9 mars 2023 - Très tôt au petit matin

Elle sortait de vingt-quatre heures de garde. Et elle estimait qu'elle n'avait pas à se plaindre, vraiment. Des gardes comme ça, elle en voulait tout les jours. Que des bonnes nouvelles à annoncer, une naissance dans le hall de l'hôpital, elle avait même pu dormir une heure après avoir posé l'adorable bébé sur le ventre de sa mère. Une belle garde. Le genre de garde pour lequel on devenait urgentiste.

Elle baille, la Blackthorn, alors qu'elle pousse la porte de la petite maison qu'elle partage avec ses colocataires. Il est tôt, très tôt. Le soleil ne s'est pas encore levé. Alors elle marche sur la pointe des pieds. Dans le canapé, @James Blackthorn dort à poing fermés. Tendrement, elle remonte le plaid qui le couvre sous son menton avant de rejoindre sa chambre, la seule du rez-de-chaussée.

Elle n'a même pas le temps de se mettre en pyjama qu'une intense lumière illumine sa chambre. Elle soupire, reconnaissant le patronus d'une des infirmières. Le crocodile n'a pas le temps d'ouvrir la bouche pour délivrer son message que la jeune femme enfile de nouveau sa veste, disant adieu à son lit mais à contre coeur.

Arrivée dans le hall en transplanant, la jeune femme est affolée de voir le nombre de brancards flottant, transportant tous des personnes plus ou moins agées. Mais plutôt plus que moins... Ils sont tellement nombreux qu'elle a du mal à rejoindre sa collègue infirmière à quelques pas de là, qui semble faire la circulation.

- Bonjour Ines ! Qu'est ce qu'on a ?
- Epidémie de fièvre de l'oiseau tonnerre dans la maison de santé de Leachkin. Ils ont transféré tout les pensionnaires, tous... Test pour tous et protocole de réhydratation d'office pour les positifs.
- Ca n'aurait pas été plus simple de se déplacer là-bas pour faire des tests ?
- Apparemment la direction de l'hôpital et de la maison de retraite ne se sont pas bien compris... Et maintenant qu'ils sont là... C'est le Docteur Cooper qui vous a fait appeler. Les salles de traumatomagie ont été réassignées pour l'occasion.
- Merci !

Elle se presse à enfiler sa blouse et rejoint @Elio Cooper tout en attachant ses cheveux en chignon serré. Devant la salle de traumato une, son ex-amoureux semble excédé et discute avec un autre interne, plus jeune que Juliet.

- Salut, Ines m'a briefée. Tu veux que je m'occupe des test ou des réhydratation.

Elle marque une pause et se rendant compte de la tension palpable..

- Euh... tout va bien ?

Elio avait repris le boulot la veille, après avoir passé deux mois en cure de désintoxication. Il était de nouveau maître de lui même et non plus dépendant de l'alcool. Il avait eu un entretien avec le chef deux service des urgences, et il lui avait fait clairement dit qu'il ne pourrait pas le défendre une seconde fois vis a vis de ses supérieurs. Elio était déjà reconnaissant de ce qu'il avait fait pour lui. Grâce à ce congé exceptionnel, il avait pu se remettre sur pieds et il comptait bien éviter l'alcool maintenant. Il ne voulait pas replonger encore une fois.

Ce jour là, à peine une heure après son début de garde, que c'était déjà le branle-bas de combat.
Une épidémie de fièvre de l'oiseau tonnerre avait contaminé plusieurs personne de la maison de santé.
Le chef de service était présent et avait orchestré la préparation de leur arrivée.
Elio avait un petit groupe de cinq interne avec lui, dont deux de première année.
Il n'avait pas le temps de coacher aujourd'hui, alors il espérait qu'ils allaient assurer.

Sauf que ce ne fut pas le cas. Pedro, l'un de premières années galerait à faire une simple prise de sang. Et il n'avait que ça à faire : des prises de sang, comme tout le monde. A côté de ça, une interne vit sa grand mère arriver et elle se mit dans tous ses et états. Il lui manquait donc une personne car il lui permit de rester avec elle.
Il demanda donc à une infirmière de rappeler Juliet. Elle était compétente et même si elle venait de terminer sa garde, il avait besoin d'elle.

A peine vingt minutes plus tard, voilà la médicomage.
Elio était justement en train de demander à Pedro comment se faisait-il qu'il ne savait pas faire un acte aussi banal qu'une prise de sang.
Et oui, cela avait tendance à l'agacer, surtout lors d'une situation pareille.

-Dr Lorsco, ici présent ne sait pas faire une prise de sang correctement.
Dr Blackthorn, remontez votre manche s'il vous plaît.
Je ne vous le montre pas deux fois Dr Lorsco.

Il prit sa baguette et formula "Suctu Sanguis" en pointant vers une veine.
Une toute petite ouverture se forma et des gouttes de sang s'envolerent les unes après les autres pour ensuite se retrouver dans la fiole que tenais Elio de son autre main.

Lorsqu'il y eu assez de sang dans la fiole, il ajouta "Finite".

"Voilà. Dr Blackthorn merci d'être venue. Si vous vous sentez en capacité, pouvez-vous accompagner Dr Lorsco pour les test ?"

Elle avait prit l'habitude de re-travailler avec Elio. Après leur séparation, il avait été en arrêt un certain temps. Et puis il avait fallut retrouver un rythme. Une façon de communiquer. Une manière de se regarder. Oublier la romance pour se concentrer sur les fractures tibias-péronné. Ca n'avait pas été simple. Elle avait détesté. Et pourtant, quand Elio était parti plusieurs semaines en cure de desintoxication... il lui avait manqué. Parce qu'au delà d'être son ancien amoureux, c'était un résident très apprécié et donc un bon superviseur.

Bon, bien sûr, comme tout le monde... Il avait ses limites. En quatrième année de médicomagie c'était quand même improbable de ne pas maîtriser une simple prise de sang. Elle marque un sourire gêné à son co-interne tandis qu'elle remonte la manche de sa blouse blanche puis celle de sa robe de sorcière verte. Elle ne sent absolument pas la douleur de la plaie que crée le Cooper. La fiole se remplit rapidement de son sang et voila c'est terminé.

- Aucun problème.

Répond-elle alors qu'on lui demande de superviser l'interne de première année. Ce n'est normalement pas son rôle mais elle comprend bien qu'Elio a d'autres chats à fouetter à cet instant.


- Re-bienvenue à Sainte Marie, Docteur Cooper.

Ajoute-t-elle gentillement à l'attention d'Elio avant d'emmêner l'interne dans une des salles de traumatomagie où les attendaient leurs patients.

