Le 14 février était un mercredi, et avec les cours à l’université, je ne pouvais pas quitter Inverness pour voir ma famille. Néanmoins, j’avais quand même fêter ça avec mon frère et ma sœur, quelque chose de très simple, dans l’appartement où je vivais. Je dis simple car pour nous les de Gray ce n’était pas forcément les grands dîners qui comptaient, c’était surtout de passer du temps en famille, et même si notre père était un peu plus traditionnaliste que notre mère, nous évitions toutes les obligations que comptaient les familles de sang-pur. En même temps, nous n’en faisions pas partie, au grand dam de mon grand-père. Je ne m’étais même pas embêté à cuisiner, mais j’avais commandé un plateau de fruits de mer pour nous trois, livré directement depuis Oléron en Charente-Maritimes. Un petit clin d’œil à nos origines. Et surtout, j’avais fait le barista toute la soirée, avec des cocktails enchantés. Ils avaient tous les deux tenus à me faire un cadeau le jour même, même si nous allions refaire un repas plus traditionnel avec nos parents le week-end suivant. Victoire me fit sourire avec douceur par son cadeau, c’était un recueil de poèmes du 19ème siècle délicieusement relié. Je n’étais pas forcément le plus grand littéraire de la famille, je lui laissais cette place, mais ses cadeaux étaient toujours doux et remplis de sensibilité. J’avais été davantage surpris du cadeau de Louis, qui était quand même plus bourru que notre sœur, tenant davantage de notre cousin Marcus que de notre côté. Je me serais attendu, de sa part, à deux billets pour aller voir une compétition sportive, mais non, ce fut un galet en forme de cœur qui soupirait les désirs de la personne qui le recevait. J’avais toujours eu du mal à communiquer mes émotions, que ce soit en général ou avec lui, mais je voulais lui témoigner mon réel remerciement et l’avais pris dans mes bras. Une façon un peu gauche de lui montrer mon affection sincère, chose rare avec Louis.

D’autant plus quand toute notre famille était réunie. Quand il y avait nos cousins et cousines, Louis traînait souvent avec Marcus pour parler quidditch, et Lucrèce avec Victoire, j’étais l’aîné et parfois je m’étais déjà senti en décalage, comme si j’avais vieilli trop vite, préférant alors discuter avec mon grand-père et mon père des affaires de l’entreprise de métallurgie magique que la famille possédait. Mais ce dimanche, nous n’étions que tous les cinq. Louis et Victoire seraient sûrement déjà là à mon arrivée, j’avais pris du retard dans la préparation de mon sac pour le week end. Et en effet, alors que je passais le pas de la porte de la demeure de famille, une maison de maître assez bourgeoise en région parisienne, ressassant mes souvenirs d’enfance, j’entendais distinctement la voix cristalline de ma sœur qui discutait avec notre père, tandis que notre mère descendait les escaliers, depuis l’étage. Son visage se fendit d’un large sourire à ma vue, et tandis que je laissais choir mon sac au sol, je la pris affectueusement dans mes bras. Elle m’avait manqué. Les démonstrations d’affection me gênaient toujours autant, mais c’était ma famille, je savais qu’ils aimaient ça.

Il ne faut pas pleurer maman, c’est jour de fête aujourd’hui non ? Dis-moi, je suis le dernier comme d’habitude ?

"Je suis juste tellement heureuse de te voir mon fils adoré. Oui, Victoire vient d’arriver, elle est dans le salon avec ton père, et Louis est arrivé juste avant elle, il se change là-haut. Si tu veux, tu peux te faire un brin de toilette avant de nous rejoindre au salon ?"

Ma mère insinuait-elle que je puais ? Peut-être, mais elle était bien trop digne pour le dire ainsi, elle avait trop de retenue. Je devais sûrement sentir le soufre, comme souvent avec mes expériences alchimiques. Et en effet, alors que je rejoignais ma chambre, je m’aperçus que le bout de mes doigts était encore noir de ce matin. Cette chambre sentait la fleur de lys, et en effet un bouquet y était disposé dans un coin, près de la fenêtre. Les odeurs du foyer. Il était encore tôt, alors je pris rapidement une douche avant de mettre une tenue plus convenable, à savoir un chino bleu ciel et une chemise blanche. Si on était attentif, on pouvait apercevoir la médaille dorée qui pendait à mon cou, avec les armes de la famille de Gray. Je sentis plus que je ne vis l’ombre qui passait devant ma porte entrebaillée.

Bah alors frangin tu ne dis plus bonjour ?