Elle n'est pas encore certaine que ce soit une bonne idée, elle se demande encore comment  elle va trouver du temps pour dormir ou pour réviser. Elle a déjà décidé d'abandonner ses matières optionnelles pour ce semestre, matières qu'elle abandonne sans regret étant donné qu'elle les deteste. Mais ça ne suffira pas, elle le sait, elle repousse juste encore un peu le problème qui se pose à elle.

Pourtant, à peine a-t-elle retiré sa blouse de médicomage, elle enfile la robe noire qu'elle doit porter pour son nouvel emploi au Styx. Elle a déjà tiré de nombreuses fois dessus dans l'espoir de l'allonger un peu mais sans succès. Elle le fait une nouvelle fois en rentrant dans la partie commerciale du Styx.

Elle est déjà venu à plusieurs reprises et elle a toujours trouvé cet endroit particulièrement... particulier. Et maintenant, Clio comprend mieux pourquoi. Elle ne soupçonnait guère tout ce qui pouvait se passer derrière ces lourds rideaux de velours pourpres. Mais maintenant qu'elle savait, elle comprenait mieux.

Elle ne devait pas commencer tout de suite mais @Fergus Laugharne l'avait encouragée à passer du temps au Styx et s'impregner des lieux et de ses occupants. On ne devait pas un sinner "comme ça" avait dit précisé. Elle devait comprendre les tenants et les aboutissants du styx, cerner la clientèle, imaginer ses approches futures... Elle n'était pas encore payée mais Juliet ne faisait pas cela pour l'argent.

Elle rentre dans le styx et retire sa cape, dévoilant une silhouette qu'elle ne reconnait pas dans cette robe qui ne lui ressemble pas. Elle a l'air plus âgée avec ce maquillage, indispensable pour ne pas passer pour une gamine auprès de certains clients qui peuvent largement avoir le double de son âge. Les compétences elle les a, mais encore fallait il qu'elle puisse les exploiter pleinement. Si personne ne lui faisait confiance, ça n'avait aucun sens...

Nouvelles recrues au Styx, nouveaux apprentissages. J'avais un barmaid pour m'aider depuis quelques temps. Le début des vacances en fait. Mais j'avais quand même l'impression de devoir toujours me répéter. Putain, mais il l'a mise où encore, ce con ? Me répéter, en soit je pouvais. Mais quelques jours avant la pleine lune, ça n'aidait pas toujours à mon caractère. Aaah la voila. Mais pourquoi ranger une bouteille de vodka avec les rhums ? Sombre crétin. Je me relevais, me jurant que quand il arriverait, je lui expliquerai pourquoi j'aimais que ce soit correctement rangé, mais je m'attendais pas à ce qui allait suivre. Je m'attendais pas à la voir.

Juliet ? C'était elle ou sa jumelle. Sa plaisante jumelle attention. Qui ne serait pas excité de la voir ainsi ? Mais alors qu'elle se retournait, un sentiment glacé s'empara de moi. Les mots qu'elle avait prononcé ce soir là me revinrent, comme une gifle en plein visage : Dégage maintenant ! Je veux plus te voir ! Deux mois. Deux mois que je l'avais évité. J'avais évité beaucoup de monde d'ailleurs, à part @Grace de Launay qui m'avait retrouvé.

Qu'est ce que tu fais ici, dans cette tenue ? Dites-moi pas que...

" Juliet ? " Elle était de nouveau entrain de tirer sur le bas de sa robe, les yeux rivés vers ses jambes sur lesquelles elle se disait qu'elle aurait du porter des collants. On lui avait pas dit non, à des collants. Elle était donc bien trop occupée à s'inquiéter de sa tenue pour se rendre compte qu'à quelques pas d'elle, c'était Jolan qui était derrière le bar où elle pensait s'installer. Evidemment, il n'avait fallut que d'un seul mot de la part du Cheyenne pour qu'elle reconnaisse sa voix et qu'elle se fige une seconde.

Eh merde. Elle relève le regard et le constate derrière le comptoir une bouteille à la main en tenue de barman. Double merde. Voila deux mois qu'ils ne s'étaient pas croisés et même si Juliet s'était inquiété mille fois et qu'elle était contente de le voir en bonne santé, cette fois elle est trop fière pour en laisser paraître quoi que ce soit. "Qu'est ce que tu fais ici, dans cette tenue ?"

- Je t'en prie, n'en rajoute pas.