- Il était moins con quand il pouvait boire un verre pour se détendre...

Juliet fronce les sourcils. La rumeur du repos forcé du résident a été vite. Mais visiblement, ce petit con n'est pas au courant de celles qui ont pu courir sur l'amour qu'Elio et Juliet avaient pu partager. Sinon, ils sauraient qu'elle n'est pas la bonne personne pour parler ainsi du résident. Ou alors.. peut être pensait il que séparation rimait forcément avec haine de l'autre ?

- Excuse moi ?
- Non rien...

Ah, il s'est rendu compte tout seul de sa connerie. Très bien.

- Du coup on vas faire une prise de sang à chaque patient. Une fois ta fiole remplie tu la scelles correctement et tu graves le nom du patient dessus ainsi que sa date de naissance. Ensuite tu peux l'envoyer en anapathomagie. Tu vois les phoenix en papier ? Il suffit de lever le bras et de leur tendre la fiole et ils sauront quoi en faire.

Elle montre l'exemple en utilisant la fiole de son propre sang qu'Elio a prélevé. Elle grave son identité et lève le bras. Aussitôt, un phoenix en papier se précipite, attrape la fiole dans son bec crochu et s'envole vers d'autres cieux.

- C'est bon pour toi ? Ok, on y va. Essaye de ne pas amocher les veines de ses pauvres gens s'il te plait...

Elio espérait que Juliet n'ait pas mal pris sa distance professionnelle. Il ne pouvait, du fait de la hiérarchie, lui permettre le tutoiement au travail.
Mais Juliet ne semblait s'en offusquer et retrouver sa douceur lui fit du bien.
La prise de sang fut rapide et Elio espérait vraiment que Pedro avait intégré le geste. Fort heureusement, Juliet accepta de le seconder, bien que cela n'était pas son rôle normalement.
Il échangea un regard plus doux avec elle lorsqu'elle lui souhaita un bon retour à Ste Marie.

Il ne savait si elle était au courant pour sa cure. Même s'il ne lui avait pas expliqué son absence, elle avait dû certainement s'en douter vu qu'il l'avait mentionné la dernière fois qu'ils s'étaient vu. Cette fameuse fois où elle était venue chez lui et où leur relation avait pris fin définitivement. Faire cette cure, malgré les moments difficiles, cela lui avait fait du bien de faire un break, histoire de se remettre les idées au clair.

Les heures passèrent très vites avec toutes les entrées. Après trois heures, il prit le temps d'observer Dr Lorsco. Non mais il était passé où celui là ? Il vit Juliet, seule, en train de faire une prise de sang sur un vieux monsieur.

"Bonjour Monsieur." Dit-il en s'approchant du patient. Puis il se tourna vers Juliet.

"Dr Blackthorn, je peux savoir où est Dr Lorsco ?"

Son temps de garde n'était pourtant pas terminé.

Elle était au courant. Par le biais de Cataleya qui elle même l’avait su de Wyatt. Elle avait été mise au courant et elle avait été profondément soulagée d’apprendre que le Cooper avait prit cette décision. Elle se revoyait encore, a cet anniversaire, alors qu’il avait bu une coupe de champagne a un rythme plus que raisonnable sous les yeux sidéré de celle qui était encore alors sa petite amie. Elle avait essayé de lui faire part de son inquiétude. Elle avait lamentablement échoué. Elle s’en était voulu. Et puis elle avait eu un autre sujet de culpabilité bien plus prenant…

La matiné passa à une vitesse folle, ce qui était plutôt surprenant compte tenu du fait qu’elle avait fait le même soin, inlassablement. Mais elle avait aussi beaucoup discuté avec les patients à qui elle avait pu prélever une petite fiole de sang. Elle avait rit, elle s’était attendrit, elle avait rassuré…

"Dr Blackthorn, je peux savoir où est Dr Lorsco ?" Juliet sursauta. Heureusement, le prelevement était terminé sur le vieux monsieur qui était son patient à cet instant. Elle n’avait pas entendu Elio dans le brouhaha de la salle des urgences medicomagiques.

- Très honnêtement, je n’en sais rien. Il a tourné de l’oeil après une prise de sang un peu trop… quantitative sur un patient hémophile. Je lui ai proposé d’aller prendre un café bien serré, et de m’en ramener un au passage, mais il a du se prendre en route.

La cafétéria de Sainte Marie était pourtant au même étage que les urgences, une aile plus loin. Elle passe une main sur son front pour ramener en arrière une mèche de cheveux rebelle.

- Monsieur Anderson était notre dernier patient à prélever. Est ce que vous avez déjà reçu des résultats ?

Demande-t-elle en gravant l'identité du patient sur la fiole qu'elle tient à la main.

Voilà qui était fâcheux : un futur médicomage tournant de l'oeil pour une prise de sang. Elio se passe de tous commentaires face à un patient mais il fallait qu'il ait une discussion avec Dr Lorsco.
D'autant plus, qu'aux urgences, les medicomages étaient forcément amenés à se retrouver face à des hémoragies. Il allait mettre tout cela au clair mais pour le moment, il avait autre chose à faire.

"Très bien. Si vous le voyez revenir, dites lui de venir me voir."

Elio était plutôt du genre pédagogue avec les internes. Il n'aimait pas abuser de l'autorité. Mais parfois elle était nécessaire. Évidemment, il lui laisserait une chance de s'expliquer, mais il allait aussi lui remettre un peu les points sur les i.

"Les premiers résultats commencent à arriver en effet."

Il se tourne vers le patient.

"Monsieur Anderson, je suis désolé mais vous allez devoir patienter encore un peu avant d'avoir le votre."

"Oh ne vous en faites pas pour moi. Je suis en bonne compagnie !"

Le vieil homme qui avait le regard rieur fit un clin d'oeil. Il paraissait bien sympathique.
Elio fit un sourire à Juliet. Il comprenait le patient. Oui, il savait qu'il était en bonne compagnie.

"Merci pour votre aide Dr Blackthorn. Si vous voulez rentrer chez vous maintenant, vous le pouvez."

Le rush était passé. Maintenant, il fallait faire patienter les patients pour leurs résultats et le personnel était assez nombreux.
Il sourit de nouveau à Juliet, se sentant plus détendu maintenant que tout avait été géré sans incident.

