Château parcouru en long et en large, chaque salle investie était quitté aussi rapidement lorsque Juliet ne s’y trouvait pas. Malgré les indications données par un camarade summerbee de sa cousine, quelque peu bousculé par le ton sec et froid de la Blackthorn, Adalia peinait à retrouver la jeune femme dans le dédale des couloirs et des salles. Ne pouvait-elle pas faire comme tout le monde et avoir un appartement ? Quelle idée avait-elle eu de vouloir vivre au Château, rien que l’idée donnait la nausée à l’espagnole qui ne passait désormais que le strict minimum de temps entre les murs de ce dernier. Peut-être était-ce parce que les souvenirs qui s’y jouaient étaient trop douloureux, rencontres, échanges, amitiés, amoures aussi, beaucoup n’avaient plus lieu d’être désormais et la négativité ressentie par la sorcière ne faisait que grossir un peu plus lorsqu’elle évoluait entre les salles de classe. Heureusement, pour compenser, sa curiosité toute lufkinienne pour le savoir la motivait encore assez à suivre consciencieusement tous ses cours et à attendre, presque avec impatience le prochain. C’était surtout lorsqu’elle n’avait rien d’autre à penser que cela devenait difficile. C’était de ce fait pour garder l’esprit occupé qu’elle était passée à la bibliothèque, emprunter quelques ouvrages nécessaires à ses recherches. Mais évidemment, un d’entre eux, celui qui pourrait s’avérer le plus moteur était manquant. Juliet Blackthorn, avait-elle lu sur le registre des emprunts : évidemment, cela ne pouvait pas être simple. Elle était donc partie à la recherche de sa cousine, espérant récupérer le livre sans trop de mal et pouvoir s’éviter une nouvelle confrontation avec la blonde.

« Oh Sweetheart tu es là ! » S’exclame-t’elle au détour d’un couloir en reconnaissant, enfin, les boucles blondes de la jeune Blackthorn dans une salle de classe vide d’âmes. Entrant dans la pièce elle referma la porte derrière elle, peu encline à être écoutée par des oreilles indiscrète malgré la banalité de sa demande et lâcha, un air las sur son visage de porcelaine : « Décidément c’est impossible de trouver quelqu’un dans cette université de malheur, je ne comprends pas que tu daignes encore y habiter les gens sont si… » Elle ne finit pas sa phrase, qualificatifs risquants d’être un peu trop extrêmes. Les paroles de l’espagnole avait beau être plutôt légères, il n’y avait rien qu’elle disait sans raison. Son agacement à se trouver là alors que d’autres étaient loin, un autre en particulier, se ressentait de plus en plus. « Je suis passée à la bibliothèque et il parait que t’as emprunté un ouvrage récemment… » Elle cherche à nouveau l’ouvrage en question sur son carnet avant de redresser le regard : « Un essaie spécialisé sur les atteintes psychologiques et neurologiques des évènements traumatiques sur la magie, tu te souviens ? » Dans son cas elle n’oubliait jamais rien, mais ce n’était peut être pas le cas de sa chère cousine. « J’en aurais besoin. » Un léger sourire se glisse sur les lèvres de Quarta, elle sait se parer d’innocence ou de douceur lorsque c’est nécessaire, Juliet en avait déjà fait les frais, victime presque volontaire des doux sourires de la Blackthorn, mais aux vues de leurs derniers échanges, plus qu’électriques, Adalia doutait que ce pseudo charme puisse avoir quelconque effet sur sa cadette. Elle jouait cependant sans mal ce rôle qui avait été bâtit pour elle, ce visage des évènements mondains, ce visage offert au monde extérieur, celui de l’enfant prodigue à la distance douce, lune lumineuse, bien loin de la tempête qui se jouait sous sa peau.

