« Effectivement, mais c'est beaucoup plus agréable maintenant que je ne suis plus seul. » Reagan lui adressa un sourire, tandis qu’elle posait son sac près d’elle et retirer son long manteau vert sapin, dévoilant un pull sombre à col roulé. Son regard balaya à nouveau la salle ; personne ne semblait faire véritablement attention à ce qui se déroulait au-delà de leurs tables. À vrai dire, c’est comme s’ils étaient absorbés dans la conversation la plus passionnante du monde – les gens prenaient ce speed dating bien plus au sérieux qu’elle, apparemment, songea-t-elle. La propriétaire de la Moufette Enchantée, que Reagan connaissait plutôt bien, passait entre les tables pour s’enquérir de chacun, remplissant généreusement chaque tasse de thé qu’elle trouvait vide. Hm. « Un pari perdu, pour vous aussi mademoiselle? » Plongée dans ses pensées, la Bale en avait presque occulté la présence du jeune homme en face d’elle – elle se laissait aisément distraire dernièrement. Penaude, elle s’en mordit la lèvre inférieure et posa ses coudes sur la table, comme pour lui dédier toute son attention. « Je ne perds jamais de pari, voyons. » le taquina-t-elle, malicieuse. « Non, en réalité j’ai entendu parler des remises sur le menu et… Oui, c’est mon estomac qui m’a trahi. » Un rire cristallin s’éleva hors de sa gorge, tandis que la gérante venait s’occuper d’eux – une théière, deux tasses. Reagan fut surprise ; ça ne se passait pas du tout comme ça, d’habitude. « J'espère que vous aimez le thé Earl Grey, parce que je crois que nous n'ayons guère le choix! » Reagan lui adressa à nouveau un large sourire ; elle se sentait curieusement à l’aise en la présence du jeune homme. Du moins, moins mal à l’aise qu’elle aurait pu l’être dans un speed-dating improvisé. « Quel british n'aimerait pas ça ? » plaisanta-t-elle, comme si aimer le thé relevait de l'identité nationale. « Merci… » le remercia-t-elle lorsqu’il lui servit une tasse de thé fumante qu’elle encercla de ses paumes. « J’oubliais, je m’appelle Reagan. Et toi ? » s’enquit-elle en soufflant légèrement sur son breuvage, ses lèvres formant un O. « Je m'appelle Selim, enchanté mademoiselle. » Reagan attrapa un sachet de sucre qu’elle secoua, avant de dire « Tu n’es pas obligé de me vouvoyer, tu sais. À moins que tu n’y tiennes. » lui fit-elle remarquer avec bienveillance. Elle avait toujours eu beaucoup de mal à vouvoyer autrui ; néanmoins, elle pouvait faire des concessions. Elle versa le sucre dans sa tasse tout en poursuivant ; « Alors Selim, quel pari as-tu perdu ? » Ses prunelles opalines dardèrent le regard de son interlocuteur – curieuses. Elle porta la tasse de porcelaine à ses lèvres, tout en écoutant sa réponse...

Amortensia in the air

Samedi 12 janvier

Sans relever le compliment à peine voilé de la jeune femme, Dhan sentit à nouveau le rouge lui monter aux joues alors que la elle plongeait son regard si bleu dans le sien si sombre. D’ici, il avait l’impression que ses prunelles luisaient à la lumière des bougies, et il pouvait y voir toute la palette des azurs et des mers selon qu’elle inclinât sa tête de l’un ou l’autre des délicieuses façons qu’elle avait de se mouvoir. C’était plus fort que lui, là ou la gêne ou la pudeur lui auraient fait détourner les yeux, il était absolument envouté. Il fixait Isalynn comme si elle eut été la 8ème merveille du monde, et à cet instant, pour lui, c’était le cas. Tout était parfait chez elle, ses yeux si clairs, son teint de poupée, même le timbre de sa voix se faisait pareil à une symphonie à ses oreilles… Finalement, il ne s’extirpa de sa contemplation que pour lui répondre, avec un enthousiasme non feint d’ailleurs.