Il les quitta, et se dirigea vers le labo histoire de voir si de nouveaux résultats étaient disponibles.
Une fois arrivé devant la porte, des parchemins attendaient avant leur envoie par ensorcellement.
Il prit une pile et les classa. Il fut étonné de voir le nom de Juliet sur l'un d'entre eux et se rappela de la prise de sang "école".
Il ne put s'empêcher de regarder le résultat du bilan sanguin, même s'il savait qu'elle n'était pas porteuse de la maladie.
Cependant quelque chose l'intrigua, voir l'alerta.
Il se leva d'un bond et fit le nécessaire pour que les parchemins prennent leur envol.
Il prit ensuite rapidement la direction vers les urgences. Pourvu qu'elle soit encore présente.
Il la cherche du regard et la vit prenant la direction vers l'espace professionnel contenant les vestiaires et la salle de pause.
Espérant ne pas être abordé, il se précipita pour la rattraper.

"Dr Blackthorn !"
Il l'appela une fois qu'il fut dans le couloir hors des urgences.
Il la rejoignit.

"Juliet, j'ai quelque chose à te montrer."

Il entra dans la salle de pause et salua les collègues qu'il n'avait pas encore vu aujourd'hui.
Il s'éloigna et s'installa à une table près d'une fenêtre donnant sur une petite cour privée pour le personnel.

« Très bien. Si vous le voyez revenir, dites lui de venir me voir. » L’interne hoche la tête sans rien ajouter. Pas besoin d’être legilimens pour savoir ce que pense le Cooper à cet instant. D’ailleurs le regard qu’ils échangent est presque lisible même pour ce cher Monsieur Anderson qui est un patient exemplaire.

« Les premiers résultats commencent à arriver en effet. » Tant mieux. Au moins les gens seraient vites fixé et on allait pouvoir renvoyer quelques patients à la maison de repos et désaturer un peu le service. Si l’épidémie n’était pas trop avancée, peut être même qu’elle pourrait rentrer dormir un peu avant ses cours de l’après midi… « Merci pour votre aide Dr Blackthorn. Si vous voulez rentrer chez vous maintenant, vous le pouvez.»

- Ce n’est pas de refus.

Elle ne précise pas qu’elle n’a pas dormi depuis plus de vingt-quatre heure histoire de ne pas affoler le patient qui pourrait se scandaliser de la façon dont sont traités les pauvres internes à Sainte Marie … Elle prend le temps de finir sa discussion avec son patient avant de retrouver les vestiaires des internes, abandonnant l’idée même de se doucher. Elle devait dormir d’abord.


« Dr Blackthorn ! ». Elle sursaute presque en passant la porte, quittant le vestiaire. Elle a dénoué ses cheveux et remplacé sa blouse par sa robe de sorcière personnelle. Elle lui fit rapidement le regard qui disait « please Elio, I really need some rest » mais elle comprit vit que le résident ne la rattrapait pas pour qu’elle fasse (encore) des heures supplémentaire. « Juliet, j'ai quelque chose à te montrer. » Disciplinée, la douce Blackthorn suit Elio dans la salle de pause. Elle reconnait sans mal le parchemin qu’il a dans les mains sans se rendre compte qu’il s’agit de ses propres analyses.

- Un problème avec les résultats ? Ce n’est pas une épidémie de fièvre oiseau-tonnerre ?

Elle s’installe face à lui et lui tend la main pour qu’il puisse lui communiquer les informations qui semblent le contrarier plus que de raison. Si ce n’était la fièvre, qu’est ce que ça pouvait être de si grave ?

Juliet ne se doutait pas qu'il pouvait s'agir du résultat de sa prise de sang. Comment le pouvait-elle ? Elle paraissait en pleine forme (bien que fatiguée par ses heures de garde cumulées).

"Ce ne sont pas les résultats d'un patient mais les tiens."

Oui, son sang fut analysé comme les autres, et heureusement d'ailleurs. Cela dit, il était possible qu'elle soit déjà au courant.
Elio lui tendit le parchemin.

"Regarde ici", dit-il en pointant du doigt sur une ligne.

"Je ne vois pas pourquoi cet élément est dans ton sang. Pourtant tous les autres indicateurs sont bons."

Elle était donc en bonne santé.
Il lui laissa un peu de temps pour bien lire les résultats.

"Je ne crois pas que tu aies eu une Ossimolis étant petite."

Cette maladie très rare que les sorciers et sorcières pouvaient attraper entre neuf mois et vingt quatre mois, s'attaquaient aux os et les rendait mous. Le traitement était lourd et l'Armoise faisait partie des potions soignantes. Certaines traces pouvaient rester dans le sang bien des années plus tard.

« Ce ne sont pas les résultats d'un patient mais les tiens. » La main tendue pour récupérer le parchemin semble se rétracter de quelques millimètres alors que Juliet réalise. Elle fronce aussitôt les sourcils, rapidement consciente que si Elio l’a convoquée ainsi ce n’est pas pour le plaisir… quelque-chose cloche forcément avec ses résultats et ses iris bleues sont à l’affut de la moindre anomalie alors qu’elle parcourt le document des yeux.

Le doigt de son ancien amoureux souligne au moment où la douce Blackthorn trouve l’origine du problème. Enfin… problème… était-ce vraiment un problème ? Son taux d’armoise dans le sang explosait les plafonds. Les sourcils se froncent un peu plus..

« Je ne crois pas que tu aies eu une Ossimolis étant petite. » Silencieuse, l’interne secoue la tête pour confirmer les propos d’Elio. Ca pourrait effectivement être une explication… L’armoise se dissipait facilement dans le corps sauf si elle avait été injectée ou ingérée en quantité particulièrement intense…

- Je ne comprends pas…

Elle ne consommait pas d’Armoise en tisane. Et même si c’était le cas, ça n’expliquerait pas le taux hallucinant qu’elle avait dans le sang.

- Je… On est d’accord que c’est étrange mais pas grave ?

Juliet avait cette petite ride au milieu de son front qui indiquait son inquiétude. Elle pouvait aussi l'avoir lorsqu'elle était contrariée.
Tandis qu'elle détaillait attentivement les résultats, il observait son visage. Malgré ses traits tirés par la fatigue, il était toujours aussi gracieux.
Elle lui confirma en effet qu'elle n'avait pas eu l'Ossimolis. C'est bien ce qu'il lui semblait. Il n'avait pas loupé un épisode.

La jeune femme était confuse et avec cette réaction, Elio pouvait constater qu'elle n'était pas au courant.

"Hé bien non ce n'est pas grave en soit puisque tu es en bonne santé. C'est écris noir sur blanc."

Il lui sourit. Bien qu'il avait pu paraître alarmiste aux yeux de la Blackthorn, il essaya de se faire rassurant.

"Mais cela n'est pas moins inquiétant. Comment se fait-il que tu ais une telle dose dans ton sang ? As tu eu des soins récemment qui l'expliquerait ?"