Face à sa cousine, Adalia ne pouvait s’empêcher de prendre un ton moralisateur. Les relations entre les deux jeunes femmes n’étaient plus au beau fixe depuis bien longtemps mais les derniers mois n’avaient pas arrangé les choses.  Alors, il n'était pas étonnant que leur rencontre soit parée de faux semblants, voir même d'une légère agressivité qu'elles gommaient toutes les deux sous des traits polis. « Oh aux dernières nouvelles je ne savais pas que tu étudiais en cinquième année, je dois peut être te féliciter pour ça ? » Le ton de l’espagnole se pare d’ironie, elle n’a ni l’envie ni la patience d’être compréhensive envers sa cadette, surtout pas après leur elle avait besoin de ce livre ou, au moins, souhaitait le lire et ça suffisait à justifier sa requête à ses yeux.  De plus, le ton de sa cousine n’était pas pour arranger son humeur, la condescendance gommée de fausse politesses de la blonde ne lui allait clairement pas au teint. « Je n’aurais pas pris la peine de te chercher dans tout le château si ça ne l’était pas. » Ajoute-t’elle en levant vaguement les yeux au ciel, fatiguée de devoir toujours tout expliquer. C’était déjà suffisamment désagréable de devoir échanger avec les étudiants en temps normal, sans avoir se perdre dans les couloirs alors qu’elle n’y était pas obligée. Mais alors qu’elle s’impatiente légèrement, bras croisés sous sa poitrine, un air un peu revêche sur le visage son portable vibre légèrement dans la poche de sa veste. « Sorry about that. » Lâche-t’elle distraitement en récupérant l’outil moldu, oubliant quelques instant la présence de la blonde dans la pièce.

Have you something planned this evening Ariel ? Thought we could speak a little tonight. Hope you still have the mirror I offered you last year. I miss you, tell me when you’re home.
Take care

Un sourire illumine presque malgré elle le visage de la jeune femme, douceur qui remplace la glace de son masque alors qu’elle lit les mots de Quartus sur son téléphone : un peu de répit, un peu de tendresse qui lui fait du bien. Quelques mots tapés, la promesse de se retrouver une fois le soir venu et elle range son téléphone, fermant cette parenthèse agréable. Redressant la tête vers Juliet elle passe une main dans ses cheveux comme pour faire disparaitre ce moment d’égarement avant de reprendre, un peu coupée dans son élan par le message du jeune homme : « Hm… Mais, écoute je ne vais pas attendre ici que tu aies terminé avec, t’auras qu’à me le déposer à l’appartement, ce soir ça te semble bien ? » Elle posait une question mais le ton ne laissait pas réellement place à quelconque refus, la Blackthorn ne supposait pas, elle imposait. « Ton frère et moi nous prévoyons un échange par miroirs à double sens, est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaites lui dire ? » Le besoin de prouver qu’il ne l’oubliait pas, qu’ils gardaient ce lien malgré la distance, pourquoi se fendait-elle d’orgueil face à Juliet ? La petite blonde savait très bien à quel point le départ de Quartus avait pu être douloureux pour l’espagnole et elle-même savait ce que c'était de perdre un membre de sa fratrie, la remarque était ainsi un peu douce amère. Pour autant, elle fanfaronne presque en l’évoquant : comme si ça compensait la solitude dans laquelle elle était prostrée au quotidien.

Elle savait ce que c’était de discuter avec Juliet, c’était souvent des pertes de temps à n’en plus finir : la gamine feignait que tout allait bien, puis elle se vexait, se refermait, devenait distante, avant d’exploser et de partir en râlant, c’était ce qui se passait à chaque fois qu’elles s’opposaient ces derniers temps. Alors, elle avait décidé de ne plus passer par le ménagement : Adalia voulait ce livre, et elle l’obtiendrait. Et finalement, elle le récupéra sans grande difficulté. « Voilà une bonne chose de faite, tu vois quand tu veux. » Lâche-t’elle d’une voix égale avec un léger sourire suffisant, récupérant rapidement l’ouvrage pour le fourrer dans son sac à main, claquant quelques fois ses paumes entre elles pour en déloger les quelques grains de poussière elle perd cependant son faible sourire lorsque Juliet répond à sa proposition, légèrement teintée d’ironie. « Hm, je passerai le message. » Rien de bien original, et toujours aussi naïf : il y avait très peu de chance que Quartus rentre, peut-être pour les fêtes, quelques jours, mais sa vie était là bas maintenant, même si c’était douloureux, même si c’était insensé, elle allait devoir se faire à l’idée, ils allaient tous devoir se faire à l’idée. Alors que Juliet baisse les yeux, visiblement attristée par l’absence de son frère et murmure quelques mots, incompréhension qui se lit dans sa voix, Adalia soupire doucement, n’ayant jamais été très douée pour réconforter sa cadette elle resta confinée à l’énonciation des faits : « Créer des relations avec le Moyen Orient, faire rayonner le nom des Blackthorn à l’étranger, étendre l’empire familial. Tu sais, notre devoir en temps qu’héritiers. » Le ton d’Adalia est calme, ses paroles glissent sans accro, elle semble résignée de la situation, expliquer les choses sans montrer qu’elle était touchée, elle savait faire même si l’humeur était mauvaise, même si son coeur se brisait à l’idée qu’il soit tenu éloigné d’elle, et qu’elle se sentait horriblement coupable qu’il paye pour leurs erreurs à tous les deux. Parce que ce qu’elle racontait en ayant l’air d’y croire du comme fer, voire même de partager l’avis des parents sur cette idée, ce n’était ni plus ni moins que la version officielle. La version que les adultes avaient servis à l’ensemble de la fratrie, y compris au principal concerné qui s’était retrouvé lâché dans un pays étranger avec la pseudo responsabilité de créer une nouvelle branche pour les Blackthorn tant en termes de business que de famille. Pour autant, Quartus tout comme Adalia savaient bien que ce n’était que la partie visible de l’iceberg, une excuse pleine de faux semblants pour cacher qu’ils éloignaient leur fils de son enquête, de ses doutes. Et si l’espagnole avait gardé pour elle cette impression, bien trop secouée de parts et autres pour continuer seule dans sa vendetta contre ceux qui avaient enfermé sa petite soeur dans sa tour, elle gardait cette rancoeur bien au chaud au fond de son coeur abimé.