- J’ai une petite fille de trois ans, en effet ! Elle s’appelle Hémanti, mais en général on l’appelle Héma. Avoir des enfants, c’est … C’est quelque chose d’indescriptible, cela change tout, absolument tout dans une vie. Cela peut paraître cliché de dire cela comme ça mais c’est tellement vrai. L’heure de se lever, la composition d’une journée, les gens que l’on fréquente, l’air que l’on a envie de respirer… tout est envisager sous un angle tout à fait nouveau. C’est beau et tellement complexe à la fois… Un peu comme la rencontre d’une âme sœur imprévue …

Oups, avait il dit cela à voix haute ? Il reprit une gorgée, espérant que la boisson à présent moins chaude lui permette de reprendre un peu ses esprits, avant de lâcher d’une voix des plus douces, presque tendre :

- Oh, je suis persuadé que vous ferez une maman formidable, qui rendra autant le papa que le petit heureux…

Bois Dhan, boit donc encore, au lieu de dire des âneries pareilles… Il avait beau essayer de se tenir, de conserver cette réserve si naturelle chez lui d’ordinaire, rien n’y faisait. Il avait envie de la complimenter, de la rassurer, de lui faire savoir qu’elle était l’être le plus exceptionnel qu’il eut jamais rencontré. Il l’aurait même prise dans ses bras à l’instant même, s’ils n’étaient pas séparés par cette table. Fichue table ?

- De la violette ? Nous n’avons probablement pas eu le même sachet dans nos tasses … J’aime beaucoup la violette il est vrai, mais je me surprends plutôt à sentir une effluve d’encre, en sus de celles plus classiques du thé… Pas vous ?

Pas le temps de se reprendre, déjà elle le corrigeait délicatement. Un rendez vous ? Depuis quand n’avait il pas eu de rendez-vous avec qui que ce soit d’autres qu’un médécin ou un pédiatre pour la petite ? Un rendez vous … C’était interdit ! Elle était étudiante, lui membre de l’administration, quel scandale cela serait ! Il y aurait des curieux, des voyeurs, des mauvaises langues… Des jaloux surtout. Evidemment, si elle acceptait un jour, un wagon entier de prétendants viendrait lui couper la tête pour avoir osé s’approcher de Lynn, c’était évident … Mais n’en valait elle pas pleinement le risque ? Si, sans la moindre hésitation.

- Bien sur, loin de moi l’idée de vous contraindre… C’était même plutôt idiot, trop hardie de ne faire que le mentionner, vous m’en voyez confus. Je… Je devrais peut être vous laisser tranquille, en fait ...

