Novembre 2000 ━ La naissance Tu es le dernier arrivé dans une fratrie de quatre. Papa travaille la journée au Ministère, maman le soir au Cochon à plumes. Tes aînés te montrent l'exemple, chacun à leur manière. Vous jouez au quidditch dans le jardin – enfin, tes frangin.e.s jouent, toi tu leur cours après en criant « I wanna ride with Zaza ! » –, Mehdi fait de la guitare et Akim raconte ses aventures à Poudlard. Tu les observes et tu apprends, c'est ta technique pour éviter les ennuis. Être le plus jeune a ses avantages, même si tu te sens condamné a être toujours vu comme le petit dernier, le bébé, le sale gosse... Difficile pourtant d'être considéré comme un adulte quand tes frangin.e.s ont changé tes couches, difficile aussi quand tu n'y mets pas du tien. Tu étais et tu resteras l'enfant sauvage qui courait pieds nus dans les couloirs, roulait dans la neige en hurlant de rire et volait sous la pluie, collectionnant les points de suture sur le menton. Ta mère est la seule à avoir un semblant d'autorité sur toi. Si les autres essayent de te donner un ordre, tu feras semblant d'écouter, mais juste pour leur faire plaisir.

Septembre 2011 ━ La rentrée Tu es heureux quand tu peux enfin rejoindre Mehdi à Poudlard, n'est-ce pas Salim ? (c'est un peu ton deuxième papa alors pourvu que vous ne soyez pas dans la même maison) C'est le début de la liberté, même si tu as un pincement au cœur en laissant ta nièce Inès, quasiment ta sœur, sur la voie 9¾. Qu'est-ce que tu vas faire sans elle ? Qui tu réveilleras à 1h du matin quand t'arrives pas à dormir ? Qui te suivra dans tous tes délires, tes plans foireux et rira à tes blagues à deux mornilles ?

« Another Saouli, hmm ? » marmonne le Choixpeau sur ta tête. « Yep ! » Enfin, c'est ton moment ! « Aah, I see you are eager to prove yourself. For you, there is no doubt... SLYTHERIN. » Impossible de retenir ton exclamation de joie alors que tu te jettes sur la table des serpents, en oubliant de retirer le chapeau magique. Tes nouveaux camarades rient et tu réalises ton erreur avec une pointe d'embarras, qui disparaît aussitôt. Tu reviens en courant vers le tabouret, le sourire jusqu'aux oreilles, rayonnant de bonheur.

Quelques années plus tard, tu entreras dans l'équipe de Quidditch de ta maison et tu seras batteur, Salim le fourbe on te surnommera, parce que tu sauras dévier avec art les cognards en direction des gardiens adverses. Ce qui te vaudra pas mal d'ennuis après les matchs, d'ailleurs.

« Putain Saouli, c'était quoi ce move de crevard à 2 minutes de la fin ??? » — « Wow, chill... c'est pas très pouffy tout ça. » — « Ah ouais ? Tu veux savoir ce qui serait pouffy ? » Tu fais semblant de réfléchir : « Un deuxième œil au beurre noir, pour ressembler à un blaireau ? » Les coéquipiers du gardien l'entraînent en direction des vestiaires pour éviter une bagarre et vous êtes obligés de hausser le ton pour vous faire entendre par-dessus le brouhaha :  « On peut pas discuter avec toi ! » — « J'suis pas sur le terrain pour discuter, j'suis là pour gagner ! »— « FUCK YOU ! » — « YOU WISH ! » — « SALIM ! » — « Oui, cheffe ? » Tu te retournes avec ton plus beau sourire. Ta capitaine passe un bras autour de tes épaules et t'embarque violemment en sens inverse. « Aïe. » — « Il faut vraiment que t'arrêtes de faire ça à chaque fois », siffle-t-elle entre ses dents serrées. Tu te défends (faiblement) (t'es à moitié en train de te faire étrangler) : « Eh c'est pas ma faute, c'est lui qui m'a sauté dessus dès la fin du match ! » Elle desserre sa prise autour de ton cou et s'appuie de tout son poids contre toi en t'entraînant en direction des gradins vert et argent, où le reste de l'équipe, victorieuse, salue ses supporters. Tu es obligé de t'accrocher à elle pour ne pas tomber. Elle rit. « Je suis sérieuse, Salim ! C'est pas comme ça que tu deviendras capitaine ! » — « Moi ? » Regard sincèrement étonné. « Je pars dans deux ans et je veux que tu prennes la relève, mais ce sera pas possible si tu continues à t'embrouiller avec les autres chefs d'équipe. » — « Tu t'embrouilles toujours avec eux pour le planning des entraînements ! » — « C'est différent ! Quand tu es capitaine, tu règles tes problèmes discrètement dans les vestiaires, ou autour d'un verre de bièreaubeurre... » Tu dabbes fais signe aux supporters en folie : « C'est vous les meilleurs ! Merci ! » — « Salim. » — « Aye aye, cap'taine. Tu souris à ta coéquipière avec un petit salut militaire. J'vais faire des efforts. » Tu deviendras bien capitaine en septième année, mais ça, c'est une autre histoire.