Il se rendit compte que cela ne le regardait aucunement en réalité. Il n'avait pas à s'immiscer dans la vie de son ex.

"Désolé Juliet, tu n'as pas à répondre à cette question."

Légèrement embarrassé, il s'adossa contre sa chaise. Il lui semblait avoir fait le bon choix en lui donnant ce qui la concernait. Pour la suite, il se devait de prendre ses distances.

Ce n’était pas grave. Elle le savait, bien qu’elle eut demandé la confirmation au résident installé face à elle. Pourtant, les mots d’Elio n’arrivent pas à apaiser la contrariété qui doucement se mue en angoisse sourde et palpitante. Son visage se déride mais les ombres qui dansent dans son regard témoignent de son stress… Il a raison, les autres lignes témoignent d’un état de santé exemplaire.

Elle essaye de faire taire son angoisse en puisant dans ses capacités de scientifique. Faire taire l’instinct en faisant appel à ses connaissances. Mais rien, absolument rien ne venait qui pourrait expliquer ce taux aberrant. Elio aussi essayait de trouver une explication rationnelle et raisonnable à ce résultat d’examen… Il l’interroge mais se reprend presque aussitôt.

- Non, non, ça va… je t’en prie…

Il n’était pas son médicomage. Pire, il était son ex petit copain. Alors il avait sûrement raison de réagir de la sorte. Mais la vérité, c’est qu’elle avait désespérément besoin de son implication à cet instant parce qu’elle se sentait flancher.

- Vraiment, je ne comprends pas…

Aussitôt, l’image de @James Blackthorn apparait dans son esprit. Si elle avait des questions sur une espèce botanique, c’était vers lui qu’elle se tournerait spécifiquement. C’est plus fort qu’elle, elle sort son téléphone de sa poche. Le réseau est vraiment lamentable en raison de la présence intense de magie au sein de l’établissement hospitalier mais elle peut échanger quelques messages avec son aîné. Il est rapidement convenu de se retrouver chez elle dès que possible.

- Je… voudrais en parler avec mon frère. Tu veux bien m’y emmener ?

Sa petite maison n’est qu’à quelques kilomètres de là mais Elio n’ignore pas ses difficultés au transplanage depuis qu’elle est tombée enceinte.

- S’il te plait.

a collègue, et surtout ex petite amie, accepta ses interrogations. Même s’ils n’étaient plus ensemble, Elio était toujours attachée à Juliet, bien qu’il avait accepté leur sort. Il partageait donc son inquiétude.
Il la vit prendre son téléphone, et patienta. Puis elle émit sa demande. Il en fut surpris. De quel frère parlait-elle ? Kaiden ? Et où vivait ce frère ? Il espérait au moins qu’elle ne lui demandait pas de l’amener au manoir familial…
Il connaissait ses soucis de transplanage, et il hésita un moment.

« Hé bien, je... »

Il jeta un coup d’œil à l’horloge murale située derrière Juliet.
Il était encore de garde, mais ce n’était pas le seul médicomage présent aujourd’hui aux urgences.
Il échangea un regard avec elle, et il vit que c’était important pour elle.

« Attends moi là, je reviens. »

Il se leva et quitta la salle de repos pour retrouver une collègue avec laquelle il s’entendait bien. Il négocia avec elle, quelques heures. En échange, il était prêt à en prendre le double en fonction du temps où il serait absent. La négociation ne mit pas longtemps et Elio passa au vestiaire retirer sa blouse avant de rejoindre Juliet.

« C’est ok pour moi. »

Ils prirent ensemble le chemin vers la sortie de l’hôpital.

« Dis moi, qui va-t-on voir ? Comment penses tu que ton frère pourra t’aider ? »

Il avait accepté parce qu’il était inquiet et curieux à la fois. Et puis, tout simplement parce qu’il s’agissait de Juliet. Il pleuvait dru à l'extérieur, alors il s'arrêta devant la porte de sortie afin d'avoir les réponses à ses questions.

Durant un instant, elle craint qu’Elio ne lui refuse son aide. Son regard azuré s’accroche désespérément à lui. Elle pourrait bien sûr transplaner elle même ou tout simplement rejoindre sa demeure à pied. Mais ressentait au plus profond d’elle ce besoin qu’il soit là. Qu’il soit présent. Qu’il soit à ses côtés. Lui, plus que quiconque à cet instant.

Elle l’observe se lever, lui demandant d’attendre. Alors elle attend. Les minutes qui la sépare de son retour lui semble interminables et elle triture le parchemin qui contient ces drôles de résultats sanguins. Le voyant revenir sans sa blouse, elle se sent un peu plus légère malgré le stress qui la ronge. Le message est clair. Il l’accompagnera.

- Merci…

C’est extrêmement sincère. Elle se lève et elle se retient de se réfugier dans une étreinte rassurante comme elle avait connu dans ses bras. Ensemble, ils se dirigèrent vers la sortie de Sainte Marie et Juliet ne se fait pas prier pour répondre à ses questions.

- James. Il est potionniste et j’espère qu’il pourra nous en dire plus sur ça… L’armoise est un ingrédient assez rare en potions.

Elle ne fait pas attention à la pluie qui s’abat sur l’Ecosse. Ils rejoignent finalement la cour où ils peuvent transplaner et ils sont trempés en arrivant dans le salon de la douce Blackthorn. A peine le pied est-il posé au sol qu'elle sent la main d'Elio l'attirer au sol et ils se retrouvent tout les deux au sol... James est déjà là.

- Salut James. Merci d’être venu.

Elle ne perd pas de temps pour présenter les garçons l’un à l’autre, ne sachant pas très bien s’ils se connaissent ou pas.

- Elio, j’te présente mon frère. James, j’te présente Elio.

Pas la peine de préciser qu’il était son ancien petit copain, le Blackthorn n’était pas sans savoir le drame qui les avait séparés il y a un an de cela.

Ca fait un moment que tu squattes chez Juliet, et si t'as pris tes habitudes - sans doute parce que tu restes particulièrement routinier et qu'il fallait au moins ça pour que tu retrouves un semblant de tranquillité - t'essaies malgré tes plantes envahissant un peu le salon de ne pas trop empiéter sur la vie privée des locataires officiels. Alors tant que tu peux rester dehors, clairement, tu le fais. T'arpentes plus que jamais les murs de l'université - sous couvert de rattrapage à faire - la bibliothèque est (re)devenue ta meilleure amie, et tu retournes à la Moufette Enchantée goûter thé et douceur du moment pour retarder le moment d'imposer ta présence à ta cadette et ses coloc, quand bien même elle t'accueille toujours à bras ouverts.