Selim regardait tour à tour sa partenaire pour ce thé puis les gens autour d'eux. Il ne connaissait que peu de monde du monde de l'université, n'étant arrivé qu'au début de cette année scolaire. Son cours était d'ailleurs réservé qu'à une infime part des élèves qui circulaient chaque jours dans les couloirs de la grande bâtisse. Mais la demoiselle en face de lui lui disait quelque chose. Il essayait de se remémorer si il l'avait déjà croisée dans un autre monde, celui de la nuit par exemple, ou au centre d'art dans lequel il travaille de temps en temps. Il afficha néanmoins un beau sourire, reportant son attention sur la jeune femme en face de lui, qui le tutoyait sans se poser la moindre question. Effectivement, ils n'étaient pas sur un cadre professionnel... et peut-être paraissait-il plus jeune que ce qu'il était vraiment ? A cette pensée, Selim redressa un peu les épaules pour se tenir plus droit, fier comme un coq. La douce jeune femme en face de lui était néanmoins visiblement bien trop jeune pour que Selim n'y voit autre chose qu'une belle rencontre et une occasion en or de rigoler autour d'un bon goûter. Reagan. Selim hocha doucement la tête avec un sourire en se présentant également. « Tu n'es pas obligé de me vouvoyer, tu sais. A moins que tu n'y tiennes. » Le garçon sourit en coin en apportant la tasse à ses lèvres pour souffler dessus, répondant sans la regarder avec une pointe d'humour dans la voix « j'aime entretenir le mystère et voir la vie comme une pièce, le vouvoiement en fait partie... mais tu gagnes, je te tutoierais. » Il prit une gorgée de son thé, un léger goût de dissimulant derrière le parfum de l'earl grey. Selim n'y connaissait pas grand chose en thé, donc supposa que ce fut tout à fait normal. Il reprit la parole après avoir passé la main dans ses cheveux, en rigolant doucement, les yeux rivés au plafond. « Oh tu sais... rien de bien fou... juste, mh. Réussir à voler quelques biscuits dans la cuisine de @sebastian donovan, notre chef cuisinier à Hungcalf, sans que ces affreux petit gremlins ne me voient... » Il haussa les épaules avant de baisser les yeux à nouveau sur Reagan, qu'il vit pour la première fois réellement telle qu'elle était. Une chevelure magnifique encadrant son visage, si joliment sculptée en peau de porcelaine, et des yeux dans lesquelles on pourrait plonger, s'y perdre, nager dans un océan clair et pur. Il ne fini pas sa phrase, ses yeux verts détaillant avec attention la demoiselle assise en face de lui. Il reprit la parole après avoir avaler sa salive, un doux sourire sur les lèvres. « Il m'a forcé à cuisiner avec lui pendant trois heures. Ce n'est que partie remise... » Selim reprit une gorgée de thé pour se désaltérer puis l'observa à nouveau avec plaisir. « Que fais-tu de tes journées, dit moi ? »

( @reagan bale)

Au risque d’être redondant, la Saint-Valentin et toi ce n’est pas une folle histoire d’amour. T’as plutôt l’habitude d’éviter cette période comme la peste, même si tu avais l’amabilité de faire semblant avec tes anciennes relations. Hé, ce n’est pas parce que t’es pas romantique que tu allais jouer les goujats, tu pouvais bien survivre à un dîner aux chandelles avec le sourire. Et puis maintenant, tu te prends à être agacé de ne pas avoir eu de nouvelles d’Octave de la journée -genre si un mec sur terre est supposé s’être tatoué le quatorze février sur la peau c’est bien lui. Et voilà que c’est toi, l’antithèse de Roméo qui te prend à penser à tout ça. Tu te foutrais des baffes.
Tu te perds dans les rues que tu connais pourtant par cœur, et c’est là que tu remarques la devanture de la Moufette enchantée. Prim avait l’habitude de te traîner ici quand vous aviez un peu de temps libre, tu sais déjà à quel point les gâteaux y sont bons. Un panneau indique une promotion spéciale pour la fête des amoureux -étonnamment ces prix cassés sont aussi accordés aux célibataires. Ça pue le kitsch à des kilomètres mais l’offre est bien trop alléchante pour que tu ne t’y arrêtes pas. Tu as quelques heures à tuer avant de prendre ton service au bar et puis même si tu es seul, tu sais très bien que tu trouveras des visages connus une fois à l’intérieur.
À peine as-tu mis le pied dans le salon de thé qu’une statue de Cupidon te tend un panier avec un numéro. Ah, tu commences à comprendre le piège. Tu vas pour faire demi-tour mais une dame à la drôle de chevelure (que tu reconnais comme travaillant ici) t’attrape le bras. Tu essaies de lui faire comprendre que tout ce que tu veux c’est un carrot cake et pas un speed-dating -surtout que tu n’es pas sûr des « couples » que tu vois ici présent. Et puis, tu es déjà avec quelqu'un, même si vous n'êtes pas supposé le crier sur tous les toits. Mais elle n'entend pas raison et, peu désireux de faire une scène, tu finis par céder. Prenant un numéro au hasard, tu traînes les pieds vers la table indiquée après avoir passé commande. T'essayes de te rassurer en disant que c'est juste un morceau de gâteau avec un.e étranger.ère mais le sourire de la dame et le comportement des clients te crient de faire demi-tour.

