Le Blue Love’s Day était dans quelques jours, et je ne savais toujours pas quel statut donner à ma relation avec Malcom. Nous n’étions pas réellement ensemble, enfin… Je ne le pensais pas, pourtant, mais nous n’étions pas non plus réellement séparés. C’était bizarre. Peut-être parce que c’était la première fois que j’éprouvais des sentiments forts pour un garçon, peut-être parce que je comparais à la relation que ma sœur avait eue pendant huit ans avec Gideon, ou à celle qu’Autumn avait avec Vindictus. Ce n’était pas pareil. Nous étions loin de passer tout notre temps libre ensemble, de nous écrire des petits mots doux, ou autre. Non… A part la sortie au bal, nous ne sortions pas réellement en public. Si j’avais cru que cela changerait beaucoup après le bal, il n’en avait rien été, et je ne savais pas si j’en étais triste, ou… Emoustillée, d’une certaine façon. Parce que ce que nous avions était jalousement gardé comme un secret… Dont il avait honte ? Je ne l’espérais pas. Peut-être avait-il besoin d’autre chose que de quelques baisers, pour… Non… Je savais depuis longtemps qu’il n’était pas le genre de garçon qui s’attache. Au contraire. En général, il se lassait vite. J’avais pu le constater lorsqu’il était encore à Poudlard et je pouvais être heureuse qu’il ne se soit pas encore lassé de moi. Mais, même moi, j’aspirais à plus, entre nous. Depuis la nuit d’Halloween, je luttais pour ne pas le montrer. Mais…
 
Je regardai la salle autour de moi. Celle des thermes. Je ne savais pas si j’avais eu une bonne idée de lui donner rendez-vous à cet endroit-là, mais je ne pouvais pas passer ma vie à fuir mes désirs les plus intimes, ce n’était pas possible. Et pourtant, j’étais inquiète. Inquiète que ce soit la seule chose qu’il attende de moi avant de se lasser. Que cette attente soit ce qui le retenait auprès de moi. J’avalai ma salive avec peine alors qu’une boule se formait dans ma gorge. Allait-il venir ? C’était que je me sentais ridicule, dans mon petit peignoir de bain, avec juste un maillot de bain deux pièces en dessous. J’étais tellement nerveuse que je ne savais plus si j’avais indiqué la bonne heure, ou une heure plus tardive. Normalement, c’était bon. J’avais choisi, exprès, une heure à laquelle les gens étaient déjà couchés, pour que personne ne puisse nous surprendre, quoiqu’il se passe ici. Il ne me restait plus qu’à espérer ne pas attendre en vain… Mais non. Je ne tardai pas à voir la poignée tourner, et son visage apparaître. Je me mis à rougir, sans pouvoir me retenir alors que, les mains tremblantes, j'ouvrai mon peignoir et le laissai glisser au sol. « Tu me rejoins dans l'eau?»

Ce n’étaient pas uniquement mes mains, qui tremblaient, mais tout mon corps alors que je me tenais debout devant lui et que j’ouvrai les pans de mon peignoir pour me révéler dans ce qui était presque le plus simple appareil. Nous n’avions pas encore échangé un mot, mais je sentais ma bouche s’assécher tant j’appréhendais sa réaction. Son sourire doux me rassura, sans pour autant enlever de mon appréhension, puis je me glissai rapidement dans l’eau après l’avoir invité à me rejoindre. Je crus, un instant, qu’il allait faire demi-tour. Mais il n’en fit rien, bien au contraire. Il s’approcha de l’eau, se déshabillant en chemin pour ne garder que son propre maillot. J’avalai ma salive avec difficulté en le regardant faire, consciente que s’il ne m’avait jamais vue aussi dénudée, la réciproque était vraie et je ne pouvais dire qu’une chose : j’appréciai ce que je voyais. Détournan le regard pour ne pas qu’il voit l’effet qu’il me faisait, je commençai à nager dans ce bain qui ressemblait plus à une piscine qu’autre chose avant de m’arrêter en sentant les remous provoqués par sa descente dans l’eau. De nouveau, je me tournai vers lui pour lui faire face et le regarder approcher moi, mon cœur accélérant à chaque pas qu’il faisait. Comme en miroir, je repoussai mes longues mèches trempées de mon visage et fermai machinalement les yeux, appuyant ma joue contre ses doigts lorsqu’il me caressa le visage. « Il faut bien que la souris te réserve encore quelques surprises… Sinon, tu te lasserais… » répondis-je avant de me mordre la lèvre inférieure. Je n’aurais pas dû dire ça. Je n’avais même pas l’intention de dire ça. Je m’apprêtais à détourner le regard quand il me vola un baiser et me rapprochai à me plaquer contre lui lorsqu’il posa sa main sur mes hanches.
 
