(Mercredi 7 octobre)
Dans le calme et la volupté de l’ancienne volière, Alice mordillait la peau entourant l’ongle de son index, entre concentration et ennui. Après avoir passé plus d’une heure à finaliser une dissertation pour son cours de droit magique, elle avait délaissé son quatrième rouleau de parchemin, sans être véritablement satisfaite de la transition entre sa première et sa seconde partie, ce qui la condamnait, probablement, à réécrire à la plume les deux tiers de son projet : l’intervenant chercheur qui leur avait assigné ce devoir était de la vieille, très vieille école, qui méprisait les ordinateurs, surement parce qu’il était incapable de comprendre cette Sorcellerie, et ne jurait que par le papier et l’encre noire qui casse le poignet et ne pardonne aucune rature. Elle avait rangé le tout dans son sac au sigle à peine visible d’une marque de maroquinerie italienne hors de prix, pour en ressortir une pochette de cuir vert d’émeraude gravé de son prénom et d’une autre inscription : « Club de Duel ». Si elle avait réussi à se discipliner à tenir la comptabilité des nymphes à la demi virgule près, avant tout pour éviter de mettre Lys et Susan en difficulté, en ce début d’octobre, elle avait pris un peu de retard de la préparation de son prochain cycle d’entrainement pour le club de duel qu’elle co… Qu’elle vice-présidait. Rien de bien sorcier, en réalité, elle s’inspirait la plupart du temps assez largement de ce que lui avait infligé Oscar dès les premières années de l’adolescence, polissait un peu le tout, et le proposait à son groupe composé de combattants intermédiaires. Elle ne s’occupait des débutants que rarement, très rarement, et il ne manquait parfois qu’un petit rien du tout à ses pairs pour s’agripper au haut du panier : à celle-ci, un peu d’audace, à celui-là, un peu de modestie, à celle-là encore, un grain de folie ou d’imagination. C’était ça, qu’elle devait réussir à agripper au fond de chacun, pour le tirer à l’extérieur … Pour mieux les faire imploser, et qu’ils aillent faire mordre la poussière aux vieux briscards de septième, huitième ou dixième années qui trustaient le haut du tableau de classement où Evan Wakefield régnait en maitre absolu depuis des semaines, des mois.
Après s’être resservie une tasse d’un café à peu près décent (et pour cause, c’était du café éthiopien qu’elle avait ramené elle-même dans cet antre de buveuses de thé), Alice s’était installée sur le gros canapé bleu canard de velours, son crayon à papier entre les dents. Elle se redressa un peu, délassant ses épaules et sa nuque rendus raides par la concentration et l’inertie prolongée, avant de se saisir du premier feuillet dans la pochette, celui de ses quelques summerbees. Un petit post it un peu froissé tomba sur son collant noir, sa face collante s’aggripant sur les fibres dans un bruissement à peine perceptible malgré le calme absolu de l’endroit. Alice le rattrapa entre deux doigts, sans effort pour reconnaître l’écriture dont elle avait appris à déchiffrer les pleins, les déliés, les ratures et même, parfois, les hésitations. Elle sourit, relisant un trait d’esprit qui l’avait déjà amusé, la première fois, avant de se remettre à la lecture des dossiers, reprenant ses propres annotations sur les points forts et faibles de chaque duelliste. C’était un peu ingrat, pas toujours intéressant, mais indispensable pour former des groupes d’émulation efficace, et pas juste des copains qui se lancent deux ou trois sorts entre deux bavardages. Elle relia la fiche de Timothy à celle d’Adalia quand le carillon de l’entrée de la verrière lui annonça qu’elle ne serait bientôt plus seule. Elle écarta une mèche derrière son oreille, curieuse de découvrir laquelle des nymphes viendrait troubler son esprit studieux, un mercredi à une heure entre chien et loup.
- Hi Awa, ça fait longtemps … Je t’imaginais enfermée dans un grenier, enchainée à une machine à coudre ou menottée à un bolduc.
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Everything you want is on the other side of fear ~Awalice [fini]
Your concealer be creaseless
& wing liners sharp enough to kill. Amen.
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Re: Everything you want is on the other side of fear ~Awalice [fini]
Your concealer be creaseless
& wing liners sharp enough to kill. Amen.
Tempête passée, éclats de verres et de voix retombés, Awa se demandait parfois comment elle faisait pour encore avancer. La lumière dans son cœur s'était éteinte, brisée, enfermée, envolée dans la noirceur, rongée. Could it be it ? Could the last bit of my innocence be gone forever, tied to the sweet taste of my liberty ? Elle s'était perdue dans les volutes de la tentacula, sens déliée dans ls liqueurs et les rires, les fantaisies, entre les soirées trop réelles et les faux semblant trop ancrées. Elle s'y perdait, nageant dans l'ivresse, loin des regards, de la réalité, des fils tenant ses épaules, de sa fausse identité.