Le ton est froid. Aussi froid que la bise qui souffle actuellement sur l'Ecosse. Elle deteste cette robe trop courte et elle n'envisage rien d'autre que de supplier Althea pour pouvoir porter autre chose de plus décent. Elle aurait bien voulu faire demi-tour mais elle estime que ce n'est pas à elle de partir. Et de toute manière, elle a bien trop besoin de ce travail.

- C'est donc là que tu as atterris.

Il n'était pas revenu après leur engueulade. Elle en était à moitié surprise et en réalité cette fuite en avant n'avait fait qu'attiser la colère de Juliet.

- Téquila.

Elle n'a aucune intention de la boire, mais ça faisait moins bête de s'installer au bar avec un verre à la main.

Le ton restait glacial. Vous en étiez là alors ? Définitivement ? Tu soupires, te résignant mentalement à cette idée désagréable pourtant à ton esprit. Et rangeant la bouteille, tu l'entends continuer à te parler.

Je travaille ici ouais. Lust m'fait assez confiance... ET des employeurs prêt à engager des gens de ton engeance, ça courrait pas les rues. Mais ca reste mon lieu de travail. Pas plus... Pour ce que ça changerait, tu avouais à demi-mots la vérité à la jeune femme : t'étais de retour dans la rue, à squatter les lieux que tu connaissais et où tu pouvais espérer survivre à l'hiver.

- Téquila. Le mot claque dans tes oreilles, comme un ordre que tout client te donne. Et servant le verre, tu te contentes d'un s'il vous plait avant d'aller plus loin, nettoyer quelques verres. Quelques minutes, dont t'a besoin aussi pour éviter de t'emporter face à une situation que tu étais prêt à reconnaitre que tu avais provoquée, mais aucunement voulu. Tu fermes les yeux un instant, parce que l'heure s'approche où, pendant des années, tu l'as bu, cette même potion qu'elle t'avait jeté deux mois plus tot. Et tu te sers un verre, qui fera office de substitut.

j'suis désolé... Appuyé sur l'évier, tu cherchais à faire passer la douleur que tu ressentais un instant. Pour Elio, et pour les potions... Tu rouvres les yeux à son encontre, la sincérité dans le regard.

Lust.. Fergus donc. Elle a encore du mal avec ces petits surnoms que se donnent les sinners entre eux. Pride pour Althéa, elle trouvait que ça lui allait bien. Peut être même un peu trop. Et Juliet devait dissimuler son patronyme et n'utiliser que celui qu'on lui avait attribué, Clio. La muse de l'histoire. Elle n'était pas sûre d'apprécier mais puisqu'il le fallait.

La présence de Jolan ne l'enchante guère mais elle ne peut pas prétendre qu'elle ne ressent rien alors qu'il souligne que ce job, c'est juste un job. Où est ce qu'il vivait ? Mieux valait ne pas savoir... Bien que si elle savait, elle regreterait de l'avoir chassé de chez elle quelques mois plus tôt. Même si ce n'était pas vraiment son intention..

Bientôt, la commande ordonnée glisse sur le bar jusqu'à elle. Elle ne sait même pas si elle doit payer ses consommations. Elle a mille questions sur ce lieu, encore, mais elle est trop fière pour les poser aux Wauters. Elle pince même les lèvres pour ne pas lui dire "merci" alors que sa politesse naturelle allait s'en charger. Elle veut lui faire comprendre qu'elle est en colère et que ce n'est pas avec une petit blague à la con qu'il résoudra ce problème.

Sauf que.. pas de blague. Aucune. Et un "Je suis désolé" qui sonne sincère. Elle qui regardait ailleurs, qui se demandait encore pourquoi cette statuette de marbre noire avait été ajoutée à la déco, tourne son regard vers l'Amérindien. Et il lui faut quelques secondes pour répondre.

- Te battre avec Elio, franchement Jolan. Je crois que c'est la première fois qu'il a frappé quelqu'un. Ca n'a vraiment aucun sens ! Et puis les rumeurs vont bon train, je te prie. Maintenant tout le monde pense que je couche avec toi. Et avec lui.

Bon, c'était pas faux à l'époque... y'avait quand même quelques semaines d'écarts à dire mais ça ne comptait pas pour la plèbe et elle attendait avec appréhension le prochain numéro du chineur dont l'entête ne pourrait qu'être "Oyez citoyen, Juliet Blackthorn rêve d'un plan à trois".

