un d’aussi courageux que vous doit bien dormir et prendre sa douche de temps à autre…

Son teint mat et la lumière tamisée des lieux le sauva d’une belle flambée au niveau des joues. A trop vouloir se dédouaner, le voici en train d’incanter une Isalynn nue dans la salle de bain … Lui si pudique, presque trop innocent d’apparence, se mettait à penser à la jeune femme dans le plus simple appareil ? Non que la vue ne soit désagréable, il n’en doutait pas une seconde, mais difficile de garder les idées claires quand on imagine la personne en face de soit sans ses vêtements… Il plongea le nez dans sa tasse fumante, cherchant entre les débris de feuilles un peu de courage ou de contenance. Les deux, si possibles. Heureusement pour lui, Isalynn se trouvait dans de meilleures dispositions que prévu, et lui faisait la conversation. Cela le soulageait, bien que ses propos ne soient pas vraiment réjouissants. Il était sincèrement navré qu’elle ait du jouer les gardes malades pendant toutes ses vacances. Elle ne méritait pas ça, vraiment. Si il avait su, il serait venu plus souvent à l’hopital, plus ostensiblement, pour lui tenir compagnie, la réconforter un peu, en plus de veiller sur Murphy et Evie. Ils  auraient pu discuter, de tout et de rien, la retenue qu’il lui avait infligé peu de temps avant -Mais qu’est ce qui lui avait pris de faire ça ?! - serait devenue source de plaisanteries complices entre eux. Quelle misère qu’il est loupé tant d’occasion de la voir … Il plissa le nez, se contentant de répondre laconiquement :

- Oh, ce ne sont pas vraiment des vacances quand on est pas tout à fait en congés. Mais voir l’émerveillement dans les yeux des enfants devant un sapin enchanté, cela égaye les choses. Mais je ne devrais peut être pas vous parler de ça … Je sais que ce n’est pas vraiment amusant, d’entendre les parents s’émerveiller sur leurs enfants …

Mercy lui avait déjà dit, plutôt deux fois qu’une, que de mettre Hema à toutes les sauces dans ses conversations n’avaient rien de sexy. Il préférait la version de Niamh, qui disait que les pères célibataires attiraient les femmes comme des mouches, attendrissant leur monde au passage. Isalynn, elle, serait elle attendrie ? Ou lui en voulait elle encore pour la retenue ? Il s’en voudrait tellement, si c’était le cas…

- … Je sais que cela vient surement un peu tard, et probablement hors de contexte, mais j’espère que vous n’êtes pas encore contrariée par rapport à cette retenue, avant noël, J’aurais préféré occuper votre samedi dans de meilleurs circonstances… Enfin… Pas moi particulièrement … mais enfin, que vous soyez ailleurs ;.. enfin là où vous le souhaitiez… Pas punie… Ahem...

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Samedi 12 janvier

Tu te sens brisée, Mercy. Presque autant que lorsque ton frère est venu t’apprendre la mort de vos parents et de votre autre frère. Tu as envie de partir, parce que pour toi, il ne sert à rien de rester là. Cet homme, l’homme de ta vie ne veut pas de toi. Toi qui a toujours refusé de t’engager dans quoique ce soit, toi qui t’es toujours contentée de relations sans lendemain parce que c’était plus simple. Toi qui n’as jamais rien voulu avoir à faire avec un quelconque attachement. Tu n’attendais même pas de voir comment évoluait la relation, non. Une nuit et ça s’arrêtait là. Parfois, tu reviens une autre nuit, après avoir eu d’autres amants entre temps. Mais rien de suivi. Pas même une relation libre. Et pourtant là, pour la première fois de ta vie, tu t’es sentie prête à faire plus. A faire mieux. Enfin… C’était jusqu’à ce que tu te rendes compte que cet homme avait un coeur de pierre. Pire encore! Il te renvoie tes confidences en plein visage, t’indiquant que s’il a toujours une famille, lui a décidé de lui tourner le dos, parce qu’ils étaient sorciers. “C’est pas une raison pour tourner le dos à son sang. Je donnerais n’importe quoi pour avoir encore mes proches. Qu’ils soient sorciers ou moldus. Je donnerais ma vie, si cela pouvait leur rendre la leur.” Et tu es sincère. C’est un souhait que tu as fait à plusieurs reprise au cours des quatorze années écoulées. Mais c’est la première fois que tu le dis à voix haute, à un inconnu qui plus est.