Le ton de sa cousine se faisait agacé, elle remarque bien qu’elle est énervée, ça se lit autant dans son regard que dans sa posture qui se faisait plus sèche, plus glacée. C’était étonnant, cela ne lui était pas habituel mais elle ressemblait bien plus à une Blackthorn comme ça, c’était presque rassurant parfois elle se demandait si elles avaient bien grandit dans la même famille. Il était difficile à croire pour elle que les comportement pouvaient diverger à ce point malgré un passé commun. « Je sais que les parents sont toujours enclins à nouer de nouvelles alliances, et à apporter du sang neuf dans la famille. » C’était après tout ce qu’ils avaient fait en adoptant l’ensemble de la fratrie. Récupérant les enfants orphelins ou laissés de côté des vieilles familles de sang pur par delà les frontières du Royaume-Uni. « Cette alliance à venir n’est en cela pas un changement soudain de politique familiale. » Les faits n’étaient pas si aberrants Elle laisse échapper un léger soupir passant une main sur son visage, ne sachant pas réellement si elle se devait d’en dire plus à Juliet. Elle avait promis à James de ne pas parler des raisons de son départ avant qu’il ne parte, avait promis même, de ne pas en parler tout court, s’enroulant seule dans ce drame qu’elle n’avait pas vu venir. « Mais disons, que certains évènements de l’été auront peut être pu les pousser à donner un peu plus de dimension à leur croisade. » Dominer, dominer les autres familles et dominer au sein même de la famille, atteindre leurs objectifs aussi malsains soient-ils. Un air soudain las sur le visage elle s’appuie contre une table, talon de ses chaussures qui claquent légèrement sur le sol froid de la salle de classe elle demande « Ai-je besoin de te faire un dessin ou vois-tu où je veux en venir ? » Baby, leur découverte à tous, et les enquêtes qui avaient commencé à émerger de parts et d’autres de la famille. Ils avaient crus être suffisamment discrets, arrogants chiffres quatre qui se pensaient même au dessus des soupçons, au dessus des lois immuables fixées par leurs ainés. Ils en payaient le prix maintenant, surtout lui, elle le savait bien. Elle avait eu la chance de rester alors que lui avait été arraché à tout ce qu’il connaissait, à tous ceux qu’il connaissait aussi. Et si elle avait perdu sa moitié, il avait perdu son tout et elle s’en voulait terriblement. C’est certainement ce sentiment de culpabilité qui la poussa à reprendre, un ton certes froid, mais marqué d’une certaine gravité, affligé par les évènements récents : « Nous pensons qu’ils ont appris que nous faisions des recherches sur la mort de ma petite soeur. »

L’opposition semblait devenue comme une seconde nature pour les deux cousines, à peine se trouvaient elles dans la même pièce que la tension montait. Même si c’était caché, imperceptible, même si l’une comme l’autre donnait le change, se fendait de fausses politesses, elles se connaissaient suffisamment bien pour savoir qu’il n’existait plus grand chose de leur complicité d’antan. Désormais, tous les sujets généraient du conflit et celui de James en était un particulièrement épineux. Car il l’avait finalement toujours été, relation malsaine, qui dérangeait parfois même jusque dans les rangs de la fratrie étendue. Ils l’avaient acceptée, refusée, s’étaient battus, enlacés, avait embrassé ce destin et finalement on avait décidé pour eux qu’ils ne seraient plus rien que cousins. Et elle en crevait Adalia, arrachée à un des piliers de son existence, une constante, une certitude d’équilibre à venir. « Oui je sais merci. » L’amertume se glisse dans les paroles de l’espagnole mais elle n’en dit pas plus. Parce qu’elle ne voulait pas y penser, parce qu’elle ne voulait pas en parler avec Juliet non plus.