Et tu aurais tellement dû faire demi-tour. La femme de tes cauchemars, @Cassiopée Devereux est assis à ta table. Cette charmante sorcière a le don de mettre tes nerfs à vif comme Rosaline le fait avec Mercutio. Cependant, tu ne peux t'empêcher un sourire tiraillé entre l'agacement et la provocation. Il y a dans tout ceci une ironie qui au fond, t'amuse un peu. « Bonjour Cass', ça fait longtemps pas vrai ? » Vous devez supporter vos gueules respectives bien trop régulièrement, en revanche vous prenez rarement le temps de vous écorcher la bouche à vous parler.
Voyant vos commandes arriver -bien trop rapidement pour que cela soit normal, tu t'assois. Tu as payé pour ton carrot cake, tu vas bouffer ton carrot cake.

S’intéresser aux autres. C’était une de cs choses qui caractérisaient la rousse, même si elle pouvait parfois donner l’impression du contraire. Elle savait écouter. D’ailleurs, elle avait saisi la balle au bond lorsque Dhan avait mentionné sa fille. Pas pour faire la conversation, comme elle aurait pu parler de la pluis et du beau temps, mais bel et bien parce que ça l’intéressait et qu’elle-même avait envie de connaître un jour les joies de la maternité. Jalousait-elle pour autant les filles de son entourage qui s’apprêtaient à devenir mère? Non. Parce qu’elle était consciente que, étant encore étudiante, ce n’était pas la bonne période pour elle. Elle voulait avoir des choses à offrir à un enfant. Même si… Oui, elle craignait que cette chance lui soit refusée. “J’ai une petite fille de trois ans, en effet ! Elle s’appelle Hémanti, mais en général on l’appelle Héma. Avoir des enfants, c’est … C’est quelque chose d’indescriptible, cela change tout, absolument tout dans une vie. Cela peut paraître cliché de dire cela comme ça mais c’est tellement vrai. L’heure de se lever, la composition d’une journée, les gens que l’on fréquente, l’air que l’on a envie de respirer… tout est envisagé sous un angle tout à fait nouveau. C’est beau et tellement complexe à la fois… Un peu comme la rencontre d’une âme sœur imprévue …“ Elle écouta donc Dhan avec attention, posant sur lui ses prunelles bleues qui pouvaient parfois s’avérer trop perçantes. Elle baissa les yeux lorsqu’il acheva sa description de la vie avec un enfant et mentionna la rencontre d’une âme soeur imprévue. “Qui aurait cru, en effet…” répondit-elle, presque intimidée tandis qu’il reprenait déjà, répondant à ce rêve d’avoir un enfant un jour. “Oh, je suis persuadé que vous ferez une maman formidable, qui rendra autant le papa que le petit heureux…” Je l’espère… songea-t-elle avant d’ajouter: “Et si l’homme que je rencontre a déjà un enfant, cela ne me dérange absolument pas. Au contraire.”

Même si ça avait un petit côté effrayant, pour elle. qui avait tellement de mal à se projeter dans l’avenir, craignant que les routes ne se séparent. Et pourtant, c’était vrai. Discuter de cela avec Dhan, cela ne l’effrayait pas le moins du monde, au contraire. Cet homme avait quelque chose de rassurant. Comment ne s’en était-elle pas rendue compte plus tôt? “Mais je vous rassure. Je ne m'attends pas à ce que vous m'introduisiez dans sa vie tout de suite. Elle a besoin de stabilité, pour ça” dit-elle, posant sa main sur celle de Dhan.

Ils dévièrent bientôt le sujet sur la composition du thé, et Isalynn fronça les sourcils lorsque Dhan évoqua de l’encre dans le sien. “De l’encre? Vous êtes sûr? Cela ne se consomme pas, pourtant! Non, nous ne devons vraiment pas avoir le même. Mon thé est à la violette, vanille et… Pain. C’est vraiment étrange, mais délicieux. Je suis soulagée en tout cas de ne pas sentir d’encre dedans. Etes-vous certain qu’il n’est pas empoisonné?” demanda-t-elle soucieuse avant qu’il n’envisage la possibilité de la laisser tranquille.