Tu t’apprêtes à te lever pour partir et quitter l’homme qui vient de te briser le coeur et de dire clairement qu’il n’aime pas tout ce qui a trait à la magie lorsqu’il te prend la main. Ton univers vacille dans ce contact. Tu te réinstalles dans le fond  de ta chaise, incapable de faire le moindre mouvement. T’as l’impression d’avoir perdu pied, Mercy. D’être ailleurs, transportée dans un monde parallèle. Pourrais-tu être l’exception à sa haine du monde magique? Se pourrait-il que, finalement, ton caractère emporté ne l’ait pas à ce point effrayé, mais ait su le séduire? Si ce pouvait être le cas! Ton coeur s’affole dans ta poitrine lorsqu’il parle de ta beauté et de l’éventualité de composer une ode à celle-ci. Finalement, peut-être tout n’est-il pas encore perdu? “Je…” commences-tu avant de t’interrompre. “Mais je… Je suis une sorcière… Et… J’ai cru comprendre que tu nous détestais?” finis-tu par demander, ne sachant plus sur quel pied danser.

D'un geste, j'ajuste mon écharpe. La saint-valentin a prit un goût amer il y a bien des années, lorsque l'amour et la haine mon détruite. L'ont détruit, lui. Certes, je n'ai peut-être pas complètement écarter les relations amoureuse de ma vie, pourtant, cette fête mielleuse a le don de m’écœurer, me ramenant bien des années en arrières, pour me renvoyer à la face un élan de haine, de dégoût, une douleur que je garde sous silence. Je secoue légèrement la tête, comme pour chasser ces idées sombres, observant le salon de thé dont je m'approche d'un pas rapide. Un léger sourire amusé prend place sur mes lèvres, je lance un dernier regard à l'invitation, consciente que cet événement risque de me réserver des surprises auxquelles je ne suis peut-être pas tout à fait prête. Mais j'ai toujours aimé ces événements, non ? Ces moments réunissant une grande partie de la société sorcière locale autour d'une thématique bien précise. Si les dîners mondains m'ont parfois ennuyés, les invitations comme celles-ci ont davantage le don de m'amuser. Certes, il y aura toujours des indésirables, mais dans le fond, si leur présence se fait trop pesante, ce sera une occasion de plus de m'amuser de leur statut misérable. Mon regard se pose sur le salon de thé. Et quoi de mieux pour se réchauffer qu'une bonne boisson chaude de la moufette enchantée ? Je pousse la porte de l'établissement et balaye la salle du regard. Plusieurs tables sont déjà occupées, réunissant des paires, dont certaines pour le moins improbables. Je fronce légèrement les sourcils, sans être certaine de comprendre ce qui se passe. « Bonjour. » J'adresse un simple sourire poli en retour à l'accueil chaleureux et un poil trop enthousiaste de la propriétaire, avant d'attraper du bout des doigts le papier que la statue me tend. Je pose le regard sur le nombre indiquer sur le papier, comprenant que la répartition est faite par les soins de cette statue de cupidon, aujourd'hui. Prudente, je cherche d'un regard discret la table correspondant à mon numéro, sans plus être certaine que venir ici était une bonne idée. Mais puisqu'on y est … je m'approche de la table portant le numéro que l'on m'a donné, avant de m'y asseoir.

Je m’en voulais de lui parler d’un sujet aussi triste alors que nous étions dans un rendez-vous. Je n’aurais jamais dû aborder ce sujet, et je rougis aussitôt avais-je mentionné Autumn, avant d’essuyer la larme qui avait perlé au coin de mes yeux. Sa main sur la mienne en tout cas, me fit du bien, et je la pressai brièvement.  “Excuse-moi. Je ne devrais pas parler de ça, alors que nous vivons quelque chose de merveilleux.” répondis-je en lui adressant un sourire, bien qu’un peu triste. Triste pour deux raisons: la première: Autumn. La deuxième…  “Dis… Cela ne te dérange pas que je sois semi-vélane? Tu n’as pas peur que cela influe sur tes sentiments pour moi?” lui demandai-je alors. Parce que j’avais besoin de le savoir, parce que je ne voulais pas laisser mon coeur s’emballer pour qu’il soit à nouveau brisé ensuite. Je ne le supporterais pas. Autant être fixée dès le départ.

Elle avait envie de le croire, lorsqu’il lui disait qu’il était allé voir sa cousine. Vraiment. D’autant que le ton employé, empressé, blessé, lui donnait vraiment l’impression qu’il était sincère avec elle. Isalynn tendit la main vers lui, la posant brièvement sur la sienne avant de répondre: “Peut-être que vous êtes venu dans les rares moments où je n’étais pas là.” fit-elle d’un ton plus doux avant d’enlever sa main de celle du secrétaire. Elle ne releva pas le compliment qu’il lui avait fait, toutefois. Elle-même ne se considérait pas du tout comme courageuse. Un peu téméraire, des fois, et encore. Pas souvent.