"Et sinon, tu voulais me voir pour quelque chose en particulier? Avoue que tu ne peux plus te passer de moi?" Je rougis, sans pouvoir me retenir et posai mon front contre son torse pour le cacher, savourant la proximité entre nous deux. Après un instant de flottement, mes mains vinrent se glisser entre ses bras et son corps pour se refermer dans son dos, nous plaquant un peu plus l’un contre l’autre. J’évitai de répondre à sa question. Ou, du moins, je me donnais un délai pour le faire, ne sachant que répondre. Dire les choses crûment, ce n’était pas mon style, surtout que… Je ne connaissais rien de ces choses-là. Par contre, je pouvais répondre à sa deuxième question… Même si j’avais peur de l’effet que cela aurait. « Je… Euh… Peut-être ? » finis-je par dire avant d’oser lever la tête vers lui. J’avais lutté pendant des mois contre ce que je ressentais pour lui. J’avais tâché de l’oublier comme j’avais pu, mais tout me ramenait à lui, sans que je puisse rien y faire. Même si au fond de moi, je savais qu’il n’était sans doute pas parfait – loin s’en fallait – il n’en était pas moins que c’était lui que je voulais, et personne d’autre. Prenant mon courage à deux mains j’ajoutai que : « J’avais envie de passer un peu de temps avec toi, juste tous les deux… » Et à ces mots, je piquai un nouveau fard. Je détachai mes mains pour en ramener une sur son torse que je commençai à effleurer sans réellement avoir de contrôle sur mes gestes, mon cœur battant toujours la chamade. J'aurais tellement souhaité être plus sûre de moi...

D’une certaine façon, j’étais paniquée de cette proximité, de nos corps presque nus, de ce que je voulais faire ce soir. De savoir si j’en étais capable, aussi. Parce que je n’avais qu’une crainte : me dégonfler, le décevoir et le perdre pour de bon. Cette simple idée suffisait en fait à me rendre malade. Là, dans ses bras, je me rendais compte de la place que Malcom avait pris dans ma vie. J’avalais ma salive avec peine, une boule de stress s’étant formée dans ma gorge alors qu’il me disait avoir hâte de voir quelles autres surprises je pouvais bien lui réserver. Il n’y en avait qu’une seule aujourd’hui, et pas des moindres, en fait, et, sans répondre, je me coulais un peu plus dans ses bras pour essayer d’y puiser de la force malgré ma panique grandissante. Tout va bien, Grace. Ca va bien se passer… songeai-je. Sa peau nue contre la mienne me rassurait autant qu’elle me stressait en cet instant et je finis par relever timidement les yeux pour accrocher le regard de ce garçon que j’avais si longtemps cru détester alors qu’il n’en était en fait rien, afin de lui avouer que j’avais envie de passer un peu de temps avec lui, seule à seul. Je vis à sa réaction qu’il comprenait où je voulais en venir et le nœud dans ma gorge se fit un peu plus gros, tandis que je craignais qu’il ne me repousse, considérant que c’était quelque chose qu’il ne désirait pas faire avec moi.

Parce que j’en avais envie et parce que j’étais incapable de me contrôler, mes mains se mirent à explorer son torse, maladroitement, l’effleurant, parcourant le contour de ses tatouages et mon regard timide cherchait le sien. J’avais terriblement besoin de voir, de sentir, de savoir que ce que je ressentais pour lui était réciproque. Et pourtant, j’étais incapable de poser cette question. Parce que je le connaissais bien. Trop bien… Parce que je savais qu’il serait capable de nier, même si c’était vrai, pour ne pas se livrer. Je gardai donc le silence et ses propres mains se posèrent sur mon corps, descendant le long de mes hanches pour s’arrêter au niveau du bas de mon maillot. Il aurait suffi qu’il tire sur les ficelles pour qu’il se fasse la malle au milieu de la baignoire géante. Son simple geste, m’arracha un soupir, libérant la boule qui m’empêchait de respirer. Ma bouche s’ouvrit dans un petit o pour laisser sortir mon souffle tandis que je me retrouvais un peu plus plaquée contre lui pour garder mon équilibre.

Il se pencha alors vers moi, déposant un doux baiser à la base de mon cou tandis que j’emplissais mes narines de son parfum de mâle. Son murmure me fit frissonner. Non de peur, mais d’autre chose : de l’anticipation, du désir, de l’envie alors qu’inconsciemment, je me rapprochai encore, jusqu’à ce qu’il attrape mes cuisses et qu’il me hisse à sa hauteur. Je me retrouvai bientôt la gorge sèche accrochée à lui, mes bras passés autour de son cou. Incapable de répondre quoique ce soit, je le laissai s’emparer de mes lèvres dans un baiser fiévreux que je lui rendis. En cet instant, j’avais envie de ne faire qu’un avec lui. Je ne voulais plus que quoique ce soit nous sépare. J’aurais été bien en peine de dire si j’étais réellement prête, si j’allais le regretter ou non un jour. Je savais que je le voulais, en tout cas. La première fois qu’il m’avait embrassée, il m’avait volé mon tout premier baiser. Là, c’était autre chose que je souhaitais lui donner : moi toute entière. « Je… Oui… » furent les seuls mots que je pus balbutier d’une voix rauque avant de plaquer littéralement ma poitrine conte son torse en resserrant la prise de mes jambes et celle de mes bras. Je ne l’étouffais pas, je n’en aurais pas été capable quand bien même j’en aurais eu la force. Mais je craignais tellement qu’il ne me dise stop…