T'avais donc pas prévu de rentrer si tôt quand tu reçois les quelques sms de Juliet, et l'urgence de la situation t'étreint quand bien même son discours semble se vouloir rassurant. Un instant plus tard, t'es dans le salon, et si tu prends le temps de te laver - un peu trop frénétiquement peut-être - les mains avant son arrivée, t'as cet air neutre sur le visage que t'arbores toujours quand ils apparaissent. Ils, parce qu'elle est accompagnée, et tu ne tardes pas à reconnaître le visage concerné, avant même qu'elle ne fasse les présentations.

- Salut James. Merci d’être venu. Elio, j’te présente mon frère. James, j’te présente Elio.

Parce qu'évidemment, une fois que tu as su ce qu'il s'était passé, il a fallu que tu mettes un nom sur le visage en question, quand bien même vous ne vous êtes jamais vraiment parlé. Tu hoches la tête, tends une main amicale pour saluer celui que tu sais être en médicomagie tout comme ta cadette.

- Enchanté. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Pour qu'elle te contacte ainsi aussi soudainement alors que tu vis encore ici, c'est à l'évidence qu'il y a une urgence, alors autant rentrer dans le vif du sujet...

James...Si sa mémoire était bonne, n’était-ce pas celui qui était parti en Egypte ? Il serait donc revenu. Elio était nerveux à l’idée de rencontrer un autre membre de la famille Blackthorn, mais il passa tout de même la porte de l’hôpital avec Juliet. Il lui donna le bras, et ils transplanèrent ensemble sous la pluie.
L’arrivée fut inattendue. Il ne sait pas vraiment pourquoi mais il fut déséquilibré en posant les pieds au sol. Peut-être n’avait-il plus l’habitude de transplaner à deux ? Toujours est-il qu’il n’arriva pas à trouver rapidement son équilibre et il tomba les fesses par terre, emportant avec lui Juliet. Les voilà tous deux trempés, les postérieurs dans une flaque.
Il bredouilla des excuses, confus, et demanda à la Blackthorn si tout allait bien. Elle le rassura et ne perdit pas de temps à rejoindre son salon.

Là, les attendait un homme plutôt grand, mince, les cheveux pâles, tout comme sa peau. Elio se demanda si cet homme était bel et bien allé en Egypte…

« Bonjour, » dit-il simplement une fois les présentations faites.

Il remarqua les plantes qui ornaient le salon. Ce n’était clairement pas à Juliet, ni même à ses colocataires, vu qu’il n’en avait jamais vu autant ici. James vivait-il ici ? Il balaya la pièce du regard pour vérifier s’il y avait la moindre trace de la présence de Jolan. Il n’avait pas vraiment envie de le croiser.
Il laissa le soin à Juliet de répondre à son aîné. Elle lui avait demandé de l’aide pour transplaner jusqu’ici. Il ne savait pas vraiment s’il devait rester ou non.

Les présentations sont synthétiques. La présentation de deux être qui avaient une place particulièrement importante dans le coeur de la douce Blackthorn. De deux personnes qui auraient dû se connaitre dans un monde où ses parents ne seraient pas des monstres et où elle n’aurait pas du cacher l’amour qu’elle éprouvait pour le Cooper. Elle les observe, en silence, se serrer la main.

Aussitôt la question de son aîné fuse. Il ne cache pas sa curiosité et la douce Juliet se tourne un instant vers Elio comme s’il pouvait l’aider à trouver les mots. Pourtant il n’y avait rien de compliqué à expliquer, n’est ce pas ? Et ce n’était pas a Elio de le faire.

Elle glisse la main dans sa cape pour en retirer le morceau de parchemin qu’elle avait soigneusement roulé et qui contient les résultats de son examen sanguin fait au hasard. Elle le déroule doucement et commence ses explications.

- On a retrouvé une substance surprenante dans mon sang.

Elle le tend à son frère pour qu’il puisse constater de lui même.

- De l’Armoise. En grande quantité. Enorme quantité même. Sans que je puisse expliquer… Je n’en consomme jamais.

Elle fronce de nouveau les sourcils en posant la question qui la turlupine depuis plusieurs dizaines de minute désormais.

- Est-ce que ça te parle, cet ingrédient ?

Tu n'as pas vu la chute, mais tu en as entendu les heurts. Ils n'en font pas mention, cependant, et tu gardes le silence. Juliet n'a pas l'air en forme, mais tu décèles que ses traits tirés sont plus liés à l'inquiétude qui l'a poussée à te sommer aujourd'hui qu'à une douleur - rien dans ses gestes n'atteste d'une blessure physique. T'as jamais été très démonstratif, et ça se ressent probablement à cet instant, pourtant le fait que tu serres cordialement la main au sang-mêlé atteste probablement de ton évolution. Cet homme, il est important pour ta cadette, tu le sais, quoi que tu ne t'immisces pas dans sa vie privée. Et elle lui fait confiance, à l'évidence, pour qu'il l'ait amenée jusqu'ici. Alors le moins que tu puisses faire, c'est de lui témoigner le même respect.

Cependant, vous êtes là pour une raison précise, et si l'inquiétude tempête en toi, tu restes aussi stoïque que d'ordinaire. En apparence tout du moins. Juliet extirpe un parchemin de sous sa cape et te le tends.

- On a retrouvé une substance surprenante dans mon sang. De l’Armoise. En grande quantité. Enorme quantité même. Sans que je puisse expliquer… Je n’en consomme jamais.

Les sourcils se trouvent froncés de part et d'autre. Comment peut-elle avoir autant d'armoise dans le sang si elle n'en consomme pas ? Tu sens un frisson parcourir ton échine, comme en réponse à un danger imminent. Et cette sensation ne s'efface clairement pas quand tes yeux parcourent le parchemin.

- Est-ce que ça te parle, cet ingrédient ?

Tu hoches la tête, te retournant pour t'accroupir vers tes plantes, extirpant un pot spécifique de l'ensemble pour le porter à hauteur des deux autres personnes présentes.

- L'armoise a un certain nombre de propriétés, oui. On l'utilise contre les insectes, on en brûle les feuilles pour les repousser, ou on prépare des onguents apaisants pour les piqûres. En infusion, elle calme les douleurs gastriques, et a quelques propriétés apaisantes, bien qu'on lui préfère généralement d'autres plantes plus relaxantes. Mais aucune de ces applications n'explique la quantité énorme que tu as dans le sang. Il doit s'agir d'une potion.