Le coeur de l’écossaise manqua un battement, et elle s’empressa de reprendre la main de l’anglais dans la sienne. “Non! Ne partez pas! Vous ne me contraignez en rien, rassurez-vous! Au contraire. Je me disais que… Nous pourrions peut-être aller nous promener? Peut-être au botanic Garden? Qu’en pensez-vous?”

Mon regard se perd dans le décors de la salle, attendant que le verdict me tombe dessus. Je porte mon attention sur ces couples improbables qui semblent bien trop proches à mon goût, dégoulinants de bons sentiments. C'en est presque écœurant. Mes yeux se figent rapidement sur un visage bien trop familier à mon goût, qui s'avance dans ma direction. Non. Et merde. Un sourire s'empare de ses lèvres, alors que mon regard se noircit. Pourquoi lui ? Je lui adresse un sourire des plus faux, presque menaçant, en le regardant s'installer face à moi. « Bonjour Cass', ça fait longtemps pas vrai ? » Supporter sa présence est déjà assez difficile comme ça depuis des années, maintenant il faut que je me retrouver bloquée avec lui pour un moment. L'envie de partir est forte, mais partir serait comme fuir devant lui. Il en serait trop heureux. Y a cette haine pour lui qui ne m'a jamais quitté, qui s'éveille à nouveau en le voyant avec son sourire provocant aux lèvres, assis devant. Cette haine mêlé à la culpabilité dévorante qu'il me rappelle chaque fois que je dois supporter sa présence. Je ne laisse transparaître que de l'agacement, comme toujours, laissant sous silence les remords. Je réponds finalement, esquisse un sourire mauvaise.  « Bonjour Zadig. Pas aussi longtemps que je l'aurai voulu. »

J'adresse à peine un regard à la personne qui dépose nos commandes sur la table, la remerciant en un simple mot à peine audible, sans ce sourire de convenance que je lui aurais probablement offert en temps normal. J'attrape ma tasse de thé, pour venir en boire une longue gorgée, sans quitter l'impur du regard. Qu'est-ce qu'il lui trouve bordel ? « Qu'est-ce qui t’amène ici ? Seul pour la saint valentin ? » Comme si la réponse m'intéressait réellement. La question est glaciale, et laisse transparaître une pointe de moquerie à peine voilée. Je viens boire une nouvelle gorgée, laissant mon regard passer sur mon ennemi. Ok, peut-être qu'il a de beaux cheveux … mais est-ce que ça en fait une raison valable ? Mon cœur rate un battement, alors que mon regard descend sur ses lèvres, avant de s'y figer.  Je fronce légèrement les sourcils, perturbée par ce sentiment de haine se brouille peu à peu pour laisser place à quelque chose de plus perturbant, comme une attirance. Je secoue légèrement la tête, reportant mon regard sur ses pupilles. Ok, y a peut-être quelque chose chez lui, quelque chose que je n'arrive pas à expliquer.

Amortensia in the air

Samedi 12 janvier

“Nos…” Tu te rembrunis, Mercy. C’est plus fort que toi. Parce que toi, des enfants, tu n’en veux pas. Tu sais que tu serais une mauvaise mère. Tu le vois avec Hema, la fille de ton colocataire. Elle a trois ans et connais déjà tous les gros mots du monde - en gaélique irlandais - à cause de toi. Et t’as pas la fibre maternelle, en plus! Une fois encore, tu sens ton coeur se briser parce qu’un fossé se dresse entre vous deux. “Serait-ce si grave si l’on en avait pas?” demandes-tu. Parce que tu ne sais pas si, même par amour, tu serais capable de consentir à ça. Non. Tu ne pourrais pas. Un enfant… Non. Ce n’est définitivement pas pour toi.