Ce moment, j’étais partagée entre terreur et excitation à l’idée de le vivre, et avec lui. Qui aurait cru, des mois plus tôt qu’après m’avoir volé mon premier baiser, je lui offrirais autre chose… Pas moi. Si on me l’avait dit, je n’y aurais jamais cru. Et pourtant, j’étais là, face à lui, prête à lui offrir tout ce que j’avais. J’avais tellement d’espoirs, d’envies, de… "Hésite pas à me dire stop quand tu veux, hein..." « Il n’y aura pas de stop… » répondis-je dans un souffle, faussement assurée quand même. J’avais tellement peur de me dégonfler au dernier moment ! C’était que c’était un grand pas que je m’apprêtais à franchir à cet instant. J’eus un léger hoquet de stupeur lorsqu’il détacha le haut de mon maillot de bain, nous mettant à égalité comme il le disait si bien. Une partie de moi était terrorisée autant que l’autre était excitée et, si j’avais envie de faire demi-tour, de m’enfuir parce que j’avais peur, je n’en fis rien, décidée à franchir ce pas qui me transformerait définitivement en adulte et ferait évoluer nos rapports autrement… Vers une tournure plus officielle, du moins, c’était ce que j’espérais.

[…] De fait, il n’y avait pas eu de stop. Il avait été doux, à sa façon, comme toujours. Pourtant, j’avais eu un peu mal. J’avais caché mes larmes, pour qu’il ne regrette pas ce qu’il venait de se passer, et, allongée à ses côtés sur le rebord du bassin, je caressai doucement son torse, pas très certaine de ce que serait la prochaine étape. Finalement, je finis par poser la question qui me trottinait dans la tête depuis un petit moment, et que j’aurais sans doute dû poser avant : « On en est où… Toi et moi… ? » Je me redressai légèrement, posant le menton sur son torse pour l’observer tandis qu’il me donnerait sa réponse. Cœur brisé ? Cœur en joie ? Malcom détenait la réponse qui me libèrerait… Ou pas…

Je me posais des questions. Des tas de questions, alors que ma tête reposait sur le torse de Malcom. Je ne savais pas trop quoi penser de cette première fois. Je m’étais attendue à autre chose, d’une certaine façon. A ne pas avoir mal, déjà. Ce petit pic de douleur que j’avais ressenti au début avait… Comment dire. Ca m’avait bloquée, un peu. Un petit chouilla, en tout cas. Mais j’avais refusé de dire stop, que les choses s’arrêtent là. Et j’avais fini par poser à voix haute cette question qui me hantait depuis des semaines. Depuis des mois, même : depuis qu’il m’avait sauvée à Halloween. Pourtant, je ne dévoilai pas mes sentiments au garçon avec lequel j’étais à cet instant. Ca aurait été un bon moment, pourtant. Mais… Tout dépendrait de sa réponse à la question que je venais de lui poser. "Arrête de te poser autant de questions... Profite, non? Tu me demandes si j'ai envie de te revoir? Oui. Voilà, tu as ta réponse." Déception J’aurais aimé qu’il me réponde que nous étions ensemble, ou quelque chose du genre. Idéaliste, sans nul doute. Romantique ? Sans aucun doute. Fleur bleue ? Oh que oui. Pathétique ? Très clairement à en voir la réponse de l’Ethelred. Il m’adressa un sourire presque tendre, pourtant, comme s’il avait voulu contrebalancer la dureté de ses paroles. J’avais, pourtant, l’impression que nous avions atteint un autre stade, lui et moi.

Je me dégageai tandis qu’il se redressa, lui libérant le chemin, retenant les larmes qui me montaient aux yeux. Je ne voulais pas croire que c’était juste un truc comme ça, pour lui. Je ne voulais pas croire qu’il s’était joué de moi pendant des mois et des mois pour parvenir à cet instant même. Je me relevai à mon tour, cherchant quelque chose pour me couvrir et dissimuler mon corps à sa vue, soudainement honteuse. Comme s’il lisait dans mes pensées, Malcom m’enroula dans une serviette. Nouveau geste qui contredisait ses paroles. Tandis qu’il se rhabillait, je m’essuyai le corps avant de faire de même. J’ouvris la bouche pour poser une nouvelle question que je ravalais. Est-ce qu’il y aura une prochaine fois ? Mais il était déjà là et m’embrassait à nouveau. Tu te fais des idées, Grace… Tu sais pertinemment comment il est… songeai-je, m’auto-flagellant. Comme si… Comme si j’avais tressé moi-même la corde pour me faire battre en l’acculant. « Non… Je… Je vais retourner à mon dortoir, moi aussi… » répondis-je à la porte qui se fermait derrière lui. Je jetai un regard derrière moi, tâchant de voir comment je me sentais après ça, puis quittai la pièce à mon tour, pas si fière de moi que cela de ce qu’il venait de se passer.