Isalynn profita alors de ce qu’il avait le nez dans sa tasse de thé pour l’observer un peu plus. Ces cheveux noirs qui semblaient aussi doux que de la soie et dans lesquels elle avait envie de plonger ses doigts, sa peau brune qui ressortirait tellement contre sa peau de lait, à elle, ses yeux sombres dissimulés par ses longs cils… Que ne s’était-elle rendue compte avant qu’il était plein de charmes? Le regard de la jeune femme descendit vers les mains de Dhan qui enserraient sa tasse et elle se demanda si elles étaient aussi douces qu’elle l’imaginait, du fait qu’il manipulait des parchemins à longueur de journée. Elle laissa son regard remonter lentement, un peu comme si elle le déshabillait, avant d’atteindre et de remarquer son plissement de nez adorable. “Oh! Vous avez des enfants? Vraiment?” demanda la jeune femme dont le coeur s’était accéléré. Parce qu’elle-même, elle ne savait pas si elle pouvait en avoir. Elle avait couché à plusieurs reprises avec son meilleur ami, Sasha, sans aucune protection. Pourtant, il allait être père avec une autre. Des jumeaux. Etait-ce un hasard si ça ne lui était pas arrivé, à elle? Elle ne lui en avait pas fait part. Parce qu’elle ne voulait pas qu’il pense que c’était de la jalousie de sa part. Elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle ressentait plus que de l’amitié pour lui. Elle ne voulait pas que leurs rapports changent. Il était son meilleur ami, l’un des piliers de sa vie et elle était heureuse de ne pas avoir compliqué leur relation avec une grossesse. Pourtant, malgré tout, elle s’interrogeait sur sa capacité à pouvoir enfanter. C’était dur de ne pouvoir en parler à personne. “J’aime les enfants vous savez… J’espère en avoir, un jour.” répondit-elle, malgré ce pincement au coeur qui ne la quittait pas.

Essayant autant que possible de chasser cette crainte, la jeune femme prit une nouvelle gorgée du liquide chaud à l’odeur aussi particulière. Autant le mélange vanille et violette était assez courant. Autant cette odeur de pain chaud était particulièrement déroutante, il fallait le reconnaître. Mais c’était tellement agréable. Elle huma un instant le breuvage avant de dire que: “C’est étrange, ce mélange violette, vanille et pain frais tout juste sorti du four. Ne trouvez-vous pas?” demanda-t-elle tandis qu’il partait un peu loin sans visiblement savoir où il allait. “Un rendez-vous vous voulez dire?” demanda-t-elle pour l’aider.

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Samedi 12 janvier

T’es perdue, Mercy. C’est un vrai foutoir dans ta tête. T’as envie de hurler tellement tu sais plus où tu en es. Tu détestes cette impression qu’il se paie ta tête. Celle d’être crédule. Tu détestes le fait de lui faire pitié, parce que t’as l’impression que c’est ce que tu lui inspires quand tu lui parles de tes parents. Celle d’avoir l’impression qu’il te prend pour une demeurée à parler d’évidence avec le Lovingblow Art Center. Tu ne sais pas pourquoi, mais ça t’énerve, aussi, lorsqu’il parle de ta famille. Du fait que t’as eu de la chance de naître dans une famille aimante. “Si j’avais tant de chance, comme tu dis… Ils ne seraient pas morts quand j’avais quinze ans. Mon frère n’aurait pas été obligé de sacrifier ses études pour que je puisse continuer les miennes. Et… A quelle fin? Je ne suis qu’une petite infirmière alors que je devrais être médicomage. Et tu dis que j’ai de la chance? Bon sang… Les hommes, vous êtes vraiment tous les mêmes. Vous n’entendez que ce que vous voulez entendre.”

T’es en colère Mercy. C’est cette colère qui t’aide à ne pas fondre en larmes parce que tu as compris qu’il ne t’aimait pas. “Je ne suis plus une enfant, merci.” rétorques-tu. Et pourquoi ne parle-t-il que du Lovingblow, et pas… De toi? Tu fronces les sourcils et tu finis par dire que: “Tu ne parles que du Lovinblow. Pas de moi. J’ai envie que tu me dises que tu m’aimes. Et pourquoi tu m’aimes. Mais au fond… Il faut croire que ce n’est pas réciproque. Que je suis la seule à t’aimer. Pour la première fois de ma vie, je mets mon coeur à nu. Moi, je suis amoureuse de toi. Irrémédiablement. Je sais que tu es l’homme de ma vie. Le seul, l’unique. Je veux être à tes côtés pour le restant de mes jours. Mais toi, tu ne vois que ton centre artistique. C’est tout ce que tu as à l’esprit N’as-tu donc pas de place dans ton coeur pour moi?” A peine as-tu prononcé ces mots que cette tristesse que tu caches derrière ta colère monte à la surface. Et les larmes se mettent à couler le long de tes joues sans que tu ne puisses les retenir.