“Imaginez le couple que l'on formerait ? Une sorcière et un cracmol ? Bon bien entendu je sais que ça arrive que le père soit cracmol ou la mère mais tout de même ! Vous imaginez vous les railleries que vous allez devoir sans doute subir au quotidien ? N'oubliez pas que je suis différent, celà sera a vos risques et périls ! Je vous mets en garde” “Quand comprendras-tu que je m’en moque que tu sois différent! C’est ce que j’aime chez toi! Au contraire! Je t’aime. Et je veux t’épouser. Là, maintenant, tout de suite.” Tu te lèves en prenant sa main. “Viens. Allons à l’hôtel de ville, puis au Ministère pour prouver notre amour devant les deux mondes. Marions-nous. Unissons nos vies et…” Et tu t’interromps, la tête dans le brouillard. Tu lâches la main d’Ambroise et te rassieds. Qu’est-ce que t’es en train de dire, là?

Reagan croisa ses longues jambes sous la table et s’y accouda, dédiant toute son attention à son interlocuteur. Elle remarqua qu’il s’était raidi comme la corde d’un arc lorsqu’elle lui avait proposé d’abandonner les fioritures du vouvoiement et, pendant un instant, elle n’aurait su dire si elle l’avait vexé ou non. Du reste, les traits de la Bale demeurèrent impassibles et elle ne se départit aucunement de son air affable. La pokeby fut néanmoins soulagée lorsqu’un sourire vint soulever les pommettes du jeune homme : une certaine aura, dynamique, l’embaumait et après quelques secondes, elle s’aperçut qu’elle serait bien incapable de mettre un âge sur ce visage. Intemporel. « J'aime entretenir le mystère et voir la vie comme une pièce, le vouvoiement en fait partie... mais tu gagnes, je te tutoierais. » Les yeux de Reagan pétillèrent à cette réponse. Elle savait, inconsciemment, reconnaître une âme d’artiste lorsqu’elle en rencontrait une ; elle devina que derrière ses mots se dissimulait, possiblement, une passion certaine pour l’expression, la mise en scène, la poésie, peut-être. « Tu ne ferais pas du théâtre, par hasard ? » s’enquit-elle, lorsqu’en un éclair, elle eu le vague souvenir de l’avoir vu sur une scène du Lovingblow Art’s Center. À moins que ça n’eut été une table dans un bar… Elle se trompait possiblement. Tandis que la conversation se poursuivait tranquillement, Reagan attrapa sa tasse de thé et la porta à ses lèvres pour en boire – le breuvage était encore très chaud, mais elle parvint à en boire quelques longues gorgées. C’est sans doute pour cela qu’elle ne sentit pas sur le creux de sa langue ce petit arrière-goût étrange qu’il n’était pas commun de goûter dans du Earl Grey. Une chaleur diffuse se propagea agréablement dans son abdomen ; elle se sentit soudainement très détendue, comme si elle flottait sur un petit nuage, sans raisons particulières.  Puis elle regarda à nouveau Selim et son attention fut momentanément coupée de la conversation, tandis qu’elle réalisait à quel point il était beau. Comment n’avait-elle pu s’en rendre compte avant ? Était-elle à ce point aveugle ? Son regard glissa le long de sa peau tannée – ses épaules paraissaient finement musclées, fortes – avant de remonter vers ses cheveux de jais – si brillants – et enfin vers ses yeux : deux belles émeraudes qui la dévisageaient. « …Que fais-tu de tes journées, dit moi ? » entendit-elle et sans se rendre compte de ce qu’elle disait, elle répondit « Je pense à toi… » Ce n’est que lorsque ses mots dépassèrent ses lèvres, que ses joues s’empourprèrent. « Euh… Je dessine. Des paysages, des portraits, des conceptions. Je peux faire ton portrait, si tu veux. » Se rattrapa-t-elle tant bien que mal. Elle qui était si sûre d’elle habituellement, perdait tout d’un coup tout ses moyens face à lui.