Pourtant elle devait continuer, s'enchaîner aux masques, feindre les sourires, être la parfaite poupée. Quiet, velvet, soufflait son frère à son oreille, the time will come. Patience, disait-il, œil du jugement planté directement dans son âme. Alors en foulant les pierres de l'université, elle souriait, regard hautain, épaules droites, apparence parfaite.
Qui y verrait la douleur loin, caché au fond des yeux, qui oserait le lui dire, qu'elle semblait encore plus vide ? Les cours terminés, ses pas se dirigèrent vers l'immense volière. Soleil se jouant du verre, plonge l'endroit d'une délicate couche d'or et le tintement du carillon offre à Awa le signal. Sécurité. Ses épaules se détendent légèrement et un long soupire passe ses lèvres alors qu'elle détache ses long cheveux, lisses, alors que la voix d'Alice remplit l'espace. « Hi Awa... ça fait longtemps. Je t'imaginais enfermée dans un grenier, enchaînée à une machine à coudre ou menottée à un bolduc. » Ses lèvres affichèrent un sourire ironique alors qu'elle répondait avec lassitude, ne retenant, pour une fois, pas ses mots. « Oh, si seulement. Le bolduc serait sûrement plus doux que le putain de karma du moment. Qu'il vienne me rendre visite dans ma cage dorée. »
La blackthorn s'approcha du canapé en velours, déposant son manteau sur un des grands fauteuils à ses côtés « Tu travailles sur quoi ? » son regard s'arrêtant un instant sur les dossiers qu'elle tenait sur ses genoux avant de sonder la table basse à la recherche d'une théière, grimaçant à la vue de l'or noir, « ugh, toi et ton café... » souffla t-elle avec un petit sourire en tournant les talons pour se préparer une tasse de thé.
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Re: Everything you want is on the other side of fear ~Awalice [fini]
Your concealer be creaseless
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(Mercredi 7 octobre)
L’ancienne volière avait cela de particulier qu’elle n’était réservée qu’à un tout petit groupe de sorcières, dont les mauvaises langues diront qu’elles ont été triées sur le volet selon des critères physiques et généalogiques draconiens. Les mauvaises langues n’auraient peut être pas tout à fait tort, car l’intronisation d’une nouvelle venue était un fait rare, et les candidates devaient montrer patte blanche à bien des égards… Oh, elles n’avaient jamais refusé qui que ce soit pour la simple raison qu’elle était de sang mélée, ou même née moldue, mais disons qu’elles n’en demeuraient pas moins … intransigeantes. Et il s’était avéré avec le temps que seules les jeunes femmes les mieux nées avaient eu le cuir assez solide pour résister aux interrogatoires âpres et au subtil bizutage des nymphes les plus chevronnées. Tout cela pour dire qu’en dehors des réunions de l’association féminine et féministe, il n’y avait rarement plus d’une demi douzaine de personnes dans la pièce décorée avec soin et bon goût. C’était cela qu’Alice préférait : une communauté restreinte, une compagnie réduite et triée sur le volet, avec qui elle pouvait deviser sans avoir à faire l’effort de paraître intéressée par les platitudes des gens d’un autre rang : toutes les nymphes avaient leurs passions, leurs caractères, et il n’y en avait aucune qu’elle détesta vraiment. Quant à Awa, c’était encore différent : Alice appréciait sincèrement la Blackthorn, rare camarade au teint sensiblement plus intéressant que les pâles et nobles laitières les entourant.
- Le Karma, rien que ça ? Si c’est le karma, ça voudrait dire que tu l’as bien cherché, et tu ne serais pas du genre à t’attirer le mauvais œil volontairement, hm ? Tu ne te serais pas faite maudire par une jalouse, plutôt ?
Elle replia ses jambes sous ses fesses, lui laissant le loisir de s’installer non loin, si elle le souhaitait.
- Je prépare mes appariements pour le club de duel. J’essaye de mettre les duellistes de mon groupe avec un adversaire complémentaire, pour progresser vite et bien. Certains rechignent à la nouveauté et de croiser la baguette avec un bretteur qu’ils ne connaissent pas mais hey, il faut savoir sortir de sa zone de confort de temps à autre… Et un peu de respect pour mon café, d’autant que la mouture qui reste de mes extractions fait un gommage miraculeux pour les mines fatiguées. Ça a sauvé quelques vies ici.
Elle sourit, de son sourire de chatte qui rehaussait ses pommettes et découvrait ses dents pointues, mais sans méchanceté.
- Qu’est ce qui t’arrives … ?