- Quant à la potion, j'ai pensé une petite fortune en ingrédient et perdu un temps fou à la confectionner. J'ai jamais prétendu être une spécialiste, mais si elle n'avait pu fonctionner qu'un tout petit peu ça aurait été déjà ça de prit non ?

Le ton est toujours particulièrement froid et ses prunelles azurées, encore que foncées par la colère, sont plantées dans celles du barman.

J'ai pas d'excuses Juliet. J'en cherche même pas... Que ce soit pour l'une ou pour l'autre de ces situations. Pour Elio, tu avais pourtant laissé trainer quelques oreilles par ci par là, surtout depuis ta rencontre avec @Cataleya Blackthorn, et certaines rumeurs voulaient que tu étais en bonne compagnie et qu'il t'avait provoqué. D'autres que tu avais frappé le premier. D'autres encore que tu te retenais. Il y avait plein de rumeurs, pour une seule et même fatalité, une seule et même issue : tu avais sûrement ce soir la marqué le Cooper. Et rien que pour ça, même si ta vie était plus compliquée depuis, tu remercais la blonde de t'avoir engueuler ce soir-là.

Quant à la potion...

Pour la potion, Juliet je... Je te rembourserai je te promet, mais... J'arrive pas a la boire. J'y arrive plus. Ça te paraîtra peut être dingue mais elle agit vraiment plus comme avant, si ce n'est de me faire souffrir moi. Plus qu'une épreuve, c'était une souffrance. L'impression était la même que de verser de huile bouillante dans son gosier et d'essayer de l'ingurgiter complétement.
T'as le droit d'être en colère, de me haïr même. Et si je pouvais, je remonterai le temps et je changerai tout ça... ou au moins la partie avec Elio,
Ça et tellement d'autres choses. Juliet, après... Après que tu l'ai perdu je... ton regard devenait fuyant pourtant c'est bien des larmes qui roulaient sur ton visage. Ta voix perdait de son timbre, craquelant légèrement.
Aujourd'hui encore, j'm'en veux pour ça.Tout ça... Et tout ce qui a suivi... Ta main attrape un autre verre, que tu vides d'un trait. Pourtant rien ne change, ni t'es souvenirs ni ta réalité.

Il n'avait pas d'excuse ? Ca tombait bien, parce que même si elle était de celles qui avaient la colère douce (oxymore) elle n'aurait pas supporté d'entendre quelques sottises pour justifier l'injustifiable. Toutes les excuses auraient été vaines, elle n'avait pas supporté voir le poing de Jolan s'abattre sur Elio, pas plus qu'elle n'avait pu accepter la vision du pied du Cooper s'écraser sur les côtes de l'Amérindien.

Son impatience orageuse (métaphore) se fait comprendre alors que sa langue claque, soulignant la bétise de Jolan. Comment la fille de Tibérius Blackthorn, magna des ingrédients pour potion, dont les gallions se gaussaient (personnification) dans sa bourse, pouvait avoir besoin qu'un lycan sans le sou la rembourse ?

- C'est inutile. Tu sais bien que ce n'est absolument pas la question.  

Sa voix s'élève, particulièrement sèche. Elle n'a même pas envie de discuter du fait qu'il n'ai même pas essayé la potion. Le Cheyenne pense mieux savoir que tout le monde sur la lycantropie au prexte qu'il est un lycan. Pourtant, avoir un enfant était il un pré-réquis pour devenir sage-femme ? Absolument pas...

En colère, elle l'était. Mais haïr c'était autre chose. Comment pouvait elle le haïr ? Elle n'imaginait pas cela possible bien qu'elle ignore que la cause est l'amour qu'elle lui porte sans pouvoir l'assumer ne serait-ce qu'une seconde.

- Tait toi.

L'évocation de l'enfant perdu, plus d'une année auparavent, lui arrache un frisson. Il ne se passait pas un jour où elle pensait à cet être qui n'avait pas vu le jour. Pourtant, elle ne pleurait plus là où une larme roule sur la roue du Cheyennes. Sa langue claque et inalement, elle aussi vide d'un trait la téquila qu'elle ne comptait pas toucher. Elle force sa voix à rester froide, à défaut celle-ci s'abandonnerait dans un sanglot. Et elle ne voulait plus pleurer.

- Il n'y a absolument aucun rapport entre ton impulsivité et cette tragédie. Et je ne veux plus jamais que tu l'évoques. Tu m'entends Jolan ? Plus jamais tu ne parle de cet enfant.

D'un geste, elle pousse de nouveau le verre vers le barman, dans l'espoir qu'il le remplisse sans le vider par la suite.