Pourtant, elle s’attarde un peu sur le sujet, glisse quelques informations qui font leur chemin dans l’esprit de sa cadette qui finit par ouvrir de grands yeux lorsqu’elle comprend les sous entendus de la brune. « Nous n’en avons pas parlé, on ne voulait pas attirer les soupçons. » Elle savait bien qu’ils n’étaient pas les seuls à faire leurs recherches, elle connaissait suffisamment Mikhail pour savoir qu’il ne se serait pas contenté d’accepter l’idée que sa petite soeur ait été enfermée pendant tout ce temps. Mais ils avaient gardé leurs soupçons pour eux, encore aujourd’hui Adalia ne parlait pas de ses doutes, ni de celui vers qui ils se tournaient. Elle n’avait pas de preuve, juste une intuition désagréable, ce sentiment de sentir ses sens se mettre en alerte lorsqu’il était dans la pièce. Kiran le lui disait sans cesse, les intuitions ont souvent juste, mais sans aucun fait palpable, elle ne pouvait proférer de telles accusations : surtout pas contre son frère. Alors, elle se tue une nouvelle fois sur ses pensées les plus sombres et se contenta de répondre en haussant doucement les épaules : « Rien de probant. » Ce n’était pas faute d’avoir essayé de titiller la mémoire de Baby, mais les instants ayant précédé sa mort semblaient comme verrouillés, flous, inaccessibles. Et à chaque fois elle refusait  de réveiller le malêtre de sa soeur, elle excusait, elle éludait du dos de la main lorsque cela devenait trop difficile, elle cherchait à préserver ce qu’elle pouvait encore préserver : culpabilité glaçante de ne pas avoir été là pour la sauver, elle, son trésor, son soleil.

« Mais nous avons passé beaucoup de temps au manoir, pour avoir des excuses pour voir Baby et… » Elle hésite un instant, continuer sa phrase faisait écho aux accusations, infondées, de sa cousine par rapport à ses fiançailles. Cependant, il s’agissait de James cette fois, et elle commençait à être fatiguée d’être trompée par les manigances de sa mère. « Je pense que Claudia a un certain don pour se glisser dans nos têtes. » Que Juliet comprenne ou non le sous-entendu, elle savait ce qu’il en était. Depuis les fiançailles de sa cadette, elle avait finalement compris les regards lancés par sa mère adoptive, cet air résolument satisfait qui se glissait sur ses lèvres à chaque fois qu’elle la croisait : elle savait et c’était dans la tête de sa benjamine qu’elle avait tout découvert. « Quoi qu’il en soit, ils ont du se sentir acculés, ou menacés, ou bien protègent-ils quelqu’un, je ne sais pas. » Elle dépose une graine, la possibilité qu’ils ne soient pas les seuls coupables, elle ne peut s’en empêcher, son esprit lui hurle de se méfier de lui autant qu’il sait qu’il doit se méfier d’eux. « Mais oui, ils l’ont fait partir et non ce n’est pas quelque chose qui me réjouit. » Soupire-t’elle finalement, laissant disparaitre le masque une seconde pour ressentir toute la peine que lui infligeait l’absence de sa moitié.

Alors que le sujet tournait autour de deux êtres chers au coeur d’Adalia, et aussi inaccessible l'un que l’autre, elle sent ses dents se serrer. Instinctivement, elle a la tête qui se redresse, le dos qui se fait encore plus droit et elle tente de compenser le malaise qui l’envahit par une apparence toujours plus digne, toujours plus en adéquation avec ce que l’on attendait d’elle. Elle se fige, pour ne pas que les émotions la submerge une nouvelle fois. Mais elle parle, si elle n’en a pas l’air, elle révèle des secrets dont elle n’a, pour certains, jamais vraiment parlé à quiconque, à sa cousine. Sous couvert de paroles un peu acerbes, elle distille des informations plutôt confidentielles. She was never the loving kind of person Adalia, loin du soleil de ses cadettes, lune froide et discrète, et glaçante, parfois mauvaise, souvent blessante : lune de sang lorsque l’humeur se faisait dissonante. Bien plus souvent qu’elle ne l’avouerait certainement ces derniers temps.