Juin 2018 ━ La libération C'est avec soulagement que tu as obtenu tes A.S.P.I.C.S. Maman est fière de toi, papa ne dit rien mais n'en pense pas moins, tes frères aussi, seule ta sœur est aux abonnés absents le jour où tu leur présentes le diplôme que tu as reçu par hibou. Pas grave. Tu la ramènes un peu devant Inès, bientôt ce sera son tour, en attendant tu es libre ! Ta mère te fait gentiment remarquer que tu as intérêt à te trouver un job, pas question que tu passes tes journées à dormir et tes nuits à sortir. Pas de tire-au-flanc chez les Saouli. Tu te vexes un peu qu'elle sous-entende que tu puisses vivre à ses crochets, sans même mentionner l'université. « What if I go to Hungcalf ? » Akim lâche un petit rire, tu le fusilles du regard. « What would you do there ? » —  « Study, duh. » — « Study what ? »

Good question. Les études seraient un bon moyen de passer le temps en attendant de savoir à quelle grande destinée tu es voué, tu le sais, t'es juste trop fier pour l'avouer. « I could study Sports, like Zahia did. » Tu croises les bras, comme pour les mettre au défi de te contredire. « You could do whatever you want. » Cette voix douce est celle de Mehdi. Elle brise instantanément l'agacement qui grandissait en toi. Tu croises son regard. « If you want to. » Tu hoches la tête, reconnaissant de son intervention, même si tu ne l'avoueras pas. « I do, really. »

Février 2019 ━ L'accident « Mom. I'll never fly again. » C'est peut-être trop dramatique, mais là tout de suite, ça te paraît impossible. Dounia Saouli soupire : « Maybe not tomorrow. Maybe not next week. Maybe it'll take you a month, or a year. Maybe a little more than that. » Tu serres les dents. Tu refuses de pleurer. Ta mère se penche au-dessus de ton lit à Ste-Mangouste et prend ta main, celle qui n'est pas emprisonnée dans le plâtre. Tu as mal. Tu es dégoûté. Tu as peur. Elle serre tes doigts dans les siens : « But in the end, you'll be alright, Salim. I know you will. » — « How ? » T'es pas voyante, maman, comment tu peux savoir que je vais pas à nouveau perdre le contrôle ? Et si j'étais tombé à l'eau ? J'aurais pas su remonter, pas avec un bras et un genou en vrac. Je serais mort. Un sourire joue faiblement sur son visage triste mais déterminé : « You will rise again, habibi (love). That's what you do. » Tu déglutis. Tes mots sont restés coincés au fond de ta gorge, et c'est assez rare pour le signaler. Tu ne pleures toujours pas, mais l'émotion est là.
« Looks like I don't have the choice. »

Tu passes plusieurs mois à Ste-Mangouste, le temps de finir ta rééducation, soigner tes plaies et essayer de faire la paix avec le gosse en toi qui croyait pouvoir devenir un grand joueur de quidditch. Tu dois revoir toutes tes ambitions. Il y a bien d'autres matières dans lesquelles tu étais bon, à Poudlard, mais tu les avais laissées de côté pour le sport. Étant en première année, tu bifurques en filière de médicomagie dès la rentrée suivante. Tu aurais pu continuer dans le Sport, devenir fabricant de balais, mais tu ne peux pas te contenter d'un demi-rêve, Salim. Avec toi, c'est tout ou rien.

Mars 2020 ━ Le retour Jamais tu n'aurais pensé qu'Inès partirait avec Tarek sans prévenir. T'as compris plus vite que les autres, mieux peut-être, le besoin de s'évader est présent chez toi aussi...mais t'as vu les ravages que ça a causé sur ta sœur, et à présent tu sais que tu ne pourras jamais faire ça à ta propre mère. T'as pas de rancune pour Inès, t'espères juste qu'elle va bien, t'es content quand elle envoie des nouvelles via Mehdi, et puis tu te dis qu'absente comme elle l'a été pour sa carrière, Zahia devrait comprendre que c'est le tour de sa fille maintenant. C'est pas très gentil, mais on n'a pas dit que t'étais toujours gentil.

Et puis ils reviennent. À Inès tu ne dis rien, tu te contentes d'être là. Pas de reproches, pas d'inquiétudes, pas de « mais t'étais où ? »... juste un « you're back » quand tu la serres dans tes bras. Tarek par contre il se prend une balayette derrière le genou, parce que « mec, t'abuses, t'aurais pu envoyer une carte postale ». Mais c'est ton ami, alors vous riez et c'est comme si tout était oublié. Enfin, presque... C'est différent entre eux maintenant, tu dois leur servir d'intermédiaire, et t'aimes pas trop te mêler des affaires de cœur des autres – t'es mal placé, on va dire, étant donné que tu t'inquiètes d'être célibataire uniquement quand on t'invite à un événement social (Salim, roi du +1 improvisé). Bref, tu fais de ton mieux pour les aider de chaque côté, et si y'a bien un sujet sur lequel tu juges pas, c'est celui-là.

Août 2021 ━ Le drame Tu étais présent à la finale de la coupe britannique de quidditch cet été. Ce n'est pas parce que tu fais "une pause" pour une durée indéterminée que tu n'aimes plus ça. Il faudrait que tu penses à remonter sur un balai, un jour. Tu es sûr d'en être capable, mais tu repousses sans cesse l'idée. Toujours est-il que ce jour là, t'étais dans les gradins avec des amis quand le drame est arrivé. Ta première pensée, bizarrement froide et logique, a été de te demander combien de temps Fawleys pouvait tenir sans respirer, mais il t'est vite paru évident que s'il était pendu, sa nuque avait pu être brisée, et peut-être était-il là depuis longtemps... déformation pré-professionnelle ?

Le mouvement de foule qui a suivi la découverte de la scène t'a tiré de tes pensées. Tu as agrippé tes deux amis par les bras et sans leur demander leur avis, tu les as fait transplaner avec toi hors de l'enceinte du stade. Ce n'est qu'une fois dehors que tu as réalisé l'ampleur de l'événement. « Fuck. » Tu as fait demi-tour presqu'aussitôt. « Salim ? » — « Les secours sont pas encore arrivés. J'vais voir si quelqu'un a besoin d'aide. »