Amortensia in the air

Samedi 12 janvier


Les remarques inquiètes d’Isalynn firent se froncer les sourcils du jeune homme : Empoisonné du thé, mais qui donc pourrait avoir une idée pareille ? Et puis, il connaissait la propriétaire des lieux, elle n’était pas vraiment du genre à intoxiquer ses clients, d’autant plus que parmi la foule, il avait reconnu de nombreux réguliers qui faisaient probablement une grosse partie de son chiffre d’affaire… Non vraiment, il y avait peu de chance que cela ait à trait à un quelconque venin. Et puis l’encre pouvait se déguster, n’avait elle jamais manger de poulpe ou de sèche ? La saveur âcre de l’encre lui avait toujours plu, et c’était surement sa présence qui rendait le breuvage proprement délicieux… Enfin, il n’allait certainement pas risquer de se fâcher avec la délicieuse demoiselle en face de lui pour ce genre de considération.

- Hum, en dehors de cette odeur agréable bien qu’étrange, je me sens parfaitement bien, soyez en rassurée … Je ne pense pas que la maitresse des lieux soit du genre à rendre malades ses convives !

La main de Lynn attrapant aussi précipitamment que délicatement la sienne fit naitre un sourire radieux sur son visage. Il lui était reconnaissant de le retenir, et son coeur s’était emballé au contact de sa peau douce. Ses doigts s’entrelacèrent aux siens, alors qu’il hochait la tête doucement.

- Le botanic garden sera parfait, j’irai n’importe où pour te suivre …

Oups, le tutoiement était arrivé bien soudainement, mais il ne pouvait s’en empêcher, c’était plus fort que lui. Il termina rapidement sa tasse -le pauvre-, déposa quelques gallions sur la table avant de prendre son manteau à la hate et d’aider isalynn à enfiler le sien, galant, avant de prendre congés de la soirée. De toute évidence, la soirée de St Valentin de la Moufouette enchantée serait inscrite dans toutes les mémoires, alors que le Cupidon dans l’entrée leur faisait un petit signe d’adieu de la main en gloussant béatement

Elle a cette prestance que seule les grandes âmes ont, elle a ce regard, cette profondeur, cette sensibilité à l'art autour d'elle. Ça se sent, ça se voit, Selim le comprend. Un fin sourire se dessine sur ses lèvres alors qu'il répond humblement « Je danse. Je suis une étoile du ballet de Londres et j'enseigne au lovingblow art's center. » Il pourrait se perdre dans ses yeux, ses prunelles d'une couleur si unique et envoûtante. Selim se pencha un peu vers elle. « Je pourrais te montrer, nous pourrions danser ensemble. » Du bout des doigts, il joue avec la nappe devant lui alors qu'il décrit : « Tu pourrais m'accompagner au bord du loch, il y a une presque-île magnifique ou la lune se reflète magnifiquement bien sur l'eau, parfaite pour une scène, envoutant et naturelle, dans laquelle tu serais magnifique. Ou du moins, encore plus qu'actuellement. »

Pourquoi mentir quand elle devait savoir à quel point elle était envoûtante ? Il dévia néanmoins le sujet avec un léger rire, un mouvement de la main gracieux alors qu'il revenait prendre une gorgée de thé en lui demandant ce qu'elle faisait de ses journées. Sa réponse fit vriller les papillons dans le ventre du garçon alors qu'il relevait les yeux vers elle. « Mon portrait ? » Fin sourire. « Avec plaisir. » dit-il avec douceur. Le rouge aux joues de la jeune femme ravivait sa peau de porcelaine. « Que vois-tu alors, dit-moi ? A l’intérieur. » Il posa sa main contre son cœur pour signifier à son interlocutrice qu'il parlait de choses plus profondes que les rides du rire au creux de ses yeux, de ses pommettes ou de sa peau tannée. Que ressentait-elle, en sa compagnie ?

(@reagan bale)