Juliet semble perplexe, un peu perdue, en pleine réflexion du moins. Ce n’était guère étonnant, les mots étaient durs, reflétaient des maux que tous les Blackthorn auraient souhaité imaginaire. Mais les desseins de leur famille, de certains de ses membres sans qu’elle ne puisse mettre un nom sur chacun des protagonistes, étaient morbides. Finalement, un peu comme si elle se parlait à elle même elle commence à déblatérer quelques pensées, quelques questionnements et étrangement patiente, Adalia acquiesce doucement : « Oui on a essayé, mais… » Difficile pour la Blackthorn de faire part de ses échecs, surtout face à sa cadette, pour autant il fallait se rendre à l’évidence : toutes les tentatives d’obtenir des réponses s’étaient soldées par des échecs retentissants. « Sans grand succès et ni lui ni moi ne sommes réellement à l’aise avec l’idée de la forcer à ressasser ces derniers instants. » Ni à l’aise de se trouver dans la tour qui lui sert de tombeau. Cela, pourtant, n’était pas des mots qu’elle avouerait à sa cousine. La faiblesse de son coeur et de son âme à l’évocation du sort de sa petite soeur la mettait suffisamment mal à l’aise comme ça.

« On a pas eu beaucoup d’informations, et puis, il est parti et depuis je peine un peu à trouver… » Le courage, c’était la vrai réponse mais encore une fois, ce n’était pas des mots qui sortaient de la bouche de l’espagnole. Apparences, toujours, prétendre, toujours. « J’aime pas aller la voir toute seule. » Finit-elle par avouer, évitant le regard de sa cousine pour se perdre dans la contemplation imaginaire d’oiseaux de passage derrière la fenêtre close de la salle de cours. Elle avait beau faire mine de ne plus y prêter attention, elle ne pouvait que se souvenir de ces mois d’angoisse ayant précédé la découverture de leur cadette enfermée dans la tour. Ces mois de cauchemars et d’hallucinations où elle la voyait, l’entendait lui hurler de l’aider sans qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit.

C’est pas doux, c’est pas aimant, c’est pas apaisé ni même enviable, la relation entre les deux plus jeunes filles des Blackthorn n’a plus rien à offrir si ce n’est des regrets et des non dits qui les brise. Y’a plus cette lueur au fond de leurs regard, y’a plus les gestes tendres, y’a toujours l’intention pour autant : gare à celui qui s’en prendrait à l’autre, mais la vie leur a arraché les douces promesses de leur innocence. Aujourd’hui, face à sa cadette, Adalia peine à laisser tomber le masque. C’est les apparences toujours, c’est ne jamais avouer ses faiblesses, c’est s’accrocher à ce qui est vu par le reste du monde, l’améliorer, le transcender, sans cesse. C’est Adalia qui veut mériter le jugement qu’elle porte sur le monde, et dès que ça concerne ses proches, elle se retrouve bien trop proche des préoccupations mortelles. Cependant, si elles n’ont rien de bien proches désormais, le sujet de Baby saura toujours trouver une place de choix entre elles. Et si elles n’avaient jamais vraiment parlé des évènements de l’été, ce n’était qu’une question de temps avant qu’elles ne se retrouvent l’une face à l’autre pour les évoquer.

« Je ne sais pas » Elle a retourné la question dans tous les sens mais y’a rien qui lui est venu à l’esprit. Elle n’était pas très à l’aise avec les propriétés fantomatiques de sa cadette et ne savait pas réellement si la magie pouvait avoir un réel impact sur elle. Plus, elle n’avait pas le troisième oeil de Kiran, ni la réelle envie de l’impliquer là dedans, sachant les doutes qu’elle portait sur son jumeau, la moitié de son âme. Redressant légèrement la tête, faisant craquer ses vertèbres dans un bruit sourd elle reprend : « Enfin, tu sais y’a des choses pour lesquelles mon esprit se refuse à se souvenir aussi, alors un esprit frappé par la mort ? On ne peut guère imaginer ce qui se passe lorsque la mort prend sa place. » Et la curiosité de la sorcière aurait pu prendre le pas si seulement elles ne parlaient pas de baby. Y’a plus de conscience chercheuse, y’a plus de légitimité à fouiller dans les tréfonds d'un esprit déjà trop abimé. Elle veut pas la brusquer, elle veut pas la faire souffrir plus que ce n’est déjà fait. Le manque d’objectivité se fait sentir lorsqu’il s’agit d’elle. Et encore, une fois, le comportement est différent lorsque Juliet propose qu’elles lui rendent visite toutes les deux : « Si tu veux… » Elle hausse légèrement les épaules, passant une main sur son visage, lasse. « Ça pourrait lui faire plaisir de nous voir toutes les deux. » Comme avant. Bien qu’il n’y ait plus rien de comparable à ce que les cousines partageaient lorsqu’elles étaient encore trois.