Tu reposes la plante sur la table basse, et fouille dans une de tes malles pour en sortir un lourd grimoire. Un doute affreux t'assaille, que tu cherches désespérément à réfuter. C'est d'une voix plus morne que tu reprends cependant la parole, le regard fixé sur les pages de ton ouvrage. Et tu poursuis ton monologue, tout en feuilletant le lourd volume entre tes mains.

- L'armoise, c'est une des plantes qu'on dédie à Artemis. On l'associe généralement à la femme, elle est utilisée dans plusieurs potions liées au cycle féminin.

Tu reviens enfin près d'eux, mais sembles incapable de t'asseoir toi-même. Tu leur tends cependant ton grimoire, ouvert à la page d'une potion spécifique.

- La différence entre le médicament et le poison réside dans le dosage... cites-tu d'une voix neutre. On trouve l'armoise à petites doses dans des potions visant à calmer les douleurs périodiques. Mais on la trouve aussi en quantité drastiquement plus importantes là-dedans. Sauf que je vois pas du tout en quoi ça peut te concerner...

La page ouverte porte l'intitulé de la potion décrite au-dessous, en grandes lettres calligraphiées.
Potion d'interruption de grossesse.

Avec un regard, il sut qu’il avait sa place aux côtés de Juliet. Elle était inquiète et avait besoin de sa présence en cet instant. Alors il ne la déstabilisa pas davantage en lui posant la question concernant sa présence. Il lui laissa cependant la parole pour expliquer à son frère son inquiétude. Ce n’était pas à lui de le faire.
Ce dernier avait d’ailleurs l’air de rester stoïque face à sa sœur. Pas de tracas sur son visage ( à part peut-être les sourcils qui se froncèrent lors de sa lecture du parchemin), pas d’agitation dans ses gestes, pas de trouble dans la voix. Elio était toujours admiratif face à une personne sachant garder son sang-froid. Lui-même en faisait preuve dans son métier. Mais avec James, il y avait quelque chose de dérangeant.
Heureusement, il répondit tout de même à la question de Juliet.

Il leur présenta la plante en question avec ses propriétés. Ainsi, toutes les plantes disposées dans le salon lui appartenaient. Il comprit mieux pourquoi elle avait fait appel à son frère. Il avait des compétences en botanique, mais aussi, semblait-il, en potions.
Elio pensa à Ambrosius et il se demanda si ces deux-là se connaissaient.
Le médicomage se rapprocha du Blackthorn pour lire la potion en question. Le titre lui fit froid dans le dos. Il ne mit que quelques secondes à faire le lien.

« Par Merlin… »

Les anciens amants échangèrent un regard où se mêlaient l’incompréhension et l’effroi.
La seule fois où Juliet fut enceinte, elle fit une fausse couche. Se pourrait-il que cela ait été « programmé » ? Cette fausse couche n’avait donc rien de « naturelle » ?
Juliet était capable de vaciller avec une telle nouvelle, alors il lui prit la main, se tenant prêt pour être son support si elle en avait besoin.

Pas de sentiment de l’imposteur chez James Blackthorn. Ses compétences en potions et en botanique ne sont plus à prouver aux yeux de sa cadette qui l’admire pour cela. Mille fois, elle avait eu besoin de lui mais jamais de cette manière. Jamais pour une question aussi personnelle. Entre un conseil pour un examen de potion et une énigme sur les substances qu’on retrouvait étrangement dans son sang… il y avait un univers.

Un oeil à peine jeté sur le parchemin, un sourcil qui s’arque délicatement face au mystère qu’il représente. Et le voila qui s’active dans le salon qu’il a élu comme quartier général le temps dont il en avait besoin. Un plant d’armoise est extirpé des autres et Juliet regarde circonspecte cette plante qu’elle a toujours considéré comme inoffensive. Elle l’écoute attentivement et hoche doucement la tête. Son raisonnement se tient mais Juliet n’est pas une grande consommatrice de potion et déjà elle fait l’inventaire de celles qu’elle aurait pu ingérer récemment. Il n’y a pas d’armoise dans la pimentine.

Et ensuite, tout va très vite. Trop vite. Elle fronce les sourcils alors qu’il mentionne le poison. Mais quand son regard azuré se pose sur le titre que désigne James dans le grimoire, il lui faut le relire à plusieurs reprises pour bien le comprendre.

Son coeur semble s’arrêter. Son visage se défait de ses couleurs chatoyantes. Immobile, interdite, elle fixe le grimoire sans plus rien lire. Sans plus rien voir. Elle n’entend pas le juron d’Elio mais elle sent son regard sur elle avec une intensité lancinante. L’ensemble de son corps est si tendu qu’elle a l’impression que le moindre mouvement la briserait.

Il s’écoule une éternité avant que Juliet n’esquisse le moindre mouvement. Réalisant l’irréalisable, son regard se tourne et se lève vers Elio. Ses yeux s’accrochent désespérément à Elio, prête à sombrer définitivement.

Et le sentant, la main d’Elio vient prend la sienne. Sous la table, les doigts de la Blackthorn viennent écraser ceux d’Elio avec l’énergie du désespoir. Au bord d’une falaise, il n’y a plus que cette main entre elle et l’infini du vide.

- Je…

Les mots inscrits dans le grimoire étaient banals, voir même ils pouvaient être signe de soulagement pour certains qui faisaient ce choix. Mais pour les deux médicomages ces mots reflétaient l'horreur. Elio observa Juliet dès qu'il comprit. Il la vit blêmir. L'atrocité lui avait sauté au visage. Son regard se raccrocha à celui du Cooper, tout comme sa main qui serra celle d'Elio.
Il connaît suffisamment Juliet pour savoir qu'avec une telle nouvelle, elle peut s'écrouler. La fatigue et le manque de sommeil cumulés n'aidaient pas à intégrer au mieux cette découverte. Elle risquait de s'évanouir.

"Ok Juliet, tu vas changer de position sur le canapé."

Il avait une voix douce, mais ferme. Il ne lui laissait pas le choix. Autant éviter un malaise.
Il l'accompagna dans ses gestes et plaça les jambes sur le dossier du canapé, le dos allongé perpendiculairement à celui-ci sur le divan. Tout cela permettait de ramener du sang vers le cerveau, mais il n'avait pas besoin de l'expliquer à Juliet.

"Il lui faut quelque chose de sucré s'il te plaît," demanda-t-il à James.

Il ne savait si elle avait mangé correctement pendant sa garde. Beaucoup de médicomage avaient tendance à mal se nourrir pendant leur service, voir à ne pas manger du tout.
Elio resta à côté d'elle, assis sur le canapé, une main posé sur son ventre.
Il avait envie de hurler. Plus il réfléchissait à cette potion, plus la révolte criait en lui. Comment pouvait-on prévoir ça ? Mais il se devait de garder son calme, pour elle.