La haine, toi tu la ressens. Tu la sais monter, tu la sens latente, prête à surgir. Encore plus en ces périodes mensuelles compliquées pour toi. La Blackthorn a changé, ou change, c'est indéniable. Ils sont sots ceux qui l'ignorent, cherchant à se voiler la face. Et toi, tu restes le bouffon qui rit, qui s'amuse derrière son masque de maquillage.

J't'emmerde... dis-tu, en servant tout de même ce verre qu'elle n'est pas fichue de demander. Tu lui renvoyais sa haine, sans filtre car au fond elle n'en avait elle même pris aucun. Toi, Grâce, vous autres les sang purs. Tu le sais, je vous emmerde tous... Ton regard venait la défier, séchant d'un revers ces quelques larmes qui étaient apparues les secondes précédentes. J'en parle si je veux, c'était mon enfant aussi. J'ai accepté tous tes choix, j'étais là pour te soutenir. Alors tes désirs d'imperatrice, tu les gardes pour les autres. Merde Juliet ! J'ai entendu les ragots ! J'etais avec Clara ce soir là... Elio est venu me chercher, et je l'ai frappé c'est vrai. Tout se mélangeait ? Oui. Autant dans ma tête que dans mes paroles au fond, mais tout de mélangeait. Tu veux même que je te dise : ce soir la, je sais que je me suis retenu. A cause de toi probablement. Toi, ou peut être autre chose que je n'étais pas prêt d'affronter. Quelque chose et quelqu'un qui aujourd'hui me poursuivait sans relâche.

Juliet, réponds moi a la fin : je suis quoi pour toi?...

" J't'emmerde... " Il cherchait a attiser un feu qui n'existait pas, mais au moins avait il réussi à la surprendre. A la saisir même. Elle sursaute, sur son tabouret, oubliant cette robe trop courte et ses cils trop noirs, dardant sur lui le regard de l'incompréhension. Il lui sers un verre et continue une drôle de litanie qu'elle ne comprend pas. Elle fronce les sourcils, silencieuse, la gorge brûlée par la tequila.

Elle ne comprend pas de quoi il parle, ni à quoi il fait allusion. Le problème avec lui, comme avec Miguel, c'est que lorsqu'il y avait quelqu'un à accuser, son doigt se tendait vers les sang-purs comme si ceux-ci étaient la raison de tout les maux de cette planète. Certes, sa famille n'était guère un modèle de vertu mais, il ne pouvait rien leur reprocher à cet instant précis... "J'en parle si je veux, c'était mon enfant aussi."

- Tu n'en sais rien !

Sa main s'écrase sur l'acajou, ses larmes baignent désormais ses joues alors que les mots de Jolan la force à revivre un passé dont elle ne voulait plus entendre un mot. Elle non plus, elle n'en sait rien. Elle vire ces larmes dans un revers de manche. Sa main tremble pour repousser le verre qui se renverse.

Il mélange tout et en réponse elle fait de même. Cette discussion n'a aucun sens, ou alors deux. Chacun semble voir midi à sa porte et elle n'est même pas sûre de comprendre ce qu'il veut dire. Il s'est retenu ? De quoi ? Entre eux deux, alors qu'ils etrennaient ses draps ? Entre lui et Elio ? Pourquoi semblait elle être la réponse à un problème qu'elle ne comprennait pas.

" Juliet, réponds moi a la fin : je suis quoi pour toi?... " Il ne lui avait absolument jamais posé cette question. Et elle n'avait absolument pas envie de se la poser elle même. Le flou artistique qui s'était installé entre eux était encore ce qu'elle pouvait le mieux supporter. Elle se lève, pose une main sur son front, réfléchis une seconde avant de réouvrir les yeux.

- Je résume, Jolan. Je résume, d'accord ? Tu es désolée pour Elio, pour les potions. Tu reconnais à demi tes fautes, tu reconnais que j'ai perdu mon temps à défaut d'avoir essayé ma potion. Tu reconnais que t'aurais pas du répondre aux provocation d'Elio, ni le frapper. Et ensuite tu parles de n... mon bébé, en disant que tu t'en veux... Alors que ça n'a aucun rapport. Tu accuses ma famille, sans rapport aucun, toujours... Je te demande aussi patiemment que possible de ne pas me replonger cette douleur et pour cela je suis une sorte d'égoïste exigeante ? Je...

Son regard azuré, baigné de larmes, témoigne de sa perte de repères.