Ton attention est centrée sur tes plantes, ton grimoire, les applications de l’armoise. Tu t’interroges sur ce dosage hors norme, ne réalisant pas immédiatement l’horreur qui se dépeint sur les traits de tes deux interlocuteurs. Ce sont ces deux petits mots échappés de la bouche du médicomage qui attirent ton attention hors de ton ouvrage et tu y lis l’effroi. Autant que dans le regard de ta cadette qui cherche celui de son ancien amant, ses doigts se nouant aux siens.

Alors ton esprit analyse les faits, les réactions, et ton visage d’ores et déjà particulièrement neutre se ferme plus encore. Ta soeur est sur le point de vaciller, et toi, tu réalises l’ampleur de ce que tu ignorais. Les réactions des deux autres imposent l’évidence : Juliet avait été enceinte, et sa grossesse n’a pas abouti. Ce qui avait été considéré comme une fausse couche jusque-là n’en était pas une, mais bel et bien une interruption forcée. Et ni la Blackthorn, ni son ancien amant n’en étaient à l’origine.

Elio prend les devants, usant de ses réflexes de soignant pour éviter un malaise chez celle qui partage ton sang et toi, tu restes immobile, le regard plus glacé que jamais. Qui ? Qui a osé faire une chose pareille à votre rayon de soleil ?

« Il lui faut quelque chose de sucré s’il te plaît ».

Tu hoches sobrement la tête, et c’est mécaniquement que gagnes la cuisine, pour t’emparer de quelques morceaux de sucre déposés dans une coupelle et apportés sur la table basse. Tout aussi calmement en apparence, tu ouvres une de tes malles et en extirpes une potion revigorante que tu leur déposes également. Et avec une lenteur infinie, tu t’accroupis près du canapé.

- Qui que ce soit qui ait osé faire une chose pareille, je te jure qu’il le paiera Sunshine.

Les noms de vos parents paraissent dans ton esprit. Tu n’as guère de preuve, mais rien ne t’étonnerait plus de leur part. Ta mâchoire crispée, le ton de ta voix plus glacial que jamais et cet éclat sombre dans tes prunelles gelées… On ne t’a sans doute jamais vu avec autant de haine et de rancoeur. Mais s’il est bien une chose que votre famille dysfonctionnelle vous a appris, c’est qu’on ne touche pas à un membre de votre meute. Quand bien même la tienne se réduit chaque jour davantage, comme peau de chagrin. Et quel que soit le temps que ça prendra, tu sais que tu n’abandonneras pas avant d’avoir pu venger le traumatisme de ta cadette.

La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Ca tombe bien, la glace a toujours été ton élément attitré, Ice.

Si longtemps… Elle avait cherché si longtemps à comprendre. Comment ? Pourquoi ? Elle avait écumé les livres de médicomagie. Ceux de l’hopital. Ceux de la bibliothèque. Ceux de la librairie. Elle avait cherché une réponse pour expliquer l’hémorragie qui lui avait couté la vie de l’enfant qui grandissait en son sein. Elle voulait comprendre ce qui n’allait pas chez elle…

Elle était là, la réponse. Là. Juste sous ces yeux. Partagés entre ce parchemin de résultats sanguins et ce vieux grimoire de botanique poussiéreux. Deux pièces d’un même puzzle. Un puzzle, une fois assemblé, qui la rappelait à l’horreur de son existence.

D’un geste tendre, Elio l’allonge sur le canapé et la douce Blackthorn se laisse volontiers manipuler par ces mains qui l’avaient si souvent soutenues et qui la soutenaient encore alors qu’il avait toutes les raisons de fuir les méandres de cette vie dont il ne voulait pas.

Elle n’a pas faim. Pourtant, elle prend le sucre qui lui est tendu. Elle le glisse sous sa langue mais l’amertume qui a envahit son corps ne s’efface pas pour autant. La nausée s’empart d’elle avec une force malgré la main d’Elio, posée sur son ventre comme protégeant symboliquement ce qui n’existait plus. Mais c’est finalement le regard de James vengeur, qui achève de la faire basculer.

- James…

Elle n’avait pas de problème. Pas intrinsèquement. Si ce n’est d’avoir des parents qui ne pouvaient envisager que leur cadette puisse vivre une vie qui n’est pas celle qu’ils ont déterminé pour elle. Et pourtant, elle éclate en sanglot, cachant son visage dans ses mains tremblantes. Le monde semble s’écrouler autour d’elle…

- C’est eux…

Qui d’autre ? Qui pouvait être aussi cruel ? Qui pouvait tuer un enfant qui n’était même pas encore né ? Elle n’a pas la moindre preuve mais ça sonne comme une évidence malgré la félure qu’on entend dans sa voix. Ils l’avaient déjà prouvé. Avec Cilian. Avec Elio.

Elle voudrait expliquer à James. Elle voudrait lui raconter. Lui dire tout ce qu’il ne peut pas deviner. Elle le ferait. Mais elle avait trop de désespoir à arracher à son âme.

Quelle horrible vérité. Elio n'avait pas été présent lorsque Juliet avait perdu son bébé. Il n'avait appris qu'une fois réconciliés, qu'elle était tombée enceinte de Jolan et qu'elle avait ensuite fait une fausse couche. Il l'avait cependant accompagné par la suite, à reprendre confiance en elle, en eux. Et aujourd'hui, ils apprenaient que ce n'était pas une fausse couche d'origine naturelle. La main posée sur le ventre de Juliet, Elio avait la gorge serrée.

Il vit James apporter un sucre à sa soeur, toujours en maîtrisant ses émotions. Elio sentait son coeur cogner dans sa poitrine, le stress l'envahissait. En était-il de même pour le Blackthorn ? Celui-ci se mit à hauteur de la douce Juliet et lui promit vengeance. Le regard qu'il avait là lui fit froid dans le dos : un regard froid, de tueur. Il semblait au courant pour la fausse couche de Juliet mais à quel point ? Savait-il qu'Elio avait été son petit-ami mais qu'il n'était pas le père de ce foetus ? Était-il au courant pour l'agression ? Se pouvait-il qu'il ait été aussi derrière ceci ? Ce regard ne lui inspirait aucunement confiance.

Juliet éclata en sanglots. Il ne pouvait en être autrement et Elio savait que cela arriverait. Mais la voir ainsi, même s'il s'y attendait, lui serrait atrocement le coeur. Elle échangea quelques mots avec son frère. Qui ça "eux" ?

"A qui penses-tu Juliet ?"

Elio n'eut pas de réponse. Si elle savait qui avait fait ça, il ne fallait pas se taire ! Si elle avait le moindre soupçons sur des personnes, il fallait qu'elle parle ! A moins que...A moins qu'elle ne puisse pas, par crainte ?

"Ne me dis pas que tu penses à tes parents ?!"

Elio s'était levé d'un bond, ayant la désagréable sensation d'avoir reçu une décharge électrique.
Comment pouvait-elle penser à eux pour une chose pareil ? S'en prendre à lui parce que c'était un sang-mêlé, il avait intégré leur dangerosité mais de là à ce qu'ils s'en prennent à leur propre fille ? C'était complètement fou !!
Juliet était prise par les sanglots alors Elio chercha dans le regard de James un apaisement. Il attendait qu'il lui dise que ce ne pouvait pas être "eux".

@Juliet Blackthorn @James Blackthorn

- James…

Le ton de ta cadette, suppliant presque, juste avant qu'elle n'éclate en sanglots, te vrille le coeur. Tu fermes un instant les yeux, la mâchoire serrée. Plus encore que tes propres souffrances, celles de tes proches te sont particulièrement insupportables. Et ça te vrille le coeur de voir ton rayon de soleil dans un tel état. Quelques semaines auparavant, c'est elle qui te ramassait en larmes après que tu as tenté de disparaître de la circulation pour seulement te rendre compte que tu n'étais définitivement pas capable de vivre loin de ta meute. Cette fois, la situation se trouve inversée, à ton plus grand regret. Si tu pouvais prendre sa souffrance à sa place, clairement, tu n'hésiterais pas une seconde.

- C’est eux…
"A qui penses-tu Juliet ?"

Sa voix brisée éclate un peu plus ton coeur trop mou. Le silence pèse lourd à cet instant, seulement coupé par les pleurs de ta soeur. Ton regard s'est coulé vers Elio, surpris cependant de sa question. Le doute pouvait-il réellement subsister dans son esprit, lui qui avait pourtant été aux premières loges de la cruauté de leurs parents ?

"Ne me dis pas que tu penses à tes parents ?!"

La réalisation lui fait l'effet d'un électrochoc et il se lève d'un bond. Toi tu n'as pas bougé, observant ses réactions aux antipodes des tiennes, en apparence inexistantes. En apparence seulement, parce qu'intérieurement, t'as l'impression que ton sang bouillonne dans tes veines, prêt à te faire imploser.

- C'est une possibilité, confirmes-tu d'une voix on ne peut plus neutre, sans toutefois te montrer trop catégorique. Au vu de la situation, j'imagine bien qu'aucun d'entre nous n'a de preuve.

Une demi-seconde de silence et tu ajoutes.

- Pour le moment. Mais je te jure devant la triple lune que j'aurai le fin mot de l'histoire. Même si tout ça est très flou pour moi pour l'heure...

Une manière édulcorée de signifier que tu auras besoin d'en savoir davantage sur cette épreuve dont tu n'appréhendes que des bribes pour l'heure. Quand elle sera prête à en parler, cependant, et tu ne souhaites clairement rien forcer. Tu serais le premier à te murer dans le silence si on tentait de te tirer les vers du nez, tu n'as clairement pas l'intention de brusquer ta si précieuse Sunshine. Mais t'es prêt à lui assurer ta présence, et ton écoute, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

C’était eux. Bien sur que c’était eux. Juliet les aurait désigné aussitôt si elle avait eut la force ne serait ce que de les pointer du doigt. Qui d’autre ? Qui aurait pu signer pour un acte aussi monstrueux ? Elle ne voyait personne d’autre capable d’une telle ignominie. Si James a compris l’accusation aussitôt, il faut plusieurs secondes pour Elio et une question a laquelle elle n’aura pas la force de répondre, pour faire le lien.

Bien sûr qu’elle pensait à ses parents. Ou a son oncle. Ou a sa tante. N’importe quel Blackthorn ayant dépassé la quarantaine pourrait être à l’origine de cet empoisonnement. Sauf peut-être sa mère… Et même si elle comprend le geste de retrait d’Elio, qui se lève subitement et s’arrache à l’étreinte de leurs mains, elle ne prétendrait pas que ce geste ne lui fait rien. Elio qui ne voulait plus rien à voir à faire avec les Blackthorn se retrouvait encore, bien malgré lui, bien malgré elle, au coeur de la tourmente de l’épine noire.

Sans trop savoir pourquoi, elle se redresse et s’assoit de nouveau. Elle avance ses coudes sur ses genoux et de nouveau enfouit ses mains dans son visage. Les larmes coulent encore tant la violence de la nouvelle est rude, mais le choc et les sanglots sont passés. Soudainement, lui vient l’envie de tout brûler. Tout. Réduire en cendre ce monde au sein duquel rien n’arrêtera ses géniteurs. Si la corde était entrain de lâcher par l’agression d’Elio, l’aspect infiniment définitif de sa fausse couche avait achevé de rompre toute attache.

La voix de James est douce et l’insinuation n’échappe pas à sa cadette. D’un geste presque mécanique, elle efface les larmes qui ont creusé des sillons sur ses joues. Elle relève le visage et avant toute chose, elle darde un regard navré sur Elio :

- Je… Tu n’es pas obligé de rester, si tu n’en a pas envie. J’imagine que ça te rappelle des souvenirs difficiles autant qu’à moi.

Elle ne veut pas lui imposer ça. Pas encore. Pas alors qu’il a fait le choix à la fois pleutre et courageux que de laisser tout ce malheur derrière lui. Mais il faut qu’elle parle à James. Parce qu’elle lit mille questions dans ses yeux gris acier. Et que de toute façon, il faudra qu’elle en parle à Nullus. Et a Prima également.

- Je suis tombée enceinte en mai, il y a deux ans. C’était un accident. Prima est au courant, elle m’a accompagnée dans une clinique médicomagique en Suisse afin d’avorter mais je n’ai pas pu… J’avais décidé de garder le bébé depuis à peine quelques semaines quand j’ai… quand je l’ai perdu. Lucrèce a prit soin de moi pendant l’été et… et Elio… Il m’a aidé à vivre avec. Ou plutôt sans.

La voix de la douce Blackthorn était éraillée par la douleur mais elle essayait malgré tout de mettre les mots justes. Elio avait été un phare dans une nuit sans lune. Sans lui, elle ne sait pas comment elle aurait pu remonter la pente il y a presque deux ans de cela. Et aujourd'hui, elle avait de nouveau l'impression d'avoir été jetée de cette falaise. Son regard se pose de nouveau sur le médicomage et on peut y lire toute la reconnaissance qu'elle n'est pas capable d'exprimer verbalement.