- Je comprends plus rien, Jolan.

Tout comme je ne comprend plus ce que je ressens à ton égard.

-  Qu'est ce que tu me reproches exactement ? D'être une Blackthorn ? D'être en colère contre toi ? D'avoir voulu t'aider ?  D'avoir perdu ce bébé ? D'avoir mal rien qu'à l'idée d'en parler ?  Parce que figure toi que quelque-soit la réponse je n'y peux rien.

Si, je le savais. Parce qu'au delà de la génétique, je l'aurais reconnu comme tel. J'aurais presque même été heureux d'apprendre qu'il n'avait pas mon sang dans ses veines, ni une malédiction héréditaire. J'aurais été heureux de les savoir simplement, lui et sa mère, en bonne santé. J'aurais été heureux qu'elle m'implique au fond.

Mais non, Juliet Blackthorn, elle, elle gère tout toute seule. Elle veut faire front toute seule. Elle n'a pas forcément le cran de faire face à ses parents, mais elle tente quand même de s'en émanciper. De sortir de ce carquois qui est le sien.

J'en sais rien Juliet. Ou peut-être ne voulais-je pas savoir. Bordel, j'en sais rien. Je... Franchement, j'aurais voulu que tu sois pas là ce jour-là, à l'hopital. J'aurais du donner un putain d'autre nom. Ou ne pas retransplaner pour tenir ma putain de promesse. Quant à Elio, j'aurais peut-être du me laisser aller. M'emporter et lui arracher sa putain de tête ! J'étais en rage, et c'est elle qui parlait. Ma rage, le loup qui ne demandait qu'à sortir. Celui-là même qui me promettait encore une exécrable nuit d'ici quelques soirs. J'envoyais l'essui que j'avais voler sur le comptoir, abdiquant de cette conversation qui ne menait nulle part, et qui me faisait mal au fond. Je la laissais là, la future Clio, pour me diriger ailleurs, dans une autre pièce du Styx, l'une des réserves.

Et mon poing valsa sur un mur. Une fois. Deux fois. Et d'autres encore. Et après le poing, la tête suivit. Je voulais avoir mal, je voulais saigner pour ne plus penser à ce souvenir qui était une fois encore entrain de s'imposer à mon esprit. Le sang de mes plaies finit par s'ajouter à des larmes, alors que je me laissais glisser contre ce mur, perdu. Désespéré.

" Juliet, réponds moi a la fin : je suis quoi pour toi?... " La question tourne dans sa tête, encore et encore. Elle ne veut pas y répondre. Elle ne peut pas y répondre. Elle ne saurait quoi dire. Cette question tourne dans sa tête au point de sentir la migraine la saisir. Elle serre les dents, parce que si elle se mettait à lui répondre, elle s'emmêlerait à coup sûr dans un imbroglio d'émotions. Le noeud qui s'était formé autour de l'image de l'Amérindien semblait impossible à surmonter...

Ne sachant comprendre et exprimer ses propres émotions, elle tente vainement de comprendre celles de Jolan. Elle a entendu les reproches dans sa voix et bien qu'elle soit profondément blessée, elle essaye de comprendre. Mais elle a beau essayer, verbaliser, elle n'y arrive pas. Elle refuse d'imaginer l'enfant aux cheveux brun et lisse, aux yeux clairs et au menton determiné qu'ils auraient pu avoir. Pourtant elle le voit, là, riant que les prunelles foncées de Jolan qui luttent pour garder leur contenance.

Ils ne se comprennent pas. Voila tout ce qu'il y avait donc à retenir de cet échange douloureux. Ils ne se comprennent tout simplement pas. Ils viennent de deux horizons, de deux mondes si différents. Comment pourrait il en être autrement ? Elle ne réagit pas, alors qu'il exprime clairement le fait qu'il aurait voulu ne jamais la revoir, la blessant de nouveau même si elle ne cille pas. Elle ne réagit pas non plus, alors qu'il menace de mort cet Elio qui a déjà tant souffert à cause d'elle. Ce n'était pas l'envie de lui imprimer sa main sur la pomette qui lui manquait pourtant... mais à quoi bon ?

Il s'en va et pendant une seconde, elle envisage de le suivre. Mais à quoi bon ? Si le bas de sa robe est court, ses manches sont assez longues pour annihiler la larme qui a finit par s'échapper. Elle renifle une fois, puis se resaisit. Se recompose un visage de circonstance alors que le péché d'orgeuil retrouve ses quartiers.